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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 3-4, 26 septembre 2024, n° 20/10546

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Eden Beach Casino (SA), La Civette du Cap (SNC)

Défendeur :

Eden Beach Casino (SA), La Civette du Cap (SNC), Garden Beach Real Estate (SNC), Rague & Associes (SCP)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Chalbos

Conseillers :

Mme Vignon, Mme Martin

Avocats :

Me Drevet, Me Tollinchi, Me Payen, Me Simon de Kergunic, Me Bozec

Aix-en-Provence, 3-4 ch., du 3 sept. 202…

3 septembre 2020

EXPOSE DU LITIGE

La SCI de l'Eden Beach Casino (SCI EBC) était propriétaire de volumes immobiliers dans un ensemble immobilier situé à[Localité 2]), [Adresse 10].

Cet ensemble immobilier était divisé en deux volumes, dont l'un à usage de casino exploité par la SA Eden Beach Casino (SA EBC).

Le 27 juillet 1989 la SCI EBC, propriétaire des lieux et bailleresse principale, a consenti un bail commercial à la preneuse principale, SA EBC pour une durée de neuf ans, à compter du 1 er août 1989, renouvelé par anticipation par un avenant en date 8 janvier 1997, pour une nouvelle période de 9 ans, courant du 1 er août 1998 au 31 juillet 2007.

Depuis cette dernière date, le bail principal était prolongé (et non renouvelé) et il devait expirer le 31 juillet 2016.

Le 18 février 1998, la société SA EBC, la preneuse principale, a consenti à la SNC Tabac du casino, la sous-locataire, une convention de sous-location (un bail commercial) d'un local commercial situé au rez-de-chaussée de l'ensemble immobilier loué par la SA EBC.

La SNC GMSV tabac du casino a acquis le fonds de commerce de la SNC Tabac du casino en ce compris le droit au sous-bail des locaux. La convention de sous-location était renouvelée le 1er août 2007 pour une durée se terminant au 31 juillet 2016.

La sous-locataire, la SNC GMSV tabac du casino a cédé son fonds de commerce à la société la Civette du cap le 15 mars 2010 ainsi que le droit au bail de la sous-location.

La société la Civette du cap est devenue la nouvelle sous-locataire de la SA EBC et elle a fait signifier à cette dernière la cession du fonds de commerce et du bail le 25 mars 2010.

La propriétaire des lieux et bailleresse principale, la SCI EBC, a cédé la propriété de l'ensemble immobilier en 2015 à la SNC Garden Beach Real Estate (SNC GBRE), qui était alors représentée par M. [U] [J].

Le même jour, la propriétaire et la preneuse principale décidaient de résilier amiablement le bail commercial et de conclure une convention d'occupation précaire.

Certaines clauses des actes ainsi conclu concernaient la sous-location en cours au jour de la résiliation amiable du bail commercial principal.

Les actes suivants vont être tous conclus le 11 mai 2015 entre l'ancienne propriétaire des lieux et le nouvel acquéreur ainsi que la preneuse principale :

- le 11 mai 2015, la propriétaire principale et la preneuse principale concluaient un acte de résiliation intitulé 'acte de résiliation du contrat de bail commercial conclu en date du 27 juillet 1989" aux termes duquel ces dernières ont décidé de résilier amiablement le bail commercial principal. L'acte de résiliation précisait que cette résiliation du bail principal prenait effet avant le transfert des propriétés à la SNC GBRE et prévoyait également qu'aucune indemnité ne serait versée à l'une ou l'autre des parties. L'acte de vente mentionnait également que l'acquéreur ferait son affaire personnelle de la reprise en direct du bail de sous-location consenti à la sous-locataire,

- le 11 mai 2015, la SCI EBC vendait à la SNC GBRE l'ensemble immobilier qu'elle détenait jusqu'alors.Cet acte de vente stipulait également que l'acquéreur ferait son affaire personnelle de la reprise en direct du bail de sous-location consenti à la sous-locataire (aux droits de laquelle venait la SNC GMSV tabac du casino).

- une convention d'occupation précaire entre la nouvelle propriétaire (la société GBRE) et l'ancienne preneuse principale (la SA EBC).

Par courrier du 27 janvier 2016, un avocat (M.[Z] [K]) demandait à une étude d'huissiers de justice (la SCP [N] et associés) de délivrer un congé de bail commercial sans offre de renouvellement à la société sous-locataire avant le 30 janvier 2016 et ce au nom tant du nouvel acquéreur des lieux (la SNC GBRE) qu'au nom de l'ancienne preneuse principale (la SA EBC).

Un congé sans offre de renouvellement était signifié le 29 janvier 2016 avec effet au 31 juillet de la même année, par la SCP [N] et associés, huissiers de justice, pour le compte de la SA EBC (l'ancienne preneuse principale) et de la société GBRE à la sous-locataire la Civette du cap.

Le congé sans offre de renouvellement ne comportait aucune offre d'indemnité d'éviction.

Suite à la délivrance de ce congé sans offre de renouvellement et sans indemnité d'éviction, la sous-locataire va considérer que la nouvelle propriétaire des lieux (la SNC GBRE) était redevable envers elle de l'indemnité d'éviction et non pas l'ancienne preneuse principale (la SA EBC).

De son côté, la propriétaire des lieux (SNC GBRE) niait être redevable d'une quelconque indemnité d'éviction au bénéfice de la sous-locataire.

La société GBRE affirmait en particulier n'avoir jamais donné de mandat spécial ni à l'avocat ni à l'huissier de justice pour délivrer un tel congé en son nom.

Le 26 octobre 2016, la sous-locataire quittait les lieux et restituait les clés à la société GBRE.

Plusieurs procédures vont opposer les parties, dont la procédure actuellement pendante devant la cour.

Une première procédure, en référé, a opposé la société Civette du cap à la SNC GBRE, devant le tribunal de grande instance de Grasse, concernant l'expertise sur le montant de l'indemnité d'éviction.

Par ordonnance de référé prononcée le 8 juin 2016, le président du tribunal de grande instance de Grasse a ordonné une mesure d'expertise sur le montant de l'indemnité d'éviction sollicitée par la société la Civette du cap, après avoir considéré que le moyen de nullité du congé soulevé par la propriétaire des lieux relevait du juge du fond.

Le juge des référés précisait qu'il ne lui appartenait pas d'apprécier la validité du congé, postérieurement à la cession de l'immeuble, alors même que la nouvelle propriétaire des lieux n'avait pas jugé utile de soumettre à l'appréciation de la juridiction compétente une demande de nullité fondée sur l'absence de pouvoir spécial de l'huissier de justice.

Le juge des référés estimait encore que la SNC la Civette du cap avait un intérêt légitime à obtenir la désignation d'un expert judiciaire suite à la délivrance du congé.

La SNC GBRE a interjeté appel de cette ordonnance qui a été confirmé par la cour d'appel d'Aix-en-Provence suivant arrêt du 1 er juin 2017.

Une deuxième procédure, en référé, a opposé les parties, le nouvel acquéreur des lieux (la société GBRE )et la société sous-locataire devant le tribunal judiciaire de Grasse, concernant la question de l'occupation sans droit ni titre des lieux par cette dernière et des indemnités d'occupation

En effet, par acte d'huissier de justice du 20 octobre 2016, la SNC GBRE faisait assigner notamment la SNC la Civette du cap devant le tribunal judiciaire de Grasse en expulsion et en condamnation à lui payer une indemnité d'occupation.

Par ordonnance de référé du 31 octobre 2016, le tribunal de grande instance de Grasse donnait acte à la SNC la Civette du cap qu'elle s'était engagée à remettre les clés du local à la société GBRE et la condamnait à verser des indemnités d'occupation mensuelles à la nouvelle propriétaire des lieux.

Une troisième procédure, au fond, a opposé les parties concernant exclusivement l'indemnité d'éviction et la question de savoir si la SNC GBRE en serait redevable, procédure actuellement pendante devant le tribunal judiciaire de Grasse.

Par acte d'huissier du 16 novembre 2016, la société la Civette du cap a fait assigner la société GBRE devant le tribunal de grande instance de Grasse en paiement d'une indemnité d'éviction.

Dans son assignation du 16 novembre 2016, la société sous-locataire estimait que la propriétaire des lieux et bailleresse principale lui était redevable d'une indemnité d'éviction suite à la délivrance du congé sans offre de renouvellement à effet du 31 juillet 2016 et suite à la résiliation du bail principal.

Par ordonnance du 7 juillet 2017, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Grasse a prononcé un sursis à statuer dans l'attente de la décision définitive dans la procédure pendante devant le tribunal de grande instance de Draguignan.

Une dernière procédure a opposé les parties, devant le tribunal judiciaire de Draguignan celle-ci étant pendante devant la présente cour et portant plus particulièrement sur la validité du congé délivré à la sous-locataire et sur les responsabilités professionnelles de l'huissier de justice et de l'avocat ayant donné l'ordre de délivrer le congé.

Par actes d'huissier du 17 novembre 2016, la SNC GBRE a fait assigner la SCP [N] et associés, huissiers de justice, la société EBC, les sociétés Groupe Partouche et Civette du cap devant le tribunal de grande instance de Draguignan aux fins de :

- obtenir la nullité du congé en l'absence de mandat spécial remis à l'huissier,

- la constatation de la résiliation du contrat de bail commercial entre la SCI EBC et la SA EBC le 11 mai 2015,

- dire qu'elle n'est pas débitrice d'une indemnité à l'encontre de la sous-locataire,

- subsidiairement dire que l'huissier de justice a engagé sa responsabilité professionnelle et devra l'indemniser de tous les préjudices qu'elle devra supporter et notamment sa condamnation à une indemnité d'éviction.

La SCP [N] et associés a appelé M.[Z] [K] en intervention forcée et garantie et les instances ont été jointes.

Par ordonnance d'incident du 24 novembre 2017, le juge de la mise en état a déclaré la juridiction incompétente au profit du tribunal de grande instance de Grasse pour statuer sur les demandes de la SNC GBRE relatives à son absence de qualité de bailleur, à l'absence de demande par la sous-locataire de droit direct au renouvellement du bail, au fait qu'elle n'est pas débitrice d'une quelconque indemnité d'éviction.

Par jugement du 3 septembre 2020, le tribunal judiciaire de Draguignan a statué en ces termes :

- déclare hors de cause la société Groupe Partouche,

- dit que le congé délivré par la SCP [N] et associés le 29 janvier 2016 au nom de la SNC GBRE est nul en ce qu'il a été délivré à tort au nom cette société qui n'est pas bailleresse et en l'absence de mandat spécial donné par le représentant de celle-ci,

- déboute la SNC la Civette du cap de ses demandes formées à l'encontre de la SCP [N] et associés et Maître [Z] [K],

- condamne in solidum la SA l'EBC et Maître [Z] [K] aux dépens,

- condamne in solidum la SA l'EBC et Maître [Z] [K] à payer à la SNC GBRE la somme de 4000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- déboute la société Groupe Partouche, la SCP [N] et associés, la SNC la Civette du cap de leurs demandes formées sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

Sur la nullité du congé délivré le 29 janvier 2016, le tribunal énonçait qu'un congé qui n'avait pas été délivré par le représentant légal de la société bailleresse était nul. Le tribunal ajoutait qu'en l'espèce, le congé n'avait pas été délivré par le représentant légal dés lors qu'il avait été délivré au nom de la SA EBC et de la SNC GBRE, alors que cette dernière n'était pas la bailleresse. Le tribunal précisait encore que seule la SA EBC avait la qualité de bailleresse de la SNC la Civette du cap.

Toujours pour retenir la nullité du congé, le tribunal estimait qu'aucun mandat donné par la SNC GBRE à M.[Z] [K] de délivrer le congé à la société sous-locataire pour son compte n'était caractérisé.

Sur la demande reconventionnelle formée par la société Civette du cap à l'encontre de la SCP [N] et associés et à l'encontre de M. [Z] [K] tendant à leur condamnation in solidum au paiement de l'indemnité d'éviction, le tribunal rejetait la demande. Il mentionnait qu'il appartenait au seul tribunal judiciaire de Grasse de déterminer qui était débiteur de l'indemnité d'éviction due à la SNC la Civette du cap.

La SA Eden Beach Casino a formé un appel le 30 octobre 2020.

La déclaration d'appel est ainsi rédigée : 'appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués en ce que le tribunal judiciaire a statué comme suit :

- dit que le congé délivré par la SCP [N] et associés le 29 janvier 2016 au nom de la SNC GBRE est nul en ce qu'il a été délivré à tort au nom cette société qui n'est pas bailleresse et en l'absence de mandat spécial donné par le représentant de celle-ci,

- condamne in solidum la SA l'EBC et Maître [Z] [K] aux dépens,

- condamne in solidum la SA l' EBC et Maître [Z] [K] à payer à la SNC GBRE la somme de 4000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonne l'exécution provisoire de la présente décision.

La SNC la Civette du cap a également formé un appel le 12 mars 2021.

Par ordonnance prononcée le 5 janvier 2022 par le conseiller de la mise en état, les deux procédures étaient jointes.

L'instruction de la procédure a été clôturée par ordonnance prononcée le 28 mai 2024.

PRÉTENTIONS ET MOYENS

Par conclusions notifiées par voie électronique le 21 mai 2024 , la société Eden Beach Casino demande à la cour de :

vu les articles 1121 ancien et 1299 du code civil,

- réformer le jugement entrepris en totalité,

- débouter la SNC GBRE de l'intégralité de ses demandes à l'encontre de la SAS EBC,

- condamner la SNC GBRE à lui payer 10.000 euros de dommages intérêts toutes causes de préjudices confondues et 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner GBRE aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 10 mai 2024 , la société la Civette du cap demande à la cour de :

- juger recevable la SNC la Civette du cap en son appel et le déclarer fondé,

- infirmer le jugement querellé,

statuant à nouveau,

vu l'article 122 du code de procédure civile,

- juger la SNC GBRE irrecevable et infondée à invoquer une éventuelle nullité du congé signifié en son nom,

- juger que l'absence de consentement de l'auteur du congé n'est pas une cause de nullité prévue à l'article 117 du code de procédure civile, laquelle ne peut être soulevée que par le destinataire du congé,

subsidiairement :

- juger que la SNC GBRE était la bailleresse de la SNC la Civette du cap à la date du congé,

- juger que la SNC GBRE avait connaissance dudit congé avant sa signification et qu'elle l'a ratifié après,

très subsidiairement :

- juger que l'éventuelle nullité du congé délivré au nom de la SNC GBRE ne peut pas valablement être opposée à la SNC la Civette du cap et ne la prive pas en tout état de cause de son droit direct de réclamer à la SNC GBRE son indemnité d'éviction,

- juger la SNC GBRE irrecevable et infondée à soulever l'inopposabilité du congé,

infiniment subsidiairement :

vu les articles 1240 et 1241 du code civil, anciennement 1382 du code civil,

- juger que tant soit Maître [K] que Maître [N] ont engagé leur responsabilité civile professionnelle à l'égard de la SNC la Civette du cap le premier pour ne pas avoir recueilli l'accord exprès de la SNC GBRE, le second pour ne pas avoir fait confirmer à Maître [K] qu'il était expressément mandaté par la SNC GBRE pour délivrer le congé en litige,

- condamner in solidum Maître [K] et Maître [N] à verser à la SNC La Civette du cap le montant de l'indemnité d'éviction dont elle ne pourrait plus réclamer paiement à la SNC GBRE telle qu'elle sera fixée par l'expert judiciaire désigné par ordonnance de référé, confirmée par arrêt de la cour de céans du 1 er juin 217 ou par telle autre expert que désignerait la cour de céans, afin de chiffrer ladite indemnisation,

en toute hypothèse

- débouter la SNC GBRE de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- condamner la SNC GBRE à verser à la SNC la Civette du cap la somme de 8000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens, dont distraction.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 27 mai 2024, la société GBRE demande à la cour de :

vu les articles 47, 117, 119 et 700 du code de procédure civile,

vu les articles L. 145-14 al. 2, L. 145-32 alinéa 2 du code de commerce

à titre principal :

- annuler le congé du 29 janvier 2016 à l'encontre de la SNC GBRE, à charge pour la SNC Civette du cap de se retourner contre son « bailleur », à savoir la SA EBC,

par conséquent :

- confirmer le jugement en ce qu'il a dit que le congé délivré par la SCP [N] et associés le 29 janvier 2016 au nom de la SNC GBRE est nul en ce qu'il a été délivré à tort au nom cette société qui n'est pas bailleresse et en l'absence de mandat spécial donné par le représentant de celle-ci,

à titre subsidiaire :

- déclarer le congé inopposable à la SNC GBRE, ce qui ne prive pas la SNC Civette du cap du droit de solliciter une indemnité d'éviction auprès de son seul et unique bailleur, la société EBC,

à titre infiniment subsidiaire :

- dire et juger que la SCP [N], huissier de justice, et/ou Me [K], avocat ont engagé leur responsabilité civile professionnelle et devront indemniser in solidum la SNC GBRE de tous les préjudices supportés par cette dernière, notamment la condamnation hypothétique au paiement d'une indemnité d'éviction et/ou les frais de justice.

en tout état de cause,

- débouter la SNC la Civette du cap, la SCP [T] [N] et associés et la société EBC de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné in solidum Maître [Z] [K],conseil de la SA l'EBC à payer à la société SNC GBRE la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,le remboursement des frais irrépétibles engagés par elle,

y ajoutant, condamner toute parti e succombante, en cause d'appel à payer solidairement à la SNC GBRE la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens de la procédure d'appel dont distraction, en ce compris les frais d'expertise éventuellement supportés.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 13 avril 2021, la SCP [N] et associés demande à la cour de :

à titre principal,

- débouter toutes parties de toutes leurs demandes, fins et conclusions dirigées contre la concluante,

- condamner la SNC GBRE à lui payer 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la SNC GBRE en tous les dépens tant de première instance que d'appel, ces derniers

distraits au profit de Maître Philippe Rafaelli, avocat, sous sa due affirmation de droit,

à titre subsidiaire,

- condamner Maître [Z] [K] à relever et garantir la concluante de toutes condamnations qui seraient prononcées à son encore au profit de la SNC GBRE et de toutes autres parties,

- le condamner à verser à la concluante la somme de 5 000 euros sur le fondement de |'article 700 du code de procédure civile,

- le condamner en tous les dépens tant de première instance que d'appel, ces derniers distraits au profit de Maître Philippe Rafaelli, avocat, sous sa due affirmation de droit.

Par conclusions notifiées le 13 juillet 2021, M. [Z] [K] demande à la cour de:

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a mis hors de cause la SA Groupe Partouche et débouté la SNC la Civette du cap de ses demandes formées contre la SCP [N] et associés et Me [Z] [K],

et statuant à nouveau,

- débouter toutes les parties de toutes leurs demandes, fins et conclusions dirigées contre Me [K],

- condamner tout succombant à lui verser la somme de 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner tout succombant aux dépens, dont distraction au profit de Me Caroline Payen conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

MOTIFS

1-sur la demande de confirmation du jugement en ce qu'il a déclaré hors de cause la société Groupe Partouche

M. [Z] [K] sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a mis hors de cause la société Groupe Partouche, ce à quoi aucune partie ne s'oppose ou ce contre quoi aucune partie ne présente de moyens pertinents.

La cour confirme le jugement en ce qu'il a mis hors de cause la société Groupe Partouche.

2-sur la recevabilité de la demande de la société GBRE de nullité du congé

Selon l'article 31 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

Pour s'opposer à la demande de la société GBRE d'annulation du congé, la sous-locataire prétend d'abord que la société GBRE est irrecevable en sa demande d'annulation, précisant que la nullité du congé ne peut être soulevée que par le destinataire du congé.

Cependant, dès lors que la SNC GBRE conteste qu'elle était l'auteur du congé litigieux qui a été délivré en son nom, en soutenant notamment qu'elle n'aurait jamais donné mandat à ni à l'avocat, ni à l'huissier de justice de signifier un tel congé, celle-ci a bien tout à la fois un intérêt et une qualité pour agir. Elle est donc recevable à se prévaloir d'une exception de nullité du congé fondé sur l'absence de mandat.

Rejetant la fin de non-recevoir soulevée par la société la Civette du cap et sa demande tendant à voir dire que la nullité du congé ne peut être soulevée que par le destinataire du congé, la cour déclare recevable la demande de la SNC GBRE d'annulation du congé du 29 janvier 2016

3-sur le bien-fondé de la demande d'annulation du congé :

La société GBRE sollicite que le jugement soit confirmé en ce qu'il a dit que le congé est nul en ce qu'il a été délivré à son nom. Elle fait valoir qu'elle n'a jamais donné un mandat spécial ni à l'avocat ni à l'huissier justice de délivrer un congé en son nom à la société la Civette du cap.

M. [Z] [K] sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il a déclaré le congé nul, soutenant qu'il rapporte bien la preuve que la société GBRE lui avait bien donné mandat de délivrer par voie d'huissier un congé à la sous-locataire.

La société la Civette du cap demande d'infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré le congé nul. Pour elle, la personne qui conteste être l'auteur du congé est irrecevable à en poursuivre la nullité, l'absence de consentement de l'auteur n'est pas un motif de nullité et en outre, la nullité du congé ne peut être soulevée que par son destinataire. En outre, la question de l'identité du bailleur est indifférente, le propriétaire-bailleur ne peut pas soulever l'inopposabilité du congé. Avant la signification du congé, la société GBRE avait décidé de faire son affaire personnelle de la sous-location et d'y mettre fin. Après la signification du congé, la SNC GBRE a ratifié par des actes positifs le congé avec refus de renouvellement.

La SA EBC demande d'infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré le congé nul. Pour s'opposer à la nullité du congé, la preneuse principale fait d'abord valoir qu'il existe une relation contractuelle directe de bailleur à locataire entre les sociétés GBRE et Civette du cap, née de la stipulation pour autrui figurant à la vente immobilière du 11 mai 2015 et acceptée par la sous-locataire. Elle affirme ensuite qu'il est démontré que la société GBRE avait bien donné un mandat de délivrance dudit congé. Pour la société EBC, la société GBRE ne peut de plus exciper d'aucun préjudice né de la délivrance à sa demande du congé, dont elle requiert a posteriori l'annulation, dans le but d'en bénéficier puisqu'il a été suivi d'effet.

La SCP [N] et associés estime que le congé n'est pas nul, dès lors que, d'une part, la société GBRE avait bien la qualité de bailleresse et que, d'autre part, c'est bien cette dernière qui avait sollicité l'avocat pour qu'il fasse délivrer le congé. En outre, toujours selon la société d'huissiers de justice, c'est bien la société GBRE qui a approuvé par écrit ce congé et qui l'a nommée elle-même pour le délivrer.

- sur le moyen tiré de la supposée ratification par la société GBRE du congé dont la nullité est recherchée

Aux termes de l'article 1338 du code civil, dans aversion en vigueur jusqu'au 1er octobre 2016 :L'acte de confirmation ou ratification d'une obligation contre laquelle la loi admet l'action en nullité ou en rescision n'est valable que lorsqu'on y trouve la substance de cette obligation, la mention du motif de l'action en rescision, et l'intention de réparer le vice sur lequel cette action est fondée.A défaut d'acte de confirmation ou ratification, il suffit que l'obligation soit exécutée volontairement après l'époque à laquelle l'obligation pouvait être valablement confirmée ou ratifiée.La confirmation, ratification, ou exécution volontaire dans les formes et à l'époque déterminées par la loi, emporte la renonciation aux moyens et exceptions que l'on pouvait opposer contre cet acte, sans préjudice néanmoins du droit des tiers.

La société la Civette du cap prétend que le congé supposément nul aurait été confirmé par des actes positifs faits par la SNC GBRE.

S'il est exact que la société GBRE a poursuivi en expulsion la société la Civette du cap en ayant introduit une action en référé en ce sens le 20 octobre 2016, les éléments versés aux débats ne permettent toutefois pas de savoir quels étaient les moyens exacts soulevés par la propriétaire des lieux au soutien de son référé. En outre, il convient de rappeler que le congé litigieux a été délivré tout autant en son nom qu'en celui de la SA EBC . Ainsi, la SNC GBRE a donc pu vouloir seulement profiter des effets d'un congé délivré par une autre société. Le fait pour la société GBRE de vouloir bénéficier des effets d'un congé délivré par une autre société ne peut s'analyser en une reconnaissance et une ratification dudit congé en ce qu'il a prétendument été délivré pour son compte.

De plus, si l'acte du 11 mai 2015 de résiliation amiable anticipée conclu entre la SCI EBC et la SA EBC fait référence au congé litigieux, il y a lieu de relever que la SNC GBRE n'était pas partie à l'acte et qu'en tout état de cause l'acte précise bien que le congé a été délivré par la SA EBC seule.

Enfin, si l'acte de vente du 11 mai 2015, conclu entre la SA EBC et la SNC GBRE stipule effectivement que cette dernière 'fait son affaire personnelle de la reprise en direct du bail de sous-location', cette clause, susceptible de plusieurs sens, ne stipule aucunement que la SNC GBRE entend se prévaloir des effets du congé délivré en son nom ce d'autant encore une fois que ledit congé avait également été délivré au nom d'une autre société.

Par conséquent, le moyen soulevé par la société la Civette du cap, tiré de la supposée ratification du congé nul, insuffisamment fondé, sera écarté.

- sur la demande de la société la Civette du cap d'inopposabilité de la nullité éventuelle du congé du 29 janvier 2016

La société la Civette du cap,destinataire du congé, soutient que si la cour annulait le congé du 29 janvier 2016 avec effet au 31 juillet 2016, la nullité du congé lui serait toutefois inopposable, dès lors qu'elle n'avait pas connaissance des causes de nullité.

Cependant, il importe peu de savoir que la société la Civette du cap a pu croire au fait que l'huissier de justice avait bien reçu un pouvoir de la part de la SNC GBRE, dès lors que l'acte litigieux remis en cause est un acte unilatéral et non pas un contrat.

Le mandat apparent invoqué implicitement ne pourrait rendre la nullité de l'acte inopposable à la société la Civette du cap, que si cette dernière avait conclu une convention avec le supposé représentant de la société GBRE, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, s'agissant au contraire d'un congé sans offre de renouvellement.

La cour rejette la demande subsidiaire de la société la Civette du cap d'inopposabilité de la nullité du congé à son destinataire.

- sur le moyen de la SNC GBRE de nullité du congé tirée de l'absence de tout consentement à sa délivrance le fondement des irrégularités de procédure

Aux termes de l'article 117 du code de procédure civile :Constituent des irrégularités de fond affectant la validité de l'acte :

Le défaut de capacité d'ester en justice ;

Le défaut de pouvoir d'une partie ou d'une personne figurant au procès comme représentant soit d'une personne morale, soit d'une personne atteinte d'une incapacité d'exercice ;

Le défaut de capacité ou de pouvoir d'une personne assurant la représentation d'une partie en justice.

L'article 119 du même code ajoute :Les exceptions de nullité fondées sur l'inobservation des règles de fond relatives aux actes de procédure doivent être accueillies sans que celui qui les invoque ait à justifier d'un grief et alors même que la nullité ne résulterait d'aucune disposition expresse.

Il est de principe que si la nullité des actes d'huissier de justice est régie par les dispositions qui gouvernent les actes de procédure, en revanche la nullité d'un congé ne peut être prononcée au motif que l'huissier aurait agi en dehors de son mandat, ou que cet acte aurait été délivré par erreur et en l'absence de consentement, l'absence d'intention du mandant ne constituant pas une irrégularité de fond de l'article 117 du code de procédure civile.

En l'espèce, le moyen pris par la propriétaire, de la nullité du congé délivré par acte extrajudiciaire à la sous-locataire n'est pas une exception de nullité d'un acte de procédure en ce qu'il ne tend pas à la nullité d'un acte de la procédure dont le juge est saisi.

En conséquence, pour tenter d'obtenir l'annulation dudit congé en ce qu'il aurait été délivré en son nom en l'absence de tout mandat donné à l'huissier de justice, la propriétaire des lieux ne saurait soutenir que cette absence de tout mandat constituerait une nullité de fond affectant un acte procédure telle que prévue par les articles 117 et 119 du code de procédure civile.

Le moyen de nullité fondé sur les articles 117 et 119 du code de procédure civile est inopérant.

- sur le moyen de nullité de la SNC GBRE du congé tiré de l'absence de pouvoir du mandat de l'huissier de justice pour délivrer le congé

Vu l'article 1998 du code civil,

Aux termes de l'article 1341 duc ode civil dans sa version en vigueur jusqu'au 1er octobre 2016 :Il doit être passé acte devant notaires ou sous signatures privées de toutes choses excédant une somme ou une valeur fixée par décret, même pour dépôts volontaires, et il n'est reçu aucune preuve par témoins contre et outre le contenu aux actes, ni sur ce qui serait allégué avoir été dit avant, lors ou depuis les actes, encore qu'il s'agisse d'une somme ou valeur moindre.Le tout sans préjudice de ce qui est prescrit dans les lois relatives au commerce.

Selon l'article 2-1 du Règlement Intérieur National de la profession d'avocat - RIN, inclus dans l'article 2 intitulé 'le secret professionnel' , prévoit :L'avocat est le confident nécessaire du client.Le secret professionnel de l'avocat est d'ordre public. Il est général, absolu et illimité dans le temps.Sous réserve des strictes exigences de sa propre défense devant toute juridiction et des cas de déclaration ou de révélation prévues ou autorisées par la loi, l'avocat ne commet, en toute matière, aucune divulgation contrevenant au secret professionnel

Pour obtenir l'annulation du congé du 29 janvier 2016, la société GBRE ne se contente pas seulement de soutenir que ce congé serait nul en raison d'une irrégularité de fond en application des articles 117 et 119 du code de procédure civile, puisqu'elle invoque aussi un autre moyen, à savoir tout simplement l'absence de tout mandat spécial donné à l'avocat et à l'huissier de justice.

En l'espèce, la SNC GBRE prétend que, le congé sans offre de renouvellement est nul pour n'avoir pas été délivré à la demande de son organe de direction et de son représentant légal, M. [U] [J]. Selon elle, M. [Z] [K] ne rapporte pas la preuve d'un quelconque mandat qui lui aurait été donné par elle pour faire procéder à la délivrance d'un congé à la société sous-locataire.

Pour l'avocat comme pour l'huissier de justice, la société GBRE leur avait bien donné un mandat de délivrer un congé sans offre de renouvellement à la société sous-locataire.

Compte tenu de la contestation de la bailleresse principale sur le mandat dont l'avocat entend se prévaloir, il y a lieu de faire application de la règle de la liberté de la preuve concernant les actes d'une valeur inférieure à 1500 euros.

En effet, Me [Z] [K] affirme que le coût de la délivrance du congé s'élevait à 119,75 euros, ce que ne contestent pas les autres parties.

Par ailleurs, concernant la preuve du mandat spécial invoqué par l'avocat, contrairement à ce qui est soutenu à tort par la société GBRE, les correspondances communiquées par Me [K] ne sont pas couvertes par le secret professionnel et pouvaient être produites en justice.

En effet, M. [Z] [K] se trouve bien dans une hypothèse où il peut lever le secret professionnel, dès lors qu'il assure sa propre défense, étant mis en cause à titre personnel.

Il y a donc lieu d'analyser les pièces produites, en particulier par M. [Z] [K], pour déterminer si ce dernier apporte la preuve du mandat qui lui aurait été donné par la société GBRE de délivrer un congé à la sous-locataire.

L'avocat mis en cause produit tout d'abord un courriel qu'il a adressé le 27 janvier 2016 à 10h33 adressé à Mme [P] [V] [I] :« A la demande de Monsieur [J] et à l'attention de Monsieur [O] je vous adresse le projet de congé sans off re de renouvellement que j'envisage de faire signifier au débit de tabac du Garden Beach à [Localité 9].Je vous remercie de me faire connaître le plus rapidement possible s'il vous convient (...),

S'agissant de ce courriel rien ne permet d'affirmer que Mme [P] [V] [I] avait un pouvoir de représentation de la société GBRE. Il n'est d'ailleurs contesté par aucune partie qu'elle était seulement une salariée d'une société tierce, la société Reblue SAS. Ensuite, s'agissant de la mention 'à la demande de Monsieur [J]', il ne s'agit que d'une mention de l'avocat, ce qui ne préjuge pas de l'existence d'un accord de la société GBRE pour un mandat spécifique de délivrer un congé à la société sous-locataire.

L'avocat mis en cause produit ensuite un courriel qu'il a adressé le 27 janvier 2016 à 11h25 à M. [E] [O] : 'je te transmets copie de mon envoi à [P] [V] avec le projet de congé à valider afin qu'il soit délivré immédiatement au tabac de [D]'.

Cependant, il n'est pas contesté que M. [E] [O] est alors le président de la société Redblue mais n'est ni salarié ni mandataire de la SNC GBRE.

L'avocat mis en cause produit encore des réponses de M. [E] [O], qui ne peuvent toutefois engager la société GBRE pour le motif exposé juste avant. En outre, si M. [E] [O] répond 'parfait ou' bien reçu.et lu. Merci pour l'envoi' , ces réponses ne sont pas suffisamment claires pour attester d'un accord sur le projet précis envisagé par l'avocat.

L'avocat mis en cause verse aussi un courriel du 27 janvier 2016, à 12h13, adressé par un salarié de la société GBRE , avec copie au représentant légal de cette dernière :' Faisant suite à la demande de M.[J], j'ai essayé de vous joindre. Ne sachant dans quelle ville vous souhaitez un huissier quoiqu'ils puissent intervenir dans toutes les AM, je vous prie de trouver ci-après les coordonnées d'huissiers sur les Alpes-Maritimes avec lesquels j'ai déjà travaillé (avec satisfaction).

Cependant, là encore, comme la société GBRE le fait observer, ce courriel est impuissant à témoigner de l'existence d'un accord donné par M. [J] au congé précis envisagé par l'avocat. Rien ne permet de dire que ni le salaire concerné, ni M. [J] avaient exactement compris de quel acte il s'agissait.

A aucun moment, le représentant légal de la SNC GBRE n'indique lui-même à l'avocat qu'il le mandate à cette fin.

Au contraire, la société GBRE produit aux débats ses propres éléments de preuve établissant qu'elle n'a jamais voulu elle-même signifier un quelconque congé à la sous-locataire.

D'abord, aux termes de l'article 3.6 de l'acte de résiliation amiable conclu entre la SCI EBC et la SA EBC stipule que c'est bien la SA EBC qui a délivré le congé le 29 janvier 2016 et l'acte ne dit aucunement que ce congé aurait été délivré de concert entre la SA EBC et la société GBRE.

Si dans un courrier du 15 septembre 2015, la société Casino Partouche indique à la SNC GBRE que cette dernière lui a dit qu'elle n'envisageait pas, pour le moment, de renouveler le bail à la sous-locataire, à l'expiration de celui dont elle disposait, ce courrier ne rapporte pas, en l'état, la preuve du mandat donné à l'avocat de délivrer un congé à la société la Civette du cap.

En tout état de cause, ce courrier est antérieur à un autre courrier dans lequel la société GBRE indique clairement et au contraire qu'elle ne va pas délivrer un congé à la société la Civette du cap.

En effet, dans un courrier postérieur du 17 septembre 2015, la SNC GBRE indique désormais à la SA EBC qu'elle ne va pas délivrer un tel congé à la sous-locataire et ce en ces termes :'Notre société n'a d'ailleurs aucune qualité pour délivrer quelque congé que ce soit à votre sous-locataire. Nous attirons en conséquence votre attention sur l'obligation vous incombant de dénoncer par un congé délivré en temps utile à votre sous-locataire le renouvellement de son bail'.

En outre, dans son courrier du 27 janvier 2016, adressé à l'huissier de justice, M. [Z] [K] indique que la provision à l'huissier de justice pourrait lui être versée directement par la société EBC sans mentionner que la SNC GBRE pourrait également le payer.

Ainsi, M. [Z] [K] échoue à démontrer de façon certaine la preuve du mandat qui lui aurait été donné par la société GBRE de délivrer un congé à la sous-locataire. L'huissier de justice

La cour constate l'absence de tout mandat spécial donné à l'avocat et en conséquence l'absence également de mandat autorisant l'huissier à délivrer un congé sans offre de renouvellement au nom de la SNC GBRE. Il s'agit pas d'une simple hypothèse de dépassement de pouvoir par le mandataire supposé mais bien d'un cas où le supposé mandataire n'avait pas du tout reçu un mandat de délivrer un congé au nom de l'une des supposées mandantes, à savoir la SNC GBRE.

Le jugement est confirmé en ce qu'il déclare le congé nul et de nul effet délivré à la société la Civette du cap à tort au nom de la société GBRE en l'absence de mandat spécial donné par le représentant de celle ci, sauf à préciser que le prononcé de ladite nullité ne se fonde pas sur l'éventuelle qualité ou de bailleresse de la SNC GBRE.

La cour rejette en revanche la demande de la société GBRE de dire que le congé doit être annulé ' à charge pour la SNC Civette du cap de se retourner contre son « bailleur », à savoir la SA EBC'. En effet, il appartient à la seule société la Civette du cap de déterminer contre qui elle doit se retourner suite à l'annulation du congé litigieux.

4-sur la demande de la sous-locataire de dire que la SNC GBRE était la bailleresse à la date du congé et de dire que la nullité du congé ne la prive pas de son droit direct de réclamer à la SNC GBRE son indemnité d'éviction

Il n'appartient pas à cette cour de se prononcer sur la question de l'indemnité d'éviction tant concernant le principe et le montant de ladite indemnité que concernant l'identité du débiteur de ladite indemnité, à la supposer due.

En effet, la question de l'indemnité d'éviction est actuellement pendante devant le tribunal judiciaire de Grasse, dont le juge de la mise en état a, par ordonnance du 7 juillet 2017, sursis à statuer dans l'attente de la décision définitive dans la procédure pendante devant le tribunal de grande instance de Draguignan (dont la cour d'appel est actuellement saisie).

D'ailleurs, il convient de rappeler que par ordonnance d'incident du 24 novembre 2017, le juge de la mise en état a déclaré la juridiction incompétente au profit du tribunal de grande instance de Grasse pour statuer sur les demandes de la société GBRE relatives à son absence de qualité de bailleur, à l'absence de demande par la sous-locataire de droit direct au renouvellement du bail, au fait qu'elle n'est pas débitrice d'une quelconque indemnité d'éviction.

La cour déclare irrecevables demandes subsidiaires suivantes de la société la Civette du cap tendant à :

- juger que la SNC GBRE était sa bailleresse à la date du congé,

- juger que l'éventuelle nullité du congé ne la prive pas en tout état de cause de son droit direct de réclamer à la SNC GBRE son indemnité d'éviction.

5-sur la demande subsidiaire de la sous-locataire d'indemnités à l'encontre de l'avocat et de l'huissier de justice

Vu l'ancien article 1382 du code civil,

La sous-locataire estime que si le congé est déclaré nul et opposable, elle subirait alors un préjudice lié au fait qu'elle ne pourrait plus réclamer le paiement de l'indemnité d'éviction à la propriétaire des lieux, la SNC GBRE.

En l'espèce, la cour a précédemment retenu que M. [Z] [K] avait délivré un congé à la société la Civette du cap, en particulier au nom de la SNC GBRE, sans pour autant démontrer le mandat qui lui aurait été donné par cette dernière d'agir ainsi.

La faute délictuelle de M. [Z] [K], à l'encontre de la SNC GBRE, est donc établie.

S'agissant de la supposée faute de l'huissier de justice ayant délivré le congé litigieux le 29 janvier 2016, si l'huissier de justice n'établit pas non plus l'existence d'un mandat donné par la SNC GBRE de délivrer un tel congé en son nom, il faut toutefois tenir compte du fait que ce professionnel a agi ainsi parce qu'il avait reçu une demande écrite en ce sens de la part d'un avocat (M. [Z] [K]), lequel lui déclarait agir en particulier au nom de la SNC GBRE.

C'est ainsi que par courrier du 27 janvier 2017, M. [Z] [K] a demandé à la SCP [N] et associés de 'signifier impérativement avant le 30 janvier 2016" un congé de bail commercial sans offre de renouvellement à la société la Civette du cap et ce à la demande de ses clientes 'les sociétés EBC et GBRE'.

Ainsi, l'huissier de justice n'a pas vérifié l'existence du mandat allégué par M. [Z] [K] qui lui aurait été donné par la SNC GBRE . Toutefois, si le mandat de l'avocat est présumé sous certaines conditions seulement et notamment dans l'hypothèse où l'avocat intervient pour le compte d'un justiciable lors d'un procès, il n'en demeure pas moins que l'huissier de justice pouvait raisonnablement faire confiance à une personne qui avait la qualité d'avocat et donc d'auxiliaire de justice.

La faute délictuelle de la SCP [N] et associés n'est donc pas suffisamment établie.

La cour confirme le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts de la société la Civette du cap à l'encontre de la SCP [N] et associés.

Concernant la responsabilité délictuelle de M. [Z] [K], celle-ci ne peut être retenue que si la société la Civette du cap démontre d'une part un préjudice et d'autre part l'existence d'un lien de causalité entre la faute commise par l'avocat et ce supposé préjudice.

S'agissant de son préjudice, la société sous-locataire estime que celui-ci est constitué par la perte de son droit de pouvoir réclamer une indemnité d'éviction à la société GBRE.

Pour autant, en premier lieu, le préjudice allégué par la sous-locataire n'est qu'incertain pour l'instant. En effet, l'instance actuellement pendante devant le tribunal de grande instance de Grasse, laquelle a justement pour objet de déterminer le droit de la sous-locataire à obtenir le paiement d'une indemnité d'éviction, est suspendue en raison du sursis à statuer prononcé par le juge de la mise en état de cette juridiction dans l'attente de l'issue de la présente procédure. La juridiction de Grasse va devoir examiner si les conditions relatives à l'existence d'un droit au renouvellement direct du bail au profit de la société sous-locataire par la SNC GBRE sont en l'espèce réunies. Il n'appartient pas à cette cour, saisie d'un appel d'un autre jugement,de le faire. Rien ne permet de connaître la future position du tribunal de Grasse sur ce dernier point.

De plus, le lien de causalité entre la faute de l'avocat (la délivrance d'un congé au nom de la SNC GBRE sans mandat) et le préjudice de la société sous-locataire (la perte de son droit de pouvoir réclamer une indemnité d'éviction) est également incertain.

En effet, à supposer même que l'indemnité d'éviction soit due par la SNC GBRE à la sous-locataire, rien ne permet de dire, en l'état, que c'est la délivrance du congé litigieux en lui-même par la bailleresse principale qui aurait déclenché ce droit à indemnité d'éviction et que, par conséquent, c'est en raison de l'annulation dudit congé (et donc de la faute de l'avocat) que la sous-locataire serait privée du droit de percevoir une telle somme.

En conséquence, confirmant le jugement, la cour ne peut que rejeter la demande en indemnisation de la SNC la Civette du cap contre M. [Z] [K].

6-sur la demande de la SA EBC de condamnation de la SNC GBRE à lui payer 10.000 euros de dommages intérêts toute causes de préjudice confondues

Vu l'article 1231-1 du code civil,

La SA EBC sollicite la condamnation de la SNC GBRE à l'indemniser à hauteur de 10 000 euros au titre d'un usage abusif des voies de droit et au titre d'un préjudice d'image en la présentant comme faussement débitrice de son ancienne sous-locataire.

Cependant, en l'espèce, la SNC GBRE, qui obtient gain de cause tant en première instance qu'en appel, n'a donc pas abusivement saisi la justice, ce d'autant que ce n'est pas elle qui a formé un appel à l'encontre du jugement du 3 septembre 2020.

De plus, s'agissant de la faute liée à une supposée fausse présentation de la SA EBC comme débitrice de son ancienne sous-locataire au titre de l'indemnité d'éviction, la SNC GBRE n'a fait qu'utiliser de sa liberté de se prévaloir des moyens de droit et de fait qu'elle souhaite. Il appartiendra enfin au tribunal judiciaire de Grasse de statuer sur la question de l'identité de la bailleresse éventuellement redevable d'une indemnité d'éviction envers la sous-locataire.

Aucune faute ne pouvant être retenue contre la SNC GBRE, la SA EBC est donc déboutée de sa demande d'indemnité contre cette dernière.

7-sur l'appel en garantie de la SCP [N] et associés à l'encontre de M. [Z] [K]

Vu l'ancien article 1147 du code civil,

Aucune condamnation n'étant prononcée contre la SCP [N] et associé, le recours en garantie est sans objet et il n'y a donc pas lieu de statuer sur ce point.

8-sur les frais du procès

Le jugement est confirmé du chef de l'article 700 et des dépens.

Les sociétés la Civette du cap et Eden Beach Casino ainsi que M. [Z] [K] supporteront in solidum les dépens exposés en appel par la SNC GBRE (dont distraction au profit de la société SELARL de Kergunic) et seront condamnés in solidum à lui payer la somme de 7000 euros au titre de ses frais de procès exposés en appel.

S'agissant des frais d'expertise, la SNC GBRE est déboutée de sa demande à ce titre. En effet, la SNC GBRE fait seulement état de frais seulement 'éventuellement supportés' . De plus, rien ne permet de savoir pour le moment si une indemnité d'éviction sera supportée par l'intéressée et s'il serait donc justifié qu'elle prenne en charge les frais d'expertise afférent à ladite indemnité.

M. [Z] [K] est condamné aux dépens exposés par la SCP [N] et associés à hauteur d'appel et à payer à cette dernière une somme de 4 000 euros au titre de ses frais de procès.

Les sociétés la Civette du cap, EBC, ainsi que M. [Z] [K] supporteront la charge de leurs dépens exposés en appel et seront déboutés de leurs demandes en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement :

- confirme le jugement dont appel en ce qu'il a prononcé la mise hors de cause de la société Groupe Partouche,

- déclare la SNC Garden Beach Real Estate recevable en sa demande d'annulation du congé délivré en son nom le 29 janvier 2016,

- confirme le jugement dont appel en ce qu'il a prononcé la nullité du congé délivré par la SCP [N] et associés le 29 janvier 2016 au nom de la SNC GBRE,

- rejette la demande subsidiaire de la société la Civette du cap tendant à lui faire déclarer inopposable la nullité du congé,

- déclare irrecevables les demandes subsidiaires de la société la Civette du cap aux fins d'entendre:

- juger que la SNC Garden Beach Real Estate était sa bailleresse à la date du congé,

- juger que l'éventuelle nullité du congé ne la prive pas étant tout état de cause de son droit direct de réclamer à la SNC Garden Beach Real Estate son indemnité d'éviction,

- confirme le jugement en ce qu'il a débouté la SNC la Civette du cap de ses demandes formées à l'encontre de la SCP [N] et associés et Maître [Z] [K],

- déboute la SA Eden Beach Casino de sa demande d'indemnisation formée contre la SNC Garden Beach Real Estate toutes causes de préjudices confondues,

- dit n'y avoir lieu de statuer sur l'appel en garantie de la SCP [N] et associés contre M. [Z] [K],

- confirme le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et indemnités allouées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamne les sociétés la Civette du cap et Eden Beach Casino ainsi que M. [Z] [K] à payer in solidum la somme de 7000 euros à la SNC Garden Beach Real Estate au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejette la demande de la SNC Garden Beach Real Estate au titre des frais d'expertise,

- condamne M. [Z] [K] à payer une somme de 4000 euros à la SCP [N] et associés au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- déboute M. [Z] [K], les sociétés Eden Beach Casino et la Civette du cap de leurs demandes en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamne les sociétés la Civette du cap et Eden Beach Casino ainsi que M. [Z] [K] in solidum aux dépens exposés en appel par la SNC Garden Beach Real Estate (dont distraction au profit de la société SELARL de Kergunic),

- condamne M. [Z] [K] aux dépens exposés par la SCP [N] et associés à hauteur d'appel (avec distraction au profit de l'avocat constitué),

- dit que les sociétés la Civette du cap, Eden Beach Casino, ainsi que M. [Z] [K] supporteront la charge de leurs dépens exposés en appel.