CA Paris, Pôle 5 ch. 9, 26 septembre 2024, n° 22/00199
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Défendeur :
Ridel-Energy (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mollat-Fabiani
Conseillers :
Mme Pelier-Tetreau, Mme Rohart
Avocats :
Me Turlan, Me Campanaro, Me Regnier
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
M. [G] [N] était président et propriétaire de la totalité des actions de la Société Métallurgique du Vexin (SMV), SAS au capital de 118 110 euros.
Par acte du 12 juillet 2018, M. [N] a cédé la totalité des actions de la Société Métallurgique du Vexin à la SAS Ridel-Energy, représentée par M. [O] [P], son président.
Le même jour, M. [G] [N] et la société Ridel-Energy ont conclu et signé une convention de garantie d'actif et de passif, par laquelle M. [G] [N] a accordé au cessionnaire, la société Ridel-Energy, diverses garanties relatives à la Société Métallurgique du Vexin dont les actions ont été cédées.
Le cessionnaire, la société Ridel-Energy, a découvert diverses irrégularités à la suite de la cession et après échange avec l'expert-comptable de la société cédée. Selon la société Ridel-Energy, les congés ancienneté auraient été insuffisamment provisionnés dans les comptes arrêtés au 31 décembre 2017, qui ont servi de référence à la garantie d'actif et de passif.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 8 octobre 2018, la société Ridel-Energy a notifié à M. [N] la mise en jeu de la garantie d'actif et de passif.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 31 octobre 2018, M. [G] [N], par l'intermédiaire de son conseil, a contesté l'appel en garantie dans son principe et son quantum.
La société Ridel-Energy a par ailleurs constaté, à la suite de la cession, que les jours de réduction du temps de travail (RTT) et les congés cadres avaient été insuffisamment provisionnés dans les comptes arrêtés au 31 décembre 2017 qui servent de compte de référence à la garantie d'actif et de passif.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 11 décembre 2018, par l'intermédiaire de son conseil, la société Ridel-Energy a alors adressé une lettre au conseil du cédant pour lui communiquer un tableau actualisé relatif au coût des congés anciennetés non provisionnés, des jours de RTT et des congés cadres non provisionnés, arrêtés au 31 décembre 2017.
La mise en jeu de la garantie d'actif et de passif portait sur l'absence de provision des congés d'ancienneté estimée à 94 304, 97 euros et l'insuffisance de provision pour RTT et congés cadres pour 32 058,99 euros, dans les comptes de référence au 31 décembre 2017, pris en considération lors de la cession.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 7 janvier 2019, M. [N], par l'intermédiaire de son conseil, a maintenu son refus de faire droit à la demande de la société Ridel-Energy.
Par acte d'huissier du 10 mai 2019, la société Ridel-Energy a fait assigner M. [N] devant le tribunal de commerce de Paris, aux fins de le voir condamner au paiement des sommes suivantes :
- 94 304,97 euros au titre des congés anciennetés non provisionnés ;
- 32 058,99 euros au titre des RTT et des congés cadres non provisionnés ;
- 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
En réplique, M. [G] [N] a demandé au tribunal de commerce, à titre reconventionnel et au visa des articles 1112 et 1112-1 du code civil, notamment de condamner la société Ridel-Energy à lui verser une somme de 116 363,75 euros, au titre du préjudice subi lié au manquement à son obligation de bonne foi dans la phase de négociation précontractuelle, et d'ordonner la compensation avec toutes les condamnations qui seraient prononcées à son encontre.
Par jugement du 5 novembre 2021, le tribunal de commerce de Paris a :
- Condamné M. [G] [N] à payer à la SAS Ridel-Energy la somme de 116 363,75 euros ;
- Condamné M. [G] [N] à verser la somme de 2 500 euros à la SAS Ridel-Energy, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Rejeté les demandes des parties autres, plus amples ou contraires ;
- Condamné M. [G] [N] aux dépens de l'instance.
Par déclaration au greffe en date du 22 décembre 2021, M. [G] [N] a interjeté appel de ce jugement.
Par jugement du 25 février 2021, le tribunal de commerce d'Évreux a prononcé la liquidation judiciaire de la Société Métallurgique du Vexin.
*****
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 7 avril 2023, M. [G] [N] demande à la cour, au visa de la garantie d'actif et de passif signée le 12 juillet 2018 et des articles 1112 et 1112-1 du code civil, de :
- Infirmer le jugement en ce qu'il a :
* Condamné M. [G] [N] à payer à la SAS Ridel-Energy la somme de 116 363,75 euros ;
* Condamné M. [G] [N] à verser une somme de 2 500 euros à la SAS Ridel-Energy, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
* Condamné M. [G] [N] aux dépens de l'instance ;
* Débouté M. [G] [N] de sa demande subsidiaire de condamnation de la société Ridel-Energy à lui payer une somme de 116 363,75 euros, au titre du préjudice subi lié au manquement à son obligation de bonne foi dans la phase de négociation précontractuelle ;
* Débouté M. [G] [N] de sa demande subsidiaire de compensation avec toutes les condamnations qui seraient prononcées son encontre ;
* Débouté M. [G] [N] de sa demande de condamnation de la société Ridel-Energy à lui payer une somme de 3 000 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
* Débouté M. [G] [N] de sa demande de condamnation de la société Ridel-Energy en tous les dépens ;
Statuant à nouveau,
- Débouter la société Ridel-Energy de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
Et à titre subsidiaire,
- Condamner la société Ridel-Energy à verser à M. [G] [N] une somme de 116 363,75 euros, au titre du préjudice subi lié au manquement à son obligation de bonne foi dans la phase de négociation précontractuelle ;
- Ordonner la compensation avec toutes les condamnations prononcées à l'encontre de M. [G] [N] ;
En tout état de cause,
- Condamner la société Ridel-Energy à verser à M. [G] [N], une somme de 3 000 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel ;
- Condamner la société Ridel-Energy aux entiers dépens, dont distraction opérée conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 15 juin 2022, la société Ridel-Energy demande à la cour, de :
- La déclarer recevable et bien fondée ;
En conséquence,
- Confirmer en toutes ses dispositions le jugement ;
- Débouter M. [G] [N] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- Condamner M. [G] [N] à payer la somme de 3 000 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner M. [G] [N] aux entiers dépens.
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L'ordonnance de clôture a été prononcée le 7 décembre 2023.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la mise en jeu de la garantie d'actif et de passif et l'appréciation de l'indemnisation de la société Ridel-Energy
M. [G] [N], poursuivant l'infirmation du jugement de ce chef, expose que les congés ancienneté, RTT et congés cadres n'ont pas été traduits dans les comptes et que, dès lors, ils doivent être traités selon les dispositions de l'article 6.4 de la garantie, contrairement à l'analyse des premiers juges qui ont fait application de l'article 6.3 et ont estimé que l'absence d'une provision comptable devait s'analyser comme un passif supplémentaire. Il indique que la question n'est pas de savoir si les dispositions du plan comptable général et du code de commerce ont été respectées, mais celle de l'effectivité de la passation de l'écriture de la provision de congés payés dans les comptes de la société SMV ; qu'en l'occurrence la provision de congés payés n'a pas été passée en comptabilité. Il ajoute que l'article 6.4 de la garantie implique la démonstration d'un préjudice, ce que la société Ridel-Energy échoue à faire ; que les congés payés sur ancienneté ainsi que les RTT et congés cadres ne constituent un préjudice réel pour la société qu'en cas de départ de salariés de l'entreprise et intégration de ces congés et RTT dans les indemnités compensatrices sur le solde de tout compte car, à ce moment seulement, ces sommes s'additionnent au salaire du dernier mois travaillé ; que, tout au plus, le préjudice est constitué de l'impact sur la production et l'activité pendant les absences correspondant à ces prises de congés et RTT, mais que la société Ridel-Energy ne justifie en aucun cas d'un préjudice financier, susceptible d'être indemnisé conformément aux articles 6.1 et 6.4 de la garantie ; que, s'agissant de la procédure prud'homale dont fait l'objet la société SMV, le préjudice est non seulement incertain en raison de la procédure d'appel mais aussi partiel puisque cette condamnation ne concerne qu'un seul salarié sur tous les salariés concernés, que la société Ridel-Energy ne justifie d'aucune autre réclamation et que le mondant des condamnations a été réglé par le fonds de garantie des salaires du fait de la liquidation judiciaire.
La société Ridel-Energy réplique que M. [N] lui a expressément garanti, notamment au point 5.16 de la garantie, la conformité de la société cédée à la règlementation sociale et aux règles relatives au droit du travail ; que le cédant a également attesté que toutes les contributions payables et dues ont été dûment payées ou ont fait l'objet de provisions ; que, par conséquent, M. [N] s'est engagé, aux termes de l'article 6.1 de la garantie, à la désintéresser de tout préjudice résultant de l'inexactitude de ses attestations et déclarations et/ou de tout passif nouveau non-comptabilisé ou supplémentaire excédant celui figurant dans les comptes de référence et ayant une origine imputable à des faits antérieurs à la date des comptes de référence ; que M. [N] avoue l'absence de comptabilisation des provisions, alors qu'aux termes du plan comptable général, les droits aux congés payés sur ancienneté et aux RTT sont des droits garantis à chaque salarié, cette obligation financière devant être transcrite dans les documents comptables peu important que ces droits aient été utilisés ou non ; que les comptes de référence contenaient déjà, mais pour des montants insuffisants, des provisions pour congés et RTT, de sorte qu'il s'agit bien d'une insuffisance de provisionnement, en vertu de l'article 6.3 de la garantie ; que l'application de l'article 6.4 de la garantie doit par conséquent être exclue ; que la simple obligation de provisionner justifie la mise en 'uvre de la garantie, sans qu'il soit nécessaire de rapporter la preuve d'un préjudice. Subsidiairement, à supposer qu'il faille évaluer le préjudice selon les dispositions de l'article 6.4, elle énonce que son préjudice réel n'est pas à confondre avec l'impact de la procédure prud'hommale en cours ; que, dès lors qu'une provision comptable devant être comptabilisée ne l'a pas été, il existe une incidence dans la valorisation de la société et qu'en qualité de cessionnaire, elle aurait négocié à un prix inférieur, ce qui caractérise son préjudice ; qu'enfin, si les provisions comptables avaient été régulièrement enregistrées, la société ne se serait peut-être pas trouvée en état de cessation des paiements, ou alors elle n'aurait pas acquis la société SMV. Elle conclut que son préjudice est nécessairement égal au montant des provisions litigieuses.
Sur ce,
Il résulte de l'article 1103 du code civil que 'Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits'.
L'article 1104 du même code dispose en outre que 'Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d'ordre public'.
En l'espèce, il est établi que la société Ridel-Energy a découvert, à la suite de la cession, qu'elle avait l'obligation de comptabiliser des congés anciennetés insuffisamment provisionnés dans les comptes arrêtés au 31 décembre 2017, qui servent de comptes de référence à la garantie d'actif et de passif. Elle fait valoir que le préjudice ainsi subi, au titre des congés anciennetés non-provisionnés, s'élève à la somme de 94 304,97 euros.
Elle a aussi constaté, à la suite de la cession, qu'elle avait l'obligation de comptabiliser des congés, des jours de réduction du temps de travail (RTT) et les congés cadres jusqu'alors insuffisamment provisionnés dans les comptes arrêtés au 31 décembre 2017, qui servent de compte de référence à la garantie d'actif et de passif. Elle fait valoir que le préjudice qu'elle a subi, au titre des jours de RTT et des congés cadres non provisionnés, s'élèvent à la somme de 32 058,99 euros.
Ladite convention stipule, en son article 6.2 que "Toute somme due par le CEDANT au CESSIONNAIRE au titre des garanties consenties aux termes du présent contrat de garantie prendra la forme d'une indemnité que le CEDANT s'oblige à verser au CESSIONNAIRE."
L'article 6.3 ajoute que "Dans le cas où les préjudices allégués par le CESSIONNAIRE résultent d'opérations traduites dans les comptes, l'indemnité sera toujours, et quel que soit le bénéficiaire, calculée en fonction des augmentations de passif et/ou des diminutions des éléments d'actif constatées [']."
L'article 6.4 précise enfin le mode de calcul de l'indemnité dans le cas où les préjudices ne résultent pas d'opérations traduites dans les comptes : "Lorsque les dommages allégués par le CESSIONNAIRE ne résultent pas d'opérations traduites dans les comptes, le montant de l'indemnité sera déterminé en fonction du préjudice réel qui en résulte [...]."
Aux termes des normes du plan comptable général, les droits aux congés payés sur ancienneté et aux RTT sont des droits garantis à chaque salarié et qui font peser, sur la société cédée, une obligation financière qui doit être transcrite dans les documents comptables. Ainsi, dès lors que la société cédée garantit des droits aux congés payés sur ancienneté et aux RTT à ses salariés, elle a l'obligation de provisionner dans ses comptes, les congés que ceux-ci ont acquis à chaque exercice comptable, mais non-encore utilisés par les salariés dans ses comptes.
Il est observé que les comptes de référence ayant servi de base à la cession contenaient déjà, mais pour des montants insuffisants, des provisions pour congés et RTT, de sorte qu'il s'agit bien d'une insuffisance de provisionnement liée à des dispositions du plan comptable que M. [N] a déclaré avoir respecté et qu'il s'agit bien d'une "opération traduite dans les comptes" au sens de l'article 6.3 précité de la garantie, puisque le compte de résultat prévoit cette ligne.
Il s'ensuit que c'est à tort que M. [N] soutient qu'il n'a causé aucun préjudice réel à la société cédée, et qu'il ne serait pas redevable des indemnités qui lui sont réclamées. La cour fixera l'indemnisation du préjudice à une somme égale au montant des provisions litigieuses.
Sur la demande reconventionnelle de M. [N] au titre du manquement à l'obligation de bonne foi dans le cadre des négociations précontractuelles
M. [G] [N] expose, au visa des articles 1112 et 1112-1 du code civil, que les parties doivent agir avec loyauté. Il explique que, dans le cadre des négociations, la société Ridel-Energy a souhaité établir des audits comptable, financier et social ; que le 23 avril 2018, elle a informé la société SMV que l'audit social avait révélé des risques sociaux liés à la contractualisation et au non-respect de la convention collective ; que, par cette déclaration non équivoque, les postes relatifs aux congés payés sur ancienneté et aux RTT ne peuvent qu'avoir été identifiés par la société Ridel-Energy dans le cadre de l'audit réalisé ; que dès lors qu'elle avait connaissance en phase précontractuelle du risque social objet du litige, le prix de cession des actions ne pouvaient donc exclure ces informations qu'elle a volontairement occultées dans le cadre de la négociation ; que cette rétention d'informations par l'acquéreur a été déterminante dans son consentement en qualité de vendeur et qu'il n'aurait pas contracté, faute d'avoir valorisé les risques sociaux identifiés et d'avoir convenu une prise en charge par l'acquéreur et/ou une exclusion de la garantie d'actif et de passif. Il conclut à la condamnation de l'intimée, à titre reconventionnel et subsidiairement, à lui régler la somme de 116 363,75 euros au titre du préjudice subi par les manquements commis à l'obligation de bonne foi dans la négociation précontractuelle, avec compensation entre les condamnations.
La société Ridel-Energy réplique qu'elle n'avait aucun intérêt à dissimuler une information dont elle aurait été en possession avant la cession et qui lui aurait permis de mieux négocier l'acquisition de la société achetée, dans la mesure où l'absence de provision des congés payés anciennetés et des RTT par le cédant, a conduit à minorer le passif de la société cédée et à la valoriser au-dessus de sa valeur réelle. Elle affirme que la méconnaissance des règles comptables de gestion d'une société constitue une faute de gestion ; que cette faute est aggravée lorsque M. [N] feint d'ignorer son obligation de provisionner les congés anciennetés et les RTT acquis par les salariés dans les comptes de la société cédée et fait peser sur elle une obligation inexistante de l'en tenir informé ; qu'il ne rapporte pas la preuve irréfragable qu'elle avait connaissance de ces postes sociaux lors de la phase précontractuelle ; qu'en tout état de cause, M. [N] omet d'indiquer qu'il avait été informé de l'irrégularité et qu'il verse d'ailleurs lui-même la preuve de cette connaissance à la cour.
Sur ce,
Il résulte de l'article 1112 du code civil que 'L'initiative, le déroulement et la rupture des négociations précontractuelles sont libres. Ils doivent impérativement satisfaire aux exigences de la bonne foi. En cas de faute commise dans les négociations, la réparation du préjudice qui en résulte ne peut avoir pour objet de compenser ni la perte des avantages attendus du contrat non conclu, ni la perte de chance d'obtenir ces avantages.'
L'article 1112-1 dispose en outre que 'Celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant.
Néanmoins, ce devoir d'information ne porte pas sur l'estimation de la valeur de la prestation.
Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties.
Il incombe à celui qui prétend qu'une information lui était due de prouver que l'autre partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu'elle l'a fournie.
Les parties ne peuvent ni limiter, ni exclure ce devoir.
Outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d'information peut entraîner l'annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants.'
Le devoir de loyauté est la traduction de l'obligation de bonne foi dans les relations contractuelles qui résulte de l'article 1104 du code civil selon lequel les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.
En l'espèce, il est constant que, dans le cadre des négociations en vue de l'achat des actions de la Société Métallurgique du Vexin, la société Ridel-Energy a fait réaliser des audits comptable, financier et social effectués par la société KPMG afin de prendre connaissance de la situation de la société, de déterminer le prix de cession et d'établir une convention de garantie d'actif et de passif pour délimiter ce que le cédant garantit à l'acquéreur et fixer les règles d'indemnisation des éventuelles conséquences du passé de l'entreprise cédée.
Il résulte d'une lettre de la société Ridel-Energy du 23 avril 2018 adressé à la Société Métallurgique du Vexin que l'audit social avait " révélé des risques sociaux liés à la contractualisation et au non-respect de la convention collective " (point n° 9).
Par réponse du 27 avril 2018, la Société Métallurgique du Vexin, par la voix de M. [I], a répondu qu'elle ne relevait " aucune alerte de CER France (logiciel de paie), aucune plainte des délégués du personnel et aucune réclamation des intéressés " et qu'elle appliquait " les accords nationaux repris dans la convention collective de la métallurgie de l'Eure ".
Ainsi, il résulte de cet échange que la société Ridel-Energy savait, par les résultats de l'audit effectué à sa demande, qu'il existait une irrégularité dans l'établissement des comptes sociaux s'agissant des congés payés sur ancienneté et aux RTT. Il s'ensuit qu'elle a mené les négociations précontractuelles de la cession, notamment la fixation du prix entre les parties et la rédaction de la convention d'actif et de passif, en occultant volontairement auprès de M. [N] la nature précise de l'irrégularité qui lui avait été révélée par le cabinet KPMG, puisqu'elle a toujours, y compris dans le cadre de l'instance devant la cour, refusé de produire le rapport d'audit comptable à M. [N].
Il en résulte que la société Ridel-Energy a nécessairement, dans l'évaluation de la société acquise, pris en compte cette irrégularité mise en lumière lors de l'audit et a accepté de finaliser l'acquisition en toute connaissance des risques, de sorte qu'elle fait preuve de mauvaise foi en faisant état, postérieurement à la cession, de ladite irrégularité pour mettre en 'uvre la garantie de passif.
En contrepoint, il était de l'intérêt évident de M. [N] que, s'il avait eu connaissance de l'irrégularité qui lui est désormais opposée, il aurait exigé une exclusion de garantie.
Le manquement de la société Ridel-Energy à son obligation de bonne foi dans les négociations précontractuelles crée un préjudice réparable en faveur de M. [N] que la cour évalue à hauteur de l'indemnité qui lui est réclamée, soit la somme de 116 363,75 euros.
Aussi, convient-il de confirmer la condamnation de M. [N] à régler la somme globale de 116 363,75 euros, au titre des congés ancienneté non provisionnés, mais de l'infirmer s'agissant du rejet de sa demande reconventionnelle de la société Ridel-Energy à lui régler la somme de 116 363,75 euros au titre du préjudice subi par les manquements commis à l'obligation de bonne foi dans la négociation précontractuelle.
La compensation étant invoquée, elle sera prononcée entre ces deux dettes réciproques et la cour constatera dès lors l'extinction simultanée des obligations réciproques, à due concurrence, entre M. [N] d'une part et la société Ridel-Energy d'autre part.
Sur les frais et dépens
Le sens du présent arrêt conduit à infirmer le jugement sur les dépens et l'application qui y a été faite des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Statuant à nouveau, la cour dira que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens et frais non compris dans les dépens prévus à l'article 700 précité.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme le jugement en ses dispositions frappées d'appel ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Constate, après compensation des dettes réciproques nées de l'application de la convention de garantie de passif à la défaveur de M. [G] [N] et du manquement à l'obligation de bonne foi de la société Ridel-Energy, l'extinction simultanée des obligations, à due concurrence, entre les parties ;
Dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens et frais non compris dans les dépens prévus à l'article 700 du code de procédure civile.