CA Versailles, ch. com. 3-1, 26 septembre 2024, n° 21/02139
VERSAILLES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Athanor.net (Sté)
Défendeur :
Blockchain Partner (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Dubois-Stevant
Conseillers :
Mme Gautron-Audic, Mme Meurant
Avocats :
Me Dontot, Me Charriere Bournazel
Le 1er décembre 2015, la société Blockchain France associés a déposé la marque verbale française BLOCKCHAIN FRANCE n°15 4 230 406.
Le 20 novembre 2020, la société Athanor.net a présenté une demande en nullité de cette marque BLOCKCHAIN FRANCE à l'encontre d'une partie des services pour lesquels elle a été enregistrée, soit les classes 35, 36, 38, 41 et 42, en invoquant l'atteinte à ses droits antérieurs sur la marque verbale française BLOCKCHAIN n°15 4 236 539 déposée le 26 décembre 2015.
Par courrier du 16 décembre 2020, l'Institut national de la propriété industrielle (« INPI ») a adressé une notification d'irrecevabilité de cette demande en nullité au demandeur, qui a présenté des observations et pièces en réponse à cette notification dans le délai imparti.
Par décision du 2 mars 2021, le Directeur général de l'INPI a déclaré la demande en nullité irrecevable aux motifs qu'elle ne relevait pas de la compétence de l'INPI et que la demanderesse ne justifiait pas de l'antériorité de son droit.
Le 31 mars 2021, la société Athanor.net a formé un recours devant la cour d'appel de Versailles.
Par courrier du 1er octobre 2021, les parties ont été convoquées à l'audience du 19 avril 2022.
Par arrêt du 15 septembre 2022, la cour a, en l'absence de mise en cause régulière de la société Blockchain France, ordonné la réouverture des débats aux fins de mise en cause de la société Blockchain France associés, sursis à statuer sur l'ensemble des demandes et réservé les dépens.
Par courrier du 20 septembre 2022, le greffe a adressé à la société Blockchain France associés l'acte de recours avec indication de constituer avocat. Ce courrier ayant été retourné, le greffe a, le 26 octobre suivant, avisé la société Athenor.net d'avoir à signifier la déclaration de recours à la société Blockchain France associés, ce qu'elle a fait par acte remis à personne le 17 novembre suivant. La société Blockchain France associés n'a pas constitué avocat.
Par dernières conclusions remises au greffe par RPVA le 9 décembre 2021, puis signifiées le 17 novembre 2022 à la société Blockchain France associés, la société Athanor.net demande à la cour de réformer la décision entreprise en ce qu'elle a déclaré sa demande en nullité irrecevable, statuant à nouveau de dire sa demande en nullité recevable et bien fondée, de prononcer la nullité de la marque française BLOCKCHAIN FRANCE, de condamner l'INPI à lui verser la somme de 2.350 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens avec droit de recouvrement direct.
Par observations reçues au greffe le 9 septembre 2021, le Directeur général de l'INPI considère que la requête en nullité ne relève pas de la compétence de l'Institut mais de celle des tribunaux judiciaires, que ce motif d'irrecevabilité a toutefois disparu devant la cour, qu'en outre la société Athanor.net ne peut se prévaloir de l'antériorité de sa marque, subsidiairement que la demande en nullité n'est pas correctement étayée, s'en remettant à l'appréciation de la cour sur ce point. Il ajoute que les demandes pécuniaires de la société requérante doivent être rejetées.
Par avis communiqué par RPVA le 8 novembre 2021, le ministère public demande à la cour de dire la demande en nullité recevable mais de débouter la société Athanor.net sur le fond.
SUR CE,
Sur l'irrecevabilité de la demande en nullité tirée de demandes ne relevant pas de la compétence de l'INPI :
La société Athanor.net soutient que sa demande en nullité aurait dû être considérée comme recevable. D'une part, en se fondant sur le « guide » de l'INPI, elle fait valoir que si l'INPI est saisi d'une demande de nullité fondée sur plusieurs motifs, il est compétent dès lors qu'un seul des motifs permet de procéder à l'examen de la demande, qu'elle a apporté, selon elle, lors de sa demande en nullité des pièces pertinentes et a justifié de l'existence de son droit antérieur. D'autre part, se fondant sur les articles L. 712-2 et L. 711-3 du code de la propriété intellectuelle, la société Athanor.net observe qu'après avoir renoncé à ses demandes qui ne rentrent pas dans la compétence de l'INPI, l'Institut doit étudier sa demande tendant à voir reconnaitre son droit.
Le Directeur de l'INPI fait observer qu'en application du II de l'article L. 716-5 du code de la propriété intellectuelle, lorsqu'une seule des demandes soumises à l'INPI relève de sa compétence, l'ensemble des demandes relèvent de la compétence des tribunaux judiciaires et qu'en l'espèce, la société Athanor.net a, outre sa demande en nullité d'une marque, formulé plusieurs demandes connexes ne relevant manifestement pas de la compétence de l'INPI.
Selon l'article L. 716-5 du code de la propriété intellectuelle, les demandes en nullité exclusivement fondées sur un ou plusieurs des motifs énumérés à l'article L. 711-2, aux 1° à 5°, 9° et 10° du I de l'article L. 711-3, au III du même article ainsi qu'aux articles L. 715-4 et L. 715-9 ne peuvent être formées que devant l'INPI et les autres actions civiles et les autres demandes relatives aux marques, y compris lorsqu'elles portent également sur une question connexe de concurrence déloyale, sont exclusivement portées devant des tribunaux judiciaires déterminés par voie réglementaire. Ces mêmes tribunaux sont en outre exclusivement compétents lorsque les demandes relevant de la compétence de l'INPI sont formées par les parties de façon connexe à toute autre demande relevant de la compétence du tribunal.
Le guide de procédure publié sur le site internet de l'INPI indique explicitement, en page 21, que la demande a un seul et unique objet, soit la nullité ou la déchéance de la marque contestée, et, qu'elle peut être fondée sur un ou plusieurs motifs sans qu'elle ne puisse être étendue à d'autres motifs que ceux invoqués dans la demande initiale.
En l'espèce, le 20 novembre 2020, la société Athanor.net a formé une demande en nullité contre la marque BLOCKCHAIN FRANCE et des demandes tendant à l'interdiction d'utiliser sous quelque forme et à quelque titre que ce soit la dénomination Blockchain sous astreinte de 10.000 euros à compter de la signification du « jugement » à intervenir et à la condamnation pécuniaire en réparation des préjudices subis et frais irrépétibles.
Or, ces deux dernières demandes ne relèvent pas de la compétence de l'INPI et, en réponse à la lettre de l'INPI du 16 décembre 2020 faisant état de l'irrecevabilité de la demande en nullité pour ce motif, la société Athanor.net a renoncé à ses seuls « motifs relatifs aux demandes de condamnation pécuniaire en réparation des préjudices subis et frais irrépétibles » sans renoncer à sa demande en réparation ni, en toute hypothèse, renoncer à sa demande d'interdiction sous astreinte de l'emploi de la dénomination Blockchain.
Toutefois, devant la cour, la société Athanor.net, renonçant à ses autres demandes, forme une seule demande en nullité de la marque BLOKCHAIN FRANCE de sorte que la cause d'irrecevabilité de la demande a disparu avant que la cour ne statue.
Sur l'irrecevabilité de la demande en nullité tirée du défaut d'antériorité de la marque dont se prévaut la société Athanor.net :
Au soutien de sa demande fondée sur l'article L. 711-3, I, 1°, b), du code de la propriété intellectuelle, la société Athanor.net invoque l'atteinte à ses droits antérieurs sur la marque verbale française BLOCKCHAIN n°15 4 236 539 déposée le 26 décembre 2015.
Le Directeur de l'INPI observe en premier lieu que la société Athanor.net ne peut pas se prévaloir de l'antériorité de sa marque dès lors que la marque BLOCKCHAIN FRANCE critiquée a été déposée le 1er décembre 2015. Il ajoute que, bien que cette circonstance n'ait aucune incidence dès lors que c'est la date du dépôt de la marque qui doit être retenue, la marque BLOCKCHAIN France a été publiée au BOPI le 3 juin 2016 avant l'enregistrement, avec modification, de la marque BLOCKCHAIN au BOPI du 24 juin 2016.
La société Athanor.net ne réplique pas sur la question de l'antériorité de la marque dont elle est titulaire.
L'article L. 711-3 du code de la propriété intellectuelle dispose que :
« I. Ne peut être valablement enregistrée et, si elle est enregistrée, est susceptible d'être déclarée nulle une marque portant atteinte à des droits antérieurs ayant effet en France, notamment :
1° Une marque antérieure :
(')
b) lorsqu'elle est identique ou similaire à la marque antérieure et que les produits ou les services qu'elle désigne sont identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque antérieure est protégée, s'il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d'association avec la marque antérieure; (') ».
En l'espèce, la société Blockchain France associés a déposé la marque verbale française BLOCKCHAIN FRANCE n°15 4 230 406 le 1er décembre 2015 et la société Athanor.net a déposé la marque verbale française BLOCKCHAIN n°15 4 236 539 qu'elle invoque au soutien de sa demande en nullité postérieurement, le 26 décembre 2015.
La marque BLOCKCHAIN n'étant pas antérieure à la marque BLOCKCHAIN FRANCE, la société Athanor.net, titulaire de la première, n'est pas recevable à demander la nullité de la seconde.
Il s'ensuit que la décision déférée doit être confirmée et la société Athanor.net condamnée aux dépens et déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt réputé contradictoire,
Confirme la décision déférée ;
Y ajoutant,
Déboute la société Athanor.net de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Athanor.net aux dépens.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Florence DUBOIS-STEVANT, Présidente, et par M. BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.