CA Chambéry, 2e ch., 26 septembre 2024, n° 23/01669
CHAMBÉRY
Autre
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Garage du Lac (SAS)
Défendeur :
MJ Alpes (SELARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Fouchard
Conseillers :
M. Therolle, M. Gauvin
Avocats :
Me Dormeval, Me Lemas, Me Brunel, Selas Agis
EXPOSÉ DU LITIGE
Le 12 avril 2022, Mme [V] [I] indique avoir acquis de la SAS Annemasse Négoce Auto un véhicule Volkswagen type Polo au prix de 6 900 euros qui avait préalablement été acheté par cette société auprès de la SAS Garage du Lac laquelle l'avait repris d'occasion à Mme [J] [U] épouse [W] dans le cadre d'un accord commercial relatif à l'achat d'un véhicule neuf.
Postérieurement à cette acquisition, Mme [I] indique avoir constaté différentes anomalies de fonctionnement. Elle souligne au surplus ne pas avoir pu faire immatriculer ce véhicule du fait de l'absence de formalités successives de la part des propriétaires successifs.
Dans ces conditions, Mme [I] a sollicité de sa protection juridique le bénéfice d'une expertise laquelle a été réalisée le 3 novembre 2022.
Par jugement en du 19 mai 2023, le tribunal de commerce de Thonon-les-Bains a prononcé la liquidation judiciaire de la SAS Annemasse Négoce Auto et désigné la SELARL MJ Alpes en qualité de liquidateur judiciaire.
Par acte du 24 juillet 2023, Mme [I] a fait assigner la SAS Garage du Lac, la SAS Annemasse Négoce Auto, la SELARL MJ Alpes ainsi que Mme [W] devant le juge des référés en vue d'obtenir, à titre principal, le bénéfice d'une mesure d'expertise judiciaire.
Par ordonnance du 31 octobre 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Thonon-les-Bains a, entre autres mesures :
- débouté Mme [I] de sa demande d'expertise formée à l'encontre de Mme [W],
- ordonné une expertise au contradictoire de Mme [I], de la SAS Garage du Lac et de la SELARL MJ Alpes ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Annemasse Négoce Auto et commis pour y procéder M. [H], expert près la cour d'appel de Chambéry,
- dit que Mme [I] devra consigner à la régie d'avances et de recettes, avant le 31 janvier 2024, la somme de 2 000 euros à parfaire à titre d'avance sur la rémunération de l'expert,
- condamné Mme [I] à payer à Mme [W] la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté le surplus des demandes des parties,
- condamné Mme [I] aux dépens exposés par Mme [W],
- dit que pour le surplus des dépens, chaque partie conservera la charge de ceux dont elle a fait l'avance.
Par acte du 28 novembre 2023, la SAS Garage du Lac a interjeté appel de la décision.
Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 5 mars 2024, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, la SAS Garage du Lac demande à la cour de :
- infirmer l'ordonnance déférée,
- juger Mme [I] irrecevable et infondée en ses demandes,
- débouter Mme [I] de toutes ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires,
- débouter Mme [W] de toutes ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires,
- mettre hors de cause la société Garage du Lac,
Subsidiairement, si la cour devait confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a ordonné une expertise judiciaire, celle-ci sera également ordonnée au contradictoire de Mme [W],
Reconventionnellement,
- condamner Mme [I] ou toute partie succombante à lui payer la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Me Dormeval.
En réplique, dans ses conclusions adressées par voie électronique le 14 mars 2024, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, Mme [I] demande à la cour de :
- infirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a :
débouté Mme [I] de la demande d'expertise formée à l'encontre de Mme [W],
condamné Mme [I] à payer à Mme [W] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
rejeté le surplus des demandes,
condamné Mme [I] aux dépens exposés par Mme [W],
dit que le surplus des dépens, chaque partie conservera la charge de ceux dont elle a fait l'avance
Statuant à nouveau,
- ordonner une mesure d'expertise judiciaire au contradictoire de Mme [I], de la SAS Garage du Lac et de la SELARL MJ Alpes ès qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Annemasse Négoce Auto et de Mme [W] confiée à tel expert qu'il plaira à votre juridiction de designer au sein de la liste des experts près la cour d'appel de Chambéry ayant pour mission de :
se faire communiquer tous documents utiles à la réalisation de sa mission et s'entourer de tous renseignements à charge d'en indiquer la source,
d'entendre tout sachant utile et de demander, s'il y lieu, l'avis de tout spécialiste de son choix,
entendre les parties,
examiner le véhicule de marque Volkswagen immatriculé [Immatriculation 7], en présence de toutes les parties intéressées et recueillir leurs prétentions, véhicule actuellement au domicile de Mme [I], [Adresse 4] à [Localité 5],
décrire la nature et l'ampleur des désordres dénoncés dans l'assignation et les pièces communiquées au soutien de la demande au regard des normes en vigueur et des règles de l'art,
déterminer l'origine et de dire notamment si l'origine de ces désordres existaient à la date des ventes successives et de dire s'ils étaient, ou pouvaient être détectés par un acquéreur normalement diligent lors de l'examen du véhicule préalable à la vente,
rechercher et d'indiquer les éléments d'imputabilité des désordres et d'appréciation de toute responsabilité, et de fournir à la juridiction compétente tous les éléments techniques et de fait lui permettant de déterminer les responsabilités encourues et d'évaluer les préjudices, en ce compris les préjudices de jouissance et le coût des frais annexes déboursés par le demandeur du fait de l'immobilisation prolongée du véhicule, pouvant résulter des désordres, des éventuels travaux de remise en état ou de l'impossibilité d'y procéder,
faire toute observation, de nature purement technique, utile à la solution du litige,
donner son avis sur l'existence d'un vice caché,
déposer un rapport dans les 6 mois de sa saisine après avoir répondu aux dires des parts,
- condamner Mme [W] et la SAS Garage du Lac au versement de la somme de 2 000 euros en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- les condamner également aux entiers dépens de l'instance.
Par conclusions adressées par voie électronique le 23 janvier 2024, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, Mme [W] demande à la cour de :
A titre liminaire, et vu l'ordonnance de référé en date du 9 janvier 2024,
- rectifier l'erreur matérielle contenue dans l'ordonnance de référé rendue le 31 octobre 2023 par le président du tribunal judiciaire de Thonon-les-Bains, statuant en matière de référé, sur son nom de famille ([W] en lieu et place de [W]),
- ordonner qu'il soit fait mention de cette rectification en marge de la minute de la décision en cause et des expéditions qui en seront délivrées,
A titre principal,
- confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a :
débouté Mme [I] de sa demande d'expertise formée à son encontre,
condamné Mme [I] à lui payer la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
condamnons Mme [I] aux dépens exposés par elle,
Y ajoutant,
- condamner in solidum la SAS Garage du Lac et Mme [I] à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner in solidum la SAS Garage du Lac et Mme [I] aux dépens de l'instance.
A titre subsidiaire, et dans l'hypothèse où la mesure d'expertise serait ordonnée au contradictoire de Mme [W],
- donner acte à Mme [W] de ses plus expresses réserves de recevabilité de fait et de droit.
* La déclaration d'appel et les conclusions d'appelante ont été successivement signifiées les 11 décembre 2023 et 2 janvier 2024 à la SELARL MJ Alpes (signification à personne habilitée) laquelle n'a pas constitué avocat.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 25 mars 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Conformément aux dispositions de l'article 145 du code civil, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.
En l'espèce, il résulte des éléments versés aux débats par Mme [I] (certificat de cession entre elle-même et la SAS Annemasse Négoce Auto, certificat de cession entre la SAS Garage du Lac et la SAS Annemasse Négoce Auto, déclaration d'achat de la SAS Annemasse Négoce Auto mentionnant la SAS Garage du Lac en qualité de vendeur et copie de carte grise barrée mentionnant l'identité de Mme [W] avec le tampon de la SAS Garage du Lac) que la chaîne de vente successive concernant le véhicule Volkswagen Polo immatriculé CE 341 LR ne peut être sérieusement contestée par l'appelante.
Au terme des articles 1641 et suivants du code civil, un vendeur est tenu de garantir l'acquéreur ou les acquéreurs ultérieurs des vices occultes inhérents à la chose cédée dans l'hypothèse où ces derniers préexistaient à la transaction qu'il a conclue.
En ce sens, quoique la SAS Annemasse Négoce Auto fasse l'objet d'une procédure collective, Mme [I] s'avère fondée à solliciter une mesure d'expertise à son contradictoire et/ou au contradictoire de propriétaires antérieurs contre lesquels elle détient un droit personnel qui ne peut se confondre avec l'intérêt collectif des créanciers de la société liquidée au motif qu'elle a régularisé une déclaration de créance dans le cadre de cette procédure.
Concernant le véhicule litigieux, l'existence potentielle de désordres est rapportée au moyen du rapport d'expertise de la protection juridique de Mme [I] lequel relate que le véhicule précité présente différents défauts susceptibles de fonder une action en garantie des vices cachés, laquelle ne saurait donc être considérée comme manifestement vouée à l'échec.
En l'état toutefois, les élément soumis aux débats ne permettent, avant l'organisation d'une expertise judiciaire contradictoire, dans l'hypothèse où l'existence d'un ou de plusieurs vices serait corroboré, de dater leur apparition, de déceler leur éventuel caractère apparent au jour des transactions successives ou encore de déterminer le caractère décelable desdits défauts pour un professionnel du secteur automobile ayant acquis ou repris le véhicule.
Dans ces conditions, étant rappelé qu'un non-professionnel n'est pas, dans le cadre d'une vente sans stipulation spécifique, ipso facto déchargé de sa garantie au motif que le bien aurait été vendu à un professionnel, il y a lieu de retenir le caractère légitime de la mesure d'instruction demandée par Mme [I] et de dire que l'expertise doit être ordonnée au contradictoire de Mme [U] épouse [W], vendeuse initiale.
L'équité commande de ne pas faire droit aux demandes corespectives fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, chacune des parties conservant à ce stade la charge des dépens qu'elle a exposés.
Enfin, il y a lieu de faire droit à la demande de rectification d'erreur matérielle concernant l'orthographe du patronyme de Mme [W] et d'ordonner la rectification sollicitée.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par décision réputée contradictoire,
Ordonne la rectification de l'ordonnance de référé (RG 23/00385 - minute 23/00403) rendue le 31 octobre 2023 par le président du tribunal judiciaire de Thonon-les-Bains en ce que le nom d'épouse de Madame [J] [U] doit s'orthographier [W] en lieu et place de [W],
Dit en conséquence qu'il sera fait mention par le greffe de cette rectification en marge de la minute de la décision et des expéditions qui en seront délivrées,
Confirme la décision entreprise sauf en ce qu'elle a :
débouté Mme [V] [I] de sa demande d'expertise formée à l'encontre de Mme [J] [U] épouse [W],
condamné Mme [V] [I] à payer à Mme [J] [U] épouse [W] la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
condamné Mme [V] [I] aux dépens exposés par Mme [J] [U] épouse [W],
Statuant à nouveau,
Dit que l'expertise ordonnée au contradictoire de Mme [V] [I], de la SAS Garage du Lac et de la SELARL MJ Alpes, ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Annemasse Négoce Auto, sera également effectuée au contradictoire de Mme [J] [U] épouse [W] et ce dans les conditions déterminées par l'ordonnance déférée,
Y ajoutant,
Dit que chacune des parties conservera la charge des dépens qu'elle a exposés,
Dit n'y avoir lieu à condamnation au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Ainsi prononcé publiquement le 26 septembre 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente et Madame Sylvie DURAND, Greffière.