CA Montpellier, 4e ch. civ., 26 septembre 2024, n° 23/05391
MONTPELLIER
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Défendeur :
Korian (SASU)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Soubeyran
Conseillers :
M. Bruey, Mme Franco
Avocats :
Me Selmo, Me Blanquer, Me Huret, Me Bado
FAITS ET PROCÉDURE
1- La SASU Korian exploite un EHPAD dénommé [3] sis à [Localité 1].
2- Le 22 novembre 2018, M. [X] [M] a intégré l'établissement après un séjour au sein de la clinique 'Korian les 4 fontaines' également situé à [Localité 1]. Il y a occupé une chambre grand confort tarifée 95€ la journée.
3- Le 20 janvier 2019, M. [M] a réglé par virement le montant de son hébergement sur la base tarifaire journalière de 80€, information issue d'une recherche internet, et sur la base GIR5/6 qui lui est appliquée à son entrée.
4- M. [M] indique n'avoir pris connaissance du tarif des prestations qu'à partir du mois d'avril 2019, jusque là les factures n'étant libellées et destinées qu'à sa fille.
5- Le 21 août 2019, par courrier recommandé avec accusé de réception, la SASU Korian [3] a mis en demeure M. [M] d'avoir à régulariser le solde débiteur de 11884,53€, outre clause pénale.
6- Le 28 août 2019, par courrier adressé à la SASU, M.[M] a contesté les sommes dues.
7- Le 30 septembre 2019, M. [M] a quitté l'EHPAD.
8- Le 23 octobre 2019, par courrier recommandé avec accusé de réception, la SASU a de nouveau mis en demeure M. [M] de régler les sommes dues.
Le 12 novembre 2019, par courrier, M. [M] a de nouveau contesté le montant dû et a précisé avoir effectué des virements pour les mois d'août et septembre 2019.
Par courriers des 14 novembre 2019 et 4 février 2020, la SASU a vainement réitéré sa demande de paiement indiquant par ailleurs que M. [M] restait devoir en sus les factures d'août et octobre 2019.
9- C'est dans ce contexte que par acte du 13 mars 2020, la SASU Korian [3], agissant pour le compte de son établissement éponyme a fait assigner M. [M] au visa des articles 1103, 1104 et 1224 du code civil afin d'obtenir paiement.
10- Par jugement contradictoire du 7 juillet 2022, le tribunal judiciaire de Narbonne a :
Rejeté toutes conclusions ou demandes plus amples ou contraires comme injustes ou non fondées ;
Condamné M. [M] au paiement de la somme de 8 407,19 € à la SASU [3], outre les intérêts au taux légal à compter de la date d'assignation ;
Ordonné la capitalisation des intérêts en application de l'article 1347-5 du code civil ,
Débouté pour le surplus ;
Débouté M. [M] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
Condamné M. [M] à payer la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;
Rappelé que l'exécution provisoire est de plein droit attachée à la présente décision.
11- Le 7 septembre 2022, M. [M] a relevé appel de ce jugement.
12- Le 29 juin 2023, la radiation de l'affaire enregistrée sous le numéro RG n°22/04653 a été ordonnée. Par courrier du 12 septembre 2023, le conseil de M. [M] a sollicité sa réinscription au rôle.
PRÉTENTIONS
13- Par dernières conclusions remises par voie électronique le 15 mai 2024, M. [M] demande en substance à la cour de :
Réformer le jugement dont appel ce qu'il l'a condamné au paiement de la somme de 8 407,19 € à la SASU, outre les intérêts au taux légal à compter de l'assignation, ordonné la capitalisation des intérêts en application de l'article 1347-5 du code civil, l'a condamné à payer la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens et qu'il l'a débouté de ses demandes ;
Débouter la SASU [3] de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de M. [M] au titre de son séjour dans l'établissement Korian [3] à [Localité 1] sur la période du 22 novembre 2018 au 30 septembre 2019 ;
Condamner la SASU [3] à payer la somme de 5 000 € à M. [M] à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral, en raison de son manquement à son obligation d'information pré contractuelle, et à ses manquements aux obligations contractuelles inhérentes à l'accueil d'un résident;
Condamner la SASU [3] au paiement de la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
14- Par dernières conclusions remises par voie électronique le 9 février 2024, la SASU Korian [3] demande en substance à la cour de :
Débouter M. [M] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M.[M] à lui payer la somme de 8 407, 19 € outre les intérêts au taux légal à compter de l'assignation, ordonné la capitalisation des intérêts en application de l'article 1347-5 du code civil, débouté M. [M] de toutes ses demandes, fins et conclusions et a condamné ce dernier à payer la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens, rappelant que l'exécution provisoire est de plein droit ;
Ajoutant au jugement : condamner M. [M] au paiement de la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, au titre de la procédure d'appel.
15- Vu l'ordonnance de clôture du 28 mai 2024.
Pour plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
16- Selon l'article L. 111-1 du code de la consommation :
'Avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :
1° Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné ;
2° Le prix du bien ou du service, en application des articles L.112-1 à L. 112-4 ;
3° En l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service ;
4° Les informations relatives à son identité, à ses coordonnées postales, téléphoniques et électroniques et à ses activités, pour autant qu'elles ne ressortent pas du contexte ;
5° S'il y a lieu, les informations relatives aux garanties légales, aux fonctionnalités du contenu numérique et, le cas échéant, à son interopérabilité, à l'existence et aux modalités de mise en 'uvre des garanties et aux autres conditions contractuelles ;
6° La possibilité de recourir à un médiateur de la consommation dans les conditions prévues au titre Ier du livre VI.
La liste et le contenu précis de ces informations sont fixés par décret en Conseil d'Etat.
Les dispositions du présent article s'appliquent également aux contrats portant sur la fourniture d'eau, de gaz ou d'électricité, lorsqu'ils ne sont pas conditionnés dans un volume délimité ou en quantité déterminée, ainsi que de chauffage urbain et de contenu numérique non fourni sur un support matériel. Ces contrats font également référence à la nécessité d'une consommation sobre et respectueuse de la préservation de l'environnement.'
Selon l'article L.111-5 du même code, 'En cas de litige relatif à l'application des dispositions des articles L. 111-1, L. 111-2 et L.111-4, il appartient au professionnel de prouver qu'il a exécuté ses obligations.'
Selon l'article L. 111-8 du même code, 'Les dispositions du présent chapitre sont d'ordre public.'
17- Au sens de l'article liminaire du code de la consommation, la société Korian qui exploite l'établissement [3] est un professionnel. M. [M] est un consommateur.
18- Le litige qui oppose les parties porte sur le prix applicable à la prestation de services délivrée par la société Korian à M.[M] entre son entrée le 22 novembre 2018 et sa sortie le 30 septembre 2019. La société soutient que M. [M] qui occupait une chambre grand confort en connaissait parfaitement le prix quotidien de 95 € alors qu'il n'a réglé que sur la base d'un tarif applicable à une chambre standard.
19- L'existence d'un contrat de séjour n'est pas sérieusement contestable, quand bien même la société Korian ne produit qu'un exemplaire démuni de la signature de M. [M].
20- Il appartient au seul professionnel de prouver qu'il a respecté son obligation précontractuelle d'information sur le prix facturé, conformément aux articles L. 111-1 2° et L. 111-5 du code de la consommation.
21- Une telle preuve n'est pas établie en l'espèce, n'étant pas suffisamment rapportée par une attestation sur l'honneur dactylographiée d'une dame [K] [F] qui ne répond pas aux prescriptions de l'article 202 du code de procédure civile et qui ne peut qu'être écartée en l'état du lien de subordination avec la société Korian. En tout état de cause, à lui conférer une quelconque valeur, ce document ne fait qu'établir que les tarifs ont été présentés à M. [M], pas qu'il les a acceptés.
22- Le professionnel succombant dans l'administration de la preuve dont il est débiteur, étant observé que M. [M] a réglé sa dette sur la base d'une chambre standard et qu'il n'est pas utile de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, les demandes de la société Korian seront rejetées et le jugement infirmé en ce qu'il y a fait droit.
23- S'agissant de la demande indemnitaire de M. [M], celui-ci ne saurait prétendre à l'indemnisation d'un préjudice moral autre que d'être confronté à des tracasseries liées à l'insistance de la société de lui facturer une somme supérieure à celle qu'il lui devait, justifiant une indemnisation à hauteur de 500€.
24- Partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, la société Korian supportera les dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
Statuant contradictoirement,
Infirme le jugement en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Déboute la société Korian exploitant l'établissement [3] de l'ensemble de ses demandes.
Condamne la société Korian exploitant l'établissement [3] à payer à M. [X] [M] la somme de 500 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral.
Condamne la société Korian exploitant l'établissement [3] aux dépens de première instance et d'appel.
Condamne la société Korian exploitant l'établissement [3] à payer à M. [X] [M] la somme de 3000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.