CA Montpellier, 4e ch. civ., 26 septembre 2024, n° 21/01138
MONTPELLIER
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
W Nautisme (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Soubeyran
Conseillers :
M. Bruey, Mme Franco
Avocats :
Me Negre, Me Bermond, Me Daude
FAITS ET PROCÉDURE
1- Le 21 juillet 2017, M. [V] [F] a vendu à M. [H] [I] un navire de plaisance de type vedette, construit en 1991, de marque Mercruiser, francisé en douane auprès du bureau de [Localité 8], moyennant le prix de 16 500 euros.
2- L'acte comporte une clause précisant que M. [I] 'déclare bien connaître le navire et l'avoir visité pour l'accepter dans l'état dans lequel il se trouve'.
3- A l'occasion d'une sortie le 30 juillet 2017, le moteur du bateau a calé en pleine mer et M. [I] a été dans l'impossibilité de le redémarrer, ce qui a nécessité un remorquage du bateau jusqu'au port.
4- Un mécanicien de la société [W] Nautisme, M. [J], est intervenu aux frais de M. [F] et a notamment remplacé le démarreur. Malgré cette intervention, la panne a persisté.
5- Par courrier recommandé avec accusé de réception du 10 août 2017, M. [F] a été mis en demeure par M. [I] d'annuler la vente sur le fondement de la garantie des vices cachés, en vain.
6- M. [I] a alors contacté son assureur lequel a saisi un cabinet d'expertise et une expertise amiable a été réalisée par M.[C].
7- L'expert a établi son rapport final le 29 juin 2018 et évalué le préjudice de M. [I] à la somme de 16 505,66 euros.
8- L'assureur a ainsi mis en demeure M. [F] d'indemniser M. [I] de ses différents préjudices, par courrier du 16 octobre 2018, en vain.
9- Dans ce contexte, M. [I] a fait assigner M. [F] par acte du 4 mars 2019 devant le tribunal de grande instance de Béziers, en annulation de la vente sur le fondement de la garantie des vices cachés.
10- Par acte en date du 7 octobre 2019, M. [F] a fait assigner en intervention forcée M. [W] exerçant sous l'enseigne « [W] Nautisme ».
11- Par ordonnance du 23 janvier 2020, le juge de la mise en état a ordonné la jonction des deux procédures.
12- Par jugement réputé contradictoire en date du 11 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Béziers a débouté M. [I] de l'intégralité de ses demandes, l'a condamné à payer à M. [F] une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens et dit n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire de la présente décision.
13- Le 20 février 2021, M. [I] a relevé appel de ce jugement.
14- Par ordonnance en date du 30 mars 2022, le conseiller de la mise en état a ordonné une mesure d'expertise et désigné M.[Y] pour y procéder.
15- L'expert a remis son rapport le 31 août 2023.
PRÉTENTIONS
16- Par dernières conclusions remises par voie électronique le 7 mai 2024, M. [I] demande en substance à la cour de réformer le jugement et, statuant à nouveau, de :
- A titre liminaire, prononcer la nullité du rapport d'expertise pour non-respect du contradictoire ;
- A titre principal, prononcer la résolution de la vente en ce que le bateau est entaché d'un vice caché ;
- A titre subsidiaire, déclarer M. [F] responsable des dommages causés par la société [W] Nautisme ;
- En tout état de cause, condamner M. [F] à lui verser les sommes suivantes :
> 36 281,54 euros au titre du préjudice financier et matériel,
> les frais de gardiennage du bateau depuis la date à laquelle il a été déposé jusqu'à son enlèvement et au besoin le condamner à relever et garantir M. [I] de toutes les sommes qui pourraient avoir été acquittées par ses soins au titre du gardiennage ;
> 3 000 euros au titre du préjudice de jouissance ;
> 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens en ce compris les frais d'expertise.
17- Par dernières conclusions remises par voie électronique le 13 mai 2024, M. [F] demande en substance à la cour de confirmer le jugement et de :
- Rejeter l'action en garantie des vices cachés de M. [I] comme l'action en responsabilité civile délictuelle,
- Le débouter de l'intégralité de ses demandes,
- Renvoyer M. [I] à mieux se pourvoir contre M. [W],
- Subsidiairement,
- Débouter M. [I] de ses demandes indemnitaires au delà de la restitution du prix de 16 500 euros sur le fondement de l'article 1646 du code civil,
- Condamner M. [B] [W] à intégralement le relever et garantir de toutes condamnations en principal, frais et intérêts,
- Condamner M. [W] à produire son attestation d'assurance garantissant sa responsabilité du sinistre de 2017 sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir,
- En tout état de cause, condamner solidairement M. [I] à lui payer la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de première instance et d'appel.
18- M. [W] exerçant sous l'enseigne « [W] Nautisme» auquel la déclaration d'appel a été signifiée le 17 août 2021 par acte remis à domicile, n'a pas constitué avocat.
19- Vu l'ordonnance de clôture du 28 mai 2024.
20- Pour plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS :
- Sur la nullité alléguée du rapport d'expertise
21- M. [I] soutient la nullité du rapport d'expertise judiciaire au motif que le délai d'un mois laissé aux parties pour formuler leurs observations sur sa note de synthèse du 29 juin 2023 était trop court et qu'il a remis son rapport dès le 1er août, lendemain de l'expiration du délai, n'ouvrant aucun délai supplémentaire et ajoutant que l'expert n'a pas rendu de pré-rapport mais seulement une note de synthèse.
22- Ce moyen ne saurait cependant prospérer dès lors que le délai d'un mois laissé aux parties pour recueillir leurs observations apparaît tout à fait raisonnable, que le conseil de M. [F] a pu formuler un dire dans le délai imparti par l'expert auquel celui-ci a répondu, et qu'il était au demeurant loisible à M. [I] de solliciter un délai supplémentaire pour formuler ses observations.
23- Le fait que l'expert ait remis une « note de synthèse » plutôt qu'un pré-rapport ne peut davantage être utilement soutenu pour obtenir la nullité du rapport d'expertise dès lors qu'il s'agit pour l'expert quel que soit la forme du document, de matérialiser son avis suivant les termes de l'article 276 du code de procédure civile.
- Sur la garantie des vices cachés
24- L'article 1641 du code civil dispose que : « Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus ».
25- En application de ces dispositions, l'acquéreur se doit de rapporter la preuve de l'existence d'un vice, de sa gravité et de son antériorité par rapport à la vente.
26- En l'espèce, si l'expertise judiciaire a mis en évidence la perte irréversible du moteur du bateau due à une entrée d'eau de mer dans les cylindres, l'antériorité à la vente d'un vice à l'origine de cette avarie ne ressort nullement des constatations de l'expert.
27- Il résulte en effet en substance des opérations de l'expert et de son sapiteur que le bateau était naviguant au moment de l'achat, que le blocage du moteur et ses causes sont postérieurs et n'étaient pas présents au moment de la vente, que ce sont les interventions ultérieures qui ont conduit à ce blocage définitif, le sapiteur ayant précisé que les désordres significatifs de la couronne dentée du volant moteur indiquaient avec certitude que le moteur avait fait l'objet de plusieurs tentatives de démarrage infructueux lors de la recherche de la panne sans avoir pris les précautions qui s'imposent dans ce type de recherches de panne et l'expert [Y] ayant conclu s'agissant des responsabilités : « Nous proposons de retenir que le défaut d'exécution de la prestation de recherche de panne, associée à une absence totale de prise de mesures conservatoires sont à mettre à la charge du mécanicien [W] Nautisme ».
28- Ces observations expertales précises et étayées excluant la notion de vice inhérent au navire et antérieur à la vente ne peuvent que conduire la cour à confirmer le jugement ayant débouté M.[I] de ses demandes au titre du vice caché.
- Sur la responsabilité invoquée à titre subsidiaire du fait de la société [W] Nautisme
29- Se fondant sur l'avis de l'expert selon lequel l'avarie résulte d'un défaut d'exécution de la prestation de recherche de panne associé à une prise de mesures conservatoires à mettre à la charge du mécanicien [W] Nautisme et sur le fait que le recours à ce professionnel a été initié par M. [F] qui a réglé la facture, M.[I] estime que ce dernier doit être déclaré responsable des dommages causés par ce professionnel.
30- S'il n'est pas contesté par M. [F] qu'à la suite du calage du moteur du navire survenu lors de la sortie en mer de M.[I] intervenue postérieurement à la vente, il a recherché un mécanicien disponible et a accepté de régler la facture relative au changement du démarreur, il ne saurait en droit être tenu des conséquences des éventuelles fautes de ce professionnel, aucune faute sur le fondement des articles 1240 et 1241 du code civil ne pouvant lui être imputée dans le fait d'avoir cherché, postérieurement à la vente, à rendre service à son acquéreur en faisant appel au garage [W] Nautisme dont M. [I] ne conteste pas avoir accepté l'intervention, et la responsabilité du fait d'autrui ne pouvant en outre être engagée que dans les conditions limitativement énumérées par les dispositions de l'article 1242 du code civil, dont aucune n'est en l'espèce caractérisée.
31- M. [I] sera en conséquence débouté de sa demande subsidiaire à l'égard de M. [F] du fait de la responsabilité de M. [W] exerçant sous l'enseigne « [W] Nautisme ».
32- Partie succombante, M. [I] sera condamné aux dépens d'appel par application de l'article 696 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Statuant par arrêt de défaut,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Déboute M. [I] de ses demandes à l'égard de M. [F] du fait de M. [W] exerçant sous l'enseigne «[W] Nautisme».
Condamne M. [I] aux dépens d'appel.
Le condamne à payer à M. [F] la somme de 2500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.