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Décisions

CA Paris, Pôle 4 - ch. 10, 26 septembre 2024, n° 21/10949

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 21/10949

26 septembre 2024

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 10

ARRÊT DU 26 SEPTEMBRE 2024

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/10949 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CD3EA

Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Avril 2021 - Tribunal judiciaire de FONTAINEBLEAU RG n° 19/00158

APPELANTE

S.A. APRIL, venant aux droits de la société APRIL PREVOYANCE SANTE radiée par suite de transmission universelle du patrimoine de la société à l'associé unique à compter du 31/12/2020, elle-même venant aux droits de la société APRIL INTERNATIONAL, agissant poursuite et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège,

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Emmanuel JARRY de la SELARL VIGY LAW, avocat au barreau de PARIS, toque : P0209

Assistée à l'audience de Me Anne-florence RADUCAULT de l'AARPI BIRD & BIRD AARPI, avocat au barreau de LYON, toque : 1700

INTIMÉE

S.A.S. OSENAT, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée et assistée par Me Catherine EGRET de la SELAS PORCHER & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : G0450, substituée à l'audience par Me Charlotte POIVRE de la SELAS PORCHER & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été plaidée le 13 Juin 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Florence PAPIN, Présidente

Madame Valérie MORLET, Conseillère

Madame Anne ZYSMAN, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Anne ZYSMAN dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Catherine SILVAN

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Valérie MORLET, Conseillère pour la Présidente empêchée et par Ekaterina RAZMAKHNINA, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

***

EXPOSE DU LITIGE

Suite à un litige ayant opposé la société April international à M. [X] [W], un protocole transactionnel a été conclu le 31 mars 2017 aux termes duquel M. [W] s'est engagé à rembourser des sommes prélevées indûment au détriment de la société April international, pour un montant total de 2.719.071,44 euros.

Selon ce protocole, les remboursements devaient s'effectuer comme suit : « 500.000 euros d'ici le 30 juin 2017, 550.000 euros supplémentaires d'ici le 29 décembre 2017, 550.000 euros supplémentaires d'ici le 29 juin 2018, 550.000 supplémentaires d'ici le 28 décembre 2018 et le solde d'ici le 28 juin 2019 ». Les paiements devaient s'effectuer à partir d'un compte Carpa ouvert au nom de M. [W] par son conseil sur le compte Carpa ouvert au nom de la société April international par son conseil.

En vue de l'exécution de ce protocole d'accord, M. [W] s'est engagé à mettre en vente plusieurs de ses véhicules dont la liste a été annexée. Concomitamment à la signature du protocole, un gage sans dépossession, non publié, sur tous les véhicules figurant à l'annexe, devait être signé entre les parties et les fonds provenant des ventes devaient être versés sur le compte Carpa de la société April international.

Le 22 février 2018, M. [W] a donné mandat à la société Osenat de vendre vingt et un véhicules de collection lui appartenant lors d'une vente aux enchères publiques prévue le 14 avril 2018.

N'ayant pas réceptionné le produit des ventes intervenues, la société April international a sollicité et obtenu l'homologation du protocole transactionnel suivant ordonnance rendue le 12 juin 2018 par le président du tribunal de grande instance de Lyon.

En vertu de cette ordonnance, la société April international a fait signifier à la société Osenat, par acte du 13 juillet 2018, un procès-verbal de saisie-attribution pour obtenir paiement de la somme en principal de 2.556.000 euros. La société Osenat a indiqué à l'huissier ne détenir pour le compte de M. [W] que la somme de 33.440 euros qui a été versée à la société April international.

Par courrier recommandé du 25 juillet 2018, la société April international a mis en demeure la société Osenat de lui fournir toutes explications utiles quant au sort du produit de la vente aux enchères du 14 avril 2018, d'environ 200.000 euros, auquel s'ajouteraient 122.000 euros au titre des véhicules vendus hors enchères, lui rappelant que selon le protocole d'accord homologué, la totalité du produit de la vente devait être reversé sur un compte Carpa, cet engagement ayant été dénoncé à la maison de ventes le 3 avril 2018 et les références du compte Carpa communiquées à M. [K] [J].

Par courrier en réponse du 27 juillet 2018, la société Osenat a demandé communication des documents fondant la demande, et notamment l'engagement de M. [W] qui aurait été dénoncé à Maître Osenat le 3 avril 2018, indiquant qu'à sa connaissance, M. [J] n'appartenait pas à la société Osenat.

Puis, par courrier recommandé du 14 novembre 2018, la société April international a mis en demeure la société Osenat de lui verser la somme de 24.840 euros au titre de la saisie-attribution diligentée le 13 juillet 2018 outre celle de 186.243 euros au titre des sommes non versées sur le compte Carpa dédié malgré l'engagement de la maison de ventes et le mandat donné par M. [W].

Les parties n'étant pas parvenues à trouver une issue amiable à leur litige, la société April international a fait assigner la société Osenat devant le tribunal de grande instance devenu tribunal judiciaire de Fontainebleau, par acte du 17 janvier 2019, en paiement sur le fondement de la responsabilité du commettant du fait de son préposé (article 1242, alinéa 5, du code civil) et, subsidiairement, du mandat apparent (article 1994, alinéa 1, du même code).

En cours de procédure, la société April prévoyance santé est venue aux droits de la société April international suite à une opération de fusion-absorption intervenue le 31 mars 2020.

Par jugement rendu le 7 avril 2021, le tribunal a :

- déclaré le jugement opposable à la société April prévoyance santé venant aux droits de la société April international,

- débouté la société April prévoyance santé venant aux droits de la société April international de l'ensemble de ses demandes,

- condamné la société April prévoyance santé venant aux droits de la société April international à verser à la société Osenat la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société April prévoyance santé venant aux droits de la société April international aux entiers dépens dont distraction au profit de la Selarl Bourbon-Busset-Boisanger au titre de l'article 699 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision.

Par déclaration du 11 juin 2021, la société April, venant aux droits de la société April prévoyance santé par suite d'une transmission universelle de patrimoine à l'associé unique à compter du 31 décembre 2020, a interjeté appel de ce jugement.

Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 8 septembre 2021, la société April demande à la cour de :

Vu l'article 1303 du code civil,

Vu l'article 1242, alinéa 5, du code civil,

Vu l'article 1994 du code civil,

Vu l'article 1240 du code civil,

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

- Infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Fontainebleau en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau :

1. Sur les sommes non versées à la société April en dépit de la confirmation écrite de M. [J]

A titre principal,

Vu l'article 1242, alinéa 5, du code civil,

- Juger que la société Osenat est responsable en tant que commettant des fautes commises par M. [J], préposé, des engagements pris par ce dernier pour son compte,

- Condamner en conséquence la société Osenat au paiement de 186.243,15 euros au titre des sommes non versées sur le compte CARPA dédié, malgré l'engagement de la société Osenat et le mandat donné par M. [X] [W] concernant la vente aux enchères du 14 avril 2018,

A titre subsidiaire, et si par impossible, le tribunal (sic) devait considérer que M. [J] n'appartenait effectivement plus à la société Osenat au moment des faits,

Vu l'article 1994, alinéa 1, du code civil et la théorie du mandat apparent,

- Juger que la société Osenat a entretenu à l'égard des tiers, et notamment de la société April, la croyance légitime que M. [J] avait le pouvoir d'établir des actes pour son compte et l'engager valablement, ce qui est de nature à engager sa responsabilité civile délictuelle sur le fondement de la théorie du mandat apparent,

- Juger que la société Osenat est solidairement responsable du fait de son mandataire, M. [J],

- Condamner en conséquence la société Osenat au paiement de 186.243,15 euros au titre des sommes non versées sur le compte CARPA dédié, malgré l'engagement de la société Osenat et le mandat donné par M. [X] [W] concernant la vente aux enchères du 14 avril 2018,

2. Sur les retenues injustement déduites des paiements effectués par la société Osenat

Vu les frais de retrait d'un montant total de 14.340 euros venus en déduction de la facture n°780/M7450 relative à la vente du 17 juin 2018 dont l'entier montant devait être reversé à la société April en vertu de la saisie-attribution du 13 juillet 2018,

- Juger que ces frais de retrait ne sauraient être justifiés dès lors qu'ils concernent i) un véhicule Bentley n'appartenant pas à M. [X] [W] et qui, en tout état de cause, a bien été vendu, ainsi que ii) des frais de non-présentation relatifs à quatre véhicules concernés par une autre vente que celle du 17 juin 2018, et ayant déjà donné lieu à paiement,

Vu les frais de transport d'un montant 4.414,80 euros imputés sur les factures n°770/M7450 et n°770/M7579 du 11 mai 2018,

- Juger que ces frais de transport ne sont pas justifiés quant à leur montant,

- Juger en tout état de cause que ces frais divers constituent des retenues injustifiées opérées par la société Osenat au détriment de la société April et peuvent être assimilés à un enrichissement injustifié,

En conséquence,

- Condamner la société Osenat à payer à la société April, créancière de M. [X] [W], l'intégralité des sommes susvisées, soit un total de 18.754,80 euros,

3. Sur les frais irrépétibles et les dépens

- Condamner la société Osenat à verser à la société April la somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner la société Osenat aux entiers dépens.

Poursuivant l'infirmation du jugement qui a rejeté ses demandes en paiement, la société April recherche la responsabilité de la société Osenat du fait de l'absence de versement de la somme de 186.243,15 euros sur le compte Carpa dédié malgré l'engagement pris par cette dernière et le mandat donné par M. [W] concernant la vente aux enchères du 14 avril 2018. Elle fonde sa demande, à titre principal, sur la responsabilité dont est tenu le commettant du fait de son préposé en application de l'article 1242, alinéa 5, du code civil en soutenant que la société Osenat, en sa qualité de commettant, est responsable de la mauvaise exécution des ordres de paiement sur le compte Carpa dédié par l'un de ses préposés en la personne de M. [J].

Elle précise que le fait que M. [W] ait modifié l'ordre de versement auprès de la société Osenat ne saurait suffire à exonérer cette dernière de sa responsabilité et que cette modification soudaine des modalités de versement des fonds aurait au contraire dû la conduire à solliciter des explications auprès de la société April, sauf à se rendre complice des agissements de M. [W] qu'elle n'a pas pris la peine d'interroger concernant ce changement. Elle ajoute que le versement du produit de la vente sur un compte Carpa aurait dû attirer l'attention de la société Osenat, maison de vente aux enchères publiques représentée par Maître [Y] Osenat, commissaire-priseur et officier ministériel tenu à ce titre d'un devoir de vigilance.

Elle affirme que la société Osenat avait parfaitement connaissance du protocole d'accord conclu entre la société April et M. [W], relevant à cet égard que le caractère confidentiel du protocole n'a aucune incidence sur la connaissance par la société Osenat du contenu et de l'existence de celui-ci et que, la vente des véhicules étant prévue à l'article 5 du protocole, M. [W] n'était nullement tenu d'une obligation de confidentialité envers la société Osenat.

A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où le lien de préposition ne serait pas retenu, la société April fait valoir que la société Osenat a entretenu à l'égard des tiers la croyance légitime du pouvoir de M. [J] d'établir des actes pour son compte et de l'engager valablement, ce qui est de nature à engager sa responsabilité civile délictuelle sur le fondement de la théorie du mandat apparent en application de l'article 1994 du code civil.

Elle sollicite par ailleurs la condamnation de la société Osenat à lui payer la somme de 18.754,80 euros correspondant à des frais de transport et de retrait indûment prélevés sur le prix de vente des véhicules, constitutifs d'un enrichissement injustifié de la société Osenat à son détriment puisque ces retenues injustifiées diminuent d'autant la somme qui lui a été versée.

Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 2 décembre 2021, la société Osenat demande à la cour de :

- Confirmer le jugement rendu le 7 avril 2021 par le tribunal judiciaire de Fontainebleau en toutes ses dispositions,

- Débouter la société April de l'intégralité de ses demandes formées à l'encontre de la société Osenat,

- Condamner la société April à payer à la société Osenat la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont recouvrement direct au profit de Maître Catherine Egret.

La société Osenat rappelle qu'elle est étrangère au protocole d'accord conclu entre M. [W] et la société April dont elle n'a appris l'existence que le 13 juillet 2018 à l'occasion de la saisie-attribution pratiquée par la société April.

Elle demande la confirmation du jugement en faisant valoir que sa responsabilité ne saurait être engagée dès lors qu'elle a exécuté le mandat de vente avec diligences et n'a commis aucune faute, que ce soit du fait de son « prétendu préposé » ou sur le fondement du mandat apparent, relevant à cet égard que la qualité de M. [J] est indifférente au litige et que seul le tiers contractant peut se prévaloir de l'apparence d'un mandat.

Elle indique que si M. [W] a bien indiqué le 3 avril 2018 à M. [J] que les fonds

devaient être versés sur « son compte à la CARPA », sans plus d'indication, elle n'a jamais eu connaissance de ce mail et, en outre, M. [W] a modifié ses instructions dix jours plus tard, le 14 avril 2018, en sollicitant le règlement des sommes lui revenant sur son compte ouvert à la Société Générale, ces instructions ayant été réitérées juste après la vente, le 18 avril 2018, de sorte qu'elle est était tenue contractuellement de reverser les fonds au vendeur sur le compte mentionné par ce dernier et n'a donc commis aucune faute en respectant les instructions de son client.

Elle soutient par ailleurs que la société April, tiers aux contrats de mandat conclus entre M. [W] et la société Osenat, n'est pas fondée à en contester l'exécution et doit être déboutée de ses demandes au titre des frais de transport et de retrait. Elle ajoute que les frais prélevés étaient contractuellement prévus et ne sont pas à l'origine d'un enrichissement indu.

La cour renvoie aux conclusions précitées des parties pour ce qui concerne l'exposé détaillé de leurs moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

La clôture a été prononcée le 15 mai 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la responsabilité de la société Osenat du fait de l'absence de versement des fonds sur le compte Carpa dédié

En application des dispositions de l'article 1242, alinéa 5, du code civil, les commettants sont responsables des dommages causés par leurs préposés dans les fonctions auxquelles il les emploient.

La responsabilité du commettant du fait de son préposé est une responsabilité de plein droit, du fait d'autrui, supposant établis le lien de préposition et la faute du préposé agissant dans l'exercice de ses fonctions.

Dans le cadre du mandat, la faute du mandataire engage la responsabilité du mandant.

Ainsi, quel que soit le lien juridique unissant M. [J] à la société Osenat (préposé ou mandataire apparent), celui-ci n'est intervenu qu'à raison de la relation contractuelle formée entre M. [W] et la société Osenat dans le cadre du mandat de vente signé le 22 février 2018.

C'est donc à juste titre que le premier juge a retenu, sans qu'il soit nécessaire de qualifier juridiquement le lien unissant M. [J] à la société Osenat, que dans tous les cas, il faut que soit caractérisée une faute, étant rappelé que la société April reproche à la société Osenat de ne pas avoir versé sur le compte Carpa dédié les sommes provenant de la vente des véhicules d'occasion de M. [W] conformément au protocole d'accord conclu entre ce dernier et la société April le 31 mars 2017 malgré l'engagement pris par la société Osenat en ce sens et le mandat donné par M. [W] concernant la vente aux enchères du 14 avril 2018.

Le mandat de vente conclu entre M. [W] et la société Osenat le 22 février 2018 prévoit en son article 7-5 intitulé « Règlement du prix de vente » que « Le versement du produit de la vente, dès lors qu'il aura été encaissé par la Société de Ventes Volontaires et déduction faite des frais de vente précisés par le point 7-3, sera effectué par virement bancaire au profit du Vendeur dans les 30 jours après la vente ». Aucune référence à la société April ne figure dans le mandat de vente.

Il ressort des pièces versées aux débats que, par mail du 3 avril 2018, M. [X] [W] a transmis M. [K] [J], « le RIB de [son] compte à la Carpa sur lequel il conviendra de virer l'intégralité des fonds en précisant bien la référence suivante : 0101/01256/1706692514 [W]/APRIL ».

Par courriel du même jour, M. [J], se présentant comme « Spécialiste Auto Osenat », a confirmé à M. [W] que « l'intégralité des fond sera versé sur le compte nommé ci-dessous ». Si ce mail a été transféré par M. [W], pour information, à ses avocats, Maître [C] et Maître [V] ainsi qu'à Mme [S] de la société April, ni M. [J] ni la société Osenat n'étaient en copie de ce mail.

Le 14 avril 2018, jour de la vente, M. [W] a souhaité retirer certains lots de la vente et modifier son mandat. Un avenant au mandat initial n° 7450 a été signé ainsi que trois nouveaux mandats.

Le même jour, Mme [O] de la société LPL dirigée par M. [W] a adressé à Mme [H] de la société Osenat le RIB d'un compte bancaire ouvert au nom de [X] [W] auprès de la Société Générale.

Par mail du 18 avril 2018 adressé à Mme [H] et, en copie, à M. [W], Mme [O] a transmis les « ordres de virements suite à la vente du 14 avril 2018 » selon lesquels le prix de vente de la Maserati 4200 GT Gransport et de la Ferrari 360 Modena devait être versé sur le compte QONTO de la SAS LPL Capital et, pour le reste des véhicules, le règlement devait s'effectuer sur le compte de M. [W] ouvert à la Société Générale. Ce mail contient en pièce jointe le RIB d'un compte bancaire ouvert au nom de la société LPL Capital auprès de la banque Quonto.

Le 27 juin 2018, Mme [O] a adressé à Mme [H], avec en copie M. [W], un mail auquel était joint le RIB d'un compte ouvert par M. [W] auprès de la BNP Paribas afin qu'il soit procédé au règlement des sommes résultant de la vente.

La cour estime que le premier juge a fait une exacte appréciation des faits de la cause en relevant que les instructions de M. [W] s'agissant de la destination des fonds avaient évolué et en considérant que la société Osenat ayant explicitement reçu l'ordre de son mandant, M. [W], de procéder aux virements des sommes issues de la vente de ses véhicules sur ses comptes personnels ouverts auprès de la Société Générale et de la BNP Paribas ainsi que sur le compte de la société LPL Capital, elle n'avait fait que respecter le contrat de mandat signé entre M. [W] et la société Osenat en exécutant ces instructions et n'avait donc, directement ou par le biais de M. [J], commis aucune faute dans l'exécution de son mandat.

Il convient en outre de relever que la société April n'apporte aucun élément démontrant que la société Osenat avait connaissance du protocole d'accord conclu avec M. [W] avant le 13 juillet 2018, date à laquelle elle a fait signifier entre les mains de la société Osenat une saisie-attribution en exécution dudit protocole. La société April ne démontre pas avoir été destinataire des mails échangés entre M. [W] et la société Osenat et, comme l'a justement relevé le premier juge, la seule mention dans le RIB de la référence « [W]/APRIL » est insuffisante à établir que la société Osenat avait connaissance du protocole d'accord qui n'a été homologué que par ordonnance du 12 juin 2018, soit postérieurement aux ordres de virement, les parties étant tenues de respecter la plus stricte confidentialité (article 8) et ne pouvant y déroger qu'après accord préalable et écrit de l'autre partie, la preuve de l'existence d'un tel écrit n'étant pas rapportée.

C'est donc à tort que la société April soutient qu'en communiquant les coordonnées du compte Carpa à M. [J], M. [W] aurait « dénoncé » l'engagement pris aux termes du protocole de verser le produit de la vente de ses véhicules sur ledit compte et que la société Osenat se serait engagée à verser les fonds issus de la vente des véhicules de M. [W] sur le compte Carpa dédié.

La société April est également mal fondée à reprocher à la société Osenat un manquement à son devoir de vigilance du fait de la seule mention dans le RIB transmis à M. [J] d'un compte Carpa.

Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a retenu que la responsabilité de la société Osenat ne saurait être engagée sur quelque fondement que ce soit et débouté la société April de sa demande en paiement formée à ce titre.

Sur les frais prélevés par la société Osenat

La société April conteste, sur le fondement de l'enrichissement sans cause, les frais de transport prélevés par la société Osenat sur le produit de la vente du 14 avril 2018 ainsi que les frais de retrait et de non-présentation prélevés sur le produit de la vente du 17 juin 2018 qu'elle estime injustifiés.

L'enrichissement sans cause est caractérisé, en application de l'article 1303 du code civil, lorsqu'une personne s'est enrichie au détriment d'une autre et que l'appauvrissement corrélatif qui en est résulté ne trouve sa justification, ni dans une convention ou une libéralité, ni dans une disposition légale ou réglementaire.

Il appartient au demandeur de prouver la réalité d'un appauvrissement et de son étendue et celle de l'enrichissement corrélatif.

Or, en l'espèce, force est de constater, comme l'a justement retenu le premier juge, que les conditions susvisées ne sont pas réunies. En effet, les frais litigieux ayant été prélevés sur le produit des ventes conformément au mandat conclu entre la société Osenat et M. [W], aucun appauvrissement de la société April, dont le patrimoine n'a pas été affecté, n'est démontré sans qu'il y ait lieu d'examiner le caractère injustifié ou non de ces frais.

La décision de première instance ayant rejeté les demandes de la société April à ce titre sera donc confirmée.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles de première instance, mis à la charge de la société April, seront confirmées.

Ajoutant au jugement, il y a lieu de condamner la société April, qui succombe en son recours, aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés directement par Maître Catherine Egret en application des articles 696 et suivants du code de procédure civile.

Enfin, tenue aux dépens, la société April sera également condamnée à payer à la société Osenat la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles engagés en appel en application de l'article 700 du même code et ne peut elle-même prétendre à l'application de ce texte à son profit.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la société April aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés directement par Maître Catherine Egret conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Condamne la société April à payer à la société Osenat la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires.

LE GREFFIER LA CONSEILLÈRE