CA Douai, 2e ch. sect. 2, 26 septembre 2024, n° 21/06037
DOUAI
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Provalibat (SARL)
Défendeur :
Abeille IARD et Santé (SA), Debarge Immo (SARL), Caisse Régionale d'Assurances Mutuelles Agricoles du Nord Est (Crama Nord Est), Betonpoly France (SARL), SMABTP (Sté), Verrier et Fils (Sté), Ramery Travaux Publics (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Barbot
Conseillers :
Mme Cordier, Mme Soreau
Avocats :
Me Laforce, Me Prud'homme, Me Laurent, Me Houyez, Me Levasseur, Me Larivière, Me Camus-Demailly, Me Delevacque, Me Sesboué, Me Bodereau, Me Debacker, Me Le Roy, Me Pille
FAITS ET PROCEDURE
La société Debarge immo (la société Debarge) est propriétaire d'un immeuble situé à [Adresse 9], dans lequel est exploitée une activité de négoce et de stockage de bois.
Elle a chargé la société Provalibat, entreprise de génie civil, de divers travaux de remise en état de la voirie intérieure desservant cet immeuble.
Un devis AAT-11-004 Ind A du 10 janvier 2011 a été accepté par la société Debarge pour un montant total de 466 440 euros TTC.
Une étude géotechnique d'avant-projet a été réalisée le 3 février 2011 par la société Sols Etudes Fondations (la société SEF).
La société Provalibat a sous-traité l'intégralité des fonds de forme à M. [W], le dallage béton à la société Bétonpoly France (la société Bétonpoly) et la pose des enrobés à la société Ramery travaux publics (la société Ramery).
La société Provalibat a établi, à mesure de l'avancement des travaux :
- une facture n°1100494 du 28 février 2011 d'un montant de 199 798,13 euros TTC ;
- une facture n°1100525 du 29 mars 2011 d'un montant de 86 842,86 euros TTC ;
- une facture n°1100556 du 21 avril 2011 d'un montant de 741,07 euros TTC ;
- une facture n°1100632 du 30 mai 2011 d'un montant de 28 407,06 euros TTC.
Ces factures ont été réglées dans leur intégralité par la société Debarge.
La société Debarge a recontacté la société Provalibat courant 2012 pour lui confier des travaux de purge et de réfection de la voirie, qui ont fait l'objet des devis AT-12-035 du 9 mars 2012 à hauteur de 203,32 euros, AT-12-054 du 12 avril 2012 à hauteur de 1 742,15 euros, AT-13-033 du 13 novembre 2012 à hauteur de 8 851,15 euros et AT-12-151 du 13 novembre 2012 à hauteur de 7 262,11 euros.
La société Provalibat a effectué elle-même ces travaux, sauf la pose de l'enrobé sous-traitée à la société Verrier et fils (la société Verrier).
Le 13 septembre 2013, M. [W] a fait l'objet d'un jugement de conversion en liquidation judiciaire.
Le 17 septembre 2013, la société Provalibat a mis en demeure la société Debarge de lui régler les sommes dues au titre des factures n°1201051 du 12 mars 2012 de 203,32 euros, n°1301458 du 25 janvier 2013 de 1 742,15 euros, n°1301613 du 30 avril 2012 de 8 851,15 euros et n°1301614 du 30 avril 2013 de 7 262,11 euros.
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 23 septembre 2013, la société Debarge a invoqué divers désordres affectant les travaux « repris, entre autres, dans le devis 11-004 Ind C », et notamment :
« -dégradation de surface d'une dalle en béton,
- effondrement local de dalle béton en proximité d'un puisard,
- enfoncements de voirie en enrobés inexpliqués en divers endroits,
- mauvais positionnement de deux grilles avaloir devenues instables,
- contre-pente de dalle en béton engendrant une retenue d'eau,
- seuil de porte en béton présentant un fractionnement de surface croissant ».
Par un second courrier recommandé avec accusé de réception du 23 septembre 2013, elle a cette fois :
- concernant les factures n°1201051, n°1301458, et n°1301613 : demandé les bons de commande et de réception des travaux ;
- concernant plus spécifiquement la facture n°1301613, indiqué avoir fait des réclamations, précisant que les travaux n'avaient pas été réalisés dans les règles de l'art, des flaques d'eau, instabilités et irrégularités de surface ayant été constatées, et des gravats laissés sur le site.
Après avoir fait constater les désordres par un huissier de justice le 13 juin 2014, la société Debarge a attrait la société Provalibat devant le tribunal de commerce d'Arras en référé, aux fins de désignation d'un expert sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile.
La société Provalibat a appelé en la cause les sociétés Verrier, Bétonpoly et Ramery, M. [D], ès qualités de liquidateur de M. [W], ainsi que la société Groupama, assureur de M. [W].
Par une ordonnance rendue le 10 mars 2015, le tribunal de commerce d'Arras a désigné M. [J] en qualité d'expert.
Le 18 juin 2015, la société Bétonpoly a été mise en liquidation judiciaire. La société Provalibat a appelé en la cause le liquidateur de la société Bétonpoly, M. [H], et son assureur responsabilité décennale, la société Aviva assurances (la société Aviva). Les opérations d'expertise leur ont été étendues par ordonnance de référé du 23 mai 2017.
M. [J] a déposé son rapport le 30 octobre 2018.
Par acte d'huissier du 5 mars 2019, la société Debarge a initialement attrait la société Provalibat devant le tribunal de commerce d'Arras, sur le fondement des article 1147 et 1792 du code civil. Cette dernière a sollicité la garantie de son assureur la société SMABTP.
Ont ensuite été appelés en la cause, par actes d'huissier du 3 septembre 2019, la société Ramery, la société Verrier, M. [W] et la société Bétonpoly, représentés pour ces deux derniers par les organes de leurs procédures collectives respectives.
Ont été appelés en garantie les assureurs de M. [W] et de la société Bétonpoly, respectivement la Caisse régionale d'assurance mutuelles agricoles Nord Est, exerçant sous l'enseigne Groupama (la Crama) et la société Aviva, devenue la société Abeille.
Par jugement rendu le 6 octobre 2021, le tribunal de commerce d'Arras :
- s'est déclaré compétent pour juger le litige entre les parties, et en particulier entre la société Provalibat et la SMABTP ;
- a rejeté la demande de la société SMABTP visant à la nullité de l'assignation délivrée par la société Provalibat à son encontre ;
- a débouté la société Provalibat de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions;
- a condamné la société Provalibat à payer la somme de 210.481,97 euros HT à la société Debarge au titre du coût de réparation des désordres consécutifs à ses travaux ;
- a condamné M. [W] à payer la somme de 37.447,10 euros HT à la société Provalibat au titre de sa part de responsabilité au coût de réparation des désordres consécutifs à ses travaux ;
- a condamné la société Bétonpoly à payer un montant de 54.624,24 euros HT à la société Provalibat au titre de sa part de responsabilité au coût de réparation des désordres consécutifs à ses travaux ;
- a condamné la société Provalibat à payer à la société Debarge la somme de 3.876,60 euros HT correspondant au montant surfacturé par la société Provalibat à la société Debarge, après déduction du solde de ses factures demeurées impayées ;
- a dit et jugé que les travaux n'avaient pas été réceptionnés par le maître d'ouvrage ;
- a dit et jugé que les garanties de la société SMABTP n'ont pas à être mobilisées ni mobilisables ;
- a dit et jugé que les garanties de la Crama n'étaient pas mobilisables ;
- a dit et jugé que les garanties de la société Aviva assurances n'étaient pas mobilisables;
- a constaté que M. [W] avait été placé en liquidation judiciaire ;
- a ordonné la jonction de l'appel en cause de M. [D], mandataire judiciaire, en qualité de liquidateur de M. [W], avec l'instance principale actuellement pendante ;
- a déclaré opposable à M. [D], ès qualités, le jugement ;
- a fixé au profit de la société Provalibat au passif de la procédure collective de liquidation judiciaire de M. [W] la créance de 37.447,10 euros HT à titre chirographaire assortie des intérêts de droit conformément aux dispositions légales en vigueur ;
- a constaté que la société Bétonpoly avait été placée en liquidation judiciaire ;
- a ordonné la jonction de l'appel en cause de Mme [H], en qualité de liquidateur de la société Bétonpoly, avec l'instance principale actuellement pendante ;
- a déclaré opposable à Mme [H], ès qualités, le jugement ;
- a fixé au profit de la société Provalibat au passif de la procédure collective de liquidation judiciaire de la société Bétonpoly la créance de 54.624,24 euros HT à titre chirographaire assortie des intérêts de droit conformément aux dispositions légales en vigueur;
' a condamné la société Provalibat au titre de l'article 700 du code de procédure civile, au paiement de :
o la somme de 2.000 euros à la société Debarge ;
o la somme de 500 euros à la société SMABTP ;
o la somme de 500 euros à la société Aviva ;
o la somme de 500 euros à la société Ramery ;
o la somme de 500 euros à la société Verrier ;
o la somme de 500 euros à la Crama ;
- a ordonné la capitalisation des intérêts en vertu de l'article 1343-2 du code civil ;
- a ordonné l'exécution provisoire du présent jugement ;
- a débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires.
- a condamné la société Provalibat aux entiers frais et dépens.
Par déclaration du 2 décembre 2021, la société Provalibat a relevé appel de l'ensemble des chefs de cette décision, à l'exception de ceux par lesquels le tribunal s'est déclaré compétent et a rejeté la demande de la SMABTP visant à la nullité de l'assignation délivrée à son encontre par la SARL Provalibat.
Par jugement rendu le 30 juin 2020, le tribunal de commerce de Bobigny a prononcé la clôture de la liquidation judiciaire de la société Bétonpoly pour insuffisance d'actif, et a mis fin aux fonctions de Mme [H].
Par requête déposée le 28 décembre 2021, la société Provalibat a sollicité la désignation d'un mandataire ad hoc ayant pour mission de représenter la société Bétonpoly pour les besoins de la procédure d'appel. Le premier président a accueilli cette demande par une ordonnance le 13 mai 2022, en désignant Mme [H] pour exercer ces fonctions.
Par un arrêt avant dire droit du 25 mai 2023, la cour d'appel de Douai a :
- ordonné la réouverture des débats avec révocation de l'ordonnance de clôture ;
- renvoyé le dossier à la mise en état pour permettre :
- aux sociétés Provalibat et Debarge de produire aux débats les décisions relatives aux procédures collectives ouvertes à l'égard des sociétés [W] et Bétonpoly (jugements d'ouverture et de clôture) ;
- à la société Provalibat de produire aux débats l'ordonnance rendue le 13 mai 2022 ayant désigné Mme [H] en qualité de mandataire ad hoc de la société Bétonpoly ;
- aux sociétés Provalibat, Debarge, SMABTB, Abeille et Crama de produire leurs déclarations de créances aux passifs des procédures collectives des sociétés [W] et Bétonpoly ;
- aux parties concernées de donner leurs observations sur la possibilité de présenter une demande de fixation au passif de la procédure collective de la société Bétonpoly sans rouvrir les opérations de liquidation la concernant ;
- aux sociétés Provalibat et Debarge de s'expliquer sur la date à laquelle ont été réalisés les travaux en zone 15 partie D (en fond de cour vers accès zone 4) ;
- aux parties concernées de préciser, dans les devis des sociétés Varet et STB, les parties se rapportant à la reprise des désordres affectant les travaux réalisés en 2011 et celles se rapportant à la reprise des désordres affectant les travaux réalisés en 2013 ;
- réservé les demandes et les dépens.
PRETENTIONS DES PARTIES
Par conclusions régularisées par le RPVA le 14 septembre 2023, la société Provalibat demande à la cour, au visa de l'article 1147 du code civil alors applicable, des articles 1792 et suivants du code civil, de l'article L.124-3 du code des assurances, de :
* infirmer le jugement entrepris en ce qu'il :
- l'a déboutée de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions;
- l'a condamnée à payer la somme de 210.481,97 euros HT à la société Debarge au titre du coût de réparation des désordres consécutifs à ses travaux ;
- a condamné M. [W] à lui payer la somme de 37.447,10 euros HT au titre de sa part de responsabilité au coût de réparation des désordres consécutifs à ses travaux ;
- a condamné la société Bétonpoly à lui payer un montant de 54.624,24 euros HT au titre de sa part de responsabilité au coût de réparation des désordres consécutifs à ses travaux ;
- l'a condamnée à payer à la société Debarge la somme de 3.876,60 euros HT correspondant au montant surfacturé par ses soins à la société Debarge, après déduction du solde de ses factures demeuré impayé,
- a dit et jugé que les travaux n'ont pas été réceptionnés par le maître d'ouvrage ;
- a dit et jugé que les garanties de la SMABTP n'ont pas à être mobilisées ni mobilisables ;
- a dit et jugé que les garanties de la Crama ne sont pas mobilisables ;
- a dit et jugé que les garanties de la société Aviva ne sont pas mobilisables ;
- a fixé à son profit au passif de la procédure collective de liquidation judiciaire de M. [W] la créance de 37.447,10 euros HT à titre chirographaire assortie des intérêts de droit conformément aux dispositions légales en vigueur ;
- a fixé à son profit au passif de la procédure collective de liquidation judiciaire de la société Bétonpoly la créance de 54.624,24 euros HT à titre chirographaire assortie des intérêts de droit conformément aux dispositions légales en vigueur ;
- l'a condamnée au titre de l'article 700 du code de procédure civile, au paiement de :
o la somme de 2.000 euros à la société Debarge ;
o la somme de 500 euros à la société SMABTP ;
o la somme de 500 euros à la société Aviva ;
o la somme de 500 euros à la société Ramery ;
o la somme de 500 euros à la société Verrier ;
o la somme de 500 euros à la Crama ;
- a ordonné la capitalisation des intérêts en vertu de l'article 1343-2 du code civil ;
- a ordonné l'exécution provisoire du présent jugement en vertu de « l'article 515 du code civil » ;
- a débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires.
- l'a condamnée aux entiers frais et dépens.
Statuant à nouveau,
- juger que la réception des travaux effectués en 2011 au titre du devis 11-004 Ind A du 10 janvier 2011 est intervenue tacitement entre la société Debarge et elle-même au 31 mai 2011 ou à défaut, prononcer judiciairement la réception des travaux effectués en 2011 au titre du devis 11-004 Ind A du 10 janvier 2011 au 31 mai 2011 ;
- débouter la société Debarge, la SMABTP, la société Abeille, anciennement dénommée la société Aviva, la Crama, la société Verrier et la société Ramery de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;
A titre subsidiaire,
- limiter l'indemnisation de la société Debarge à la somme de 21.919,90 euros HT ;
Le cas échéant et en tout état de cause,
- condamner solidairement la SMABTP, la société Aviva en qualité d'assureur de la société Bétonpoly, prise en la personne de son mandataire ad hoc Mme [H], la Crama en qualité d'assureur de M. [W], la société Ramery et la société Verrier à la garantir de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre au profit de la société Debarge, et fixerces sommes au passif des procédures collectives de M. [W] et de la société Bétonpoly ;
- condamner solidairement la société Debarge, la SMABTP, la société Aviva en qualité d'assureur de la société Bétonpoly prise en la personne de son mandataire ad hoc, Mme [H], la Crama en qualité d'assureur de M. [W], la société Ramery et la société Verrier à lui verser une somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et fixer ces sommes au passif des procédures collectives des M. [W] et de la société Bétonpoly prise en la personne de son mandataire ad hoc, Mme [H] ;
- les condamner aux mêmes conditions aux entiers dépens et première instance et d'appel.
La société Provalibat rappelle :
- l'existence de deux séries de travaux, exécutés, pour les uns, en 2011, et totalement réglés et objet alors d'aucune réclamation et, pour les autres, en 2013, précisant en outre que les travaux de 2011, initialement prévus pour une réfection de grande ampleur s'étaient limités à des interventions de réfection ponctuelle pour certaines zones ;
- les conclusions de M. [J], qui s'est notamment basé sur le rapport du Ginger CEBTP, mandaté dans le cadre des opérations d'expertises pour effectuer différents sondages destinés notamment à mesurer l'épaisseur de la couche du fond de forme mise en 'uvre par l'entreprise [W] sur les travaux de 2011, laquelle oscillerait entre 6 et 15 cm selon les sondages, elle-même soulignant le caractère totalement incohérent des épaisseurs relevées ;
- l'absence de désordre sur plus de 98 % pour des zones de circulation et de travaux, les désordres apparaissant en zone périphérique et zone de caniveau, ce qui induit, d'une part, que les travaux de reprise ne doivent concerner que les zones atteintes par un affaissement, et non l'intégralité de la surface, d'autre part, que si sa responsabilité venait à être retenue, elle ne pourrait qu'être limitée à la valeur de la reprise de ces zones.
Sur les appels en garanties, elle fait valoir que :
- l'expert a conclu à la nature décennale des désordres ;
- le tribunal ne pouvait écarter la garantie des « assureurs décennal » aux motifs que les travaux n'avaient pas été réceptionnés, ce qui n'est pas le cas, à tout le moins, des travaux commandés et exécutés en 2011 ;
- ces derniers, quand bien même il n'existe pas de procès-verbal de réception, ont été tacitement réceptionnés, la prise de possession et le paiement intégral du prix en étant révélateurs, d'autant que les désordres constatés sont des désordres évolutifs qui n'existaient pas lors de l'achèvement des travaux ;
- la réception judiciaire doit être prononcée à la date de règlement de la facture, soit le 31 mai 2011, ce qui conduit à imposer à la société SMABTP de garantir l'ensemble des conséquences du sinistre, ainsi que les assureurs des sous-traitants au titre des travaux de 2011 ;
- pour le montant des reprises, la cour doit apprécier les responsabilités de chacun et les garanties des compagnies d'assurance selon chacun des marchés, s'agissant de marchés relatifs à des travaux n'ayant pas le même objet ;
- l'indemnisation des préjudices ne peut être appréciée de manière globale sur la base du chiffrage retenu par l'expert, à hauteur de 223 600 euros, mais doit être ventilée selon que les travaux ont été exécutés en 2011 ou en 2013.
Plus particulièrement sur les responsabilités et les garanties sur le marché de 2011, elle estime que :
- si la cour vient à considérer les conclusions du rapport Ginger comme pertinentes, il doit être constaté que la société [W] n'a aucunement respecté les préconisations initiales de la société Provalibat sur l'épaisseur du fonds de forme à mettre en 'uvre, la couche de forme ne dépassant visiblement, au vu de ce rapport, jamais plus de 15 centimètres au lieu des 65 convenus contractuellement ;
- il ne peut lui être reproché de ne pas avoir surveillé le chantier ; l'entreprise [W] a commis un défaut généralisé d'exécution qui conduit à retenir sa responsabilité à hauteur d'un quart, au détriment d'elle-même, ce qui doit conduire à obliger la société Crama en sa qualité d'assureur décennal de M. [W] à la garantir, étant observé que cet assureur ne démontre par aucun élément concret la ventilation de responsabilité qu'elle envisage (5 %) ;
- la responsabilité de la société [W] et de la société Bétonpoly, quand bien même elles sont sous-traitantes, peut également être recherchée sur le fondement de l'article 1792-4-2 du code civil, étant observé que la société Ramery ne pouvait ignorer cette insuffisance notable des fonds de forme, ce qui doit conduire à sa mise en cause, puisqu'elle a nécessairement accepté le support ;
- concernant le dallage béton effectué par la société Bétonpoly, il existait un ajout d'eau erratique à la mise en 'uvre finale, le gradient hydrique étant à l'origine des désordres ;
- les travaux affectés de désordres ont bien été commandés à l'entreprise [W] et à la société Bétonpoly, ce qui justifie que la responsabilité des deux intervenants et de leurs assureurs soit retenue.
Sur les responsabilités et les garanties relatives au marché de 2013, elle précise que :
- sur ce marché, elle a procédé à un rabotage de l'existant, l'entreprise Verrier ayant posé l'enrobé ;
- aucun procès-verbal de réception n'a été signé et les travaux ont été réglés par elle-même à la société Verrier ;
- la société Verrier a engagé sa responsabilité en acceptant le support, quand bien même la qualité de l'enrobé n'est pas en cause, et sera tenue à la garantir des conséquences du sinistre.
Elle ajoute que la société Debarge entend voir mettre à sa charge le droit proportionnel défini à l'article A444-32 du code de commerce, facturé par l'huissier pour un montant de 5 400 euros TTC. Or ce droit proportionnel est à la charge du créancier lorsque l'huissier de justice recouvre ou encaisse, après avoir reçu mandat, des sommes dues par un débiteur.
Elle conclut au rejet de cette demande, la société Debarge ayant décidé de recourir à un huissier, ce qui n'était pas indispensable puisqu'elle n'avait montré aucune résistance à l'exécution de la décision de première instance et avait réglé rapidement.
A la suite de l'arrêt avant-dire-droit du 25 mai 2023, elle observe :
- pouvoir produire les jugements de procédure collective demandés ;
- ne pas pouvoir produire la déclaration de créance, les délais pour déclarer étant expirés lorsque les responsabilités ont été envisagées.
Elle s'en rapporte, d'une part, sur l'éventuelle irrecevabilité des demandes à l'égard des entreprises défaillantes, ce qui ne compromet en rien le recours dirigé à l'encontre de leurs assureurs, d'autre part, sur l'absence de réouverture des opérations de liquidation de la société Bétonpoly.
Elle apporte des précisions sur les travaux en zone 15 partie D, comme démandé par la cour.
Par conclusions signifiées le 19 septembre 2023, la société Debarge demande à la cour, au visa des articles 1147, dans sa rédaction applicable à l'époque du litige, et 1792 et suivants du code civil, de
' confirmer le jugement du tribunal de commerce d'Arras en date du 6 octobre 2021 en toutes ses dispositions,
' Y ajoutant :
- condamner la société Provalibat à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre la somme de 5.738,24 euros, au titre des frais d'huissier exposés par ses soins pour faire exécuter la décision dont appel,
- condamner la société Provalibat aux entiers dépens d'appel.
En sa qualité de maître de l'ouvrage, la société Debarge plaide que les analyses et investigations menées par M. [J] dans le cadre de ses opérations d'expertise ont été très poussées. Elles ont consisté à analyser chacune des treize zones affectées de désordres, listées par constat d'huissier, afin de déterminer leur cause et leur imputabilité, et à définir les réparations à mettre en 'uvre ainsi que leur coût. A cette fin, l'expert a missionné le CEBTP, lequel a réalisé des sondages destinés à vérifier si les fonds de forme au droit des enrobés faisant l'objet des désordres avaient été réalisés dans les règles de l'art. L'expert judiciaire a par ailleurs fait intervenir un sapiteur, en la personne de M. [B], géomètre-expert, afin que soit réalisé un métré exact et contradictoire des surfaces sur lesquelles la société Provalibat et ses sous-traitants sont intervenus, de manière à pouvoir chiffrer au plus juste le coût des réparations.
La société Debarge se prévaut des conclusions expertales selon lesquelles les travaux de réfection de voirie confiés à la société Provalibat et en partie sous-traités par cette dernière n'ont pas été réalisés dans les règles de l'art, ces malfaçons étant directement à l'origine des désordres constatés. Elle rappelle notamment que la voirie a été sous-dimensionnée par la société Provalibat et ne pouvait avoir aucune pérennité, et qu'en outre, des défauts affectaient la réalisation des fonds de forme. Elle retient le chiffrage des préjudices de l'expert.
Elle note, au vu des écritures prises après l'arrêt avant dire droit du 25 mai 2023, qu'aucune déclaration de créance n'a été effectuée par la société Provalibat, et que la demande de précision est sans incidence sur la responsabilité de la société Provalibat à son égard.
Par conclusions signifiées le 17 novembre 2022, la SMABTP demande à la cour, au visa de l'article L.322-26-1 du code des assurances, des articles 56 et suivants du code de procédure civile, de l'article 1240 du code civil, de :
* à titre principal :
- dire bien jugé mal appelé
- confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions ;
- débouter la société Provalibat de son appel
- dire et juger que les travaux n'ont pas été réceptionnés
- dire et juger que ses garanties n'ont pas à être mobilisées ni ne sont mobilisables
* subsidiairement :
- dire et juger qu'elle sera relevée indemne et garantie par la société Debarge, la société Aviva, la société Ramery et la société Verrier, la Crama, « l'entreprise [W] » et de la société Bétonpoly, représentée par Mme [H] en qualité de mandataire ad hoc, de toutes condamnations intervenant à son encontre tant en principal, intérêts, frais et accessoires ;
* en tout état de cause :
- condamner la société Provalibat ou tout succombant au paiement de la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du CPC et aux entiers dépens.
La SMABTP soutient que :
- les garanties de la police d'assurance responsabilité civile décennale souscrite par la société Provalibat ne sont pas mobilisables, dès lors que les travaux affectés de désordres n'ont pas fait l'objet d'une réception ;
- aucun procès-verbal de réception n'a été régularisé entre le maître de l'ouvrage et la société Provalibat : il n'y a donc pas eu réception expresse, pas plus qu'il n'y a eu réception tacite ;
- les garanties complémentaires avant réception ou après travaux sont par ailleurs sans lien avec les conclusions expertales qui relèvent un défaut de conception et de réalisation des ouvrages ;
- subsidiairement, toute condamnation prononcée à son encontre ne pourrait l'être que sous déduction de la franchise contractuelle, opposable à la société Provalibat, si la juridiction admettait le bien-fondé de son appel en garantie.
Si la juridiction admettait une quelconque réception de l'ouvrage, elle demande à être garantie par la compagnie Abeille, assureur de la société Bétonpoly, par la Crama, assureur de l'entreprise [W], et par les sociétés Verrier et Ramery sur le fondement de l'article 1240 du code civil.
Elle argue que les désordres sur le fond de forme relevés à l'encontre de M. [W] ont été démontrés et qu'il est évident que le sous-dimensionnement relève de sa responsabilité. De ce fait, il a manifestement manqué à ses obligations de conseil et d'information et à imparfaitement exécuté son ouvrage.
Par conclusions signifiées le 30 août 2022, la société Abeille, anciennement Aviva assurances, demande à la cour, au visa de la police « édifice » souscrite par la société Bétonpoly auprès de la compagnie Aviva, de l'article L.243-1-1 du code des assurances, des articles 1240 et 1241 du code civil, de :
- débouter la société Provalibat de son appel, l'en déclarer mal fondée ;
- confirmer, en conséquence, le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
- débouter la Crama, la société Ramery et de la SMABTP de leurs appels en garantie et de leurs demandes dirigées contre elle ;
- prononcer sa mise hors de cause ;
* A titre subsidiaire :
- dire et juger que l'appel en garantie de la société Provalibat sera limité à concurrence de ses propres manquements ;
- condamner M. [D], en qualité de liquidateur de M. [W], et la Crama à la garantir et la relever indemne des condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre, en principal, intérêts, frais et dépens ;
- dire et juger que toute condamnation prononcée à son encontre ne pourrait l'être que sous déduction de la franchise contractuelle de 25.000 euros ;
* En tout état de cause :
- condamner la société Provalibat, ou à défaut tout succombant, à lui payer une indemnité procédurale de 10.000 euros au visa de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société Provalibat, ou à défaut tout succombant, aux entiers frais et dépens de la première instance et l'appel.
Elle rappelle que :
- la société Bétonpoly n'est intervenue que pour la réalisation du dallage béton ;
- les désordres qui affectent les zones enrobées ne peuvent donc lui être imputés, et que dès lors, l'appel en garantie dirigé à son encontre par la société Provalibat ne peut porter que sur les désordres affectant ce dallage béton, limités à la somme de 60 693,60 euros HT.
Elle précise que :
- si la société Bétonpoly avait souscrit une police d'assurance se décomposant en deux volets principaux, la garantie « responsabilité civile exploitation et après livraison des travaux » et la garantie « responsabilité civile décennale des ouvrages soumis à l'obligation d'assurance », ces garanties ne sont pas mobilisables en l'espèce ;
- d'une part, le volet « responsabilité civile exploitation et après livraison des travaux » n'a pas vocation à couvrir les dommages à l'ouvrage, comme indiqué en page 7 des conditions particulières ;
- d'autre part, le volet « responsabilité civile décennale des ouvrages soumis à l'obligation d'assurance » comporte une garantie de base dite « responsabilité civile décennale obligatoire » et des garanties complémentaires avant et après réception. La garantie de base « responsabilité civile décennale obligatoire » n'a pas vocation à s'appliquer en l'espèce, puisqu'elle a pour objet de prendre en charge les travaux de réparation des désordres de nature décennale lorsque la responsabilité de l'assuré est encourue au visa des articles 1792 et suivants du code civil en application des articles L.241-1 et suivants du code des assurances. Ce fondement juridique n'est pas applicable à la société Bétonpoly dès lors que cette dernière est intervenue en qualité de sous-traitant de la société Provalibat. Les garanties complémentaires avant réception sont également sans lien avec le litige. Elles n'ont pour objet que de couvrir les dommages matériels d'effondrement et menaces graves d'effondrement, ainsi que les catastrophes naturelles. Enfin, au titre des garanties complémentaires après réception, ont été souscrites les garanties suivantes : décennale sous-traitant ; garantie de bon fonctionnement ; dommages immatériels consécutifs ; garantie dommages aux existants ;
- c'est nécessairement la garantie complémentaire après réception « décennale sous-traitant » qui est invoquée par la société Provalibat bien qu'elle ne le précise pas dans ses écritures. Néanmoins, cette garantie ne peut également trouver application pour les motifs suivants :
- la société Bétonpoly n'a pas réalisé un ouvrage soumis à l'obligation d'assurance, conformément à l'article L.243-1-1 du code des assurances, son dallage béton faisant office de voirie et ne constituant aucunement l'accessoire d'un ouvrage soumis à l'obligation d'assurance ;
- l'ouvrage n'a pas été réceptionné, la société Debarge n'ayant jamais fait montre d'une volonté non équivoque de réceptionner les travaux ;
- les désordres ne sont pas de gravité décennale, ainsi que le reconnaît l'expert.
Elle en déduit qu'elle est donc bien fondée à solliciter sa mise hors de cause et que la société Provalibat doit donc être déboutée de l'ensemble des demandes dirigées à son encontre. Il en va de même s'agissant des autres intimées et, notamment, de la société Ramery, de la SMABTP et de la Crama, qui croient devoir, sans la moindre ligne de justification, formuler des appels en garantie à son encontre.
Subsidiairement, elle précise que l'expert judiciaire énonce très clairement les manquements de la société Provalibat qui sont à l'origine non seulement des désordres affectant la zone béton mais également des désordres affectant la zone enrobée. Il a en effet souligné les importants défauts de conception mais également de suivi des travaux par la société Provalibat. C'est sur la base de ces manquements caractérisés qu'il lui impute une part de 75 % dans la survenance des désordres de la zone enrobée et de 10 % dans la survenance des désordres de la zone béton. Compte tenu de ces fautes, le droit à indemnisation de la société Provalibat doit être minoré. Elle en conclut que la demande en garantie intégrale que cette dernière forme est mal fondée.
Elle termine en ajoutant que si, par extraordinaire, il était fait droit aux demandes de la société Provalibat à son encontre, elle serait bien fondée à être garantie par le liquidateur judiciaire de M. [W] et son assureur la Crama, puisque M. [J] rappelle que les manquements de l'entreprise [W], couplés à ceux de la société Provalibat, sont à l'origine des désordres affectant la zone enrobée. Quant à la société Bétonpoly, elle y est totalement étrangère.
Elle conclut que toute condamnation prononcée à son encontre ne pourrait enfin l'être que sous déduction de la franchise contractuelle de 25 000 euros, puisqu'il est de jurisprudence constante que s'agissant des garanties facultatives, les franchises sont opposables aux tiers lésés et par conséquent, en l'espèce, à la société Provalibat.
Par conclusions signifiées le 21 septembre 2023, la CRAMA demande à la cour de :
* à titre principal :
- la juger recevable et fondée en son appel incident
- infirmer le jugement rendu en ce qu'il :
« - Condamne M. [W] à payer la somme de 37.447,10 euros à la société Provalibat au titre de sa part de responsabilité du coût de réparation des désordres consécutifs à ses travaux ;
Fixe au profit de la société Provalibat au passif de la procédure collective de liquidation judiciaire de M. [W] la créance de 37.447,10 euros HT à titre chirographaire assortie des intérêts de droit conformément aux dispositions légales en vigueur » ;
Statuant à nouveau de ces chefs :
- juger que l'entreprise [W] n'a pas engagé sa responsabilité ou qu'à tout le moins sa part de responsabilité ne saurait excéder 5 %.
- juger que la responsabilité dans les désordres et malfaçons allégués est imputable d'une part à la société Provalibat et d'autre part à la société Bétonpoly
- débouter purement et simplement la société Provalibat de toutes ses demandes, fins et conclusions dirigées à l'encontre de l'entreprise [W], ainsi que de sa demande de réception des ouvrages
- confirmer le jugement rendu en ce qu'il a :
- débouté la société Provalibat de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions.
- dit et jugé que les travaux n'ont pas été réceptionnés par le maître de l'ouvrage.
- dit et jugé que ses garanties de la Crama ne sont pas mobilisables ;
- condamné la société Provalibat, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à lui payer la somme de 500 euros ;
- débouter purement et simplement la société Abeille et la SMABTP de toutes leurs demandes, fins et conclusions dirigées contre elle ;
- rejeter les demandes de garantie formulées contre elle, d'une part, par la société Abeille, d'autre part, par la SMABTP ;
- juger que la cour ne peut pas fonder sa décision relative à la ventilation du coût des travaux de réfection entre les désordres affectant les travaux exécutés en 2011 et les désordres affectant les travaux réalisés en 2013 sur la base d'un document partial, non contradictoire et non validé par l'expert judiciaire, et communiqué par l'une des parties ayant un intérêt évident à minimiser le coût des travaux de réfection des prestations effectuées en 2013 par rapport au coût des travaux de reprise des désordres affectant les travaux réalisés en 2011 ;
- condamner la société Provalibat à lui payer la somme de 5 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel ;
- condamner la société Provalibat en tous les frais et dépens, en ce compris les dépens de référé et les frais et dépens de première instance et d'appel :
* à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour entrerait en voie de condamnation contre elle : vu les dispositions de l'article 1240 du code civil,
- condamner in solidum la société Provalibat, la SMABTP, Mme [H], en qualité de mandataire ad'hoc de la société Bétonpoly, la société Abeille, la société Ramery et la société Verrier à la garantir de toutes condamnations intervenant à son encontre tant en principal, intérêts, frais et accessoires ;
- débouter purement et simplement la société Abeille et la SMABTP de toutes leurs demandes, fins et conclusions dirigées à son encontre ;
- condamner in solidum la société Provalibat, la SMABTP, Mme [H], prise en qualité de mandataire ad'hoc de la société Bétonpoly, la société Abeille, la société Ramery et la société Verrier à prendre en charge ses frais irrépétibles d'un montant de 5.000 euros
- condamner in solidum la société Provalibat, la SMABTP, Mme [H], en qualité de mandataire ad'hoc de la société Bétonpoly, la société Abeille, la société Ramery et la société Verrier en tous les frais et dépens, en ce compris les frais et honoraires de l'expert judiciaire.
La Crama rappelle la qualité de sous-traitant de l'entreprise [W], pour laquelle la présomption de responsabilité de l'article 1792 du code civil ne joue pas. Elle pointe l'absence de réception expresse ou tacite des travaux.
Elle relève que :
- si l'expert judiciaire a considéré qu'il convenait de reprendre le dallage de la zone 11, les désordres qui l'affectent ne sont imputables ni directement ni indirectement à l'entreprise [W], mais à la société Bétonpoly.
- concernant les autres désordres, pour lesquels la responsabilité de l'entreprise [W] est engagée, le taux retenu par l'expert judiciaire, soit 25% à la charge de la société [W] et 75% à la charge de la société Provalibat, est contestable dans la mesure où la responsabilité essentielle, pour ne pas dire exclusive, des désordres est imputable à la société Provalibat. Celle-ci a en effet conçu et réalisé ou fait réaliser un ouvrage non pas comme étant une voirie lourde destinée à la circulation de poids-lourds, mais une voirie classique destinée à la circulation de véhicules automobiles légers. A supposer qu'il puisse être considéré que l'entreprise [W] ait commis des erreurs dans le cadre de l'exécution des travaux, la responsabilité en incombe également à la société Provalibat qui avait une parfaite connaissance des travaux pour les avoir conçus, en avoir surveillé l'exécution, en avoir vérifié la qualité par des essais à la plaque, et les avoir acceptés et réceptionnés. La responsabilité de l'entreprise [W] est donc inexistante. A tout le moins, elle ne peut être retenue que de manière résiduelle à concurrence de 5% du coût des travaux de réfection des désordres hors dallage.
Elle ajoute, qu'en toute hypothèse, les garanties de la police d'assurance responsabilité civile décennale souscrite ne sont pas mobilisables ; qu'en effet, les travaux affectés des désordres n'ont pas fait l'objet d'une réception expresse ou tacite, puisque le maître de l'ouvrage n'a eu de cesse de manifester son mécontentement, ce qui l'a d'ailleurs conduit à refuser d'opérer le règlement du solde du marché ; qu'il n'y a pas lieu de distinguer entre les travaux de 2011 et de 2013 s'agissant en réalité de travaux d'ensemble de remise en état de la voirie intérieure de l'immeuble.
Elle en conclut que, dans la mesure où elle doit être mise purement et simplement hors de cause, il y a lieu de rejeter les demandes de garantie formulées à son encontre par la société Abeille et par la SMABTP.
Elle ajoute, dans l'hypothèse où la cour entrerait en voie de condamnation à son encontre, qu'elle entend être garantie de toutes condamnations ; que la responsabilité essentielle du sinistre incombe à la société Provalibat, ainsi qu'il résulte des termes du rapport de l'expert judiciaire, assurée auprès de la SMABTP, que dans ces conditions, il convient de condamner in solidum la société Provalibat et la SMABTP à la garantir par application des articles 1103, 1193, 1104, 1222 et 1231-1 du code civil.
Elle précise que la responsabilité de la société Bétonpoly, assurée auprès de la compagnie Aviva assurances, celle de la société Verrier qui a réceptionné le support, et celle de la société Ramery qui a effectué la pose d'enrobés sur le fond de forme existant, sont également engagées et que ces sociétés doivent aussi être condamnées à la garantir de toutes condamnations.
Par conclusions signifiée le 15 septembre 2022, la société Verrier demande à la cour, au visa de l'article 1315 ancien du code civil, devenu 1353 du code civil, de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Provalibat de l'ensemble de ses demandes formulées à son encontre ;
- débouter la société Provalibat de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions ;
- condamner la société Provalibat à lui verser la somme 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société Provalibat aux entiers frais et dépens.
Elle rappelle que, selon le rapport d'expertise, les travaux qu'elle a effectués « ne rentrent pas dans le périmètre du litige » et qu'aux termes de ses dernières conclusions, la société Provalibat affirme de manière péremptoire, sans apporter le moindre élément de preuve, qu'elle aurait dû se rendre compte que son intervention serait inefficace au regard du support.
Elle estime que cette opinion technique et subjective est en totale contradiction avec le rapport de l'expert et qu'elle ne peut qu'être mise hors de cause.
Par conclusions signifiées le 26 avril 2022, la société Ramery demande à la cour de :
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu ;
- en conséquence,
- débouter purement et simplement la société Provalibat et toute autre partie de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions en ce qu'elles sont dirigées à son encontre ;
- à titre subsidiaire, et vu les dispositions des articles 1240 et suivants du code civil, et de l'article L 124-3 du Code des assurances,
- condamner in solidum les sociétés Aviva et Crama à la garantir de l'ensemble des condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre
- en tout état de cause,
- condamner la société Provalibat, ainsi que toute partie défaillante à lui verser une somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- condamner la société Provalibat ainsi que toute partie défaillante aux entiers frais et dépens d'instance, en ce compris les frais d'expertise judiciaire.
Elle fait valoir qu'aux termes du rapport d'expertise, les désordres allégués par la société Debarge n'ont aucun lien avec les travaux d'enrobés qu'elle a réalisés. Elle estime qu'étant intervenue dans le cadre du chantier litigieux en qualité de sous-traitant, seule sa responsabilité contractuelle serait susceptible d'être engagée ; que selon l'expert, les travaux d'enrobés ont été parfaitement exécutés.
Elle précise que la société Provalibat entend néanmoins solliciter sa garantie sous le prétexte qu'elle aurait accepté le support, alors qu'un défaut des matériaux composant le fond de forme ou des modalités de sa mise en 'uvre est impossible à discerner, car non visible, sauf à réaliser un sondage destructeur du support ; que c'est la raison pour laquelle l'expert a exclu sa responsabilité.
Si par impossible, la cour devait la condamner, elle s'estime bien fondée à solliciter la garantie pleine et entière de l'assureur de la société [W], la société Crama, et celle de la société Abeille, assureur de la société Bétonpoly, sur le fondement des dispositions de l'article L124-3 du code des assurances.
Mme [H], ès qualités, et la SELARL [D] et associés, ès qualités, n'ont pas constitué avocat devant la cour.
La déclaration d'appel et les conclusions de chacune des parties prises avant l'arrêt de réouverture des débats leurs ont été régulièrement signifiées.
MOTIVATION
Au préalable, il convient de souligner qu'il n'y a pas lieu de reprendre ni d'écarter dans le dispositif du présent arrêt les demandes tendant à 'constater que '' ou 'dire que'', telles que figurant dans le dispositif des conclusions des parties, lorsqu'elles portent sur des moyens ou éléments de fait relevant des motifs et non des chefs de décision devant figurer dans la partie exécutoire de l'arrêt.
Il est observé également que les chefs du jugement par lesquels le tribunal s'est déclaré compétent et a rejeté la demande de la SMABTP visant à la nullité de l'assignation émise par la SARL Provalibat à son encontre, ne sont pas dévolus à la cour.
Enfin, à titre liminaire, il doit être admis, malgré, d'abord, l'imprécision des pièces contractuelles, ensuite, les amalgames commis par les différentes parties et, enfin, les confusions effectuées par l'expert, que les travaux de 2011 et de 2013 sont des marchés distincts avec des objets différents et des sous-traitances distinctes.
Même s'il est évoqué des désordres devant être repris pour la première tranche de travaux, il ne ressort ni des pièces contractuelles ni des constatations de l'expert, que les travaux effectués en 2013 aient concerné des zones objet de travaux en 2011.
Il doit être noté qu'il résulte des conclusions des parties et des pièces versées aux débats que :
- la société Debarge, maître d'ouvrage, a commandé des travaux de voieries à la société Provalibat, qui les a sous-traités ;
- suivant l'expertise judiciaire et les conclusions des parties, 13 zones sont affectées de désordres ;
- les travaux effectués en 2011 ont été sous-traités par la société Provalibat à M. [W], en procédure collective depuis, pour la réalisation des fonds de forme, qui ont fait l'objet soit d'un dallage béton, confié à la société Bétonpoly, en procédure collective depuis repère A), soit d'une pose d'enrobés, confiée à la société Ramery (zones B, C, B', F, F') ;
- les travaux réalisés en 2013 ont été effectués pour partie par la société Provalibat elle-même et pour l'autre sous-traités à la société Verrier (zones D, E G) par cette dernière s'agissant de la pose des enrobés.
I - Sur les demandes formées à l'encontre des parties en procédure collective
Aux termes de l'article L 622-7 I du code de commerce, le jugement ouvrant la procédure emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception du paiement par compensation de créances connexes. Il emporte également, de plein droit, interdiction de payer toute créance née après le jugement d'ouverture, non mentionné au I de l'article L 622-17 du code de la consommation.
Aux termes de l'article L 622-21, I du code de commerce, le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L 622-17 tendant :
1° à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent,
2° à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.
Il est de jurisprudence constante que le caractère antérieur de la créance est déterminé par la date du fait générateur de ladite créance, qui est celle à laquelle les prestations défectueuses engageant la responsabilité du débiteur ont été exécutées.
Ainsi, la créance née de l'exécution défectueuse d'une prestation de travaux est soumise à déclaration si cette prestation a été effectuée antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective.
En revanche, lorsqu'une instance est en cours à la date de prononcé d'un jugement ouvrant une procédure collective, doit s'appliquer l'article L 622-22 du même code, qui dispose « sous réserve des dispositions de l'article L 625-3, les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance. Elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l'administrateur ou le commissaire à l'exécution du plan nommé en application de l'article L 626-25 dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant ».
En revanche, lorsqu'aucune instance en paiement d'une somme d'argent n'est en cours au jour de l'ouverture de la procédure collective du débiteur, le créancier ne peut faire constater le principe de sa créance et en faire fixer le montant, autrement qu'en la déclarant au passif et en se soumettant à la procédure normale de vérification du passif (v. not. : Com. 12 janv. 2010, n° 08-19645 ; Com. 1er juill. 2020, n° 19-11658).
En l'espèce, les travaux confiés à M. [W] et à la société Bétonpoly ont été réalisés courant 2011 et ceux-ci ne sont plus intervenus par la suite lors du second marché de travaux, conclu en 2013.
A la suite de l'arrêt de réouverture des débats, ont été produits les justificatifs établissant que les jugements ouvrant les procédures collectives respectives de M. [W] et de la société Bétonpoly ont été rendus postérieurement à la réalisation de ces travaux.
Les créances de réparation des désordres liés à la mauvaise exécution des travaux de 2011 sont donc des créances antérieures soumises à déclaration au passif - ce dont ne disconvient d'ailleurs pas la société Provalibat.
L'action en responsabilité dans l'exécution de ces travaux ayant été introduite contre M. [W] et la société Bétonpoly par des actes du 3 septembre 2019, soit postérieurement aux jugements ouvrant leurs procédures collectives respectives, il s'ensuit :
- d'abord, qu'à la date de ces jugements, il n'existait pas d'instance en cours au sens de l'article L 622-22 du code de commerce, de sorte que les premiers juges ne pouvaient faire application de ce texte ni, partant, fixer de créance au passif de ces procédures collectives ;
- ensuite, que les demandes de condamnation formées contre M. [W] et la société Bétonpoly sont irrecevables, en application de l'article L 622-21, I, précité.
Les créanciers de M. [W] et de la société Bétonpoly ne pouvaient donc, après avoir déclaré leurs créances, que se soumettre à la procédure de vérification organisée devant le juge-commissaire, afin que celui-ci statue sur leur demande d'admission.
Par conséquent, la décision entreprise est donc infirmée en ce qu'elle a :
- condamné M. [W] à payer la somme de 37.447,10 euros HT à la société Provalibat au titre de sa part de responsabilité au coût de réparation des désordres consécutifs à ses travaux ;
- condamné la société Bétonpoly à payer un montant de 54.624,24 euros HT à la société Provalibat au titre de sa part de responsabilité au coût de réparation des désordres consécutifs à ses travaux ;
- fixé au profit de la société Provalibat au passif de la procédure collective de liquidation judiciaire de M. [W] la créance de 37.447,10 euros HT à titre chirographaire assortie des intérêts de droit conformément aux dispositions légales en vigueur ;
- fixé au profit de la société Provalibat au passif de la procédure collective de liquidation judiciaire de la société Bétonpoly la créance de 54.624,24 euros HT à titre chirographaire assortie des intérêts de droit conformément aux dispositions légales en vigueur.
Les demandes de la société Provalibat, maintenues en cause d'appel, tendant à la fixation au passif des procédures collectives de M. [W] et de la société Bétonpoly des sommes éventuellement mises à sa charge au profit de la société Debarge, ne peuvent qu'être déclarées irrecevables.
En outre, la demande en garantie présentée par la société SMABTP à l'encontre de la société Bétonpoly et de M. [W], qui tend au paiement d'une somme d'argent, est également irrecevable, tout comme la demande de la société Abeille tendant à la condamnation de Me [D], en qualité de liquidateur judiciaire de M. [W], à la garantir et relever indemne des condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre.
Enfin, la demande de la société Crama en vue d'obtenir la condamnation in solidum de la société Bétonpoly et de M. [W] à la garantir de toutes condamnations prononcées contre elle est irrecevable, pour les mêmes motifs que ceux ci-dessus exposés.
Il doit cependant être observé que l'irrecevabilité des demandes à l'égard de M. [W] et de la société Bétonpoly, pris en la personne de leurs organes de procédure collective, est sans emport sur la détermination des responsabilités, nécessaire à l'examen du litige et des recours dirigés à l'encontre de leurs assureurs.
II ' Sur les travaux réalisés en 2011
A) Sur la nature des travaux et leur réception
Aux termes de l'article 1792-6, alinéa 1er, du code civil, la réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves. Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l'amiable, soit à défaut judiciairement. Elle est, en tout état de cause, prononcée contradictoirement.
La Cour de cassation a validé, par une jurisprudence ancienne, la possibilité d'une réception tacite malgré le silence de ce texte (Cass. 3ème Civ, 16 juillet 1987, Bull. civ. III n°143 ; Cass. 3ème Civ, 13 juillet 2017, n° 16-19.438).
Il appartient à celui qui invoque une réception tacite de la démontrer (Cass. 3ème Civ, 13 juillet 2017, n° 16-19.438), cette dernière étant conditionnée à l'existence d'une volonté non équivoque de recevoir l'ouvrage (Cass. 3ème Civ., 4 octobre 1989, Bull III n°189). Ainsi, la prise de possession de l'ouvrage et le paiement des travaux font présumer la volonté non équivoque du maître de l'ouvrage de le recevoir avec ou sans réserve (Cass. 3ème Civ. 18 avril 2019, n° 18-13.734). Cette présomption simple peut cependant être écartée.
La date de la réception tacite doit obligatoirement être fixée par le juge (Cass. 3ème Civ., 30 mars 2011, n°10-30116 ; Cass. 3e Civ., 1 avril 2021, n° 19-25.563).
En l'espèce, en premier lieu, aucune des parties ne conteste que les travaux réalisés en 2011 constituent des travaux de construction au sens des articles 1792 et suivants, au vu de leur ampleur, qui n'en font aucunement de simples travaux de rénovation - étant ajouté, au surplus, que des techniques de construction ont bien été mises en 'uvre pour leur réalisation.
En second lieu, il ressort des pièces versées aux débats et de l'expertise judiciaire, que la société Debarge a confié en 2011 à la société Provalibat des travaux de réalisation et réfection de voieries de son site industriel.
Si les échanges entre les parties permettent de constater que la surface concernée par les travaux a été réduite entre le premier devis établi et le devis accepté, l'assertion de la société Provalibat selon laquelle les travaux n'étaient destinés qu'à la réalisation de « voieries légères » n'est toutefois accréditée par aucune pièce.
Au contraire, il ressort des plans fournis et de l'utilisation du site, observée par l'huissier de justice comme par l'expert judiciaire, que les travaux concernaient des zones de stockages lourds (bois) ou encore des zones de circulation de poids-lourds ou de chariots élévateurs.
La société Provalibat connaissait cette destination comme en attestent les éléments recueillis lors de l'étude géotechnique d'avant-projet de la société SEF et les préconisations de cette dernière concernant la réalisation de voieries en béton.
En troisième lieu, cette première série de travaux, commandés suivant devis n° AT-11-004 Ind C du 24 janvier 2011, a été achevée en mai 2011. Elle a fait l'objet de facturations courant mai 2011, lesdites factures ayant été intégralement payées à la société Provalibat par la société Debarge.
Cette dernière s'est ensuite de nouveau adressée à la société Provalibat en 2012 pour réaliser une seconde série de travaux. Ce n'est que par courrier du 23 septembre 2023, que la société Debarge s'est plainte de désordres et a refusé la réception des travaux, sans faire référence à la date des travaux concernés par ses griefs.
Le fait que les désordres aient été évolutifs ou que les travaux aient été affectés de désordres est sans emport sur la caractérisation de la réception, laquelle peut intervenir quand bien même des réserves ont été émises, dès lors qu'est établie la volonté du maître de l'ouvrage d'accepter les travaux.
En l'espèce, sa prise de possession des ouvrages, s'agissant de la réhabilitation partielle de la voierie de son site d'exploitation, sans émettre la moindre réserve à la suite de la réalisation de ces travaux, et son paiement des factures, sans même une retenue de garantie, caractérisent la volonté non équivoque de la société Debarge d'accepter contradictoirement ces derniers.
Ces éléments font présumer de la réception tacite des travaux litigieux dès le 31 mai 2011, sans que les termes du courrier de la société Debarge du 23 septembre 2013 puissent utilement être invoqués pour contester ladite réception.
En effet, ce courrier, faisant suite aux réclamations en paiement des travaux de la seconde tranche et aux désordres liés à cette phase, ne décrit que très vaguement des désordres, qui affecteraient également la première tranche, et mentionne des réclamations verbales antérieures qui ne sont établies par aucune pièce ni étayées par aucun élément objectif. Il n'est ainsi versé aux débats, par exemple, aucune attestation de salarié ou responsable du site, ou encore d'échanges entre les parties, illustrant cette allégation.
Au surplus, dans son rapport, en page 14, l'expert judiciaire estime d'ailleurs que « s'il n'y a pas eu réception des travaux en 2013, nous considérons que ceux de 2011 ont été tacitement réceptionnés du fait des règlements (non contestés) des factures établies par Provalibat. »
En conséquence, il convient de constater la réception tacite des travaux réalisés en 2011 par la société Provalibat à la date du 31 mai 2011.
B) Sur les désordres et leur imputabilité
En droit, il convient de rappeler que le sous-traitant, ne figurant pas dans la liste de l'article 1792-1, n'est pas soumis aux responsabilités découlant des articles 1792 et suivants.
Dans les rapports entre sous-traitants et entrepreneur principal, il y a dès lors lieu à application de la responsabilité contractuelle de droit commun. Le sous-traitant est tenu d'une obligation de résultat à l'égard de l'entrepreneur principal (Cass 3ème Civ. 3 décembre 1980). Cette obligation de résultat emporte présomption de faute et de causalité (Cass 3ème Civ. 5 juin 2012, n° 11-16.104). Le sous-traitant ne peut échapper à sa responsabilité qu'en démontrant la faute de son cocontractant, l'entrepreneur principal.
Quant aux relations entre sous-traitants, elles ont vocation à être régies par les dispositions des articles 1382 et suivants du code civil, en l'absence de lien contractuel entre eux ou de co-traitance.
En l'espèce, au vu des pièces contractuelles, notamment des commandes, devis et marchés de sous-traitance, il est établi que ce marché, facturé par la société Provalibat à la société Debarge pour un montant de 264 037, 72 euros HT, a été sous-traité à M. [W], à la société Bétonpoly ainsi qu'à la société Ramery.
Au vu des termes du marché principal et des conventions de sous-traitance, il est incontestable que la société Provalibat, entreprise générale ayant sous-traité une partie des travaux, a assumé une mission de maîtrise d''uvre tant au niveau de la conception des travaux qu'au niveau du suivi et de l'exécution de ces mêmes travaux.
1) Sur la réalisation des fonds de forme par M. [W]
La société Provalibat, titulaire du marché global de travaux, a sous-traité la réalisation des fonds de forme à M. [W] suivant demande de prix du 23 janvier 2011, acceptée pour un montant ramené à 86 500 euros, montant qui a été facturé et réglé par la société Provalibat.
En premier lieu, préalablement à la réalisation des travaux, une étude de sol avait été menée par la société SEF, qui concluait à la « nécessité de réaliser des couches de forme permettant de définir des plates-formes de classes PF2 (les arases doivent être classées AR0) et, après décapage des matériaux remaniés de surface, à la « substitution avec des matériaux d'apports sains, homogènes et inertes type grave tout venant de classe D31 (par exemple schistes rouges, tout venant de calcaire ou matériaux similaires de qualité au moins équivalente) à mettre en 'uvre par couches compactées mécaniquement après interposition d'un anticontaminant géotextile. Il faut envisager une épaisseur minimale de 60 à 65 cm (les schistes noirs pourront être réutilisés en base de la couche de forme) ».
Si la surface à traiter a été modifiée, l'étude étant réalisée pour une surface de 3 000m² alors que seule une surface plus circonscrite a fait l'objet des travaux, il n'est pas démontré que d'autres caractéristiques de l'opération envisagée aient été modifiées, rendant obsolète ladite étude.
Il n'est ainsi pas justifié de l'affirmation de la société Provalibat selon laquelle la société Debarge n'envisageait, pour les zones définitivement arrêtées, que des travaux revêtant les caractéristiques de « voierie légère », l'implantation même de ces zones (entrée de l'exploitation, zone de circulation donnant accès à des « voieries lourdes » ou zones de stockage) contredisant cette allégation.
Or, les pièces contractuelles unissant, d'une part, la société Provalibat et la société Debarge, d'autre part, la société Provalibat et son sous-traitant, M. [W], ne tiennent compte ni de l'usage habituel de son site par la société Debarge, usage pourtant connu de la société Provalibat, ni des recommandations de l'étude précitée.
En effet, le devis n° AT-11-004 ind C émis par la société Provalibat et comportant le descriptif des opérations prévoit « des décapages de plate-forme sur une épaisseur de 30 cm », ou « une couche de forme en ternaire épaisseur 15 cm, y compris compactages par couche », voire tout au plus la mise en 'uvre des « plateformes en matériaux déblais sains et compactés par couches épaisseur 40 cm ».
La demande de prix, transmise par la société Provalibat à M. [W], ne comporte aucune indication précise quant à l'épaisseur des couches, le document produit permettant de constater que les volumes de terres, surfaces concernées ainsi que les épaisseurs ont été définies par la société Provalibat, M. [W] n'ayant qu'apposé manuellement le prix des prestations sollicitées.
En second lieu, les sondages réalisés par le CEBTP, mandaté dans le cadre des opérations d'expertise, et destinés à mesurer notamment l'épaisseur de la couche du fond de forme mise en 'uvre, ont permis à l'expert de conclure à la réalisation de fond de forme présentant des épaisseurs « hétérogènes » pouvant descendre jusqu'à 0,15 m (triangle attenant au repère A/repère B' du CEBTP).
L'expert conclut que « les fonds de forme, hétérogènes, d'épaisseurs insuffisantes provoquant à l'usage des déflections par matelassage sous charge des matériaux existants en général (page 18), sont « en général inaptes à recevoir les finitions en enrobés de surface et ne sont donc pas dimensionnés pour les circulations de charges lourdes » (page 19 de l'expertise), voire sont inaptes à recevoir des circulations de véhicules légers (page 18).
Pour attester d'une épaisseur de 65 cm, demandée par ses soins à M. [W] et mise en 'uvre par ce dernier, la société Provalibat ne peut se contenter de renvoyer aux « quantités commandées ' à l'entreprise [W] » dans sa demande de prix pour le moins succincte, sans la moindre démonstration à l'appui, notamment chiffrée en fonction de la surface concernée, ce qu'avait déjà souligné l'expert dans son rapport (page 103).
Par ailleurs, les clichés, dont se prévaut la société Provalibat, qui ne sont ni datés ni précisément localisés, ne permettent pas plus d'établir le respect de l'épaisseur préconisée, l'expert soulignant uniquement qu'ils montrent l'existence d'un sol argilo-limoneux ayant une plasticité moyenne élevée.
La société Provalibat ne peut pas plus se retrancher derrière la réalisation d'un contrôle de compactage effectué par la société SEF avec des résultats d'essais Westergaard satisfaisants, l'expert judiciaire ayant rappelé, sans être démenti, que « la vérification Westergaard n'a de valeur que pour les tenues mécaniques de surface », alors qu'il « fallait en l'occurrence déterminer un optimum proctor de compactage ce qui n'a pas été le cas. »
C'est sans aucun élément objectif et chiffré que la société Provalibat conteste les épaisseurs relevées par le CEBTP, qu'elle qualifie d' « incohérentes », étant rappelé que les « sondages réalisés par le CEBTP [l'ont été] sur base des implantations contradictoirement effectuées en relation avec les plans dont celui fourni par Provalibat comportant les zones objets des deux marchés et pour lesquelles, les intervenants sous-traitants ont été identifiés ».
En troisième lieu, ces éléments, (prises de quelques photos, contrôle ponctuel du compactage par essais Westergaard) sont insusceptibles de mettre en lumière, d'une part, une éventuelle distorsion entre les quantités de matériaux facturés et ceux mis en 'uvre par un sous-traitant, d'autre part, un non-respect par ce dernier des règles de l'art.
Il n'est produit ni compte-rendu de chantier ou de suivi technique, ni constat contradictoire de réalisation de travaux, susceptibles de démontrer une surveillance effective, par la société Provalibat, du chantier sous-traité à M. [W].
De l'ensemble de ces éléments, et notamment des épaisseurs de couche de forme insuffisantes et insusceptibles de résister aux contraintes de circulation ou de stockage, des chaussées non calculées pour l'usage auquel elles étaient destinées, de « l'hétérogénéité des matériaux constitutifs des fonds de forme entrant également dans l'arbre des causes », de la « piètre qualité sur le plan de leur résistance mécanique » de toutes les zones, hormis la zone 3A Béton, il s'induit que les désordres affectant les fonds de forme ont pour origine :
- un défaut de conception des ouvrages, imputable à la société Provalibat, qui avait connaissance de la destination des ouvrages et qui n'a ni suivi les préconisations de bureau d'étude géologique ni retransmis ses préconisations au sous-traitant ;
- un défaut de réalisation des ouvrages, présentant des épaisseurs et compactages insuffisants, ainsi qu'une granulométrie des matériaux grossière, imputable quant à lui à M. [W] ;
- un défaut de vérification des travaux, imputable à la société Provalibat, qui a réceptionné les travaux de M. [W], sans vérifier réellement les moyens mis en 'uvre ni procéder à des contrôles ou essais suffisants permettant notamment de vérifier « les caractéristiques de compactage des matériaux sous-jacents ».
La société Provalibat ne peut raisonnablement affirmer que sans la faute de M. [W], prédominante selon elle, aucun désordre ne serait apparu.
En effet, cette société assume la conception des ouvrages, non en voierie lourde, mais en voierie classique destinée à la circulation des véhicules automobiles. Quand bien même aucune faute n'aurait été commise par l'entreprise [W], la voierie n'aurait pas répondu à l'usage auquel elle était destinée et qui était connu de la société Provalibat.
Ainsi, dans les rapports entre la société Provalibat et M. [W], cette société a commis une faute prédominante, d'autant que celle-ci a eu des répercussions sur les tâches ultérieures dévolues aux autres intervenants.
La proposition de partage de responsabilité de l'expert judiciaire se justifie de même que l'évaluation de la part de responsabilité à la charge de M. [W] à hauteur de 25 %.
2) Sur les enrobés réalisés par la société Ramery
La pose d'enrobé a été sous-traitée par la société Provalibat à la société Ramery, laquelle a facturé une somme de 28 000 euros HT, qui a été réglée par l'entreprise générale en intégralité.
En premier lieu, il doit être noté que la société Ramery n'est intervenue que très ponctuellement sur l'ouvrage dans le cadre de la tranche de travaux de 2011. La pose des enrobés par ses soins concerne uniquement les zones marquées par les repères B, C, F et F' du plan dressé par l'expert judiciaire.
Dans son rapport, l'expert judiciaire note que les travaux exécutés par la société Ramery sont exempts de vices et conformes à la commande
Néanmoins, il convient de relever que, sur les fonds de forme, a été apposé un enrobé par la société Ramery, laquelle, en qualité de professionnel, a accepté le support sans émettre la moindre protestation ni établir s'être inquiétée de la qualité des supports réalisés par l'autre sous-traitant, M. [W].
Ainsi, sans qu'il soit exigé de sa part la réalisation de sondage destructif, elle aurait dû s'enquérir de la conformité de ces supports, ou à tout le moins attirer l'attention des protagonistes sur ce point.
Contrairement à ce que soutient la société Provalibat, cette faute n'a pas joué un rôle prédominant dans la réalisation du dommage, la cause majeure étant le défaut de conception et l'absence de vérification des travaux par ses soins, ce qui ne peut que conduire à rejeter sa demande visant à faire supporter la charge définitive de la réparation de ces désordres par la société Ramery.
Néanmoins compte tenu des fautes respectives de ces deux sociétés, il convient de retenir un partage de responsabilité à hauteur de 70 % à la charge de la société Provalibat et 5 % à la charge de la société Ramery.
En conclusion, la cour estime qu'il résulte des pièces versées aux débats que :
- la société Provalibat est responsable sur le fondement des dispositions de l'article 1792 et suivants des désordres de nature décennale vis-à-vis de la société Debarge ;
- la faute prédominante de la société Provalibat dans les rapports entre elle-même, la société Ramery et M. [W] justifie qu'il soit mis à sa charge une part définitive de la créance de réparation à hauteur de 70 % ;
- la faute de M. [W] dans la réalisation des fonds de forme justifie que sa part définitive de la créance de réparation soit fixée à 25 % ;
- le caractère résiduel de la faute de la société Ramery dans la réalisation des désordres conduit à fixer sa part définitive de la créance de réparation à hauteur de 5 %.
3) Sur le dallage béton réalisé par la société Bétonpoly
En premier lieu, il convient de noter que cette partie du marché a été sous-traitée par la société Provalibat à la société Bétonpoly, laquelle a facturé pour le dallage béton la somme de 44 540 euros HT.
L'intégralité du marché sous-traité a été réglé par la société Provalibat à la société Bétonpoly. La société Bétonpoly avait réalisé une réception des travaux préparatoires de la plateforme sous dallage réalisés par M. [W] sans réserve, avec effet au 16 février 2011, suivant procès-verbal de réception du même jour.
Il n'est produit aucun compte-rendu de chantier ou suivi de situation, voire de procès-verbal de réception des travaux de béton réalisés par la société Provalibat. Il n'est pas plus démontré que la société Provalibat aurait eu connaissance du procès-verbal de réception effectué par la société Bétonpoly.
En second lieu, il ressort de l'expertise que la surface réalisée, environ 1 700 m², (repère A, dallage compris entre la zone 3 et la zone 11) présente un « dégravillonnage de surface erratiquement réparti », en lien avec « des ajouts d'eau à la mise en 'uvre finale, réglage talochage cure », un gradient hydrique important entre la surface et le c'ur du béton, « une contrepente côté bureaux avec rétention d'eau et de déchets ». L'expert note que « les surfaces présentent une colorimétrie différente pouvant attester de la mise en 'uvre de bétons de composition ou de provenance différente ». Il qualifie le « dégravillonanage [de] non négligeable, mais conclut néanmoins à une solidité et à une destination non compromise.
Des constatations techniques de l'expert, il s'extrait que les désordres constatés sur le dallage en béton sont imputables à une mauvaise exécution de la prestation réalisée par la société Bétonpoly, en tant que sous-traitant, qui aurait dû faire l'objet d'une vérification par la société Provalibat, en tant qu'entreprise générale.
Aucune pièce ne vient corroborer un quelconque suivi des travaux réalisés par la société Provalibat, laquelle les a acceptés et réglés sans protestation ni réserve. La société Bétonpoly ne peut se retrancher derrière une faute de M. [W], dès lors qu'elle a accepté le support effectué par ce dernier sans protestation ni réserve.
Il ressort des conclusions de l'expert que les défaillances du fond de forme sont sans incidence sur les désordres affectant la zone, compte tenu de la mise en place de la plate-forme en béton.
En conséquence, compte tenu de ces éléments, la cour estime qu'il peut être retenu que :
- la société Provalibat est responsable des désordres, qui ne sont pas de nature décennale vis-à-vis de la société Debarge, compte tenu de la faute commise ;
- la faute de la société Bétonpoly dans ses rapports entre elle-même et la société Provalibat est prédominante dans la réalisation des désordres ;
- le partage préconisé par l'expert de 90 % de responsabilité à la charge de la sous-traitante et 10 % à la charge de l'entreprise générale est justifiée.
C) Sur les condamnations et demandes de garantie
Aux termes de l'article 1792 du code civil, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.
Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère.
Comme rappelé ci-avant, le sous-traitant, ne figurant pas dans la liste de l'article 1792-1, n'est pas soumis aux responsabilités découlant des articles 1792 et suivants.
En droit, un sous-traitant ne peut être condamné in solidum avec les autres constructeurs que si les travaux qu'il a réalisés ont indissociablement concouru, avec ceux ressortissant des autres lots, à la création de l'entier dommage ( Cass. 3ème civ., 23 septembre 2009, n° 07-2134).
L'entrepreneur principal ne peut, vu le caractère de droit commun de la responsabilité à son égard, mettre en cause l'assureur de responsabilité décennale du sous-traitant ni de manière directe, ni en se prétendant subrogé dans les droits du maître d'ouvrage qu'il a dû indemniser (Cass. 3ème iv. 17 juillet 1992). Il peut néanmoins en aller différemment en fonction des clauses du contrat d'assurance.
1) Sur le coût des remises en état
Au titre des fonds de forme
L'expert judiciaire a chiffré la remise en état des désordres affectant les fonds de forme à 149 788,37 euros HT selon le devis de la société Varet.
En premier lieu, il convient de noter que les critiques de la société Provalibat quant aux surfaces et quantités retenues par l'expert judiciaire ne sont pas justifiées, ce dernier ayant pris le soin d'expliciter les quantités et surfaces retenues pour chaque zone concernée par les reprises.
Surtout, la société Provalibat ne peut, en se fondant sur les constatations de son expert privé, estimer que « l'état des zones de circulation et de travaux ne présente aucun désordre sur près de 98 % de la surfaces », les désordres apparaissant en zone périphérique et zone de caniveau et en conclure que seules les zones atteintes d'un affaissement doivent être reprises, l'intégralité de la surface n'étant pas impropre à la destination au regard de la surface.
En effet, la société Povalibat ne peut faire une généralité des constatations de son expert, en page 6 à 8, alors qu'elles ne concernent que les zones 13 et 15. En outre ses critiques quant aux surfaces retenues par l'expert judiciaire sont infondées, celui-ci ayant procédé à un contrôle des métrés nécessitant une réfection et expressément écarté une reprise totale de la zone concernée.
Enfin, il convient de rappeler qu'au regard des sondages réalisés sur la base des implantations contradictoirement effectuées en relation avec les plans dont celui fourni par Provalibat, l'expert judiciaire a constaté qu'« excepté la zone 3A béton », aucune des autres zones ne répond à sa destination que ce soit pour les circulations d'engins ou pour le stockage.
En second lieu, il doit toutefois être observé que cette évaluation de l'expert judiciaire amalgame les reprises liées aux travaux effectués en 2011 et en 2013 sans distinction, alors qu'il s'agit de marchés distincts, sous-traités à des sociétés différentes.
Dès lors, pour la réparation des désordres concernant les travaux de 2011, il doit être retranché les reprises concernant les surfaces entre les zones 15 et 4 et entre les zones 6 et 7, qui relèvent de travaux réalisés en 2013. Compte tenu des métrages et quantités retenus par l'expert, ces désordres liés aux travaux de 2011 représentent un montant de 46 926,65 euros.
Dès lors, le coût de réparation des désordres affectant les fonds de forme réalisés en 2011 doit être fixé à la somme de 102 861,72, euros HT.
En conséquence, la société Debarge est en droit, sur le fondement des dispositions des articles 1792 et suivants du code civil, de réclamer à la société Provalibat la somme ci-dessus arrêtée de 102 861,72, euros.
Compte tenu du partage de responsabilité ci-dessus explicité, doit rester à la charge définitive :
- de la société Provalibat dans ses rapports avec ses sous-traitants 70 % de cette somme, soit la somme de 72 003,20 euros ;
- de la société Ramery 5 % , soit la somme de 5 143.08 euros,
- tandis qu'une créance représentant le solde de 25 715.43 euros, correspondant à 25 % de la somme arrêtée, relève de la responsabilité de M. [W], contre lequel tout recours est irrecevable, compte tenu de la procédure collective ouverte à son encontre, pour les raisons sus exposées.
Au titre du dallage béton
L'expert judiciaire a chiffré la remise en état des désordres affectant le dallage béton à 60 693,60 euros HT, après vérification des quantités et surfaces retenues par le devis STB, non sérieusement et utilement critiquées par la société Provalibat.
En conséquence, la société Debarge est en droit de voir arrêter sa créance de réparation de ce chef à la somme de 60 693,60 euros HT, à la charge de la société Provalibat.
Dans les rapports entre la société Provalibat et la société Bétonpoly, compte tenu du partage de responsabilité retenu, un montant de 6 069,36 euros doit en définitive rester à la charge de l'entreprise générale, tandis qu'une créance de 54 624, 24 euros relève de la responsabilité de la société Bétonpoly.
Cependant, pour les raisons sus exposées, en lien avec la procédure collective de cette dernière société, tout recours à son encontre est irrecevable.
2) Sur les appels en garantie
Comme rappelé ci-dessus, aucune condamnation in solidum à l'intégralité des travaux ne saurait intervenir dès lors que les travaux de chacun des intervenants n'ont pas indissociablement concouru à la création de l'entier dommage de la société Debarge.
a) Sur la garantie de la société Provalibat par son assureur, la SMABTP
Il résulte de l'attestation d'assurance du 6 juillet 2011 que la société Provalibat est assurée après de la société SMABTP au titre d'un contrat d'assurance professionnelle CAP 2000, souscrit le 1er janvier 2011, garantissant ses activités professionnelles participant à des activités de construction d'un ouvrage.
Cette assurance couvre les chantiers ouverts entre le 1er janvier 2011 et 31 décembre 2012 et vaut pour la garantie obligatoire de responsabilité décennale conformément aux dispositions légales. Cette garantie est accordée pour la durée de 10 ans à compter de la réception visée à l'article 1792-4-1 du code civil, à hauteur du « coût des travaux de de l'ouvrage (les travaux de réparation, notamment en cas de remplacement des ouvrages, comprennent également les travaux de démolition, déblaiement, dépose ou démontage éventuellement nécessaire) ».
Il a été précédemment jugé que les travaux de 2011, objet de désordres de nature décennale, avaient bien la nature de travaux de construction, s'agissant de la réalisation d'une voierie, qui ont été réceptionnés tacitement par l'entreprise Provalibat le 31 mai 2011.
Ainsi, le moyen de la société SMABTP, qui dénie sa garantie faute de réception desdits travaux, en ne départageant pas les travaux et désordres selon qu'il relève de travaux réalisés en 2011, ou de de travaux effectués en 2013, n'est pas fondé .
Les garanties de la police d'assurance souscrite auprès de la société SMABTP, qui n'élève aucun autre moyen utile, se trouvent donc être mobilisables.
A titre subsidiaire, la société SMABTP se contente de solliciter, en cas de condamnation prononcée à son encontre, une condamnation déduction faite de la franchise contractuelle opposable à la société Provalibat. Néanmoins, celle-ci ne justifie, ni dans son principe ni dans son montant, la franchise qui se trouverait être applicable. Sa demande, non fondée, est donc rejetée.
En conséquence, la société SMABTP est condamnée à garantir la société Provalibat de l'ensemble des condamnations prononcées contre son assurée en réparation des désordres affectant les travaux effectués en 2011.
b) Sur les demandes de garantie formées contre la Crama, assureur de M. [W]
Suivant l'attestation du 11 février 20211, la société Groupama, aux droits de laquelle vient la Crama, garantit M. [W] au titre des chantiers ouverts entre le 1er janvier 2011 et le 31 décembre 2011 du fait de ses activités professionnelles ainsi décrites : « Métier VRD (voierie et réseaux divers)'. Métier Terrassement).
Au titre de la nature des garanties, elle couvre la garantie obligatoire de responsabilité décennale et la garantie de responsabilité du sous-traitant en cas de dommages de nature décennale.
A ce dernier titre, il est précisé que « cette garantie couvre le paiement des travaux de réparation des dommages tels que définis aux articles 1792 et 1792-2 du code civil, et apparus après réception, lorsque la responsabilité de l'assuré est engagée du fait des travaux de construction d'ouvrages soumis à l'obligation d'assurance, qu'il a réalisés en qualité de sous-traitant. Cette garantie est accordée pour une durée ferme de 10 ans à compter de la réception ». La garantie est alors due « à hauteur des plafonds de garantie indiqués dans le contrat ».
En l'espèce, M. [W] est intervenu en qualité de sous-traitant de la société Provalibat pour réaliser les fonds de forme, déblaiement et travaux de terrassement.
C'est donc au titre de la « garantie de responsabilité du sous-traitant en cas de dommages de nature décennale » que la Crama peut être amenée à intervenir si les conditions exigées pour la mise en 'uvre de cette couverture sont réunies.
Comme précédemment exposé, s'agissant de travaux d'ampleur visant à la réfection et la réalisation de voierie, nécessitant la mise en 'uvre de techniques de construction, les travaux de 2011 relèvent bien de travaux de construction, qui ont fait en outre l'objet d'une réception tacite, comme ci-dessus exposée, le 31 mai 2011.
Ainsi, l'argument de la Crama selon laquelle les travaux de 2011 n'aurait fait l'objet d'aucune réception est dépourvu de toute pertinence.
Par ailleurs, les désordres affectant les travaux réalisés par son assuré sont de nature décennale, l'expert ayant noté que les fonds de forme étaient insuffisants et rendaient de ce fait la voierie impropre à sa destination.
En conséquence, compte tenu des termes de sa police d'assurance et de la nature des travaux et des désordres affectant les travaux, la société Crama doit garantir les dommages mis à la charge de son assuré, M. [W], sans limitation de plafond, faute pour elle de produire aux débats tous les éléments précis concernant sa police d'assurance.
A juste titre, compte tenu du partage de responsabilité arrêté au titre de la réalisation des fonds de forme, la société Provalibat et son assureur, la société SMABTP, sollicitent d'être relevés indemnes par la Crama des condamnations mises à leur charge, cette garantie n'étant toutefois due qu'à hauteur des condamnations pouvant être retenues à la charge de M. [W], soit la somme de 25 715,43 euros.
S'agissant de la demande de garantie formée par la société Ramery à l'encontre de la Crama, celle-ci n'est pas fondée, puisque, compte tenu du partage de responsabilité retenue, la société Ramery ne supporte que la part de la créance indemnitaire lui incombant au titre de sa propre responsabilité. Elle ne peut dès lors demander à en être garantie.
c) Sur les demandes de garantie formées contre la société Abeille, assureur de la société Bétonpoly
Des demandes de garantie étant formées contre la société Abeille, en sa qualité d'assureur de la société Bétonpoly, ces demandes doivent être examinées sur le fond. Dès lors, il n'y a pas lieu de mettre hors de cause cet assureur.
Il ressort des pièces produites que la société Bétonpoly avait souscrit une police d'assurance Edifice auprès de la compagnie Aviva, devenue la société Abeille, se décomposant en deux volets : la garantie « RC exploitation et après livraison des travaux » et la garantie « RC décennale des ouvrages soumis », qui comprend une garantie de base, dite responsabilité civile décennale obligatoire, et des garanties complémentaires avant et après réception.
Ni la responsabilité civile exploitation, compte tenu de l'exclusion prévue en page 7 des conditions particulières relatives aux dommages subis par les travaux, ouvrage ou partie d'ouvrage exécutés par l'assuré, ni la responsabilité RC décennale des ouvrages soumis au titre de la garantie de base n'ont vocation à s'appliquer en l'espèce, compte tenu des désordres affectant les travaux réalisés et de l'intervention de la société Bétonpoly en qualité de sous-traitante.
Par contre, au titre des garanties complémentaires, il convient de constater qu'a été souscrite en l'espèce la garantie après réception décennale sous-traitant, qui prévoit que cette garantie est susceptible de couvrir le paiement des travaux de réparation des dommages de nature décennale « lorsque la responsabilité de l'assuré est engagée du fait des travaux de construction d'ouvrage soumis à l'obligation d'assurance qu'il a réalisés en qualité de sous-traitant. »
Cependant, il résulte des stipulations contractuelles que, pour pouvoir faire l'objet d'une couverture à ce titre, les désordres imputables à la société Bétonpoly doivent eux-mêmes être de nature décennale, à savoir doivent rendre l'ouvrage impropre à sa destination ou porter atteinte à sa solidité.
Or, ce n'est manifestement pas le cas en l'espèce, l'expert judiciaire ayant précisé que le « dallage ne présente pas de fissure, ni de pianotage des passes mises en 'uvre. Sa solidité et sa destination ne sont aucunement compromises ». Il ajoute que « excepté la zone A béton, aucune des autres zones ne répond à sa destination que ce soit pour les circulations d'engins ou pour le stockage. »
Compte tenu des conclusions de l'expert judiciaire, non utilement contestées par quiconque sur ce point, les désordres imputables à la société Bétonpoly, qui ne sont pas de nature décennale, ne peuvent dès lors être couverts par la société Abeille au titre de sa garantie complémentaire « décennale sous-traitant ».
Dès lors, tant la société Provalibat que la société SMABTP doivent être déboutées de leurs demandes de garantie formées contre la société Abeille pour la part imputable à son assurée.
Enfin, compte tenu des zones distinctes d'intervention de la société Bétonpoly et de la société Ramery, la demande de garantie formée à l'encontre de la société Abeille, assureur de la société Bétonpoly, ne peut prospérer, les désordres commis par cette dernière société étant sans incidence sur la faute à l'origine des désordres mis à la charge de la société Ramery.
d) Sur les demandes de garantie formées contre la société Ramery
Compte tenu du partage de responsabilité ci-dessus décidé, les demandes de garantie formées par la société SMABTP et la société Provalibat contre la société Ramery ne sont fondées qu'à hauteur de la somme mise à la charge de cette dernière, soit de 5 143,08 euros.
e) Sur la demande de garantie formées par la SMABTP contre la société Debarge
La société SMABTP demande à être relevée indemne de toute condamnation par la société Debarge, sans développer le moindre moyen de fait et de droit au soutien de cette prétention concernant les travaux réalisés en 2011 et objet de désordre.
Cette demande ne peut donc qu'être rejetée.
III- Sur les travaux réalisés en 2013
A ) Sur les travaux et leur réception
En dépit du caractère parcellaire des pièces produites, il peut être reconstitué que :
- la société Debarge a sollicité la société Provalibat notamment pour des purges de voieries, suivant 4 devis : devis AT-12-035 du 9 mars 2012 à hauteur de 203,32 euros, AT-12-054 du 12 avril 2012 à hauteur de 1 742,15 euros, AT-13-033 du 13 novembre 2012 à hauteur de 8 851,15 euros et AT-12-151 du 13 novembre 2012 à hauteur de 7 262,11 euros.
La société Provalibat a effectué elle-même ces travaux, sauf la pose de l'enrobé, sous-traitée à la société Verrier pour un montant global de 24 666 euros TTC.
Nul ne conteste que lesdits travaux n'ont pas été réceptionnés, expressément comme tacitement, la société Debarge ayant marqué, par courrier du 23 septembre 2013, son refus d'accepter l'ouvrage. Elle n'a, par ailleurs, pas réglé le prix du marché à la société Provalibat.
Les travaux de 2013 n'ont donc pas fait l'objet d'une réception.
B) Sur les désordres et leur imputabilité
1) Sur les surfaces entre les zones 6 et 7 (repère G) et entre les zones 4 et 15 (repère D)
Concernant ces zones, il doit être noté qu'elles faisaient l'objet du premier devis d'ensemble réalisé en 2011 par la société Provalibat pour l'implantation d'une chaussée lourde, à laquelle la société Debarge n'avait pas donné suite. Cette zone n'a, dès lors, fait l'objet d'aucune intervention en 2011.
L'expert judiciaire a constaté que « les surfaces sont constituées de rustinages successifs dont l'état de surface s'apparente à de la tôle ondulée empêchant la circulation normale de chariots élévateurs porteurs de charge de grande largeur ».
En premier lieu, pour contester les conclusions de l'expert judiciaire, la société Provalibat se prévaut des conclusions de son expert privé, qui rappelle l'historique des négociations intervenues entre la société Provalibat et la société Debarge et le fait que cette dernière ait demandé en 2013 la reprise de l'enrobé usé uniquement sur les zones les plus impactées.
Ce point n'est établi par aucune pièce objective, pas plus que l'affirmation de cet expert privé selon laquelle il existe un « niveau très limité d'ondulations relevé sur les parties reprises » « bien inférieur à l'état de dégradation et d'usure qui existait déjà en 2013 sur les parties d'enrobé » que la société Debarge avait choisi de conserver.
En second lieu, la modification invoquée de la destination de la zone par le maître d'ouvrage, avec la circulation de charges lourdes à des emplacements réservés à des circulations légères, n'est pas plus prouvée. A la supposer établie, cette modification aurait dû faire l'objet d'éventuelles réserves de la part de la société Provalibat.
En dernier lieu, la société Provalibat fait état de défaillances dans l'application des enrobés par la société Verrier, ce qui n'est cependant étayé par aucun élément.
L'expert judiciaire pointe que ces surfaces ont « été l'objet en 2013 de reconstitution de structure. Toutefois, le réglage voire le compactage des matériaux de substitution n'a[vait] pas pu être effectué vu les dimensions des rustines dans un atelier de compactage digne de ce nom mais certainement à la dameuse ce qui expliqu[ait] les variations altimétriques des surfaces ». Il exclut expressément un défaut d'application et ajoute que l'enrobé n'est pas en cause.
Au contraire, la défaillance de la société Provalibat dans la réalisation de ces zones se trouve mise en lumière, l'expert qualifiant la « zone 6-7 » de « véritable Patchwork », que la société Provalibat « n'aurait jamais dû accepter de traiter de cette manière ce qui a conduit à conférer aux surfaces l'effet de champ de bosses constaté ».
Cependant, si l'expert judiciaire retient une imputabilité des désordres à la seule entreprise générale et souligne l'absence de défaillance dans l'application de l'enrobé par la société Verrier, il n'en demeure pas moins que cette dernière, en qualité de professionnel spécialisé en la matière, a accepté le support pour faire les travaux commandés, sans établir avoir attiré l'attention ni du maître de l'ouvrage ni de l'entreprise générale, sur l'impossibilité d'obtenir un résultat définitif correct dans de telles conditions.
Ainsi, sa faute a concouru à la réalisation du désordre final, quand bien même la part de responsabilité de la société Provalibat est majeure, ce qui justifie qu'il soit effectué un partage de responsabilité fixé à 95 % à la charge de la société Provalibat et 5 % à la charge de la société de la société Verrier de ces chefs.
2) Sur le seuil entre les zones 8 et 7
L'expert judiciaire a conclu que les épaufrures et fissures constatées étaient dues aux « mauvaises caractéristiques du béton mis en 'uvre de part et d'autre du seuil », insuffisantes pour le transit de circulations lourdes, le béton en place n'ayant pas été additivé. Il a imputé la responsabilité de ces désordres à la société Provalibat, ce qui n'est pas contesté.
3) Sur la surface entre les zones 1 et 11 (repère E)
Il ressort des constatations de l'expert, que cette zone constitue une « extension parking non régalée par Provalibat en 2013 », dont les finitions n'ont pas été achevées.
Sa non-conformité aux règles de l'art est entièrement imputable à la société Provalibat, peu important, comme le souligne justement l'expert, que les travaux sur ladite zone n'aient fait l'objet d'aucune facturation par cette dernière.
La pose de l'enrobé ayant été effectuée sur un support, sans aucune réserve de la part de la société Verrier, le partage de responsabilité ci-dessus arrêté entre cette dernière société et la société Provalibat doit aussi être appliqué concernant les réparations liées à cette zone.
C) Sur les condamnations et appels en garantie
1) Sur le coût des réparations
Les reprises, concernant les désordres liés aux travaux réalisés en 2013, notamment les surfaces entre les zones 15 et 4 et entre les zones 6 et 7, représentent, compte tenu des métrages et quantités retenus par l'expert judiciaire, un montant de 46 926,65 euros HT.
Au vu du contrat d'entreprise liant la société Debarge et la société Provalibat, les travaux en cause ne relevant pas des dispositions des articles 1792 et suivant du code civil, et les désordres les affectant n'étant pas de nature décennale, la société Debarge est en droit de réclamer à la société Provalibat, au regard de la faute commise par celle-ci en tant qu'entreprise générale responsable de son sous-traitant, la totalité de la somme ci-dessus arrêtée de 46 926,65 euros.
Au total, la société Provalibat doit donc être condamnée payer à la société Debarge, au titre des travaux de 2011 et de ceux de 2013, la somme globale de 210 481, 97 euros (102 861,72 + 60 693,60 + 46 926,65). Il convient donc de confirmer le jugement entrepris de ce chef.
Compte tenu du partage de responsabilité explicité ci-dessus, dans les rapports entre l'entreprise générale et son sous-traitant, il convient de mettre à la charge définitive de la société Provalibat une somme de 44 580, 32 euros et à la charge de la société Verrier la somme de 2 346, 33 euros.
2) Sur les demandes de garantie
Comme rappelé ci-dessus, aucune condamnation in solidum à l'intégralité des travaux ne saurait intervenir dès lors que les travaux de chacun des intervenants n'ont pas indissociablement concouru à la création de l'entier dommage subi par la société Debarge.
a) Sur la garantie de la société Provalibat par son assureur, la SMABTP
Au vu l'attestation d'assurance souscrite par la société Provalibat auprès de la société SMABTP, datée du 8 décembre 2012, au titre d'un contrat d'assurance professionnelle CAP 2000, souscrit le 1er janvier 2011 et garantissant ses activités professionnelles participant à des activités de construction d'un ouvrage, la société Provalibat ne peut utilement solliciter la garantie de son assureur responsabilité décennale.
En effet, les travaux réalisés en 2013 n'ont fait l'objet d'aucune réception, qu'elle soit tacite ou expresse. Au surplus, lesdits travaux ne constituent pas des travaux de construction.
b) Sur la garantie sollicitée par la société Provalibat à l'encontre des assureurs des autres parties
. La cour ne peut que constater que cette demande, pour les travaux relatifs aux travaux réalisés en 2013, est inopérante, compte tenu du fait qu'aucun des assurés desdites sociétés n'a participé à la réalisation de ces travaux.
La société Provalibat est donc déboutée de ses demandes de garantie formées à l'encontre de la société Aviva , assureur de la société Bétonpoly et de la société Crama, assureur de M [W], de ce chef.
c) Sur la garantie sollicitée par la société Provalibat à l'encontre de la société Ramery
Cette dernière société n'étant pas intervenue lors des travaux de 2013, elle ne doit aucune garantie à la société Provalibat de ce chef.
d) Sur la garantie sollicitée par la société Provalibat à l'encontre de la société Verrier.
Cette demande de garantie ne peut concerner que le montant des réparations mises à la charge définitive de la société Verrier et relatif aux travaux réalisés en 2013, elle est accueillie à hauteur de la somme de 2 346, 33 euros et est rejetée pour le surplus.
e) Sur la demande de garantie formée par la SMABTP contre la société Debarge
La société SMABTP demande à être relevée indemne de toute condamnation par la société Debarge, sans développer le moindre moyen de fait et de droit au soutien de cette prétention concernant les travaux réalisés en 2013 et objet de désordres.
Cette demande ne peut donc qu'être rejetée.
IV- Sur le montant des factures
La société Provalibat sollicite l'infirmation de la décision en ce qu'elle l'a condamnée, après déduction du montant surfacturé déterminé par l'expert judiciaire, à payer la somme de 3 874, 60 euros HT à la société Debarge.
Cependant, elle ne formule aucun moyen critique ni aucune prétention au soutien de cette demande d'infirmation. Ainsi, elle ne présente pas, dans le dispositif de ces écritures, de demande pour voir la cour statuer à nouveau, dans un sens contraire à celui retenu par les premiers juges, au titre des factures demeurées impayées.
De son côté, la société Debarge sollicite uniquement la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné la société Provalibat, après déduction du montant surfacturé déterminé par l'expert, à lui payer la somme de 3 874, 60 euros HT.
La cour, tenue de se conformer à l'objet du litige tel qu'il résulte des conclusions respectives des parties, ne peut donc que confirmer ce chef du jugement entrepris.
V- Sur les intérêts et la demande d'anatocisme
En application des dispositions de l'article 1153-1 ancien du code civil, applicable en la cause, en toute matière, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l'absence de demande ou de disposition spéciale du jugement. Sauf disposition contraire de la loi, ces intérêts courent à compter du prononcé du jugement à moins que le juge n'en décide autrement.
En cas de confirmation pure et simple par le juge d'appel d'une décision allouant une indemnité en réparation d'un dommage, celle-ci porte de plein droit intérêt au taux légal à compter du jugement de première instance. Dans les autres cas, l'indemnité allouée en appel porte intérêt à compter de la décision d'appel. Le juge d'appel peut toujours déroger aux dispositions du présent alinéa.
Aux termes des dispositions de l'article 1154 ancien du code civil, les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière.
En l'espèce, la décision entreprise est confirmée en ce qu'elle a condamné la société Provalibat à payer à la société Debarge la somme de 210 481, 97 euros HT. En l'absence de demande spécifique des parties de ce chef et de fixation par la décision entreprise du point de départ des intérêts, ces derniers doivent courir à compter de la date du jugement, soit le 6 octobre 2021.
Concernant les autres condamnations, les intérêts au taux légal auront pour point de départ la date du présent arrêt.
Aucun moyen critique n'étant élevé par quiconque à l'encontre du chef du jugement relatif à l'anatocisme, ce dernier est confirmé.
VI- Sur les dépens et accessoires
En application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, la société Provalibat succombant principalement en ses prétentions, il convient de la condamner aux dépens.
La décision est dès lors confirmée en ce qu'elle a condamné la société Provalibat aux dépens de première instance. En revanche, elle est infirmée en ses chefs relatifs aux indemnités procédurales de première instance.
En application de l'article 700 du code de procédure civile, la société Provalibat, tenue aux dépens d'appel, sera condamnée au titre des frais irrépétibles à hauteur de la somme fixée au dispositif du présent arrêt. Elle est également déboutée de sa propre demande de ce chef et de sa demande de garantie à ce titre formée à l'encontre des autres parties.
Enfin, la demande de la société Debarge tendant à ce que, en application de l'article A 444-32 du code de commerce, le montant des sommes retenues par l'huissier de justice, pour les frais d'exécution forcée à hauteur de 5 400 euros HT soit supportée par la société Debarge est rejetée.
En effet, aucune disposition légale ou réglementaire n'autorise le juge à mettre à la charge du débiteur ces droits proportionnels de recouvrement ou d'encaissement de l'huissier de justice mis à la charge du créancier.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Vu la saisine limitée de la cour,
CONFIRME le jugement du tribunal de commerce d'Arras en ce qu'il a :
- condamné la société Provalibat à payer à la société Debarge la somme de 210 481, 97 euros HT au titre du coût de réparation des désordres consécutifs à ses travaux ;
- condamné la société Provalibat à payer à la société Debarge la somme de 3 876, 60 euros HT correspondant au montant surfacturé par la société Provalibat à la société Debarge, après déduction du solde de ses factures demeuré impayé ;
- ordonné la capitalisation des intérêts en vertu de l'article 1343-2 du code civil ;
- ordonné l'exécution provisoire du jugement ;
- condamné la société Provalibat aux dépens ;
L'INFIRME pour le surplus ;
Statuant de nouveau des chefs infirmés,
DECLARE irrecevables :
- les demandes de la société Provalibat en fixation des sommes éventuellement mises à sa charge au profit de la société Debarge au passif des procédures collectives de M. [W] et de la société Bétonpoly ;
- la demande de garantie formée par la société SMABTP à l'encontre de la société Bétonpoly et de M. [W] ;
- la demande de la société Abeille tendant à la condamnation de Me [D], en qualité de liquidateur de M. [W], à la garantir et relever indemne des condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre;
- la demande de la société Crama Nord Est de condamnation in solidum à la garantir de toutes condamnations intervenant à son encontre, formée contre M. [W] et la société Bétonpoly ;
DIT que les travaux exécutés en 2011 ont été tacitement réceptionnés le 31 mai 2011 ;
DIT que les fautes des sociétés Provalibat et Ramery ainsi que de M. [W] ont concouru aux dommages concernant les fonds de forme réalisés en 2011 et FIXE le partage de responsabilité entre ces différents intervenants comme suit :
- 70 % à la charge de la société Provalibat,
- 25 % à la charge de M. [W],
- 5 % à la charge de la société Ramery ;
DIT que les fautes des sociétés Provalibat et Bétonpoly ont contribué aux désordres sur le dallage béton et FIXE le partage de responsabilité entre ces différents intervenants comme suit :
- 90 % à la charge de la société Bétonopoly ;
- 10 % à la charge de la société Provalibat ;
DIT que les créances de réparations s'élèvent à 102 861, 72 euros s'agissant des fonds de forme et à 60 693, 60 euros s'agissant de la reprise du dallage béton ;
MET à la charge définitive de la société Provalibat 70 % de la somme de 102 861, 72 euros, soit la somme de 72 003, 20 euros, outre les intérêts au taux légal sur cette somme à compter du présent arrêt, et 10 % de la somme de 60 693, 60 euros, soit 6 069, 36 euros, outre les intérêts au taux légal sur cette somme à compter du présent arrêt ;
MET à la charge définitive de la société Ramery 5 % de la somme de 102 861, 72 euros, soit la somme de 5 143, 08 euros, outre les intérêts au taux légal sur cette somme à compter du présent arrêt ;
DIT que la part de responsabilité de M. [W] dans les désordres liés à la mauvaise exécution des travaux de fonds de forme réalisés en 2011 (25 %) représente la somme de 25 715, 43 euros, outre les intérêts au taux légal sur cette somme à compter du présent arrêt;
DIT que la part de responsabilité de la société Bétonpoly dans les désordres liés à la mauvaise exécution des travaux de dallage en béton réalisés en 2011 (90 %) représente la somme de 54 624, 24 euros ;
CONDAMNE la société SMABTP, en qualité d'assureur responsabilité décennale de la société Provalibat, à garantir cette dernière de toutes condamnations mises à sa charge au titre des travaux de 2011 ;
REJETTE la demande de déduction de la franchise contractuelle formée par la société SMABTP ;
CONDAMNE la société Crama Nord-Est à garantir la société Provalibat et la société SMABTP à hauteur de la part des dommages incombant à M. [W], soit la somme de 25 715, 43 euros, outre les intérêts au taux légal sur cette somme à compter du présent arrêt ;
CONDAMNE la société Ramery à garantir la société Provalibat et la société SMABTP à hauteur de la somme de 5 143, 08 euros, outre les intérêts au taux légal sur cette somme à compter du présent arrêt ;
DIT que les désordres imputables à la société Bétonpoly ne sont pas de nature décennale et en conséquence, n'entrent pas dans le champ de la garantie couverte par l'assurance garantie responsabilité décennale sous-traitant souscrite par la société Bétonpoly ;
DEBOUTE la société Provalibat et son assureur, la société SMABTP, et la société Ramery de leurs demandes de garantie formées à l'encontre de la société Aviva, devenue la société Abeille, pour la part imputable à la société Bétonpoly ;
REJETTE la demande de la société SMABTP tendant à être garantie par la société Debarge au titre des travaux de 2011;
DIT que les travaux réalisés en 2013 n'ont pas été réceptionnés ;
DIT que les fautes des sociétés Provalibat et Verrier et fils ont contribué aux désordres et FIXE le partage de responsabilité entre ces différents intervenants comme suit :
- 95 % à la charge de la société Provalibat ;
- 5% à la charge de la société Verrier et fils ;
DIT que la créance de réparations relatives aux désordres affectant les travaux de 2013 s'élève à la somme de 46 926, 65 euros, outre les intérêts au taux légal sur cette somme à compter du présent arrêt ;
MET à la charge définitive de la société Provalibat 95 % de la somme de 46 926, 65, soit la somme de 44 580, 32 euros, outre les intérêts au taux légal sur cette somme à compter du présent arrêt ;
MET à la charge définitive de la société Verrier et fils 5 % de la somme de 46 926, 65 euros, soit la somme de 2 346,33 euros, outre les intérêts au taux légal sur cette somme à compter du présent arrêt ;
DEBOUTE la société Provalibat de sa demande de garantie formée à l'encontre de son assureur la société SMABTP ;
DIT n'y avoir lieu à mettre hors de cause la société Abeille ;
REJETTE la demande de garantie formée par la société Provalibat à l'encontre des sociétés Aviva, devenue la société Abeille, et la Crama Nord Est concernant les sommes mises à sa charge au titre des travaux réalisés en 2013 ;
REJETTE la demande de garantie formée par la société Provalibat à l'encontre de la société Ramery concernant les sommes mises à sa charge au titre des travaux réalisés en 2013 ;
CONDAMNE la société Verrier et fils à garantir la société Provalibat au titre des travaux réalisés en 2013 à hauteur de la somme de 2 346, 33 euros, outre les intérêts au taux légal sur cette somme à compter du présent arrêt ;
REJETTE la demande de garantie formée par la société Provalibat contre la société Verrier et fils concernant les désordres relatifs aux travaux de 2011 ;
DIT que la condamnation de la société Provalibat à payer à la société Debarge la somme de 210 481, 97 euros est assortie des intérêts au taux légal à compter du 6 octobre 2021 ;
REJETTE la demande de la société SMABTP tendant à être garantie par la société Debarge pour les travaux de 2013 ;
CONDAMNE la société Provalibat aux dépens d'appel ;
CONDAMNE la société Provalibat à payer à la société Debarge la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance et de l'instance d'appel ;
REJETTE toutes les autres demandes d'indemnité procédurale ;
REJETTE les demandes de la société Provalibat tendant à être garantie au titre des sommes mises à sa charge au titre de l'indemnité procédurale ;
REJETTE la demande de la société Debarge tendant à ce que le montant des sommes retenues par l'huissier, en cas d'exécution forcée, en application de l'article A 444-32 du code de commerce, à hauteur de 5 400 euros TTC soit mis à la charge de la société Provalibat.