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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 3-2, 26 septembre 2024, n° 20/01144

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Autre

CA Aix-en-Provence n° 20/01144

26 septembre 2024

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-2

ARRÊT AU FOND

DU 26 SEPTEMBRE 2024

N° 2024/242

Rôle N° RG 20/01144 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BFPZQ

[J] [U]

C/

SAS MILVINS

PROCUREUR GENERAL

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Florent LADOUCE

Me James TURNER

PG

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance du Tribunal de Commerce de FREJUS en date du 20 Janvier 2020 enregistrée au répertoire général sous le n° 2019005609.

APPELANT

Maître [J] [U]

Membre de la SCP [U], agissant en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société MILVINS, SAS immatriculée au RCS de FREJUS sous le n° 810 445 353 , demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Florent LADOUCE, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

INTIMÉS

SAS MILVINS,

dont siège social est [Adresse 1], prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualité audit siège

représentée par Me James TURNER, avocat au barreau de TOULON

Monsieur LE PROCUREUR GENERAL,

demeurant Cour d'Appel - [Adresse 3]

défaillant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Juillet 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Gwenael KEROMES, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Gwenael KEROMES, Président de chambre

Madame Muriel VASSAIL, Conseiller

Madame Agnès VADROT, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Chantal DESSI.

MINISTERE PUBLIC :

Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.

ARRÊT

Réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 26 Septembre 2024

Signé par Madame Gwenael KEROMES, Président de chambre et Madame Chantal DESSI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

La SAS Milvins a été créée en mars 2015.

Par jugement du 7 janvier 2019, le tribunal de commerce de Fréjus a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la SAS Milvins, fixé la date de cessation des paiements au 06 décembre 2018 et désigné Me [J] [U] de la SCP [U], en qualité de liquidateur judiciaire.

Par jugement rendu le 20 janvier 2020, le tribunal de commerce de Fréjus, saisi sur assignation du liquidateur judiciaire délivrée le 30 octobre 2019, aux fins de report de la date de la cessation des paiements, a :

- débouté celui-ci de ses demandes,

- maintenu la cessation des paiements au 6 décembre 2018,

- condamné Me [J] [U] de la SCP [U] ès qualités de liquidateur judiciaire au paiement de la somme de 500 euros à la SAS Milvins au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- déclaré les dépens comme frais privilégiés de la procédure collective.

Me [J] [U] membre de la SCP [U] agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Milvins a interjeté appel de la décision le 23 janvier 2020.

Par conclusions n°1 déposées et notifiées par RPVA le 02 avril 2020, Me [J] [U] représentant la SCP [U], agissant ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Milvins demande à la cour :

- d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- de débouter la SAS Milvins de ses demandes,

A titre principal,

- de constater l'état de cessation des paiements de la SAS Milvins à la date du 31 décembre 2017,

- reporter la date de cessation des paiements au 31 décembre 2017,

A titre subsidiaire,

- constater l'état de cessation des paiements de la SAS Milvins à la date du 1er juin 2018,

- reporter la date de cessation des paiements au 1er juin 2018,

En tout état de cause,

- ordonner les mesures de publicité prévues par l'article R641-9 du code de commerce.

Elle fait valoir que dès le début d'exploitation, elle s'est trouvée en situation financière difficile ainsi qu'il ressort des comptes sociaux et a subi des pertes d'exploitation croissantes au cours des deux derniers exercices : - 16 036 euros en 2016 et - 112 615 euros en 2018. Son résultat net a toujours été négatif en 2016, 2017 et 2018. L'actif circulant en 2017 était de 65 971 euros et le passif circulant, de 287 468 euros.

En 2017, son actif disponible, composé des créances autres que les créances clients (9 695 euros), des disponibilités (10 971 euros, des concours bancaires (3476 euros) et des comptes courants d'associés (61 316 euros) s'élevait à 85 458 euros alors que son passif exigible, composé des dettes fournisseurs (57 754 euros) et des dettes sociales et fiscales (39 863 euros) s'élevait à 97 617 euros. Or pour écarter l'insuffisance d'actif au 31 décembre 2017, le tribunal a retenu que s'il apparaît une insuffisance d'actif au 31 décembre 2017, il n'est détaillé ni motivé que les dettes étaient exigibles à cette date, inversant ainsi la charge de la preuve.

Pour l'exercice 2018, l'actif circulant était de 19 292 euros et le passif circulant, de 330 963 euros. L'actif disponible de 99 302 euros était composé des créances autres que les créances clients (18 901 euros), des disponibilités (391 euros) des concours bancaires (4 194 euros et des comptes courants associés (75 816 euros) et le passif exigible, de 184 948 euros, était composé des emprunts à moins d'un an (22 297 euros, des dettes fournisseurs (99 582 euros) et des dettes fiscales et sociales (54 069 euros), soit une insuffisance d'actif de 85 656 euros.

Il apparaît en outre des inscriptions de privilèges par AG2R, l'Urssaf et Klesia avec des cotisations impayées remontant à 2017, démontrant ainsi que la SAS Milvins n'a pu faire face à son passif exigible dès le 2ème semestre 2017, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal.

La SAS Milvins qui a constitué avocat, n'a pas conclu.

Par avis déposé le 5 juin 2024, le ministère public requiert l'infirmation du jugement au motif que le tribunal a rejeté la demande de report en raison de ce que le passif n'a pas été vérifié, le tribunal rajoutant ainsi une exigence non prévue par la loi.

Les parties ont été avisées le 28 avril 2023 de la fixation à bref délais de l'affaire à l'audience du 07 décembre 2023.

A la suite de la suppression de cette audience, un avis de fixation de l'affaire a été adressé aux parties le 12 février 2024 pour un examen à l'audience du 04 juillet 2024.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 06 juin 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Vu les articles L. 631-1, alinéa 1er, L. 631-8, alinéa 2, et L. 641-1, IV, du code de commerce :

Il résulte de la combinaison de ces textes que la date de cessation des paiements est, en cas de liquidation judiciaire, fixée comme en matière de redressement judiciaire, au jour où le débiteur a été placé dans l'impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible.

Cette date peut être reportée une ou plusieurs fois sans pouvoir être antérieure de plus de dix-huit mois à la date du jugement d'ouverture de la procédure.

L'état de cessation des paiements est distinct de la notion comptable de résultat, de perte d'exploitation ou de résultat net et l'absence ou l'insuffisance de fonds propres comme la dégradation de la trésorerie est indifférent s'il n'est pas constaté corrélativement que le passif exigible n'est pas payé à bonne date, sans qu'il soit nécessaire que le créancier ait mis en oeuvre le recouvrement de sa créance. Enfin, le seul défaut ou refus de paiement d'une dette n'est pas constitutif à lui seul de l'état de cessation des paiements.

L'actif disponible recouvre la trésorerie utilisable, à savoir les disponibilités en banque, la caisse et les réserves de crédit : ouvertures de crédit non utilisées ou la part de découvert autorisé non utilisé, ainsi que les créances à recouvrer dont le remboursement est certain et à intervenir à très bref délai. Le compte courant associé peut être considéré comme un actif disponible, tant que l'associé n'en a pas demandé le remboursement.

Concernant le passif exigible, il s'agit des dettes certaines, liquide et exigibles, et il n'est pas exigé que le passif ait été intégralement vérifié.

Il incombe à la partie qui demande le report de la date de cessation des paiements à une date antérieure à celle retenue par le jugement d'ouverture, d'en rapporter la preuve.

Concernant la date à laquelle le report de l'état de cessation des paiements est demandé par le liquidateur judiciaire, soit au 31 décembre 2017, il ressort des pièces communiquées que si l'actif disponible tel que retenu par l'appelant s'élevait, à cette date, à la somme de 85 458 euros, le passif exigible qui s'entend des dettes certaines, liquides et exigibles, pouvait être estimé à 58 457,61 euros, comprenant :

- s'agissant des dettes sociales, le solde des cotisations AG2R La Mondiale s'élevait à la date du 31 décembre 2017 à 217,81 euros et 485,80 euros, soit un total de 703,61 euros.

- les dettes fournisseurs, sont estimées à hauteur d'une somme totale de 57 754 euros.

- l'Urssaf n'a déclaré aucune créance de cotisation au titre de 2017, mais uniquement à compter de 2018.

- il n'apparaît pas, au vu des pièces versées aux débats, qu'il existait une dette fiscale exigible en 2017.

Dès lors, c'est à juste titre et sans avoir inversé la charge de la preuve, que les premiers juges ont considéré que l'état de cessation des paiements n'était pas établi au 31 décembre 2017.

Au vu des éléments versés aux débats, l'actif disponible tel qu'estimé par l'appelant s'élevait en 2018 à 99 302 euros, sans précision quant à l'actif disponible au 1er juin 2018.

Le passif exigible, selon les éléments versés aux débats était constitué au 1er juin 2018 des dettes sociales : le solde des cotisations AG2R La Mondiale et Klesia, de 2'886,08 euros (solde 2017 et 1er et 2ème trimestre 2018) et de 805,81euros, soit un total de 3'692,63 euros.

La déclaration de créance de l'Urssaf ne mentionne des cotisations impayées qu'à compter de juin 2028.

Les dettes fournisseurs, sont estimées à hauteur de la somme totale de 99 582 euros, sans précision quant à l'état du passif fournisseur à la date du 1er juin 2018.

Il en est de même pour les emprunts à moins d'un an, chiffrés à hauteur de 22 297 euros, sans qu'il soit précisé s'il s'agissait d'emprunts échus au 1er juin 2018.

Il en résulte, en l'absence de vérification du passif, que l'état de cessation des paiements caractérisé par l'impossibilité pour la SAS Milvins de faire face à son passif exigible avec son actif disponible, n'est pas de manière incontestable constitué au 1er juin 2018.

Dès lors, la demande subsidiaire formée par Me [J] [U] représentant la SCP [U], agissant ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Milvins, tendant à voir fixer la date de cessation des paiements de la SAS Milvins au 1er juin 2018, sera rejetée.

Le jugement sera par conséquent confirmé.

Les dépens de la procédure d'appel seront employés en frais privilégiés de la procédure collective de la SAS Milvins.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement entrepris ;

Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de la procédure collective de la SAS Milvins.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,