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Décisions

CA Versailles, ch. com. 3-1, 26 septembre 2024, n° 21/02305

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Équipement Grue Service (SARL)

Défendeur :

Abeille Iard & Sante (SA), Axa France Iard (SA), Mma Iard (SA), Mma Iard Assurances Mutuelles (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Dubois-Stevant

Vice-président :

Mme Gautron-Audic

Conseiller :

Mme Meurant

Avocats :

Me Lafon, Me Dutter, Me Dumeau, Me Lieges, Me Dupuis, Me Pavard

T. com. Nanterre, 5e ch., du 02 févr. 20…

2 février 2021

EXPOSÉ DES FAITS

La SNC AJNE est propriétaire d'un ensemble immobilier situé [Adresse 5] à [Localité 13], qui est assuré par la société Aviva Assurances, devenue Abeille Iard & Santé, selon police multirisques à effet du 31 janvier 2013.

Courant 2013, la société AJNE a entrepris la construction, sur sa parcelle, d'un nouvel immeuble à usage d'habitation. Elle a fait appel à la SAS Construction Ademaj pour la réalisation du gros-oeuvre, elle-même assurée par la société MMA Iard.

Pour la réalisation des travaux, la société Construction Ademaj a loué une grue de chantier à la SARL Equipement Grue Service, assurée auprès de la société Axa France Iard, pour la période du 1er au 31 octobre 2013. Le contrat de location prévoyait que la société Equipement Grue Service devait procéder au transport, démontage et montage de la grue.

Le 16 octobre 2013, lors de l'évacuation de la grue par un chauffeur de la société Equipement Grue Service, le portail et le mur d'enceinte de la propriété de la société AJNE ont été percutés et endommagés.

La société AJNE a déclaré ce sinistre à la société Aviva Assurances, laquelle a mandaté le cabinet Cunningham Lindsey en qualité d'expert. Ce dernier a convoqué la société Construction Ademaj et son assureur, ainsi que la société Equipement Grue Service et son assureur à une réunion d'expertise amiable contradictoire le 18 juin 2014.

Les parties ont établi et signé un procès-verbal qui indique, comme cause du sinistre, 'un choc de la grue de chantier de la société Equipement Grue Service dans le cadre des travaux de gros oeuvre réalisés par la société Ademaj Construction pour le compte de la société AJNE' et évalue les dommages à 72.270 euros.

La société Aviva Assurances a indemnisé la société AJNE à hauteur de 71.555,20 euros.

Par courrier du 8 octobre 2015, la société Aviva Assurances a présenté une réclamation à la société MMA Iard, assureur de la société Construction Ademaj.

Par courrier du 7 juin 2016, la société Aviva Assurances a également présenté une réclamation au cabinet CAP Assurances, courtier de la société Equipement Grue Service.

Par actes du 15 octobre 2018, la société Aviva Assurances a fait assigner devant le tribunal de commerce de Nanterre les sociétés MMA Iard Assurances Mutuelles, Axa France Iard, Construction Ademaj et Equipement Grue Service aux fins de les voir condamner in solidum à lui payer la somme de 53.547 euros majorée des intérêts légaux.

Par courrier du 6 septembre 2019, la société Aviva Assurances, devenue Abeille Iard & Santé et subrogée dans les droits de son assurée, a relancé, en vain, la société Axa France Iard aux fins de remboursement de cette somme.

Par jugement contradictoire du 2 février 2021, le tribunal de commerce de Nanterre a :

- Dit l'intervention volontaire de MMA Iard Assurances Mutuelles recevable ;

- Dit que la Compagnie Aviva Assurances est subrogée dans les droits de son assuré la SNC AJNE et recevable en ses demandes ;

- Condamné la SA Equipement Grue Service à payer à la Compagnie Aviva Assurances la somme de 53.547 euros à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter du 8 octobre 2015;

- Condamné la SA Equipement Grue Service à payer à la Compagnie Aviva Assurances la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné la SA Equipement Grue Service aux entiers dépens.

Pour condamner la société Equipement Grue Service à indemniser la société Aviva Assurances, le premier juge a retenu que seule la responsabilité de la société Equipement Grue Service était engagée dans le sinistre et que la garantie de son assureur, la société Axa France Iard, ne pouvait être mobilisée, en raison de l'exclusion de garantie figurant à l'article 4.27 du contrat Axa 1 'Responsabilité Civile Entreprises1'.

Par déclaration du 8 avril 2021, la société Equipement Grue Service a interjeté appel du jugement en intimant les sociétés Aviva Assurances et Axa France Iard.

Par acte d'huissier du 23 août 2021 remis à personne morale, la société Aviva Assurances a fait assigner les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles en appel provoqué. Ces dernières n'ont pas constitué avocat.

Par acte du 24 août 2021, elle a fait assigner la société Construction Ademaj qui a constitué avocat.

Par ordonnance du 21 mars 2022, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevable la demande formée par la société Equipement Grue Service tendant à voir : « Condamner la société Axa France Iard, assureur de la société Equipement Grue Service à relever et garantir cette dernière de toutes les condamnations mises à sa charge par le premier juge au bénéfice de la société Aviva Assurances, concernant le sinistre survenu le 16 octobre 2013 et ses suites, en principal, intérêts, frais irrépétibles et dépens, soit les sommes de 53.547 euros à titre de dommages intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du 8 octobre 2015, et de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance » ;

Par ordonnance d'incident du 14 septembre 2023, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevables les conclusions d'intimée de la société Construction Ademaj ainsi que les pièces communiquées au soutien desdites conclusions.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 26 novembre 2021, la société Equipement Grue Service demande à la cour de :

- Débouter la société Axa France Iard de sa demande d'irrecevabilité de ses demandes tendant à voir:

« - Condamner la société Equipement Grue Service à payer à la compagnie Aviva Assurances la somme de 53.547 euros à titre de dommages intérêts avec intérêts au taux légal à compter du 8 octobre 2015 ;

- Condamner la société Equipement Grue Service à payer à la compagnie Aviva Assurances la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens » (sic) ;

- Réformer le jugement rendu le 2 février 2021 par le tribunal de commerce de Nanterre en ce que ce dernier a :

- Condamné la société Equipement Grue Service à payer à la compagnie Aviva Assurances la somme de 53.547 euros à titre de dommages intérêts avec intérêts au taux légal à compter du 8 octobre 2015 ;

- Condamné la société Equipement Grue Service à payer à la compagnie Aviva Assurances la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens ;

Et, statuant à nouveau,

- Condamner la société Axa France Iard, assureur de la société Equipement Grue Service, à relever et garantir cette dernière de toutes les condamnations mises à sa charge par le premier juge au bénéfice de la société Aviva Assurances, concernant le sinistre survenu le 16 octobre 2013 et ses suites, en principal, intérêts, frais irrépétibles et dépens :

- Soit les sommes de 53.547 euros à titre de dommages intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du 8 octobre 2015, et de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance ;

- Condamner la société Axa France Iard à verser à la société Equipement Grue Service, en cause d'appel, la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner la société Axa France Iard aux entiers dépens d'appel dont distraction au profit de Me Franck Lafon, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 15 février 2023, la société Axa France Iard demande à la cour de :

- Déclarer recevable mais mal fondé l'appel interjeté par la société Equipement Grue Service ;

- Déclarer recevable mais mal fondé l'appel incident formé par Abeille Iard & Santé, anciennement Aviva Assurances ;

- Déclarer recevable et bien fondé l'appel incident formé par la société Axa France Iard ;

Y faisant droit,

A titre principal,

- Déclarer irrecevable la demande formée par la société Equipement Grue Service tendant à voir :

« Condamner la société Axa France Iard, assureur de la société Equipement Grue Service, à relever et garantir cette dernière de toutes les condamnations mises à sa charge par le premier juge au bénéfice de la société Aviva Assurances, concernant le sinistre survenu le 16 octobre 2013 et ses suites, en principal, intérêts, frais irrépétibles et dépens :

- Soit les sommes de 53.547 euros à titre de dommages intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du 8 octobre 2015, et de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance » ;

- Infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Equipement Grue Service à payer à la compagnie Aviva Assurances la somme de 53.547 euros à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter du 8 octobre 2015 ;

Et statuant à nouveau,

- Déclarer la demande en paiement formée par Abeille Iard & Santé, anciennement Aviva Vie, à l'encontre de la société Axa France Iard irrecevable ou, en tout état de cause, mal fondée ;

A titre subsidiaire,

- Confirmer le jugement ;

- Débouter les sociétés Equipement Grue Service et Abeille Iard & Santé, anciennement Aviva Assurances, de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions à l'encontre de la société Axa France Iard ;

En tout état de cause,

- Condamner la société Equipement Grue Service et Abeille Iard & Santé, anciennement Aviva Assurances, à porter et payer à la concluante la somme de 4.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner la société Equipement Grue Service et Abeille Iard & Santé, anciennement Aviva Assurances, aux entiers dépens ;

- Dire que les dépens d'appel pourront être recouvrés directement par la SELARL Lexavoué Paris-Versailles, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 27 janvier 2023, la société Aviva Assurances, devenue Abeille Iard & Santé, demande à la cour de :

- Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Nanterre en date du 2 février 2021 en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société Equipement Grue Service dans la survenance du sinistre du 16 octobre 2016 et l'a condamnée à lui payer la somme de 53.547 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 8 octobre 2015, outre 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens ;

- Infirmer le jugement du tribunal de commerce de Nanterre en date du 2 février 2021 en ce qu'il a écarté :

- la responsabilité de la société Construction Ademaj ;

- l'application des garanties des assureurs MMA et Axa France ;

Et ainsi,

- Condamner in solidum la société Construction Ademaj et son assureur, la compagnie MMA Iard, ainsi que la société Equipement Grue Service et son assureur, la compagnie Axa France Iard, à payer à la compagnie Aviva Assurances, désormais Abeille Iard & Santé, la somme de 53.547 euros à titre de dommages intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du 8 octobre 2015, date de la première demande de paiement ;

- Condamner in solidum la société Construction Ademaj et son assureur, la compagnie MMA Iard, la société Equipement Grue Service et son assureur, la compagnie Axa France Iard, à payer à la compagnie Aviva Assurances, désormais Abeille Iard & Santé, la somme de 8.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner in solidum la société Construction Ademaj et son assureur, la compagnie MMA Iard, la société Equipement Grue Service et son assureur, la Compagnie Axa France Iard, aux entiers dépens.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 22 février 2024.

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit par l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Il sera rappelé à titre liminaire que, conformément aux dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, la partie qui ne conclut pas est réputée s'approprier les motifs du jugement attaqué.

Sur les responsabilités dans le sinistre

La société Aviva Assurances s'estime bien fondée à voir condamnés in solidum les sociétés Construction Ademaj, Equipement Grue Service et leurs assureurs respectifs à lui payer la somme de 53.547 euros. Elle sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société Equipement Grue Service, qui avait la garde de la grue au moment du sinistre, et son infirmation en ce qu'il a écarté la responsabilité de la société Construction Ademaj.

- Sur la responsabilité de la société Equipement Grue Service

La société Aviva Assurances relève que dans ses écritures, la société Equipement Grue Service, tout en demandant la réformation du jugement, ne conteste pas le principe de sa responsabilité, ni le quantum de la condamnation de première instance, se contentant de solliciter la garantie de son assureur, la société Axa France Iard.

Ni la société Equipement Grue Service ni son assureur, la société Axa France Iard, ne concluent sur ce point.

La cour observe en effet que si la société Equipement Grue Service sollicite dans le dispositif de ses conclusions l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il l'a condamnée à payer à la compagnie Aviva Assurances la somme de 53.547 euros à titre de dommages intérêts, elle ne remet aucunement en cause dans ses écritures sa responsabilité dans le sinistre survenu le 16 octobre 2013 ni ne discute le montant réclamé par la société Aviva Assurances.

Il convient de rappeler qu'en application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions des parties et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Par ailleurs, le 'Procès-verbal de constatations relatives aux causes et circonstances et à l'évaluation des dommages' dressé à l'issue de la réunion d'expertise contradictoire organisée le 18 juin 2014 à l'initiative du cabinet Cunningham Lindsey, expert désigné par la société Aviva Assurances, en présence de représentants de la société AJNE, de la société Construction Ademaj et de la société Equipement Grue Service (EGS), lesquels ont signé le procès-verbal, mentionne que les circonstances du sinistre sont les suivantes : «(...) L'entreprise EGS, sous-traitant de Construction Ademaj, est intervenue sur ce chantier pour la mise à disposition de la grue de chantier, son montage, démontage et transport.

En date du 25/10/2013 (sic), lors de son évacuation, la grue de la société EGS a percuté le portail et le mur d'enceinte. D'importants dommages ont été occasionnés au mur et au bâtiment attenant, propriété de la SNC AJNE ».

S'agissant des causes du sinistre, il est encore indiqué dans ce procès-verbal : « Choc de la grue de chantier de la société EGS dans le cadre des travaux de gros 'uvre réalisés par Construction Ademaj pour le compte de la SNC AJNE ».

Il n'est pas discuté que la société Construction Ademaj a loué à la société Equipement Grue Service, appelante, une grue de chantier. Outre la location de ce matériel, la société Equipement Grue Service s'est vue confier des prestations de transport, montage et démontage de la grue, ainsi que le confirme la facture qu'elle a émise le 3 novembre 2013, versée aux débats, et le contrat de location de la grue conclu le 22 mai 2013 entre la société Construction Ademaj et la société Equipement Grue Service, contrat qui n'est pas produit au stade de l'appel mais qui l'a été en première instance. Il ressort du jugement déféré que l'article 9 (Transport aller et retour) du contrat de location prévoit que « Le transport de la grue louée, à l'aller comme au retour, est effectué sous la responsabilité de celle des parties qui l'exécute ou le fait exécuter ».

L'appelante explique elle-même dans ses écritures que le jour du sinistre, un chauffeur de sa société s'est présenté sur le chantier pour procéder à l'enlèvement de la grue et que lors de son évacuation, la grue a heurté le portail et un poteau du mur d'enceinte d'un bâtiment propriété de la société AJNE.

L'article 1384 ancien du code civil dispose :

« On est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde.

(...)

Les maîtres et les commettants, [sont solidairement responsables] du dommage causé par leurs domestiques et préposés dans les fonctions auxquelles ils les ont employés ; (...) ».

En l'espèce, il résulte des éléments susvisés que l'action du chauffeur de la société Equipement Grue Service, en charge de l'évacuation de la grue, est à l'origine des dommages.

C'est ainsi à bon droit que les premiers juges ont retenu que la responsabilité de la société Equipement Grue Service était engagée dans le sinistre survenu le 16 octobre 2013 sur le chantier AJNE à [Localité 13].

- Sur la responsabilité de la société Construction Ademaj

La société Aviva Assurances estime que c'est à tort que le tribunal de commerce de Nanterre a retenu que la responsabilité de la société Construction Ademaj n'était pas engagée dans la mesure où elle n'aurait pas commis de faute durant le remorquage de la grue. Elle fait valoir que les dommages sont survenus durant l'accomplissement des obligations de la société Construction Ademaj au titre du lot gros 'uvre et ce pendant la période de validité du contrat ; que la société Equipement Grue Service, sous-traitant de la société Construction Ademaj, a commis une faute à l'origine des dommages, dont son donneur d'ordre doit répondre comme s'il s'agissait de son propre fait, conformément aux dispositions de l'article 1231-1, anciennement article 1147, du code civil.

Le tribunal a considéré qu'au regard du procès-verbal contradictoire, des factures émises par la société Equipement Grue Service et du contrat de location et du fait que cette société assure seule le déplacement de la grue, aucune faute imputable à la socété Ademaj n'était prouvée.

L'article 1147 ancien du code civil, sur lequel se fonde la société Aviva Assurances, dispose :

« Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part. »

Outre qu'il n'y a eu en l'espèce aucune inexécution ni retard dans l'exécution des prestations confiées par la société Construction Ademaj à la société Equipement Grue Service, cette dernière ne saurait non plus être qualifiée de sous-traitant au sens de la loi du 21 décembre 1975 qui définit en son article 1 la sous-traitance comme « l'opération par laquelle un entrepreneur confie par un sous-traité, et sous sa responsabilité, à une autre personne appelée sous-traitant l'exécution de tout ou partie du contrat d'entreprise ou d'une partie du marché public conclu avec le maître de l'ouvrage ».

Contrairement à ce que soutient la société Aviva Assurances, la société Equipement Grue Service n'a pas exécuté une partie des travaux de gros 'uvre mis à la charge de la société Construction Ademaj par la société AJNE mais seulement mis à la disposition de celle-ci une grue de chantier, en assurant le montage, le démontage et le transport aller-retour de ce matériel.

Il résulte en effet du jugement entrepris que la société Construction Ademaj a conclu le 22 mai 2013 avec la société Equipement Grue Service un contrat de location d'une grue, qui n'est certes pas produit aux débats en cause d'appel mais qui, selon les termes du jugement, l'a été en première instance. En outre, comme l'ont mentionné les premiers juges, une première facture a été émise le 26 mai 2013 par la société Equipement Grue Service pour le transport et la mise en place de la grue sur le chantier et une seconde facture - versée aux débats par la société Aviva Assurances - a été émise le 3 novembre 2013 par la société Equipement Grue Service pour le démontage et le transport de la grue. Aucun élément ne permet de retenir que la société Equipement Grue Service a réalisé d'autres prestations pour le compte de la société Construction Ademaj.

Il est établi et non discuté que les dommages, objet du litige, ont été occasionnés lors du déplacement de la grue et de son évacuation du chantier par la société Equipement Grue Service, qui en avait alors seule la garde.

Il n'est enfin pas démontré par la société Aviva Assurances que la société Construction Ademaj aurait commis une faute ayant concouru à la réalisation du dommage. S'il a été mentionné dans le procès-verbal de constatations susvisé « Véhicule tracté par un tracteur agricole mis à disposition », dans la rubrique consacrée aux observations des assurés, rien ne permet d'établir que le tracteur agricole était sous la garde de la société Construction Ademaj lorsque la grue de la société Equipement Grue Service a percuté le portail et le mur d'enceinte de la propriété de la société AJNE.

Dans ces conditions, la responsabilité de la société Construction Ademaj dans le sinistre ne peut être retenue et seule la responsabilité de la société Equipement Grue Service est engagée dans le sinistre survenu le 16 octobre 2013 sur le chantier AJNE à [Localité 13], comme l'ont justement retenu les premiers juges sans toutefois statuer dans le dispositif du jugement qui sera dès lors complété.

Il n'est en conséquence pas nécessaire d'examiner la garantie des sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles, assureurs de la société Construction Ademaj.

Sur le montant de l'indemnité

Aux termes du 'Procès-verbal de constatations relatives aux causes et circonstances et à l'évaluation des dommages' évoqué supra, les dommages de la société AJNE ont été évalués à 53.547 euros, vétusté déduite. C'est la somme dont la société Aviva Assurances réclame le paiement à titre de dommages-intérêts dans le cadre de la présente instance, outre les intérêts au taux légal à compter du 8 octobre 2015, date de la première demande de paiement.

Le montant de l'indemnité ne fait l'objet d'aucune discussion entre les parties, non plus que le point de départ des intérêts légaux au 8 octobre 2015.

Il convient dès lors de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Equipement Grue Service à payer à la société Aviva Assurances la somme de 53.547 euros avec intérêts au taux légal à compter du 8 octobre 2015.

Sur les demandes formées à l'encontre de la société Axa France Iard

1) Sur la fin de non-recevoir opposée à la société Aviva Assurances tirée d'un défaut de qualité et d'intérêt à agir

La société Axa France Iard soutient que la société Aviva Assurances, désormais Abeille Iard & Santé, n'a pas qualité et intérêt à agir à son encontre en réparation des dégâts causés lors du déplacement de la grue et qu'elle ne peut prétendre bénéficier d'aucune subrogation dans les droits et actions de son assurée, qu'il s'agisse de la subrogation légale du code des assurances en son article L.121-12 ou même de la subrogation conventionnelle de l'ancien article 1250 devenu 1346 du code civil. Elle fait valoir que le bâtiment dont il s'agit était voué à la démolition, avant le sinistre 'grue', que la société AJNE n'avait pas à solliciter d''indemnité de reconstruction' et que ce n'est donc pas pour l'indemnisation d'un dommage « garanti » qu'aurait subi son assurée qu'Aviva Assurances a réglé la somme dont elle réclame aujourd'hui le remboursement. Elle sollicite l'infirmation du jugement entrepris qui a retenu à tort qu'il y avait eu subrogation et conclut à l'irrecevabilité de la demande en paiement de la société Aviva Assurances.

La société Aviva Assurances répond qu'elle est subrogée dans les droits de la société AJNE qu'elle a indemnisée pour les dommages causés à son immeuble, conformément à ses obligations contractuelles. Elle observe que rien ne démontre que le bâtiment en question était destiné à la démolition, comme le prétend la société Axa France Iard, et elle approuve les premiers juges d'avoir estimé que les éléments invoqués par cette dernière n'étaient pas probants. Elle considère qu'aucune conclusion ne peut être tirée de la décision du tribunal de grande instance de Strasbourg dont se prévaut la société Axa France Iard. Elle indique enfin que les dommages subis par la société AJNE du fait de l'assuré de la société Axa France Iard lui permettent d'exercer une action directe contre cet assureur selon l'article L.124-3 du code des assurances, qu'ainsi elle dispose d'un intérêt à agir puisqu'elle est subrogée dans les droits de son assurée.

Selon l'article L.121-12 du code des assurances, « L'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur ».

Il résulte de ces dispositions que l'assureur qui entend faire jouer la subrogation légale doit démontrer qu'il a réglé une indemnité à l'assuré en vertu d'une garantie régulièrement souscrite, pouvant seule lui conférer la qualité d'indemnité d'assurance.

En l'espèce, la société Aviva Assurances communique les conditions générales et les conditions particulières du contrat d'assurance multirisque investisseur n°76391431, à effet du 31 janvier 2013, souscrit par la société AJNE pour garantir les bâtiments dont elle est propriétaire au [Adresse 5] à [Localité 13].

Elle produit également :

- un document intitulé 'Accord sur indemnité' signé le 2 février 2015 par le gérant de la société AJNE, aux termes duquel ce dernier a donné son accord sur le montant total de l'indemnité arrêtée par l'assureur, soit 72.135 euros, et déclaré la société Aviva Assurances subrogée dans ses droits et actions contre tout tiers responsable, à réception du paiement de l'indemnité ;

- trois quittances subrogatives signées par la société AJNE les 17 février, 29 août et 17 décembre 2015 aux termes desquelles son assurée a déclaré accepter respectivement les sommes de 35.790 euros, 12.923 euros et 22.442,20 euros suite au sinistre du 16 octobre 2013, et subroger la société Aviva Assurances dans ses droits et actions à l'encontre du ou des tiers responsable(s) à concurrence de ces sommes, en application des articles 1346 et suivants du code civil.

De plus et bien que ces pièces ne soient pas communiquées en cause d'appel, il ressort du jugement que devant le tribunal de commerce, la société Aviva Assurances avait également versé aux débats trois avis de virement en faveur de la société AJNE :

- virement du 17/02/2015 de 35.790 euros,

- virement du 28/08/2015 de 12.923 euros,

- virement du 16/12/2015 de 22 442,20 euros.

En application de l'ancien article 1250, 1° devenu 1346-1 du code civil, la subrogation est conventionnelle lorsque le créancier recevant son paiement d'une tierce personne la subroge dans ses droits contre le débiteur ; cette subrogation doit être expresse et consentie en même temps que le paiement.

Les pièces produites par la société Aviva Assurances établissent que l'assurée a été indemnisée et qu'elle a manifesté, antérieurement et concomitamment aux paiements reçus, sa volonté de subroger son assureur dans ses droits et actions en lien avec le sinistre survenu le 16 octobre 2013.

Par ailleurs, comme le fait observer la société Aviva Assurances, la société Axa France Iard se limite à affirmer que le bâtiment objet du sinistre était voué à la démolition, sans apporter aucun élément probant au soutien de ses dires. Elle invoque un jugement du tribunal de grande instance de Strasbourg, qui aurait statué dans une affaire opposant la société AJNE à la société Construction Ademaj, mais ne communique pas cette décision, se contentant de renvoyer aux pièces de la société Construction Ademaj dont il convient de rappeler qu'elles ont été déclarées irrecevables en même temps que ses conclusions. Les arguments de la société Axa France Iard ne peuvent donc qu'être écartés.

Ainsi, les conditions de la subrogation conventionnelle étant réunies, il convient, par confirmation du jugement entrepris, de déclarer recevable l'action de l'assureur de la société AJNE, qui a qualité et intérêt à agir.

2) Sur les fins de non-recevoir opposées à la société Equipement Grue Service

Sur l'irrecevabilité de la demande en garantie de la société Equipement Grue Service tirée de la nouveauté en appel de la demande

La société Axa France Iard soutient, au visa de l'article 564 du code de procédure civile, que la demande formée en appel par la société Equipement Grue Service tendant à la voir la garantir de toutes les condamnations prononcées à son encontre constitue une demande nouvelle qui diffère de celle soumise aux premiers juges et qui ne peut se rattacher par un lien suffisant aux prétentions originaires. Elle rappelle avoir saisi le conseiller de la mise en état, qui a déclaré irrecevable la demande de la société Equipement Grue Service par ordonnance du 21 mars 2022 aujourd'hui définitive.

La société Equipement Grue Service répond que la question de la mise en 'uvre de la garantie Axa n'est pas nouvelle au sens de l'article 564 du code de procédure civile puisqu'elle a été évoquée en première instance par les deux parties, la société Axa France Iard soutenant alors que sa garantie n'était pas mobilisable, suivie en cela par les premiers juges.

Elle indique, au visa de l'article 566 du même code, que sa demande de garantie est la conséquence et le complément nécessaire du refus de garantie opposé en première instance par Axa France Iard ; qu'en outre, il s'agit d'une défense face aux demandes de la société Aviva Assurances, assureur de la société AJNE, tendant à la voir condamnée à l'indemniser de ses préjudices.

Par ordonnance d'incident du 21 mars 2022, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevable la demande formée par la société Equipement Grue Service tendant à voir « Condamner la société Axa France Iard, assureur de la société Équipement Grue Service à relever et garantir cette dernière de toutes les condamnations mises à sa charge par le premier juge au bénéfice de la société Aviva Assurances, concernant le sinistre survenu le 16 octobre 2013 et ses suites, en principal, intérêts, frais irrépétibles et dépens, soit les sommes de 53.547 euros à titre de dommages intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du 8 octobre 2015 et de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance ».

Il ressort des dispositions de l'article 914 du code de procédure civile, dans leur rédaction applicable au litige, que seules les ordonnances du conseiller de la mise en état statuant sur la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel, sur la caducité de celui-ci ou sur l'irrecevabilité des conclusions et des actes de procédure en application des articles 909, 910, et 930-1 ont autorité de la chose jugée au principal.

Nonobstant l'ordonnance rendue le 21 mars 2022 par le conseiller de la mise en état, qui n'a donc pas autorité de la chose jugée au principal, la cour peut donc statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par la société Axa France Iard à l'encontre de son assurée, la société Equipement Grue Service.

Si en cause d'appel, la société Equipement Grue Service et la société Axa France Iard sont représentées par deux avocats distincts, Me Frédérick Dutter pour la première et la SELARL Lexavoué Paris-Versailles, agissant par Me Martine Dupuis, pour la seconde, il convient de relever qu'en première instance, la défense de ces deux sociétés était assurée par les mêmes avocats, à savoir la SCP Brodu-Cicurel-Meynard-Gauthier-Marie et Me Dominique Lacan, lesquels ont demandé aux premiers juges de débouter la société Aviva Assurances de toutes ses demandes, tant à l'égard de la société Equipement Grue Service, dont la responsabilité ne pouvait prétendument être recherchée pour un dommage qu'elle n'avait pas causé, qu'à l'égard de la société Axa France Iard, dont les garanties n'avaient pas vocation à jouer.

Se posent ainsi la question de savoir si en première instance, l'assureur a effectivement pris la direction du procès et, dès lors, la question de l'application de l'article L.113-17 du code des assurances, qui dispose que « L'assureur qui prend la direction d'un procès intenté à l'assuré est censé aussi renoncer à toutes les exceptions dont il avait connaissance lorsqu'il a pris la direction du procès. L'assuré n'encourt aucune déchéance ni aucune autre sanction du fait de son immixtion dans la direction du procès s'il avait intérêt à le faire », et, le cas échéant, des conséquences à tirer sur la fin de non-recevoir tirée du caractère nouveau de la demande en garantie formulée par la société Equipement Grue Service.

Aussi convient-il d'inviter les parties à présenter leurs observations sur cette question.

Sur l'irrecevabilité de la demande en garantie de la société Equipement Grue Service tirée de la prescription

La société Axa France Iard soutient que la demande de la société Equipement Grue Service est irrecevable comme prescrite, pour avoir été formulée le 12 mai 2021, alors que le délai de deux ans visé par l'article L.114-1 du code des assurances était expiré.

La société Equipement Grue Service ne conclut pas sur ce point.

Le fait pour la cour d'être éventuellement amenée à considérer que la société Axa France Iard a pris la direction du procès en première instance serait susceptible d'avoir des effets sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande en garantie de la société Equipement Grue Service et donc sur la solution donnée au litige.

Les explications des parties sur ce point apparaissent donc nécessaires.

En conséquence, en application des dispositions des articles 16, 442, 444 et 445 du code de procédure civile, il convient d'ordonner la réouverture des débats, afin de permettre aux parties de faire valoir leurs observations sur les points précités.

Toute observation ou toute demande excédant le périmètre circonscrit de la réouverture des débats sera déclarée irrecevable.

Les autres demandes des parties et les dépens seront réservés.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et partiellement avant-dire-droit,

CONFIRME le jugement rendu le 2 février 2021 par le tribunal de commerce de Nanterre en ce qu'il a dit que la Compagnie Aviva Assurances était subrogée dans les droits de son assuré la SNC AJNE et recevable en ses demandes et en ce qu'il a condamné la SA Equipement Grue Service à payer à la Compagnie Aviva Assurances la somme de 53.547 euros à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter du 8 octobre 2015 ;

Y ajoutant,

DEBOUTE la Compagnie Aviva Assurances de ses demandes à l'encontre de la société Construction Ademaj et des sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles ;

ORDONNE la réouverture des débats afin de permettre aux parties de faire valoir leurs observations sur l'existence éventuelle d'une situation de direction du procès de première instance par la société Axa France Iard et sur les conséquences éventuelles à tirer sur les deux fins de non-recevoir opposées à la société Equipement Grue Service tirées du caractère nouveau en appel et de la prescription de la demande formée par cette société à l'encontre de la société Axa France Iard ;

DIT que les parties déposeront leurs observations sur cette seule question avant le 8 novembre 2024 ;

RENVOIE l'affaire à l'audience de plaidoiries du jeudi 21 novembre 2024 à 14 heures en salle 4 ;

DIT que le présent arrêt vaut convocation des parties ;

RESERVE les autres demandes des parties et les dépens.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Florence DUBOIS-STEVANT, Présidente, et par M. BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.