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Décisions

CA Amiens, 1re ch. civ., 26 septembre 2024, n° 23/00394

AMIENS

Arrêt

Autre

CA Amiens n° 23/00394

26 septembre 2024

ARRET



[G]

C/

AGGLOMÉRATION DE LA RÉGION DE [Localité 6]

DB/MC/SGS/DPC

COUR D'APPEL D'AMIENS

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU VINGT SIX SEPTEMBRE

DEUX MILLE VINGT QUATRE

Numéro d'inscription de l'affaire au répertoire général de la cour : N° RG 23/00394 - N° Portalis DBV4-V-B7H-IU7I

Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE COMPIEGNE DU TRENTE ET UN OCTOBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

PARTIES EN CAUSE :

Monsieur [R] [G]

né le 15 Juillet 1963 à [Localité 6]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représenté par Me Eric POILLY, avocat au barreau d'AMIENS

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/010216 du 29/12/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle d'AMIENS)

APPELANT

ET

AGGLOMÉRATION DE LA RÉGION DE [Localité 6] représentée par son Président en vertu d'une délibération de la Communauté d'Agglomération du 25 janvier 2023

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représenté par Me Jean-François LEPRETRE de la SCP LEPRETRE, avocat au barreau d'AMIENS

INTIME

DEBATS :

A l'audience publique du 30 mai 2024, l'affaire est venue devant M. Douglas BERTHE, magistrat chargé du rapport siégeant sans opposition des avocats en vertu de l'article 805 du Code de procédure civile. Ce magistrat a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 26 septembre 2024.

La Cour était assistée lors des débats de Mme Mathilde CRESSENT, greffière.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Le magistrat chargé du rapport en a rendu compte à la Cour composée de M. Douglas BERTHE, Président de chambre, président, Mme Graziella HAUDUIN, Présidente de chambre et Mme Clémence JACQUELINE, Conseillère, qui en ont délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE DE L'ARRET :

Le 26 septembre 2024, l'arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par M. Douglas BERTHE, Président de chambre et Mme Sylvie GOMBAUD-SAINTONGE, greffière.

*

* *

DECISION :

Par acte authentique établi le 15 novembre 2007, l'Agglomération de la Région de [Localité 6] a fait l'acquisition de la maison d'habitation appartenant aux parents de M. [R] [G] édifiée sur un terrain cadastré section AK n°[Cadastre 1] et [Cadastre 2], d'une superficie de 3 387 m², situé [Adresse 3] dans la Commune de [Localité 5].

Cette acquisition a été réalisée dans le cadre de l'opération de travaux publics de création d'un giratoire de desserte du Parc Technologique des Rives de l'Oise et de l'entreprise Novance.

Par décision du président de l'ARC du 29 mai 2009, agissant sur délégation du conseil communautaire, et au vu de la demande de M. [R] [G], fils des précédents propriétaires, de pouvoir louer le bien pour une durée d'une année, renouvelable par tacite reconduction, afin d'y loger dans l'attente de l'obtention de ses prêts pour le rachat de la maison d'habitation et du terrain restant après la création du giratoire, la signature d'une convention d'occupation précaire a été autorisée.

L'Agglomération de la Région de [Localité 6] et de la basse automne (ARC) a donné en location à M. [R] [G] l'immeuble à usage d'habitation situé [Adresse 3] à [Localité 5] pour un loyer mensuel de 300 euros hors charges par convention d'occupation précaire en date du 18 juin 2009 à effet au 1er janvier 2009 aux visas de l'article L. 221-2 du code de l'urbanisme et des articles 1713 et suivants du code civil et de l'article 40 V la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 qui concerne les locations à titre exceptionnel et transitoire consenties par les collectivités locales.

Ce contrat stipule qu'à défaut de paiement d'un seul terme, le bail serait résilié de plein droit un mois seulement après signification au locataire d'un commandement de payé demeuré infructueux.

M. [R] [G] a cessé de régler régulièrement les loyers à compter de mai 2014.

Le bailleur a fait délivrer au locataire en date du 22 février 2021 un commandement de payer la somme principale de 16 938 euros visant la clause résolutoire, demeuré infructueux.

Par acte d'huissier en date du 11 juin 2021, l'ARC a fait assigner le locataire aux fins de voir constater l'acquisition de la clause résolutoire à l'issue du commandement de payer infructueux et déclarer M. [R] [G] occupant sans droit ni titre, ou subsidiairement prononcer la résiliation du bail, et par conséquent ordonner son expulsion des lieux loués dans les quarante- huit heures du jugement, avec au besoin le concours de la force publique sous astreinte de 80 euros par jour de retard, condamner M. [R] [G] au paiement de la somme de 17 813 euros pour les loyers impayés arrêtés au 1er juin 2021 avec intérêts légaux, le condamner au paiement d'une indemnité d'occupation égale au montant du loyer et charges jusqu'à la libération effective des lieux avec intérêts de droit ainsi qu'au paiement de la somme de 1 100 euros de dommages-intérêts, outre 500 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens.

À l'audience de première instance, l'ARC a actualisé sa créance à la somme de 20 423 euros au 15 avril 2022, échéance d'avril 2022 incluse.

Par jugement du 31 octobre 2022, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Compiègne a statué de la façon suivante :

Constate l'acquisition de la clause résolutoire au bénéfice du bailleur du logement sis [Adresse 3] à [Localité 5], à la date du 22 avril 2021 ;

En conséquence,

Ordonne l'expulsion de M. [R] [G] et celle de tous occupants de son chef, au besoin avec l'aide de la force publique et d'un serrurier faute de départ volontaire dans les deux mois de la signification du commandement d'avoir à quitter les lieux ;

Rejette la demande d'astreinte et de réduction du délai d'un mois pour l'expulsion formée par l'ARC ;

Déclare irrecevable comme étant prescrites les demandes en paiement de l'ARC pour ce qui concerne les années échéances de l'année 2015, de janvier 2016 et février 2016 ;

Condamne M. [R] [G] à payer à l'ARC la somme de 17 328 euros pour l'arriéré de loyers, charges locatives et indemnités d'occupation à la date du 15 avril 2022 (échéance du mois d'avril 2022 incluse) avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;

Accorde à M. [R] [G] la faculté de se libérer de sa dette en principal, intérêts, frais (et indemnité si article 700) de procédure à hauteur de 17 328 euros dans un délai de trois ans ;

Condamne M. [R] [G] à payer à l'ARC à compter du 1er mai 2022, une indemnité d'occupation égale au montant du loyer courant et des charges dûment justifiées de la convention, révisables selon les dispositions contractuelles, et à régler à leur échéance normale jusqu'à la libération effective des lieux ;

Rejette la demande en paiement et en compensation reconventionnelle de M. [R] [G] ;

Dit qu'en ce qui concerne le sort des meubles, il sera procédé selon les dispositions des articles L433-1 et L433-2 du code des procédures civiles d'exécution ;

Condamne M. [R] [G] à payer à l'ARC une indemnité de 400 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rappelle que l'exécution provisoire de la présente décision est de droit ;

Condamne M. [R] [G] aux dépens.

Par déclaration du 13 janvier 2023, M. [R] [G] a interjeté appel de cette décision.

Vu les conclusions récapitulatives déposées le 1er septembre 2023 par lesquelles M. [R] [G] demande à la cour de :

Dire et juger recevable et bien fondé son appel à l'encontre du jugement entrepris,

Infirmer la décision entreprise en ce qu'elle :

Constate l'acquisition de la clause résolutoire au bénéfice du bailleur du logement sis [Adresse 3] à [Localité 5], à la date du 22 avril 2021 ;

Ordonne son expulsion et celle de tous occupants de son chef, au besoin avec l'aide de la force publique et d'un serrurier faute de départ volontaire dans les deux mois de la signification du commandement d'avoir à quitter les lieux ;

Déclare irrecevable comme étant prescrites les demandes en paiement de l'ARC pour ce qui concerne les années échéances de l'année 2015, de janvier 2016 et février 2016 ;

Le condamne à payer à l'ARC la somme de 17 328 euros pour l'arriéré de loyers, charges locatives et indemnités d'occupation à la date du 15 avril 2022 (échéance du mois d'avril 2022 incluse) avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;

Lui accorde la faculté de se libérer de sa dette en principal, intérêts, frais (et indemnité si article 700) de procédure à hauteur de 17 328 euros dans un délai de trois ans ;

Le condamne à payer à l'ARC à compter du 1er mai 2022, une indemnité d'occupation égale au montant du loyer courant et des charges dûment justifiées de la convention, révisables selon les dispositions contractuelles, et à régler à leur échéance normale jusqu'à la libération effective des lieux ;

Dit qu'en ce qui concerne le sort des meubles, il sera procédé selon les dispositions des articles L433-1 et L433-2 du code des procédures civiles d'exécution ;

Le condamne à payer à l'ARC une indemnité de 400 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Le condamne aux dépens.

Statuant à nouveau :

À titre liminaire,

Requalifier la convention d'occupation précaire régularisée entre les parties en bail d'habitation de droit commun,

Prononcer la nullité du commandement de payer visant la clause résolutoire en date du 22 février 2021,

À titre principal,

Prononcer l'irrecevabilité des demandes de l'ARC tendant à voir :

- constater l'acquisition de la clause résolutoire à l'issue du commandement de payer demeuré infructueux ou subsidiairement en prononcé de la résiliation du bail,

- ordonner son expulsion et celle de tous occupants de son chef ainsi que réglant le sort des meubles,

- condamner M. [G] à payer une indemnité d'occupation,

Prononcer l'irrecevabilité de la demande en paiement de l'ARC, comme étant prescrite, pour les échéances des années 2015, 2016, 2017, de janvier 2018 et février 2018, soit pour un montant total de 8.325 euros,

À titre subsidiaire,

Débouter l'ARC de ses demandes tendant à voir :

- constater l'acquisition de la clause résolutoire à l'issue du commandement de payer demeuré infructueux ou subsidiairement en prononcé de la résiliation du bail,

- ordonner son expulsion et celle de tous occupants de son chef ainsi que réglant le sort des meubles,

- condamner M. [G] à payer une indemnité d'occupation,

En tout état de cause,

Lui accorder des délais de paiement afin qu'il puisse se libérer de sa dette en principal, frais et indemnité de procédure dans un délai de trois ans, le cas échéant rétroactivement à compter de la date du commandement de payer, et dans ce dernier cas,

Ordonner la suspension des effets de la clause résolutoire présente au bail durant les délais ainsi accordés,

Statuer ce que de droit quant aux dépens, lesquels seront recouvrés conformément à la loi sur l'aide juridictionnelle,

Débouter l'ARC de toutes fins ou prétentions plus amples ou contraires et notamment de son appel incident.

Vu les conclusions récapitulatives déposées le 20 juin 2023 par lesquelles l'ARC demande à la cour de :

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

Constaté l'acquisition de la clause résolutoire au bénéfice du bailleur du logement sis [Adresse 3] à [Localité 5] à la date du 22 avril 2021 ;

Ordonné l'expulsion de M. [R] [G] et celle de tous occupants de son chef, au besoin avec l'aide de la force publique et d'un serrurier, faute de départ volontaire des lieux dans les deux mois de la signification du commandement d'avoir à quitter les lieux ;

Condamné M. [R] [G] à lui payer la somme de 17 328 euros pour l'arriéré de loyers, charges locatives et indemnités d'occupation à la date du 15 avril 2022, échéance du mois d'avril 2022 incluse, en principal et intérêts au taux légal à compter du jugement ;

Condamné M. [R] [G] à lui payer, à compter du 1er mai 2020, une indemnité d'occupation égale au montant du loyer courant et des charges dûment justifiées de la convention révisable selon les dispositions contractuelles et à régler à leur échéance normale jusqu'à la libération effective des lieux ;

Rejeté la demande en paiement et en compensation reconventionnelle de M. [R] [G] ;

Dit qu'en ce qui concerne le sort des meubles, il sera procédé selon les dispositions des articles L.433-1 et L.433-2 du code des procédures civiles d'exécution ;

Condamné M. [R] [G] à lui payer une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

Condamné M. [R] [G] aux dépens.

Débouter M. [R] [G] de ses demandes formulées en cause d'appel, tendant à la requalification de la convention d'occupation précaire du 18 février 2019 en bail d'habitation de droit commun relevant de la loi du 6 juillet 1989 et à la nullité du commandement de payer visant la clause résolutoire signifié le 22 février 2021,

Débouter M. [R] [G] de ses demandes formulées en cause d'appel tendant à la prescription partielle de sa dette locative concernant les échéances de l'année 2015, de janvier 2016 et février 2016,

Débouter M. [R] [G] de sa demande subsidiaire formulée en cause d'appel, tendant au bénéfice de délais de paiement à caractère rétroactif,

Débouter M. [R] [G] de tous ses fins, moyens et prétentions,

Recevoir son appel incident, le dire bien fondé,

Et en conséquence,

Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevables, comme étant prescrites, ses demandes en paiement formées à l'encontre de M. [R] [G] pour ce qui concerne les échéances de loyers de l'année 2015, de janvier 2016 et de février 2016,

Dire les dites échéances comme étant non-prescrites,

Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a accordé des délais de paiement à M. [R] [G],

Dire et juger n'y avoir lieu à l'octroi de délais de paiement dans les circonstances de l'espèce,

Condamner M. [R] [G] à lui payer une somme de 3 000 euros, au titre de ses frais irrépétibles en cause d'appel, sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Condamner M. [R] [G] aux entiers dépens d'appel.

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits et moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.

La clôture a été prononcée le 14 février 2024 et l'affaire a été renvoyée pour être plaidée à l'audience du 30 mai 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la requalification de la convention d'occupation précaire en bail d'habitation de droit commun :

Dans sa rédaction applicable au litige, il résulte de l'article L221-2 du code de l'urbanisme que la personne publique qui s'est rendue acquéreur d'une réserve foncière doit en assurer la gestion en bon père de famille, qu'avant leur utilisation définitive, les immeubles acquis pour la constitution de réserves foncières ne peuvent faire l'objet d'aucune cession en pleine propriété, que toutefois ces immeubles peuvent faire l'objet de concessions temporaires qui ne confèrent au preneur aucun droit de renouvellement et aucun droit à se maintenir dans les lieux lorsque l'immeuble est repris en vue de son utilisation définitive.

Selon l'article L300-1 du code de l'urbanisme, les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en oeuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d'enseignement supérieur, de lutter contre l'insalubrité, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels.

L'aménagement, au sens du présent livre, désigne l'ensemble des actes des collectivités locales ou des établissements publics de coopération intercommunale qui visent, dans le cadre de leurs compétences, d'une part, à conduire ou à autoriser des actions ou des opérations définies dans l'alinéa précédent et, d'autre part, à assurer l'harmonisation de ces actions ou de ces opérations.

L'article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 prévoit que ses dispositions relatives aux rapports entre bailleur et locataire sont d'ordre public. Elles s'appliquent aux locations de locaux à usage d'habitation principale.

L'article 40 V de cette même loi indique que seules les dispositions de l'article 10, de l'article 15 à l'exception des deuxième, troisième et quatrième alinéas du paragraphe I et des paragraphes b et c de l'article 17 ne sont pas applicables aux logements donnés en location à titre exceptionnel et transitoire par les collectivités locales.

Il en résulte que la loi du 6 juillet 1989 n'exclut pas de son champ d'application les locations données par des personnes de droit public et que les logements donnés en location à titre exceptionnel et transitoire par des collectivités locales voient la loi du 6 juillet 1989 leur être opposable sous réserve de l'article 10, d'une partie de l'article 15 et de l'article 17.

Par ailleurs, la faculté pour une collectivité locale de mettre à disposition à titre précaire un bien immobilier de sa réserve foncière est subordonnée à l'existence d'un motif légitime consistant dans la mise oeuvre du projet d'intérêt général pour laquelle la réserve a été constituée.

En l'espèce, il n'est pas contesté que l'ARC a constitué sa réserve foncière, soit l'acquisition de l'ensemble des maisons d'habitations situées dans le périmètre de l'opération projetée, aux fins d'édification d'un giratoire de desserte du Parc Technologique de Rives de l'Oise et de l'entreprise Novance.

L'ARC, aux termes de ses écritures, expose que cette opération d'aménagement a été réalisée et menée à terme.

Elle ne prétend pas et a fortiori ne justifie pas en quoi la parcelle occupée par M. [G] serait susceptible d'être affectée à une nouvelle opération d'aménagement.

Bien au contraire, la décision du président de l'ARC du 29 mai 2009, agissant sur délégation du conseil communautaire, justifie le choix de consentir une convention d'occupation au profit de M. [G] par la nécessité de l'y loger dans l'attente de l'obtention de prêts pour le rachat à l'ARC de la maison d'habitation et du terrain restant qui n'a pas été utilisé pour la création du giratoire.

La cession des immeubles affectés à la réserve foncière en vue de la réalisation de projets d'aménagement étant prohibée, il se déduit de la décision du président n° 21/2006 du 29 mai 2009, agissant sur délégation du conseil communautaire, qu'à cette date il ne pouvait être opposé à M. [G] que le bien qu'il occupe présentait encore un intérêt public et se trouvait encore affecté à la réserve foncière.

Il en était donc de même à la date subséquente de signature de la convention d'occupation du 18 juin 2009.

Ainsi, au regard de la parfaite réalisation du projet d'urbanisme ayant justifié la constitution de la réserve foncière et le bien n'ayant pas été utilisé par la collectivité pour la réalisation de ce projet, le statut d'ordre public des baux d'habitation ne peut être écarté.

Dès lors, la convention d'occupation consentie à M. [G] se trouve entièrement soumise à l'ensemble des dispositions de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 et sera requalifié en bail d'habitation de droit commun. Il sera donc ajouté sur ce point à la décision querellée qui n'a pas expressément statué sur ce point.

Sur la nullité du commandement de payer visant la clause résolutoire et ses conséquences :

Il résulte de l'article 24 I de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 dans sa rédaction applicable au litige que toute clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus ne produit effet que deux mois après un commandement de payer demeuré infructueux.

Le commandement de payer contient, à peine de nullité :

1° La mention que le locataire dispose d'un délai de deux mois pour payer sa dette ;

2° Le montant mensuel du loyer et des charges ;

3° Le décompte de la dette ;

4° L'avertissement qu'à défaut de paiement ou d'avoir sollicité des délais de paiement, le locataire s'expose à une procédure judiciaire de résiliation de son bail et d'expulsion ;

5° La mention de la possibilité pour le locataire de saisir le fonds de solidarité pour le logement de son département, dont l'adresse est précisée, aux fins de solliciter une aide financière ;

6° La mention de la possibilité pour le locataire de saisir, à tout moment, la juridiction compétente aux fins de demander un délai de grâce sur le fondement de l'article 1343-5 du code civil.

En l'espèce, l'ARC a fait délivrer le 22 février 2021à M. [G] un « commandement de payer visant la clause résolutoire en matière commerciale ».

Cet acte ne vise aucune disposition de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 applicable en la matière.

L'acte indique que le locataire ne dispose que d'un mois, et non des deux mois imposés par la loi, pour payer sa dette

En outre, le commandement ne comporte aucune mention de la possibilité pour le locataire de saisir le fonds de solidarité pour le logement de son département ni de la possibilité pour ce dernier de saisir, à tout moment, la juridiction compétente aux fins de demander un délai de grâce sur le fondement de l'article 1343-5 du code civil.

Le non-respect de ces dispositions d'ordre public a nécessairement causé grief à M. [G] en ce qu'elle a porté atteinte à ses droits.

Dès lors, le commandement du 22 février 2021 sera déclaré nul et il sera ajouté à la décision entreprise sur ce point.

Aucun commandement valable n'étant intervenu, il n'y a donc pas lieu de constater l'acquisition de la clause résolutoire, d'ordonner l'expulsion M. [G] ou de condamner ce dernier à verser au bailleur une l'indemnité d'occupation et le jugement entrepris sera donc infirmé sur ces points.

Il est en effet rappelé que le bailleur ne sollicite pas à hauteur d'appel et à titre subsidiaire la résiliation judiciaire du bail.

Par ailleurs, la demande d'annulation du commandement de payer formée à titre liminaire par M. [G] ayant été favorablement accueillie, ses fins subséquentes d'irrecevabilité des demandes du bailleurs de constat de l'acquisition de la clause résolutoire, d'expulsion et de condamnation à une indemnité d'occupation deviennent sans objet.

Pour le même motif, la demande de suspension des effets de la clause résolutoire, qui ne sont pas acquis, devient également sans objet.

Sur la prescription de l'arriéré locatif :

Il résulte de l'article 2219 du code civil que la prescription extinctive est un mode d'extinction d'un droit résultant de l'inaction de son titulaire pendant un certain laps de temps et de l'article 7-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 que toutes actions dérivant d'un contrat de bail sont prescrites par trois ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer ce droit.

Il résulte en outre de l'article 1342 du code civil que le paiement est l'exécution volontaire de la prestation due. Il doit être fait sitôt que la dette devient exigible. Il libère le débiteur à l'égard du créancier et éteint la dette.

Enfin selon l'article 1231-7 du code civil, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l'absence de demande ou de disposition spéciale du jugement. Sauf disposition contraire de la loi, ces intérêts courent à compter du prononcé du jugement à moins que le juge n'en décide autrement.

En cas de confirmation pure et simple par le juge d'appel d'une décision allouant une indemnité en réparation d'un dommage, celle-ci porte de plein droit intérêt au taux légal à compter du jugement de première instance. Dans les autres cas, l'indemnité allouée en appel porte intérêt à compter de la décision d'appel. Le juge d'appel peut toujours déroger aux dispositions du présent alinéa.

En l'espèce, l'ARC verse au débat un « bordereau de situation » locative établi au 10 mai 2023 duquel il ressort un impayé de 22 801 euros à la charge de M. [G] pour la période de janvier 2015 à mai 2023. Toutefois, l'ARC se borne à demander la confirmation du jugement de première instance qui a condamné M. [G] à lui payer la somme de 17 328 euros au titre de l'arriéré locatif dû à la date du 15 avril 2022 (échéance du mois d'avril 2022 incluse), avec intérêts au taux légal à compter du jugement, sans solliciter son actualisation.

Le locataire n'invoque pour sa part que la prescription des sommes exigées de l'année 2015 à février 2018.

Alors que l'existence d'actes interruptifs est contestée par M. [G], l'ARC se prévaut de son bordereau de situation pour établir l'occurrence de « mise en demeure standard » et « saisies vente » alors que ce tableau récapitulatif de la dette du locataire établi par les soins du bailleur n'est pas de nature démontrer l'existence de mises en demeures régulières faites à la personne du locataire ni celle d'actes conservatoires ou d'exécution forcée.

Aucune pièce ne démontre l'existence d'une mise en demeure avant l'assignation en première instance du 11 juin 2021 et aucun acte de mesure conservatoire ou d'exécution forcée n'est produit.

Dès lors la fin de non-recevoir tirée de la prescription des sommes dues au titre des années 2015, 2016, 2017, janvier et février 2018 sera accueillie et la décision entreprise sera infirmée en ce qu'elle a retenu le délai de prescription de droit commun et non celui de trois ans spécifiquement prévu par l'article 7-1 de la loi du 6 juillet 1989.

L'impayé exigé par le bailleur sur la période prescrite s'établit comme suit :

Périodes

Sommes dues

Sommes recouvrées

Solde

2015

3300

1025

2275

2016

3300

1010

4565

2017

3300

515

7350

Janvier et Février 2018

600

500

7450

Ainsi, au 15 avril 2022, le bailleur fait état d'un arriéré locatif de 20 423 euros, incluant l'impayé prescrit de 7 450 euros qu'il convient de retrancher de l'arriéré locatif, soit une créance exigible de 12 973 euros que M. [G] sera condamné à payer avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement de première instance, étant rappelé que l'actualisation de l'arriéré locatif depuis avril 2022 à ce jour n'est pas sollicitée par l'ARC. La décision entreprise sera donc infirmée en son quantum de condamnation qui s'était basé sur une prescription quinquennale.

Sur la demande de délai de paiement :

Le locataire invoque, pour disposer d'un délai de paiement, l'article 24 § V la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 qui prévoit que le juge peut, à la demande du locataire, du bailleur ou d'office, à la condition que le locataire soit en situation de régler sa dette locative et qu'il ait repris le versement intégral du loyer courant avant la date de l'audience, accorder des délais de paiement dans la limite de trois années, par dérogation au délai prévu au premier alinéa de l'article 1343-5 du code civil, au locataire en situation de régler sa dette locative.

En l'espèce, M. [G] ne produit pourtant aucun élément relatif à sa situation familiale ou financière et ne justifie que le paiement des loyers d'octobre et novembre 2023, l'ordonnance de clôture étant intervenue le 14 février 2024.

Son décompte locatif laisse par ailleurs apparaître des paiements irréguliers et ce de façon récurrente.

Dès lors, il n'est pas établi que le locataire ait repris le versement intégral du loyer courant ni a fortiori qu'il soit en situation de régler sa dette locative.

Sa demande sera donc rejetée et le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

L'Agglomération de la Région de [Localité 6], qui succombe, sera condamnée aux dépens de la première instance et de l'appel et la décision de première instance sera infirmée en ses dispositions afférentes aux frais irrépétibles et aux dépens.

Pour les mêmes motifs, il n'y a pas lieu d'indemniser l'Agglomération de la Région de [Localité 6] de ses frais irrépétibles exposés en première instance en appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort, mis à disposition au greffe,

Infirme la décision querellée en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Requalifie le convention d'occupation précaire en date du 18 juin 2009 à effet au 1er janvier 2009 consentie à M. [R] [G] par l'Agglomération de la Région de [Localité 6] en bail d'habitation de droit commun entièrement soumis aux dispositions de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989,

Prononce la nullité du commandement de payer visant la clause résolutoire du 22 février 2021 signifié à M. [R] [G],

Déboute l'Agglomération de la Région de [Localité 6] de ses demandes de constatation d'acquisition des effets de la clause résolutoire du bail concernant le logement sis [Adresse 3] à [Localité 5] ainsi que d'expulsion et de condamnation à une indemnité d'occupation de M. [R] [G],

Déclare irrecevable comme étant prescrites les demandes en paiement de l'Agglomération de la Région de [Localité 6] pour ce qui concerne l'arriéré locatif au titre des années 2015, 2016, 2017 et des mois de janvier et février 2018,

Condamne M. [R] [G] à payer à l'ARC la somme de 12 973 euros pour l'arriéré de loyers et charges locatives à la date du 15 avril 2022 (échéance du mois d'avril 2022 incluse) avec intérêts au taux légal à compter du 31 octobre 2022,

Rejette la demande de délai de paiement formée par M. [R] [G],

Condamne l'Agglomération de la Région de [Localité 6] aux dépens de première instance et d'appel,

Rejette les autres demandes.

LA GREFFIERE LE PRESIDENT