CA Bordeaux, 2e ch. civ., 26 septembre 2024, n° 21/02240
BORDEAUX
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Axa France Iard (SA), Aquitaine Isolation Etanchéité (SARL)
Défendeur :
Le Syndicat d'Exploitants Agricoles pour le Développement des Techniques, MMA IARD (SA), MMA IARD Assurances Mutuelles, Imper Italia (SRL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Boudy
Conseillers :
M. Desalbres, Mme Defoy
Avocats :
Me Le Barazer, Me Le Bail, Me Fleury, Me Schontz, Me Menard, Me Renaudot
EXPOSÉ DU LITIGE
En 2002, le Syndicat d'Exploitants Agricoles pour le Développement des Techniques (Seadt) a décidé de faire construire un établissement d'enseignement supérieur composé de six bâtiments, [Adresse 4] à [Localité 8].
Un contrat d'assurance dommages ouvrage a été souscrit auprès de la SA MMA Iard et de MMA Iard Assurances Mutuelles et, suivant marché du 16 juin 2005, le lot étanchéité a été attribué à la SARL Aquitaine Isolation Etanchéité (Aquisole), assurée auprès de la SA Axa France Iard. La SARL Aquisole a mis en 'uvre des membranes d'étanchéité Unovel fabriquées par la société de droit italien Imper Italia Srl. La réception sans réserve a été prononcée par procès-verbal du 5 juin 2007.
Faisant état d'une dégradation généralisée des complexes d'étanchéité des toitures terrasses et d'un refus de garantie opposé par l'assureur dommages ouvrage, le Seadt a obtenu, par ordonnance de référé du 12 février 2018, la désignation d'un expert en la personne de M. [W] qui a déposé son rapport le 13 mai 2019 après que, par ordonnance de référé des 15 et 22 octobre 2018, ses opérations aient été étendues notamment à la SA Axa France Iard assureur de la société Aquisole et à la société de droit italien Imper Italia Srl.
Par acte des 6 et 9 septembre 2019, le Seadt a saisi le tribunal de grande instance de Bordeaux d'une action indemnitaire dirigée contre la SA MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles ainsi que la SARL Aquisole et la SA Axa France Iard.
Par acte du 19 décembre 2019, la SARL Aquisole et la SA Axa France Iard ont appelé la société de droit italien Imper Italia Srl en intervention forcée aux fins de garantie. Les instances ont été jointes le 10 janvier 2020.
Par jugement en date du 23 février 2021, le tribunal judiciaire de Bordeaux a :
- condamné la SA MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles, la SA Axa France Iard et la SARL Aquitaine Isolation Etanchéité (Aquisole) à payer in solidum au Syndicat d'Exploitants Agricoles pour le Développement des Techniques la somme de 137.958,12 euros TTC en réparation du dommage décennal affectant les bâtiments A, A3, B, C et F et dit que dans leurs rapports entre elles, la SA MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles seront intégralement garanties de cette condamnation par la SARL Aquisole et la SA Axa France Iard ;
- condamné la SARL Aquitaine Isolation Etanchéité (Aquisole) à payer in solidum au Syndicat d'Exploitants Agricoles pour le Développement des Techniques la somme de 9.720 euros TTC en réparation du dommage intermédiaire affectant les bâtiments G et H ;
- déclaré irrecevables comme prescrits les recours de la SARL Aquitaine Isolation Etanchéité (Aquisole) contre la société de droit italien Imper Italia Srl ;
- ordonné, pour le tout, l'exécution provisoire du présent jugement ;
- condamné la SA MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles, la SA Axa France Iard et la SARL Aquitaine Isolation Etanchéité (Aquisole) à payer in solidum au Syndicat d'Exploitants Agricoles pour le Développement des Techniques une indemnité de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles ;
- débouté les autres parties de leurs demandes au titre des frais irrépétibles ;
- condamné in solidum la SA MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles, la SA Axa France Iard et la SARL Aquitaine Isolation Etanchéité (Aquisole) dépens, en ce compris les frais de référé et d'expertise ;
- dit que dans leurs rapports entre elles, la SA MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles seront garanties in solidum par la SARL Aquisole et la SA Axa France Iard des condamnations prononcées au titre des frais irrépétibles et des dépens ;
- dit que les dépens seront recouvrés ainsi qu'il est dit à l'article 699 du code de procédure civile.
Par déclaration remise au greffe le 15 avril 2021, la société Aquitaine Isolation Etanchéité et la société Axa France Iard ont relevé appel de la décision.
Dans leurs dernières conclusions du 13 février 2024, la société Aquitaine Isolation Etanchéité (Aquisole) et la société Axa France Iard demandent à la cour de :
- déclarer recevable et bien fondé leur appel formé à l'encontre du jugement de la 7ème Chambre du tribunal judiciaire de Bordeaux du 23 février 2021 ;
- réformant ledit jugement débouter le Syndicat d'Exploitants Agricole pour le Développement des Techniques et les compagnies MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles de l'intégralité de leurs demandes dirigées à leur encontre ;
- à titre subsidiaire, limiter la responsabilité de la SARL Aquisole et la garantie de la compagnie Axa France Iard aux seuls travaux de réfection de la toiture-terrasse du bâtiment C de l'Isnab pour la somme de 38.949,97 € ;
- déclarer recevable et bien fondée l'action en garantie des vices cachés engagée à l'encontre de la société Imper Italia ;
- en conséquence, condamner la société de droit italien Imper Italia Srl à les relever indemnes de toutes condamnations prononcées à leur encontre à l'exception de celles relatives à la réfection des toitures-terrasses des bâtiments G et H ;
- condamner les parties qui succomberont à leur payer la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Dans ses dernières conclusions du 11 janvier 2022, le Syndicat d'Exploitants Agricoles pour le Développement des Techniques demande à la cour de :
- juger recevables mais mal fondées les sociétés Aquisole et Axa France Iard en leur appel ;
- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Bordeaux du 23 février 2021 en ce qu'il a condamné :
- in solidum la SA MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles, la SA Axa France Iard et la SARL Aquitaine Isolation Etanchéité (Aquisole) à payer au Syndicat d'Exploitants Agricole pour le Développement des Techniques la somme de 137.958,12 euros TTC en réparation du dommage décennal affectant les bâtiments A, A3, B, C et F et dit que dans leurs rapports entre elles et sur justification du paiement, la SA MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles seront intégralement garanties de cette condamnation par la SARL Aquisole et la SA Axa France Iard ;
- in solidum la SARL Aquitaine Isolation Etanchéité (Aquisole) à payer au Syndicat d'Exploitants Agricoles pour le Développement des Techniques la somme de 9.720 euros TTC en réparation du dommage intermédiaire affectant les bâtiments G et H ;
- in solidum la SA MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles, la SA Axa France Iard et la SARL Aquitaine Isolation Etanchéité (Aquisole) à payer au Syndicat d'Exploitants Agricoles pour le Développement des Techniques une indemnité de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- in solidum la SA MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles, la SA Axa France Iard et la SARL Aquitaine Isolation Etanchéité (Aquisole) aux dépens, en ce compris les frais de référé et d'expertise ;
- rejeter toutes demandes qui seraient formées à son encontre ;
- juger que les condamnations devront être indexées sur la base de l'indice BT 01 du coût de la construction à compter du 13 mai 2019 date du dépôt du rapport d'expertise ;
- condamner in solidum la SA MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles, la SA Axa France Iard et la SARL Aquitaine Isolation Etanchéité (Aquisole) à lui payer la somme supplémentaire de 10.000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner in solidum la SA MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles, la SA Axa France Iard et la SARL Aquitaine Isolation Etanchéité (Aquisole) à lui payer la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles devant la cour par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner in solidum la SA MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles, la SA Axa France Iard et la SARL Aquitaine Isolation Etanchéité (Aquisole) aux dépens d'appel.
Dans ses conclusions du 29 mars 2022, la société Imper Italia demande à la cour de :
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a :
- déclaré irrecevables comme prescrits les recours de la SARL Aquitaine Isolation Etanchéité (Aquisole) contre elle ;
À titre principal,
- juger qu'elle s'était dessaisie du produit Unovel antérieurement à la date du 5 juin 2007 ;
- juger qu'elle a été assignée le 19 juillet 2018 ;
- juger que l'action de la société Aquisole et de la compagnie Axa France Iard est prescrite et irrecevable ;
À titre subsidiaire,
- juger que le défaut du produit fabriqué par elle n'est pas démontré ;
- juger que la gravité du défaut n'est pas démontrée ;
- juger que le caractère occulte du défaut n'est pas démontré ;
- juger que l'antériorité du défaut n'est pas démontrée ;
- juger que l'action en garantie de vices cachés n'est pas fondée ;
À titre infiniment subsidiaire,
- juger qu'elle ignorait les prétendus vices de la chose ;
- juger qu'elle ne pourrait en tout état de cause être condamnée qu'à restituer le prix de l'achat ;
En tout état de cause,
- débouter la société Aquisole et la compagnie Axa France Iard de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;
- condamner in solidum les sociétés Aquisole et Axa à lui verser la somme de 8.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamner in solidum tous succombants aux entiers dépens distraits au profit de Maître Thomas Belleville sous sa due affirmation de droit et conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.
Dans leurs dernières conclusions du 12 octobre 2021, les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles demandent à la cour de :
- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bordeaux le 23 février 2021 en ce qu'il a retenu à juste titre que les désordres affectant les bâtiments G et H relevaient de la responsabilité contractuelle de la société Aquisole et a écarté en conséquence leur garantie prise en qualité d'assureur dommages ouvrage ;
- infirmer le jugement en ce qu'il a retenu leur garantie en qualité d'assureur dommages-ouvrage au titre des bâtiments A, A3 et B ;
- juger que ne sont pas de nature décennale les désordres affectant les terrasses des bâtiments A, A3, B, G et H ;
- limiter en conséquence leur garantie à la réparation des seuls bâtiments C et F soit :
- devis SBE : 44.191,60 € + 23.253,90 € = 67.445,50 € HT + TVA à 20 % = 80.934,60 € TTC ;
ou
- devis Aquisole : 38.749,97 € + 21.491,54 € = 60.241,51 € HT (pas de TVA) ;
plus
- remplacement des dalles tachées : 600 € TTC ;
En toute hypothèse,
- juger que de par sa faute, le Syndicat d'Exploitants Agricoles pour le Développement des Techniques a participé aux dommages à concurrence de 20 % ;
- limiter d'autant son droit à indemnisation ;
- condamner in solidum la société Aquisole et son assureur Axa France Iard à les relever indemnes, en leur qualité d'assureur dommages-ouvrage, de l'intégralité des condamnations prononcées à leur encontre ;
- les condamner aux entiers dépens et à verser aux concluantes une indemnité de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 juin 2024.
Pour une plus ample connaissance du litige et des prétentions et moyens des parties, il est fait expressément référence aux dernières conclusions et pièces régulièrement communiquées par les parties.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La situation des différentes parties en cause peut être résumée dans le tableau suivant :
Dénomination lors des faits
Dénomination ou situation juridique actuelle
Rôle
Assureur
Syndicat d'Exploitants Agricole pour le Développement des Techniques (SEADT)
Maître d'ouvrage
Ass DO : Covéa Risks aux droits de laquelle
- MMA Iard
- MMA Iard Assurances Mutuelles
Sarl Aquitaine Isolation (Aquisole)
Titulaire du lot étanchéité
Sa Axa France Iard
Société de droit italien Imper Italia
Fournisseur de matériaux
Il résulte des pièces produites aux débats, et notamment des expertises amiable et judiciaire, que l'école comprend 9 bâtiments répartis en 6 bâtiments principaux (A, B, C, D, E, F, G, et H) et 3 petits bâtiments annexes.
Sur ces bâtiments, un a été construit plus tardivement soit en 2015-2016.
Les toits-terrasses, non accessibles, sont constitués d'une dalle en béton, d'acrotères périphériques, d'un pare-vapeur, d'une étanchéité et d'une étanchéité multi-couches.
Les relevés sont entièrement habillés (partie verticale et dessus de l'acrotère) avec une membrane d'étanchéité bitumineuse armée constituée sur la face intérieure, d'un film thermofusible et sur la face extérieure, d'une feuille d'aluminium gaufrée.
Sur l'ensemble des surfaces courantes horizontales, cette étanchéité est recouverte d'une protection lourde constituée de graviers roulés sur environ 4 cm d 'épaisseur.
Les conclusions de l'expert judiciaire sont les suivantes :
« L'examen des terrasses des bâtiments A, B, C, F, G et H montre un phénomène net de rétractation (lire rétraction) des matériaux constitutifs de l'étanchéité, membrane ou isolation thermique avec :
- des décollements et plis des relevés d'étanchéité, de façon symétrique à partir des angles extérieurs
- des déchirures au droit du recouvrement des lés des relevés - l'arrachement localisé de la feuille de protection aluminium des relevés
- localement, la désagrégation des relevés là où la protection est arrachée.
Les dommages sont très nets sur les bâtiments A et C, moins importants sur les bâtiments G et H et pratiquement inexistants sur le bâtiment F. Ils se sont aggravés sur le bâtiment A, entre nos réunions des 12/06 et 28/11/2018. »
« Le fait technique majeur, à l'origine des dommages, est la rétractation (il s'agit en réalité d'une rétraction ndr) anormale de la membrane d'étanchéité réalisée avec les produits Imper Italia. Il s'agit d'un défaut de fabrication de ces produits, aucune cause extérieure aux produits, à caractère probant, ne pouvant expliquer l'importance du phénomène rencontré.
Le défaut de collage des relevés d'étanchéité par l'entreprise Aquisole n'est qu'un facteur aggravant, d'importance faible, car un collage efficace des relevés aurait conduit à de ruptures en partie courante et donc à des fuites nettement plus importantes, du fait de la rétractation des produits.
La faiblesse de l'épaisseur de gravillons est imputable à l'entreprise Aquisole seule, mais ce défaut n'a pas de conséquences, sauf sur une faible part des travaux du bâtiment C. ».
I-Les désordres affectant les bâtiments A, A3, B, C et F
La société Aquisole conclut à l'infirmation du jugement en ce qu'il a considéré que les
désordres affectant les bâtiments A, A3, B, C et F relevaient bien de la garantie décennale.
En effet, selon elle, il n'a été relevé aucune trace d'infiltration dans les bâtiments A3 et B d'où par conséquent une absence de dommage.
S'agissant du bâtiment A, elle souligne qu'il résulte de toutes les constatations de l'expert que les fuites intérieures sont survenues après l'expiration du délai d'épreuve soit après le 5 juin 2017 et que si le 28 novembre 2018, l'expert a pu constater de l'humidité sur les deux faces de l'isolant thermique, ce dernier n'était pas imprégné ce qui démontre qu'il ne s'agissait que d'un phénomène récent et dont rien n'indique qu'il était antérieur à la date susvisée.
S'agissant enfin des bâtiments C et F, elle soutient que les infiltrations sont certes antérieures à cette date mais qu'il ne s'agit que de quelques auréoles.
Que la comparaison entre la déclaration de sinistre du 27 avril 2017, le rapport du 9 juin 2017 de l'expert amiable dépêché par l'assureur dommages ouvrage et celui de l'expert judiciaire permet de se convaincre que dans le bâtiment F, il ne s'agissait que d'une infiltration bénigne et purement ponctuelle comme celle du bâtiment C.
Les sociétés MMA relèvent pour leur part qu'il n'a été constaté aucun désordre avant l'expiration du délai d'épreuve à l'exception de ceux affectant les bâtiments C et F.
Elles ajoutent qu'en toute hypothèse, ces désordres trouvent en partie leur cause dans le défaut d'entretien imputable au maître de l'ouvrage à qui il conviendra donc de reconnaître une part de responsabilité de 20 %.
Selon l'article 1792 du code civil, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.
Il n'est pas contesté que les différents bâtiments dont il s'agit ont vu leurs toitures-terrasses atteintes par des désordres affectant particulièrement les relevés protégeant les acrotères.
Il n'est pas plus contesté que ces désordres sont tous antérieurs à l'expiration du délai d'épreuve.
Ils constituent en eux-mêmes un dommage indépendamment des infiltrations intérieures.
Or, en ce qu'il compromettait l'étanchéité à l'eau de l'ouvrage, il rendait bien ce dernier impropre à sa destination dès avant l'expiration du délai d'épreuve.
Au demeurant s'agissant des infiltrations, qui ne font qu'illustrer l'impropriété du dispositif d'étanchéité à sa destination, certaines sont incontestablement antérieures au 5 juin 2017 comme celles affectant les bâtiments C et F et l'expert précise, de manière générale, que les décollements et déchirures des relevés d'étanchéité des terrasses peuvent affecter l'étanchéité des bâtiments sans que cela soit visible à l'intérieur, les infiltrations d'eau restant cantonnées dans l'isolation thermique du fait d'une bonne qualité du pare-vapeur formant alors une barrière contre les dommages intérieurs.
Il y a donc lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a reconnu la responsabilité de plein droit de la société Aquisole.
Les sociétés d'assurance MMA invoquent la faute qu'aurait commise le maître de l'ouvrage lui-même en s'abstenant d'entretenir correctement les toits-terrasses litigieux.
Mais la preuve n'est nullement rapportée ni d'une telle circonstance ni de ce que, à la supposer avérée, elle aurait joué un rôle quelconque à ce sujet.
En ce qui concerne la réparation des dommages, la société Aquisole reproche au tribunal d'avoir retenu le devis le plus onéreux mais outre le fait qu'il n'existe qu'une faible différence entre le devis de la société Aquisole et celui de la société SBE retenu par le tribunal, c'est à juste titre que celui-ci a retenu ce dernier au motif qu'il était légitime de ne pas imposer au maître de l'ouvrage qui ne le souhaitait pas l'intervention de la société à l'origine des désordres eux-mêmes.
Le jugement sera donc confirmé sur ce point également.
II-Les dommages affectant les bâtiments G et H
Le tribunal a considéré que les dommages affectant les bâtiments G et H ne présentaient pas, dans le délai d'épreuve, le degré de gravité requis pour l'application de l'article 1792 du code civil, l'expert n'ayant, contrairement aux autres bâtiments, pas constaté de rétraction de la membrane qu'il n'était donc pas nécessaire de refaire mais seulement des plis localisés dans les angles du bâtiment G.
Qu'aucun dommage n'avait été observé sur le bâtiment H, sauf quelques fuites consécutives à un défaut de réalisation imputable à l'entrepreneur .
Que les deux bâtiments présentaient un défaut d'adhérence des relevés, consécutif à un défaut de réalisation qui lui était imputable.
Il a retenu la responsabilité de la société Aquisole sur le fondement de l'article 1147 du code civil au titre de la théorie des dommages intermédiaires.
La société Aquisole conclut à l'infirmation du jugement au motif qu'aucun dommage n'est survenu dans le délai décennal dans le bâtiment G et qu'en ce qui concerne le bâtiment H, l'expert n'avait constaté aucun désordre sur la terrasse, la fuite intérieure
qui y avait été observée étant intervenue après l'expiration de ce délai et ne nécessitant pas la reprise généralisée de tous les relevés d'étanchéité.
Mais en réalité, l'expert a bien observé une rétraction des matériaux constitutifs de l'étanchéité également sur ces deux bâtiments (cf p17 du rapport) et que si les dommages étaient très nets sur les bâtiments A et C, ils étaient moins importants sur les bâtiments G et H.
Sur le bâtiment G, il a encore relevé des plis localisés sur les relevés d'étanchéité surtout dans les angles.
Dans le bâtiment H, il a pu voir des fuites correspondant à de nombreuses pénétrations et relevés dans la zone.
Il en résulte donc la preuve de manquements dans la réalisation des travaux qui étaient confiés à la société Aquisole et c'est donc à juste titre que celle-ci s'est vue mettre à sa charge la somme de 9720 € TTC correspondant au coût des travaux de reprise.
III- Sur les recours en garantie
Comme l'a jugé le tribunal, en application de l'article L. 121-12 du code des assurances, en leur qualité d'assureur dommages ouvrage, les société MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles sont fondées à agir en garantie contre la société Aquisole et son assureur.
Ces derniers sollicitent la condamnation de la société Imper Italia SRL à les relever indemnes de toute condamnation hormis celles relatives aux bâtiments G et H sur le fondement de la garantie des vices cachés de la chose vendue puisque, selon l'expert, il y a eu une rétraction anormale et une perte d'élasticité de la membrane d'étanchéité
imputables au produit Unovel fabriqué par cette société.
Cette dernière invoque en premier lieu la prescription de l'action du fait de l'application des articles 1648 du code civil et L. 110-4 du code de commerce dont il résulte qu'elle aurait dû être exercée dans un délai de cinq ans à compter de la vente.
Mais en réalité l'action récursoire de l'entrepreneur contre son propre vendeur est enserrée dans le double délai de deux ans de l'article 1648 du code civil et de vingt ans prévu par l'article 2232 du même code qui dispose que 'le report du point de départ, la suspension ou l'interruption de la prescription ne peut avoir pour effet de porter le délai de prescription extinctive au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit.'
Dans le cas d'une vente, le point de départ de ce délai est donc le jour de la vente (Cass. mixte, 21 juill. 2023, nos 20-10.763 B, 21-15.809 B, 21-17.789 B et 21-19.936 B).
En l'espèce, la vente a eu lieu fin 2005 début 2006.
La loi n°2008-561 du 17 juin 2008 a certes réduit ce délai de trente à vingt ans, délai s'appliquant immédiatement aux prescriptions en cours sans pouvoir dépasser le délai initial mais dans le cas présent ce nouveau délai a pris effet dès la publication de la loi et expirait le 18 juin 2028.
Par conséquent, n'étant pas contesté que par ailleurs la société Aquisole a exercé son action dans le délai de deux ans à compter du jour où elle eu connaissance du vice, c'est-à-dire à compter de l'assignation en référé qui lui a été délivrée le 2 juin 2017, celle-ci doit être déclarée recevable contrairement à ce qu'a décidé le tribunal.
A titre subsidiaire, la société Imper Italia soutient que les conditions de la garantie des vices cachés ne sont pas réunies d'une part, parce que l'existence et la gravité du vice ne sont pas démontrés, ensuite parce que la société Aquisole avait une connaissance approfondie de ces matériaux de sorte que le défaut prétendu ne saurait avoir eu un caractère occulte et enfin parce que l'antériorité à la vente n'est nullement démontrée.
Cependant, l'expert judiciaire qui a réalisé un travail soigneux et exhaustif, a constaté que pour les travaux d'étanchéité, deux produits similaires mais différents ont été utilisés, l'un le produit Unoval 25 E fabriqué et vendu par Imper Italia, l'autre étant un produit émanant de la société Texsa.
S'agissant du premier, il a constaté un phénomène net de rétraction des matériaux constitutifs de l'étanchéité et que ce phénomène était en réalité ancien, c'est-à-dire survenu depuis environ 5 années à la date de l'expertise, réalisée quant à elle en 2018.
Il a constaté que la rétraction et la perte d'élasticité n'affectaient que le produit Unovel
et que cela démontrait bien l'existence d'un défaut
En effet, la survenue de ce défaut dans un délai inférieur à dix années alors qu'un produit similaire en était exempt démontre bien qu'il s'agissait d'une situation anormale et d'un vice rendant le dispositif d'étanchéité impropre à son usage.
Ce vice était inhérent au produit lui-même et donc antérieur à la vente.
Il s'agissait bien sûr d'un vice caché et il n'existe aucune raison de penser que la société Aquisole aurait dû en avoir connaissance sauf à considérer que ce produit était habituellement et généralement inapte à tout emploi.
La société Imper Italia doit donc la garantie des vices cachés à la société Aquisole.
Cette garantie ne portera pas seulement sur le prix contrairement à ce que soutient la société Imper Italia mais sur l'ensemble des dommages et intérêts dont la société Aquisole doit supporter la charge car en sa qualité de vendeur professionnel il pèse sur elle une présomption de connaissance du vice.
IV- Sur les demandes accessoires
Le jugement sera confirmé quant aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
Les dépens d'appel seront mis à la charge de la société Imper Italia qui versera par ailleurs à la sarl Aquisole la somme de 3000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement du tribunal judiciaire de Bordeaux du 23 février 2021 en ce qu'il a déclaré irrecevable comme prescrit le recours exercé par la sarl Aquitaine Isolation Étanchéité contre la société de droit italien Imper Italia
Statuant à nouveau,
Déclare recevable le recours en garantie des vices cachés exercé par la sarl Aquitaine Isolation Etanchéité contre la société de droit italien Imper Italia
Le déclarant fondé, condamne la société Imper Italia SRL à relever indemne la société Aquitaine Isolation Etanchéité des condamnations prononcées contre elle au profit du syndicat d'exploitants Agricoles pour le Développement des Techniques par le jugement du 23 février 2021 sauf en ce qui concerne la somme de 9720 € relative aux bâtiments G et H
Confirme le jugement pour le surplus
Y ajoutant,
Condamne la société Imper Italia Srl à payer à la société Aquisole la somme de 3000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'appel.