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Décisions

CA Nîmes, 2e ch. C, 26 septembre 2024, n° 24/00003

NÎMES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

MSM (SAS)

Défendeur :

Unimurs 5 (SCI)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Dodivers

Conseillers :

Mme Mallet, Mme Izou

Avocats :

Me Meffre, Me Klenschi, Me Mougel

TJ Carpentras, du 6 déc. 2023, n° 23/002…

6 décembre 2023

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Madame Sylvie DODIVERS, Présidente de chambre, le 26 Septembre 2024, par mise à disposition au greffe de la Cour

Par acte sous seing privé du 16 novembre 2010, la SCI Mach 2 aux droits de laquelle a succédé la SCI Unimurs 5 a donné à bail à la SAS MSM [Localité 6] des locaux à usage commercial, sis [Adresse 2] à [Localité 6], moyennant un loyer mensuel de 4 750 euros HT.

Les échéances mensuelles s'élèvent actuellement à 7874,65 euros.

Par jugement du 2 novembre 2022, le tribunal de commerce d'Avignon a ouvert à l'encontre de la locataire une procédure de redressement judiciaire et désigné maître [Y] ès-qualités de mandataire.

Par ordonnance du 30 novembre 2022, le juge des référés a constaté la résiliation du bail et condamné la SCI MSM [Localité 6] au paiement de la somme provisionnelle de 93 127,91 euros au titre des loyers et charges impayés outre 4 875,75 euros au titre des frais de recouvrement.

Cette ordonnance n'a pu être exécutée en raison de la procédure de redressement judiciaire dont fait l'objet la locataire.

La SCI Unimurs 5a a effectué le 28 décembre 2022 une déclaration de créance d'un montant de 128 482,48 € correspondant aux loyers et charges pour la période antérieure à l'ouverture de la procédure collective.

Considérant que des loyers postérieurs étaient impayés, la SCI Unimurs 5 a fait signifier à la SAS MSM [Localité 6], le 3 août 2023, un commandement de payer visant la clause résolutoire, lui enjoignant de payer la somme en principal de 23 693.95 euros.

Par exploit du 26 septembre 2023, la SCI Unimurs 5 a fait assigner la SAS MSM [Localité 6] devant le président du tribunal judiciaire de Carpentras, statuant en référé, aux fins d'obtenir :

- la résiliation du bail commercial à compter du 4 septembre 2023 ;

- l'expulsion du locataire et tous occupants de son chef, au besoin avec le concours de la force publique ;

- la restitution des clés des locaux sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

- la fixation d'une indemnité d'occupation journalière de 524,97 euros ;

- le versement de l'indemnité d'occupation jusqu'à la libération effective des lieux ;

- une provision de 21 441,42 euros à valoir sur les loyers et charges impayés au jour de la résiliation ;

- le versement d'une provision de 1 095,27 euros au titre des frais de recouvrement ;

- la capitalisation des intérêts échus pour une année entière ;

- l'octroi d'une indemnité de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- le paiement des entiers dépens qui comprendront les honoraires de l'article 10 du décret du 12 décembre 1996.

Cette procédure a été dénoncée aux créanciers bénéficiant d'un nantissement sur le fonds de commerce conformément à l'article L 143-2 du code de commerce qui renvoie à l'article 1343-5 du code civil.

Par ordonnance réputée contradictoire du 6 décembre 2023, le président du tribunal judiciaire de Carpentras, statuant en référé, a :

- constaté la résiliation du bail de plein droit à compter du 4 septembre 2023 ;

- ordonné l'expulsion du locataire et tous occupants de son chef, au besoin avec le concours de la force publique ;

- débouté la société MSM [Localité 6] de sa demande de délais de paiement ;

- condamné la société MSM [Localité 6] au paiement de l'indemnité d'occupation mensuelle de 7 874,65 euros, à compter du 4 septembre 2023 jusqu'à la libération effective des lieux,

- condamné la société MSM [Localité 6] au paiement de la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

- condamné la société MSM [Localité 6] aux entiers frais et dépens de l'instance.

Par déclaration du 21 décembre 2023, la SAS MSM [Localité 6] a interjeté appel de cette ordonnance.

Le 24 janvier 2024 la SCI Unimurs 5 a fait délivrer à la SAS MSM [Localité 6] un commandement de quitter les lieux.

Une procédure d'expulsion est en cours et le concours de la force publique a été requis le 15 février 2024.

Au terme de leurs dernières conclusions notifiées par RPVA le 3 juin 2024, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé complet de leurs moyens et prétentions, la SAS MSM [Localité 6], et la SELARL [E] [Y], ès qualités de mandataire judiciaire de la SAS MSM [Localité 6], demandent à la cour, au visa de l'article L. 145-41 du code de commerce et de l'article 1343-5 du code civil, de :

- déclarer l'appel interjeté par la société MSM [Localité 6] recevable et bien fondé,

- prendre acte de ce que la SELARL [Y] [E], mandataire de la société MSM [Localité 6] et donc représentant des créanciers, s'associe aux demandes de la société MSM [Localité 6],

- infirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance de référé du 6 décembre 2023 en ce qu'elle a :

« - Constaté la résiliation du bail de plein droit à compter du 4 septembre 2023,

- Ordonné l'expulsion de la société MSM [Localité 6] et de tous occupants de son chef,

- Débouté la société MSM [Localité 6] de sa demande de délais de paiement,

- Condamné la société MSM [Localité 6] au paiement d'une indemnité d'occupation mensuelle de 7.874,65 euros à compter du 4 septembre 2023 et jusqu'à la libération effective des lieux,

- Condamné la société MSM [Localité 6] au paiement de la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civil,

- Débouté les parties du surplus de leur demande,

- Condamné la société MSM [Localité 6] aux entiers frais et dépens de l'instance. »

En conséquence, et statuant à nouveau,

- débouter la société Unimurs 5 de sa demande de voir constaté la résiliation du bail commercial,

- débouter la société Unimurs 5 de sa demande d'expulsion,

- suspendre les effets de la clause résolutoire,

- accorder des plus larges délais de paiement d'une durée maximale de deux années à la société MSM [Localité 6] aux fins de règlement des arriérés de loyers postérieurs à l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire,

- condamner la société Unimurs 5 au paiement de la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Au soutien de leur appel, la SAS MSM [Localité 6] fait valoir qu'elle est en redressement judiciaire ainsi qu'en renouvellement exceptionnel de la période d'observation dans l'unique dessein d'établir un plan de redressement, de sorte que ses difficultés économiques sont avérées.

Elle reproche à la société MSM [Localité 6] de n'avoir jamais fourni un bilan pour permettre au tribunal judiciaire d'apprécier réellement les besoins du créancier conformément aux dispositions de l'article L.145-41 alinéa 2 du code de commerce.

Elle expose qu'un plan de redressement est en cours d'élaboration et sera soumis au juge commissaire, de sorte que les difficultés économiques de la société MSM [Localité 6] puissent être paliées par un échelonnement et une négociation des dettes antérieures avec les différents créanciers.

Elles indiquent à la cour que la résiliation de bail commercial aura des conséquences catastrophiques puisque la société MSM [Localité 6] perdra un élément essentiel à son fonds de commerce et le mandataire judiciaire n'aura pas d'autre choix que de solliciter la conversion de la procédure de redressement judiciaire en liquidation judiciaire et de procéder aux licenciements économiques de quatre salariés à temps plein.

Elle ajoute enfin qu'elle a effectué un règlement de la somme de 21 000 € le 29 septembre 2023 ramenant la dette à la somme de locative à la somme de 2 932,61 euros.

La SCI Unimurs 5, par conclusions en date du 4 juin 2024, auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé de ses prétentions et moyens, demande à la cour, au visa des articles L.145-1 et suivants du code de commerce, des articles 1193 et suivants, de l'article 1343-5 du code civil, de l'article R631-4 du code de la consommation, et de l'article 700 du code de procédure civile, de :

- débouter la société MSM [Localité 6] de son appel comme infondé et de l'ensemble de ses moyens, fins et prétentions ;

- confirmer l'ordonnance de référé rendue le 6 décembre 2023 par le tribunal judiciaire de Carpentras en toutes ses dispositions ;

- condamner la société MSM [Localité 6] à payer à la SCI Unimurs 5 la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- la condamner aux entiers frais et dépens de l'instance, y compris les honoraires de l'article 10 du décret du 12 décembre 1996.

A l'appui de ses prétentions, la SCI Unimurs 5 indique que la SA MSM [Localité 6] n'est pas de bonne foi et n'a pas pris la mesure des obligations qui étaient les siennes en qualité de locataire, et ce depuis plusieurs années.

Elle relate que l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire n'autorisait pas la locataire à cesser de s'acquitter des loyers courants nés postérieurement au jugement d'ouverture.

Elle fait valoir que le non-règlement de sa créance à hauteur de 128 482,48 € impacte nécessairement sa trésorerie, rappelant que les engagements pris par la société MSM [Localité 6] n'ont jamais été respectés dans les délais impartis. Elle précise qu'elle ne conteste pas que la société MSM [Localité 6] ait effectué plusieurs règlements pour apurer son arriéré au cours des derniers mois mais que ces règlements ne sont intervenus que pour les seuls besoins de la cause et par pure opportunité.

Elle entend souligner enfin avoir fait preuve de beaucoup de bienveillance à l'égard de la locataire, notamment en acceptant de lui accorder des délais de paiement à trois reprises, alors pourtant qu'elle bénéficiait d'ordonnances exécutoires.

MOTIFS DE LA DECISION :

Il ne ressort pas des pièces du dossier d'irrecevabilité de l'appel que la cour devrait relever d'office et les parties n'élèvent aucune discussion sur ce point.

En préliminaire il convient de constater que les parties ne formulent aucune critique à l'encontre de la décision déférée en ce qu'elle a rejeté la demande de provision au titre de l'arriéré de loyers et charges, au titre des frais de recouvrement et au titre de la capitalisation des intérêts puisque l'intimée en sollicite même la confirmation.

En conséquence, l'ordonnance déférée sera confirmée de ses chefs.

Selon l'article 834 du code de procédure civile, « dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal peut, dans la limite de sa compétence, ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend. »

Selon l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile « Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire. »

Selon l'article L145-41 du code de commerce, "toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai. Les juges saisis d'une demande présentée dons les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge".

Le bail liant les parties comporte une clause ainsi libellée : "Il est expressément convenu qu'en cas de non-exécution par le preneur de l'un quelconque de ses engagements ou en cas de non- paiement à son échéance de l'un quelconque des termes du loyer convenu, ou des charges et impôts récupérables par le bailleur, le présent bail sera résilié de plein droit un mois après une mise en demeure délivrée par acte extra-judiciaire au preneur de régulariser sa situation et contenant déclaration par le bailleur d'user du bénéfice de la présente clause. A peine de nullité, ce commandement doit mentionner le délai d'un mois imparti au destinataire pour régulariser la situation. Si le preneur se refusait d'évacuer les lieux, il suffirait, pour l'y contraindre sans délai, d'une simple ordonnance de référé rendue par le Président du Tribunal de Grande Instance, exécutoire par provision et non susceptible d'appel. En cas de résiliation suite à des cas cités ci- dessus, ou de résiliation amiable acceptée des deux parties, ou en cas de cession de bail autorisée par le bailleur, à quelque moment que ce soit pendant la durée du bail ou de ses renouvellements, la somme due ou payée à titre de garantie par le preneur restera en totalité acquise au Bailleur à titre d'indemnité, et sans exclure tous autres dommages et intérêts s'il y a lieu, nonobstant le paiement dû »

Conformément aux dispositions de l'article L 143-2 du code de commerce, la procédure a été régulièrement dénoncée aux créanciers inscrits le 25 septembre 2023.

Faute d'avoir payé ou contesté les causes du commandement dans le délai imparti, le preneur ne peut remettre en cause l'acquisition de la clause résolutoire sauf à démontrer la mauvaise foi du bailleur lors de la délivrance du commandement de payer, laquelle doit s'apprécier à la date de la délivrance de l'acte ou à une période contemporaine à celle-ci, mauvaise foi non invoquée et non rapportée en l'espèce.

En l'espèce, la clause résolutoire est clairement exprimée dans le contrat de bail et a joué conformément aux prévisions contractuelles.

Par ailleurs, le commandement de payer du 3 août 2023 respecte les prescriptions de l'article précité.

A défaut de régularisation dans le délai, la clause résolutoire est acquise au 3 septembre 2023.

L'ordonnance déférée sera confirmée en ce qu'elle a constaté la résiliation du bail de plein droit à compter du 4 septembre 2023.

La SAS MSM [Localité 6] sollicite des délais de paiement et la suspension de la clause résolutoire.

Selon l'article 1343-5 du code civil « le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues »

Il convient de rappeler que l'octroi des délais de paiement autorisés par l'article 1343-5 du code civil, n'est nullement conditionné à la seule existence d'une situation économique obérée de celui qui les demande, mais relève du pouvoir discrétionnaire du juge qui par décision spéciale et motivée tient compte de la bonne volonté du débiteur et de ses réelles capacités financières d'honorer sa dette dans le délai accordé, mais également des besoins du créancier.

En l'espèce, il résulte des pièces produites aux débats que l'appelante ne paye pas ses loyers régulièrement depuis plusieurs années.

Différentes ordonnances du juge des référés (21 janvier 2015, 22 août 2018, 16 octobre 2019) sont intervenues condamnant la locataire au paiement de sommes provisionnelles au titre des loyers et des charges, accordant des délais de paiement (non respectés) et déclarant acquise la clause résolutoire qui n'ont pas été exécutées par le bailleur en raison d'accords intervenues postérieurement, celle du 30 novembre 2022 s'étant heurtée à la procédure collective dont la locataire a fait l'objet.

Les paiements n'interviennent que lorsque l'appelante est acculée (mise en demeure ou engagement de procédure par la bailleresse), caractérisant ainsi sa mauvaise foi.

Quant au plan de redressement invoqué par l'appelante, il recouvre en toute hypothèse la créance de loyers antérieure au redressement judiciaire.

Or, l'appelante ne démontre pas être en capacité de rembourser à la fois les échéances du plan et les loyers courants.

En conséquence, l'ordonnance déféré sera confirmée en ce qu'elle a rejeté la demande de délai de paiement et la suspension des effets de la clause résolutoire.

La résiliation de plein droit du contrat de bail étant acquise à compter du 3 septembre 2023 par le jeu de la clause résolutoire rappelée ci-dessus, l'appelante devra libérer les lieux, sous peine d'être expulsée et est redevable d'une indemnité d'occupation justement évaluée par le premier juge à la somme de 7 874,65 euros à compter du 4 septembre 2023 jusqu'à la libération effective des lieux.

La décision déférée sera donc également confirmée de ces chefs ainsi que celles relatives aux dépens et frais irrépétibles de première instance.

Il n'est pas équitable de laisser supporter à l'intimée ses frais irrépétibles d'appel. Il lui sera alloué la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En application de l'article 696 du code de procédure civile, l'appelante supportera les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant après en avoir délibéré conformément à la loi, par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,

Confirme l'ordonnance déférée en l'ensemble de ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la SAS MSM [Localité 6] représentée par maître [E] [Y] aux dépens d'appel,

Condamne la SAS MSM [Localité 6] représentée par maître [E] [Y] à payer à la SCI Unimurs 5 la somme de 1 000 € au titre des frais irrépétibles d'appel.

Arrêt signé par la présidente et par la greffière.