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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 3-2, 26 septembre 2024, n° 20/02807

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Autre

CA Aix-en-Provence n° 20/02807

26 septembre 2024

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-2

ARRÊT AU FOND

DU 26 SEPTEMBRE 2024

N° 2024/245

Rôle N° RG 20/02807 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BFUVB

SAS LA VILLA BRIGNAC

C/

Société CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 5] LIBERTE

SCP BR & ASSOCIES RIC

S.E.L.A.R.L. ML ASSOCIES

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Sophie AYMONOD

Me Roselyne SIMON-THIBAUD

Me Julie ROUILLIER

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance du Juge commissaire de TOULON en date du 11 Février 2020 enregistrée au répertoire général sous le n° 2019JC259.

APPELANTE

SAS LA VILLA BRIGNAC

dont le siège social est sis [Adresse 1], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualité audit siège,

représentée par Me Sophie AYMONOD, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

INTIMÉES

CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 5] LIBERTE

dont le siège social est sis [Adresse 4], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualité audit siège,

représentée par Me Julie ROUILLIER de la SCP DAYDE - PLANTARD - ROCHAS & VIRY, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

SCP BR & ASSOCIES

Prise en la personne de Me [I] [P], agissant en sa qualité de mandataire judiciaire de la Société LA VILLA BRIGNAC, désigné par jugement du Tribunal de Commerce de Toulon en date du 24 Janvier 2017, demeurant- [Adresse 3]

représentée par Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

PARTIE INTERVENANTE

SELARLU ML ASSOCIES

venant aux droits de la SCP BR & ASSOCIES, prise en la personne de Maître [I] [P], agissant en sa qualité de mandataire judiciaire de la Société LA VILLA BRIGNAC, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Juillet 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Gwenael KEROMES, Présidente de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Gwenael KEROMES, Président de chambre

Madame Muriel VASSAIL, Conseiller

Madame Agnès VADROT, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Chantal DESSI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 26 Septembre 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 26 Septembre 2024

Signé par Madame Gwenael KEROMES, Président de chambre et Madame Chantal DESSI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Par jugement du 24 janvier 2017, le tribunal de commerce de Toulon a ouvert une procédure de sauvegarde au bénéfice de la SAS Villa Brignac, désigné la SCP BR Associés, prise en la personne de Me [I] [P], en qualité de mandataire judiciaire. Le 15 mars 2018, le tribunal de commerce arrêtait le plan de sauvegarde de la SAS Villa Brignac.

La Caisse de Crédit Mutuel [Localité 5] Liberté a déclaré au passif une créance auprès du mandataire judiciaire, pour un montant de 991 970,70 euros à titre privilégié, garantie par un privilège de prêteur de deniers, échue, outre 'intérêts au taux contractuel majoré de 7,05% l'an du 24.01.17 jusqu'à parfait paiement et capitalisation annuelle des intérêts' au titre d'un prêt n° 20496802 conclu par acte sous seings privés en date du 23.01.2012 pour un principal de 1 033 500 euros (taux de 4,05%).

Cette créance a fait l'objet d'une contestation de la part de la société débitrice, portant principalement sur le caractère erroné du TEG entraînant la nullité des stipulations d'intérêts contractuelles, sur l'absence de capitalisation des intérêts des contrats de prêt notarié signés le 1er mars 2012, la nullité de la clause d'indemnité conventionnelle et les conséquences de ces nullités sur le montant en principal après déduction des intérêts trop versés, notamment.

Le créancier a été informé par le mandataire judiciaire de la contestation de la débitrice par courrier recommandé avec AR du 27 septembre 2017.

Par la voix de son conseil, la Caisse de Crédit Mutuel, a par courrier recommandé avec AR du 4 octobre 2017, fait état de sa position et maintenu l'intégralité de sa créance.

Par ordonnance en date du 11 février 2020, le juge commissaire, saisi de la contestation, a :

- ordonné l'admission définitive de la créance produite par la Caisse de Crédit Mutuel au passif de la procédure de sauvegarde de la SAS Villa Brignac pour les montants suivants :

- 161 515,30 euros à titre chirographaire,

- 759 600 euros à titre privilégié (montants en principal arrêté à la date du jugement déclaratif)

- sursis à statuer sur les intérêts (TEG, capitalisation et clause indemnité conventionnelle) jusqu'à ce que la juridiction compétente ait rendu sa décision.

La SAS Villa Brignac a interjeté appel de cette décision le 24 février 2020.

Par conclusions d'appelant récapitulatives déposées et notifiées au RPVA le 1er février 2022, la SAS Villa Brignac sollicite de la cour qu'elle :

- infirme l'ordonnance rendue par le juge-commissaire à la procédure de sauvegarde de la SAS Villa Brignac en ce qu'il a admis la créance de la Caisse de Crédit Mutuel à hauteur du montant du principal arrêté à la date du jugement déclaratif, soit la somme de 921.415,30 euros,

Statuant à nouveau,

- sursoit à statuer sur la demande d'admission de l'intégralité de la créance déclarée à titre principal par la Caisse de Crédit Mutuel [Localité 5] Liberté à hauteur de 991.970,70 € au titre du prêt n°20496802 conclu par acte sous seing privé en date du 1er mars 2012, dont 921.415,30 € en principal, outre les intérêts à échoir au taux contractuel majoré de 7,05% l'an à compter du 24 janvier 2017 et capitalisation annuelle des intérêts, ce montant incluant une indemnité conventionnelle d'un montant de 65.750,10 € correspondant à 7% des sommes restant dues, dans l'attente d'une décision irrévocable portant la validité des stipulations conventionnelles d'intérêts des contrats de prêts,

- débouter la Caisse de Crédit Mutuel [Localité 5] Liberté de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- condamner la Caisse de Crédit Mutuel [Localité 5] Liberté à 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- donner acte à la SAS Villa Brignac qu'elle se réserve tous ses droits et moyens,

- dire que les dépens de la présente instance seront passés en frais privilégiés de la procédure

de sauvegarde de la SAS Villa Brignac.

Elle précise qu'elle a engagé une instance devant le tribunal de commerce de Toulon à l'encontre de la Caisse de Crédit Mutuel Toulon Liberté et que le juge commissaire devait surseoir à statuer dans l'attente de la décision à intervenir. Le tribunal de commerce de Toulon a rendu un jugement le 16 juillet 2018 déclarant prescrites les demandes de la SAS Villa Brignac afférentes à la nullité de certaines stipulations conventionnelles du prêt et, sur appel, la cour d'appel d'Aix-en-Provence, par arrêt du 17 octobre 2019, a confirmé la prescription de l'action de la SAS Villa Brignac et l'a déboutée de ses demandes. Un pourvoi en cassation a été formé à l'encontre de l'arrêt et, par arrêt du 10 novembre 2021, la cour de cassation, considérant que les litiges relatifs à l'application de l'article L.442-6 du code de commerce sont attribués aux juridictions dont le siège et le ressort sont fixés par décret, en l'occurrence la cour d'appel de Paris, la cour d'appel d'Aix-en-Provence était dépourvue du pouvoir juridictionnel de statuer sur des demandes fondées sur les dispositions de l'article L.442-6, a cassé l'arrêt et a renvoyé l'affaire et les parties devant la cour d'appel de Paris.

Elle considère que le juge commissaire devait surseoir à statuer sur la demande d'admission de la créance de la Caisse de Crédit Mutuel, alors que la créance était contestée et que cette contestation a une incidence sur l'existence ou le montant de la créance, et ce afin d'éviter tout risque de contrariété entre la décision à intervenir et l'ordonnance d'admission de créance.

Aux termes de ses dernières écritures déposées le 17 août 2023, la Caisse de Crédit Mutuel sollicite :

- la confirmation de l'ordonnance en ce qu'elle a rejeté la demande de sursis à statuer de la société Villa Brignac et en ce qu'elle a partiellement fixé la créance de la Caisse de Crédit Mutuel,

- le débouté de la SAS Villa Brignac de ses demandes ;

- son infirmation en ce qu'elle a ordonné un sursis à statuer partiel sur les intérêts et indemnité;

En conséquence et statuant à nouveau,

- fixer la créance de la Caisse de Crédit Mutuel conformément à sa déclaration de créance à savoir :

* prêt d'acquisition : à titre échu et privilégié (prêteur de deniers pour la somme de 991 970,70 € outre intérêts ultérieurs au taux de 7,45%) à compter du 24 janvier 2017 jusqu'au parfait paiement ;

- condamner l'appelante à une somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

et prononcé l'admission de la créance à hauteur de 991 970,70 euros outre intérêts au taux de 7,45 % l'an à compter du 24 janvier 2017 et le sursis à statuer pour le surplus dans l'attente de la décision à intervenir sur les points de contestation.

Elle fait valoir qu'à la suite de l'ordonnance de déchéance du pourvoi formé par la SAS Villa Brignac, notifiée aux parties le 6 juillet 2023, l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 9 novembre 2022 est désormais définitif, toute demande de sursis à statuer sur la demande d'admission de la créance déclarée par la Caisse de Crédit Mutuel dans l'attente d'une décision irrévocable portant sur la validité des stipulations conventionnelles d'intérêts des contrats de prêts est donc désormais et en tout état de cause, sans objet.

L'ordonnance frappée d'appel sera donc nécessairement réformée de ce chef et les demandes de la Société VILLA BRIGNAC seront par conséquent rejetées.

Sur l'appel incident qu'elle a formé, elle soutient que la cour est saisie, par l'effet dévolutif, de la connaissance des contestations soulevées et sollicite que la créance de Caisse de Crédit Mutuel [Localité 5] Liberté soit fixée dans les termes de sa déclaration de créance.

Par conclusions déposées et notifiées par RPVA le 25 avril 2024, la Selarlu ML Associés venant aux droits de la SCP BR Associés, demande à la cour :

- de la recevoir en son intervention volontaire, en lieu et place de la SCP BR Associés ès qualités ;

- de confirmer l'ordonnance du juge commissaire du 11 février 2020 en ce qu'elle a admis la créance de la Caisse de Crédit Mutuel pour la somme de 759 600 euros à titre privilégié et de 161 515,30 euros à titre chirographaire ;

- d'infirmer l'ordonnance en ce qu'elle a sursis à l'admission des intérêts ;

- admettre la créance de la Caisse de Crédit Mutuel au titre des sommes précitées, outre intérêts au taux de 7,45 % à compter du 24 janvier 2017 jusqu'à parfait remboursement ;

- débouter la Caisse de Crédit Mutuel de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- statuer ce que de droit sur les dépens.

Les parties ont été avisées le 5 mai 2023 de la fixation de l'affaire à l'audience des plaidoiries du 16 novembre 2023. Suite à la suppression de l'audience, l'affaire a été fixée à l'audience du 4 juillet 2024.

La clôture a été prononcée le 6 juin 2024.

Il sera renvoyé, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens respectifs.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il résulte de l'application des articles L.622-24 et L.622-25 du code de commerce que le montant de la créance à déclarer et à admettre doit être celui existant au jour de l'ouverture de la procédure collective.

L'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 9 novembre 2022 a déclaré prescrite l'action engagée par la SAS Villa Brignac le 27 février 2017, en application de la clause conventionnelle contenue dans le contrat de prêt conclu le 23 janvier 2012 qui abrège à un an la prescription de toute action mettant en cause le prêteur au titre des intérêts et partant, a déclaré la SAS Villa Brignac irrecevable en ses demandes. Cet arrêt est devenu définitif en raison de l'ordonnance prononçant la déchéance du pourvoi formé par la SAS Villa Brignac contre cet arrêt, notifiée aux parties le 6 juillet 2023.

La SAS Villa Brignac ne remettant pas en cause la créance en principal de la banque au titre du prêt n° 20496802 conclu le 23 janvier 2012 et sa contestation, circonscrite à la validité des stipulations contractuelles relatives aux intérêts et à la clause d'indemnité, étant jugée irrecevable de manière irrévocable, ses demandes aux fins d'infirmation de l'ordonnance précitée et de sursis à statuer sur la demande d'admission, ne sauraient prospérer.

En conséquence, il y a lieu de confirmer l'ordonnance du juge commissaire de Toulon en date du 11 février 2020 (2019JC259) en ce qu'elle a ordonné l'admission de la créance de la Caisse de Crédit Mutuel [Localité 5] Liberté à hauteur de :

- la somme de 161 515,30 euros à titre chirographaire,

- 759 600 euros à titre privilégié (privilège du prêteur de deniers) en y ajoutant les intérêts au taux de 7,45 % à compter du 24 janvier 2017 jusqu'à parfait remboursement.

L'ordonnance sera infirmé en ce qu'elle a ordonné le sursis à statuer sur le reste de la créance déclarée.

Sur les demandes accessoires

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Il n'y a pas lieu au vu des circonstances de l'espèce de prononcer une condamnation en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la Caisse de Crédit Mutuel [Localité 5] Liberté.

Les dépens seront employés en frais privilégiés de la procédure collective de la SAS Villa Brignac.

Les dépens seront réservés.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt rendu contradictoirement, par mise à disposition au greffe,

Confirme l'ordonnance du juge commissaire de Toulon (2019JC259) du 11 février 2020 en ce qu'elle a prononcé l'admission de la créance de la Caisse de Crédit Mutuel [Localité 5] Liberté à hauteur de :

- la somme de 161 515,30 euros à titre chirographaire,

- 759 600 euros à titre privilégié (privilège du prêteur de deniers), y ajoutant, outre les intérêts au taux de 7,45 % à compter du 24 janvier 2017 jusqu'à parfait remboursement.

L'infirme pour le surplus ;

Dit n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du code de procédure civile et déboute la Caisse de Crédit Mutuel [Localité 5] Liberté de sa demande de ce chef ;

Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de la procédure collective.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE