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Décisions

CA Douai, ch. 2 sect. 1, 26 septembre 2024, n° 23/00188

DOUAI

Arrêt

Autre

CA Douai n° 23/00188

26 septembre 2024

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 1

ARRÊT DU 26/09/2024

****

N° de MINUTE :

N° RG 23/00188 - N° Portalis DBVT-V-B7H-UV5X

Jugement n° 2021018096 rendu le 13 décembre 2022 par le tribunal de commerce de Lille Métropole

APPELANTE

Caisse de Crédit Mutuel de Dunkerque Centre prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

ayant son siège social, [Adresse 1]

représentée par Me Caroline Follet, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

INTIMÉE

SELARL Miquel [X] & Associés prise en la personne de Me [Z] [X] en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL Store Voilage & Co

ayant son siège social, [Adresse 2]

représentée par Me Jean-François Cormont, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

DÉBATS à l'audience publique du 05 juin 2024 tenue par Aude Bubbe magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Valérie Roelofs

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Dominique Gilles, président de chambre

Pauline Mimiague, conseiller

Aude Bubbe, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 26 septembre 2024 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Dominique Gilles, président et Valérie Roelofs, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 15 mai 2024

EXPOSÉ DU LITIGE

En 2016, la société Caisse du Crédit mutuel de Dunkerque centre (la banque) a prêté à la SARL Store Voilage & Co la somme de 155'000 euros, sous la garantie de la caution personnelle de sa gérante, Mme [S] [Y], pour un montant de 186'000 euros, du nantissement du fonds de commerce à hauteur de 155'000 euros et du nantissement du compte sur lequel seront domiciliés les remboursements du crédit.

Le prêt a fait l'objet d'un remboursement anticipé le 15 janvier 2021 pour un montant de 79 770,15 euros.

Le 28 juin 2021, le tribunal de commerce de Lille Métropole a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société Store Voilage & Co, fixant la date de cessation des paiements au 31 décembre 2020 et désignant la SELARL Miquel, [X] et Associés, prise en la personne de Me [X], en qualité de liquidateur judiciaire.

Par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception du 6 juillet 2021, la SELARL Miquel, [X] et Associés, prise en la personne de Me [X], ès qualités, a mis en demeure la banque de restituer la somme de 79 770,15 euros, s'agissant du règlement d'une dette non échue réalisé pendant la période suspecte.

Par jugement contradictoire du 13 décembre 2022, sur assignation du liquidateur judiciaire du 19 octobre 2021, le tribunal de commerce de Lille Métropole a :

- prononcé l'annulation de l'opération de remboursement anticipé du prêt,

- condamné la banque à verser au liquidateur judiciaire la somme de 79 770,15 euros augmentée des intérêts légaux ayant couru à compter de la mise en demeure du 6 juillet 2021 et ce avec capitalisation par année entière,

- débouté le liquidateur judiciaire de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive,

- condamné la banque à verser au liquidateur judiciaire la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties de leurs autres demandes,

- condamné la banque aux dépens.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 11 janvier 2023, la banque a relevé appel de l'ensemble des chefs de ce jugement, à l'exclusion du débouté du liquidateur judiciaire en sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive.

Par conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 27 juin 2023, le liquidateur judiciaire a relevé appel incident du seul chef de débouté au titre des dommages-intérêts pour résistance abusive.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 19 février 2024, la banque demande à la cour de :

- réformer en toutes ses dispositions le jugement du 13 décembre 2022,

En conséquence,

- débouter le liquidateur judiciaire de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- condamner le liquidateur judiciaire à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de l'instance.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 27 juin 2023, le liquidateur judiciaire demande à la cour de :

- débouter la banque de tous ses demandes, fins et conclusions,

- confirmer la décision entreprise dans l'ensemble de ses chefs de condamnation prononcés à l'encontre de la banque,

En conséquence,

- annuler le remboursement avant échéance en date du 15 janvier 2021,

- condamner la banque à lui verser les sommes de :

- 79 770,15 euros, augmentée des intérêts légaux ayant couru à compter de la mise en demeure du 6 juillet 2021, et ce avec capitalisation par année entière,

- 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance,

Faisant droit à son appel incident,

- condamner la banque à lui verser la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive,

- condamner la banque à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens d'instance et d'appel.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour l'exposé de leurs moyens.

La clôture de l'instruction est intervenue le 15 mai 2024 et l'affaire a été renvoyée à l'audience de plaidoiries du 5 juin 2024.

MOTIFS

Sur l'annulation du paiement

Visant les articles L.622-7 et L.632-1 3° du code de commerce, le tribunal a annulé le remboursement anticipé du crédit, s'agissant d'une dette non échue réglée durant la période suspecte.

La banque indique que le règlement anticipé du crédit est intervenu après la date de cessation des paiements fixée au 31 décembre 2020.

Le liquidateur judiciaire rappelle qu'en application de l'article L.632-1 I 3° du code de commerce, la nullité du remboursement anticipé du montant du crédit, correspondant au paiement d'une dette non échue pendant la période suspecte, est de droit.

L'article L.632-1 I 3° du code de commerce prévoit qu'est nul, lorsqu'il est intervenu depuis la date de cessation des paiements, 'tout paiement, quel qu'en ait été le mode, pour dettes non échues au jour du paiement'.

En l'espèce, la date de cessation des paiements ayant été fixée au 31 décembre 2020 par le jugement du 28 juin 2021, il est constant que le règlement du montant de 79 770,15 euros, réalisé le 15 janvier 2021, est intervenu pendant la période suspecte, soit entre la date de cessation des paiements et le jugement d'ouverture de la procédure.

En outre, s'agissant du remboursement anticipé d'un crédit, il convient de retenir qu'il constitue le paiement d'une dette non échue.

Dès lors, le jugement sera confirmé en ce qu'il en a prononcé la nullité.

Sur le nantissement

La banque précise verser aux débats l'exemplaire de l'acte notarié reçu le 28 octobre 2016.

Le liquidateur judiciaire souligne que le projet d'acte versé aux débats par la banque n'est pas signé par les parties.

La cour constate que si la banque évoque l'existence d'un acte authentique reçu le 28 octobre 2016, la pièce n°1 produite à ce titre n'est ni paraphée ni signée par les parties et contient, notamment, la mention manuscrite d'une modification à apporter à l'acte définitif en page 28, en réponse à une question du notaire instrumentaire portée dans la marge.

En outre, aucune autre pièce versée par l'appelante ne permet de justifier l'existence et l'étendue du nantissement qu'elle invoque, contestées par le liquidateur judiciaire.

Dès lors, faute pour la banque d'apporter la preuve de l'existence et de l'étendue du droit de nantissement qu'elle invoque et du droit de rétention associé, le jugement sera confirmé en ce qu'il a ordonné la restitution des fonds au liquidateur judiciaire comme suite à l'annulation du paiement.

Sur les demandes accessoires

Le liquidateur judiciaire ne justifiant pas du caractère fautif de la résistance de la banque, le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages-intérêts à ce titre.

En application de l'article 700 du code de procédure civile, la banque sera condamnée à verser la somme de 4 000 euros, en cause d'appel.

En application de l'article 696 du code de procédure civile, la banque sera condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement ;

Y ajoutant,

Condamne la société Caisse du Crédit mutuel de Dunkerque centre à verser à la SELARL Miquel, [X] et Associés, prise en la personne de Me [X], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Store Voilage & Co, la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette les demandes plus amples ou contraires ;

Condamne la société Caisse du Crédit mutuel de [Localité 3] centre aux dépens d'appel.

Le greffier Le président

Valérie Roelofs Dominique Gilles