Livv
Décisions

CA Grenoble, 2e ch. civ., 18 mai 2021, n° 17/03393

GRENOBLE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Maif (Sté)

Défendeur :

Generali France Assurances (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Cardona

Conseillers :

Mme Denjoy, Mme Pliskine

Avocats :

Me Bellin, Me Maggiulli, Me Grimaud, Me Bellaiche

TGI Grenoble, du 4 mai 2017, n° 13/03803

4 mai 2017

FAITS ET PROCEDURE

Selon devis descriptif et estimatif accepté du 31 mai 2007 Z…, assurée auprès de la Maif, a confié à l'EURL Atelier Maintenance immobilière agissant en qualité d'entreprise générale tous corps d'état, assurée auprès de la société Générali Iard, l'ensemble des travaux de rénovation de sa maison d'habitation sise à la Buissière (38).

Les travaux étaient les suivants :

-création d'une véranda avec avancée de toiture,

-plomberie

-électricité

-menuiserie et PVC

-réalisation de doublage peinture

-installation de climatisation

-mise en place de panneaux solaires

-remplacement de charpente

-réfection de couverture tuiles.

Les travaux ont été réalisés au cours de l'année 2008 et il a été fait état d'un procès-verbal de réception sans réserve à effet du 8 août 2008, qui aurait été signé le 15 octobre 2008 par le seul maître d'ouvrage.

Dans la nuit du 7 au 8 novembre 2008, alors que la maison était inoccupée, un incendie a provoqué la destruction importante des agencements au niveau des rez-de-chaussée et premier étage, ainsi qu'une pollution généralisée de l'ensemble des volumes de l'habitation.

Au jour du sinistre la société Atelier Maintenance Immobilière avait été payée de ses travaux à hauteur de la somme de 94 079,35 euros.

L'expertise incendie organisée contradictoirement par la Maif n'a pas permis de déterminer la cause du sinistre, plusieurs hypothèses pouvant être envisagées (feu couvant après un jet de mégots ou acte de malveillance).

Les deux assureurs s'opposant sur le point de savoir lequel était tenu à indemnisation, le juge des référés du tribunal de grande instance de Grenoble, saisi par la Maif, a ordonné le 2 décembre 2009 une expertise afin de déterminer l'état d'avancement des travaux à la date du sinistre, de dire si l'état d'achèvement permettait la réception au 15 octobre 2008 et de déterminer et évaluer le coût des travaux de reprise nécessaires.

Par ordonnance de référé en date du 3 novembre 2010 le président du tribunal de grande instance de Grenoble, saisi par Z… qui se plaignait de ne pas avoir été indemnisée, a condamné la compagnie Maif à payer à son assurée une provision de 61'110 euros à valoir sur l'indemnisation définitive du préjudice.

L'expert judiciaire a déposé son rapport le 4 mai 2011, dont il résulte en substance qu'au jour du sinistre le pourcentage d'avancement global des travaux peut être estimé entre 75 et 85%, que les travaux inachevés n'étaient pas réceptionnables le 15 octobre 2008 et encore moins le 8 août 2008 et enfin que le coût des travaux de réparation peut être estimé à la somme de 76'260,68 euros TTC.

Le 27 mars 2012 Z… a signé une quittance subrogatoire aux termes de laquelle elle reconnaît avoir reçu de la Maif

les sommes de :

7 145 euros pour le mobilier,

61 110 euros au titre des travaux pour ouvrages réalisés par la société Atelier Maintenance Immobilière et ouvrages existants intérieurs,

9 294,90 euros pour le relogement,

844 euros pour travaux sur ouvrages existants extérieurs.

Par acte d'huissier du 25 juin 2013 la société d'assurance mutuelle Maif a fait assigner au fond devant le tribunal de grande instance de Grenoble la société Atelier Maintenance Immobilière et son assureur, la compagnie Generali, à l'effet d'obtenir leur condamnation à lui payer les sommes de 74'515 euros au titre des travaux de reprise de l'ouvrage sinistré et de 9294,90 euros au titre des frais de relogement de son assurée.

Parallèlement, par actes d'huissier des 6 et 19 février 2014, Z… a fait assigner au fond devant le même tribunal les deux assureurs pour obtenir leur condamnation au paiement de frais de démolition restés à sa charge, d'intérêts moratoires, et de dommages et intérêts pour préjudices moral et de jouissance.

Les deux affaires ont été jointes.

Par jugement en date du 4 mai 2017 le tribunal de grande instance de Grenoble a :

Condamné la Maif à payer à Z… la somme de 264,81 euros au titre des intérêts moratoires et celle de 6 500 euros au titre du préjudice de jouissance,

Rejeté les demande de Z… envers la Maif pour les frais de démolition et le préjudice moral,

Rejeté les demandes de Z… envers les compagnie la Maif et GENERALI au titre de son préjudice moral et de son préjudice de jouissance,

Rejeté les demandes de la Maif envers la compagnie Generali et l'entreprise Atelier au titre des frais de reprise et de relogement,

Condamné la Maif à payer à Z… et à la compagnie Generali la somme de 1 500 euros chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Le tribunal considère en substance :

sur les demandes de Z…

que conformément à la police d'assurance souscrite auprès de la Maif l'assurée ne peut prétendre au titre des frais de démolition à une indemnité supérieure à celle qui a été arrêtée par voie d'expertise amiable à la somme de 12'660 euros, que la Maif, qui ne conteste pas sa garantie, n'a pas versé l'indemnité dans les 15 jours suivant la date du dépôt de l'expertise amiable, ce qui justifie l'allocation d'intérêts moratoires et de dommage et intérêts pour privation de jouissance pendant huit mois supplémentaires, à l'exclusion de tout préjudice moral injustifié, que la Maif n'a pas commis un abus de droit en sollicitant une expertise judiciaire, qui était utile en l'état du litige entre les deux assureurs sur l'existence ou non d'une réception des travaux,

Sur les demandes de la Maif

que la garantie de la compagnie Generali n'est pas acquise dès lors que les conditions de la responsabilité décennale de l'entreprise ne sont pas réunies, que l'incendie n'est pas le fait de l'assuré et que le risque de perte de la chose avant livraison n'est pas couvert, que les demandes dirigées contre la société Atelier Maintenance Immobilière ne sont pas fondées, alors que sur le fondement de l'article 1788 du Code civil la perte que doit supporter l'entrepreneur est celle de la chose même qu'il a fournie, que la Maif sollicite sur ce fondement le remboursement de la somme qu'elle a versée à son assurée ,sans justifier de la part de la chose fournie par l'entreprise qui a été détruite dans l'incendie, et que la société Atelier Maintenance Immobilière n'est pas responsable d'un retard dans l'exécution des travaux de reprise.

La société d'assurance mutuelle Maif a interjeté appel total de ce jugement par déclaration reçue le 5 juillet 2017, intimant Z…, la compagnie Generali et Maître X… ès qualités de mandataire liquidateur de la société Atelier

Maintenance immobilière.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées et notifiées le 30 mars 2018 la Maif demande à la cour de :

REFORMER le jugement du Tribunal de Grande Instance de Grenoble du 4 mai 2017 en ce qu'il a :

- Rejeté les demandes de condamnation formulées par la Maif à l'encontre de Generali IARD et de l'entreprise Atelier Maintenance Immobilière au titre des frais de reprise et de relogement ;

- Condamné la Maif à payer à Z… la somme de 264,81 euros au titre des intérêts moratoires courus entre le 22 mars 2010 et le 22 novembre 2010 ;

- Condamné la Maif à payer à Z… la somme de 6.500 euros au titre du préjudice de jouissance du fait du retard de paiement ;

- Condamné la Maif à payer à Z… et à Generali IARD la somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles, outre les entiers dépens.

CONFIRMER ledit jugement pour le surplus

Dès lors,

CONSTATER que les travaux de réalisation d'une extension de la maison de Z… ont subi un sinistre avant réception,

Constater que Z… a été indemnisée par son assureur, la Maif,

Constater dès lors que la Maif se trouve subrogée dans les droits et actions de Z…,

Constater que la Maif n'a pas commis de faute ni ne peut être présentée de mauvaise foi dans cette procédure

Constater que l'ouvrage était resté sous la garde de l'entreprise Atelier-Maintenance Immobilière, assurée auprès de la compagnie Generali IARD,

Constater que la garantie « Dommage » de la compagnie Generali IARD est mobilisable.

Condamner la compagnie d'assurance la SA Generali IARD, à payer à la Maif la somme de 74.515,00 euros correspondant à la reprise de l'ouvrage sinistré.

Constater que la Compagnie Generali IARD a fait preuve d'une résistance abusive engageant sa responsabilité civile délictuelle

Condamner la Compagnie Generali IARD à payer dans les mains de la Maif la somme de 9.294,90 euros correspondant au montant du préjudice lié au frais de relogement,

Condamner La Compagnie Generali IARD et Y… sous le même lien de solidarité à payer la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles à la Maif ainsi qu'à supporter les dépens distrait au profit de la SELARL BSV sur son affirmation de droit.

Elle fait valoir principalement que la responsabilité de la société Atelier en qualité de gardien du chantier est acquise et que son assureur doit donc sa garantie, en l'absence de démonstration d'une cause étrangère.

Elle soutient en effet :

- que les travaux n'étaient pas réceptionnables à la date du sinistre et que le chantier se trouvait donc toujours sous la garde de la société Atelier, responsable sur le fondement de l'article 1788 du code civil,

- que dans la mesure où l'entrepreneur avait perçu la somme de 94 079,35 euros, il n'y a pas à distinguer ce qui a été fourni et ce qui a péri et la compagnie Générali doit lui restituer les 74 515 euros versés,

- que les premiers juges ont inversé la charge de la preuve en soutenant qu'il n'était pas établi que les dommages soient du fait de l'activité de l'assuré,

- qu'elle est bien fondée à faire jouer la garantie 'Dommages' de Generali par le biais d'une action oblique,

- que c'est à Generali qu'il incombe d'établir l'existence d'une exclusion de garantie;

- que par son inaction la société Atelier a tardé à reprendre l'ouvrage et a commis une faute et a allongé la durée de relogement,

- que la résistance de Generali à reconnaître son obligation de garantie constitue une faute justifiant qu'elle soit obligée à rembourser les frais de relogement,

- que c'est à tort que Z… se plaint de la mauvaise foi de son assureur et que le jugement doit être réformé en ce qu'il l'a condamnée à payer à son assurée un préjudice de jouissance du fait du retard dans le paiement.

Aux termes de ses dernières conclusions récapitulatives nº 3 déposées et notifiées le 29 avril 2020 Z… demande à la cour de :

Confirmer le Jugement du Tribunal de Grande Instance de Grenoble du 4 mai 2017 en ce qu'il a : dit et jugé que la Maif a commis une faute en versant l'indemnisation due à Z… avec un retard de 16 mois

En conséquence,

- CONDAMNER la Maif à payer à Z… la somme de 264,81 euros au titre des intérêts moratoires causés par le retard de paiement

' CONDAMNER la Maif à réparer le préjudice de jouissance subi entre le 1er février 2010 et le 22 novembre 2010 du fait du retard du paiement avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir et capitalisation des intérêts

' CONDAMNER la Maif à verser à Z… la somme de 1500 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile au titre des frais engagés en première instance

LE REFORMANT POUR LE SURPLUS

' CONDAMNER La Maif à verser à Z… la somme complémentaire de 2400 euros au titre du remboursement des frais de déblais et démolition restés à sa charge avec intérêt au taux légal à compter de la demande

' RESERVER le préjudice de Z… au titre du cout des travaux non encore effectués

' CONDAMNER la Maif à payer à Z… la somme de 8 273euros en réparation du préjudice de jouissance subi entre le 1er février 2010 et le 22 novembre 2010 du fait du retard du paiement avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir et capitalisation des intérêts

' CONDAMNER la Maif à verser à Z… la somme de 10.000 euros en réparation d'un préjudice moral subi entre le 1er février 2010 et 22 novembre 2010 du fait du retard du paiement avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir et capitalisation des intérêts

' CONDAMNER solidairement la Maif et Generali à verser à Z… la somme de 12.948 euros au titre de la réparation de son préjudice de jouissance entre le 23 novembre 2010 et février 2012 avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir et capitalisation des intérêts

' CONDAMNER solidairement la Maif et Generali à verser à Z… la somme de 10.000 euros au titre de la réparation de son préjudice moral entre le 23 novembre 2010 et février 2012 avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir et capitalisation des intérêts

EN TOUT ETAT DE CAUSE,

CONDAMNER in solidum la Maif et la Société Generali à verser à Z… la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés dans le cadre de la procédure d'appel outre les entiers dépens de l'instance distraits au profit de Me Cécile MAGGIULLI, avocat au Barreau de Grenoble, en application de l'article 699 du Code de Procédure Civile.

Elle soutient :

- que la somme de 91 053 euros qu'elle a perçue ne couvre pas l'intégralité de ses préjudices,

- que les travaux ne sont pas terminés et qu'elle se réserve le droit de réclamer le coût de la différence entre le prix réel et le financement alloué,

- que son indemnisation est intervenue avec retard,

- que d'autres préjudices résultent de la mauvaise foi de son assureur,

-que l'expertise sollicitée par la Maif a paralysé les travaux de reprise et que l'attitude des deux assureurs constitue une faute, qui lui a causé un préjudice moral et de jouissance.

Aux termes de ses dernières conclusions nº3 déposées et notifiées le 22 septembre 2020 la compagnie Generali demande à la cour de :

A titre principal :

- CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a mis la compagnie Generali hors de cause et rejeté toute demande de toute partie formée à son encontre

- DECLARER irrecevable l'action oblique formée par la Maif ou, subsidiairement, la rejeter

- DEBOUTER toute partie de toute demande formée à l'encontre de Generali

A titre subsidiaire :

- CONDAMNER la Maif à relever et garantir la Compagnie Generali de l'ensemble des condamnations qui pourraient être mises à sa charge au profit de Z…

En toute hypothèse :

- CONDAMNER la Maif ou tout succombant à verser à la compagnie Generali la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les entiers dépens,

- DIRE et JUGER qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par la décision à intervenir et qu'en cas d'exécution par voie extra-judiciaire, les sommes retenues par l'huissier instrumentaire en application des dispositions de l'article 10 du décret du 8 mars 2001, portant modification du décret du 12 décembre 1996, devront être supportées par la société défenderesse.

Elle fait valoir au soutien de ses demandes que :

- les dispositions de l'article 1788 du code civil ne sont pas applicables en l'espèce, comme ne visant que la question du paiement des travaux et pas la question de la responsabilité dans la perte de la chose et qu'elle ne doit donc pas garantie à son assuré,

- que l'ouvrage avait été réceptionné, dès lors que l'achèvement des travaux n'est pas une condition de la réception,

- que l'article 1788 du code civil n'a pas vocation à permettre la reprise de l'ouvrage et que la Maif ne distingue toujours pas, malgré les indications du jugement la part des ouvrages de la société Atelier qui a péri,

- que dès lors que les causes de l'incendie n'ont pu être déterminées, la responsabilité de son assuré ne peut être retenue, aucune faute contractuelle n'étant démontrée à son encontre, pas plus qu'un éventuel vice de construction,

- que la garantie 'Dommages' invoquée par la Maif ne peut être invoquée par un tiers par le biais d'une action directe,

- que la Maif, ni Z… ne peuvent solliciter sa condamnation personnelle sur un fondement délictuel sans démontrer l'existence d'une faute, d'un dommage et d'un lien de causalité,

- que les demandes de Z… ne sont justifiées ni dans leur principe, ni dans leur quantum.

Maître X…, ès qualités de liquidateur judiciaire de l'EURL Atelier Maintenance Immobilière, n'a pas constitué avocat.

La déclaration d'appel lui a été signifiée le 2 août 2017, en l'étude de l'huissier.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 14 octobre 2020.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les demandes de la compagnie Maif

La société Atelier Maintenance Immobilière a communiqué le 14 mai 2009 à l'expert amiable désigné par la Maif, et ensuite à nouveau au cours des opérations d'expertise judiciaire, un procès-verbal de réception des travaux sans réserve daté du 15 octobre 2008, mais à effet rétroactif du 8 août 2008.

Ce document, dont il n'a pas été fait état au cours des premières opérations d'expertise incendie diligentées par l'assureur du maître d'ouvrage (le cabinet polyexpert mentionne le 20 novembre 2008 que sur les indications fournies par les parties le chantier n'a pas été réceptionné en raison de la survenance du sinistre), n'est pas établi sur un modèle préétabli à en-tête de l'entreprise et n'est revêtu que de la signature de Z….

Si au sens de l'article 1792'6 du Code civil l'achèvement de l'ouvrage n'est pas une condition de sa réception, force est de constater que ce procès-verbal n'est pas signé par l'entrepreneur et qu'il ne peut donc faire preuve d'une réception expresse contradictoire des travaux.

Au demeurant, comme le relève l'expert judiciaire, plusieurs anomalies troublantes sont susceptibles d'affecter la valeur probante de ce document, dont l'existence a été révélée tardivement après que Z… ait indiqué dans un premier temps à l'expert amiable que le chantier n'avait pas été réceptionné, qui ne fait curieusement état d'aucune réserve malgré l'inachèvement des travaux et qui est revêtu d'une signature dont l'authenticité est douteuse.

La réception tacite de l'ouvrage à la date du sinistre survenu dans la nuit du 7 au 8 novembre 2008 ne peut davantage être présumée, alors d'une part qu'il résulte de l'expertise amiable d'assurance et de l'expertise judiciaire que les travaux facturés le 12 octobre 2007 par l'entreprise pour un montant total de 98'202 euros n'étaient pas intégralement payés (à la date du sinistre une somme moindre de 94'079,35 euros avait été réglée par le maître d'ouvrage), et d'autre part que la prise de possession n'était manifestement pas intervenue, ainsi qu'il résulte des constatations effectuées le 28 août 2009 par l'huissier, Christine Paysan, qui note que la cuisine n'est pas terminée, que les vitres des fenêtres ne sont pas posées, que le sol est brut, que les équipements sanitaires ne sont pas raccordés et que la toiture n'est pas achevée (un pan est bâché et dans l'attente de la pose de tuiles et de panneaux solaires).

Les travaux n'étant pas réceptionnés à la date du sinistre, ni donc livrés, les dispositions de l'article 1788 du Code civil faisant supporter à l'entrepreneur ayant fourni la matière la perte de la chose avant livraison, ont donc vocation à s'appliquer.

Ce texte a pour seul objet de faire supporter à l'entrepreneur les risques de la perte de l'ouvrage, quelle qu'en soit la cause, et en dehors de toute recherche de responsabilité. Ainsi l'entrepreneur est-il tenu, même en cas de perte de la chose due à la force majeure, soit de rembourser au maître d'ouvrage le coût de la construction selon les conditions du marché, soit de reconstruire l'ouvrage détruit.

En raison de la finalité spécifique de l'article 1788 du Code civil, l'assurance de dommages souscrite par le maître d'ouvrage est toutefois implicitement contractée au profit de l'entrepreneur, sur qui pèse avant livraison la charge du risque de la perte de la chose.

Ainsi, en l'espèce, la Maif, qui a indemnisé Z… au titre de la garantie dommages aux biens de l'assuré causés par un événement de caractère accidentel, ne peut-elle exercer un recours subrogatoire à l'encontre de la société Atelier Maintenance Immobilière, qui est censée profiter de cette garantie comme devant assumer le risque objectif de la perte de l'ouvrage avant livraison.

Il en résulte que la Maif ne peut prétendre exercer l'action directe de son assuré à l'encontre de la compagnie Generali, auprès de laquelle la société Atelier Maintenance Immobilière a souscrit une police d'assurance construction, couvrant, outre la responsabilité décennale et la responsabilité civile entreprise, les dommages subis au cours de l'exécution du chantier par les ouvrages objet du marché de travaux de l'assuré, notamment en cas d'incendie (dispositions générales de la police, page 19).

Cette 'garantie dommages' constitue, en effet, une assurance de choses couvrant le préjudice personnel de l'entrepreneur, caractérisé par la perte des ouvrages construits avant réception, de sorte qu'elle ne peut être l'objet du droit d'action directe du tiers lésé, qui en application de l'article L. 124'3 du code des assurances ne peut s'exercer qu'à l'encontre de l'assureur garantissant la responsabilité civile de l'auteur du dommage.

Le recours de la Maif ne peut davantage prospérer par la voie de l'action oblique, alors d'une part que la société Atelier Maintenance Immobilière, qui du fait de sa liquidation judiciaire n'a pas été en mesure de reconstruire l'ouvrage détruit ou de rembourser les sommes payées par Z…, n'a pas négligé de mobiliser la garantie dommages souscrite auprès de la compagnie Generali, et d'autre part que la prétendue carence de l'entreprise n'a pas compromis les droits du maître d'ouvrage qui était personnellement assuré contre le risque incendie.

En l'absence de réception des travaux à la date du sinistre, qui n'a pas été causé par un vice de construction, et à défaut de tout élément permettant d'imputer à l'entreprise le départ de feu dont l'origine demeure indéterminée, ni la responsabilité décennale, ni la responsabilité civile de la société Atelier Maintenance Immobilière ne se trouvent engagées, de sorte que la garantie de la compagnie Generali ne peut pas plus être mobilisée à ces titres.

Enfin, en sa qualité d'assureur de l'entrepreneur, la compagnie Generali, qui ne devait aucune garantie à Z…, laquelle était personnellement assurée pour les dommages à ses biens d'origine accidentelle, n'a en rien fait preuve de résistance abusive et ne saurait donc être condamnée à de quelconques dommages et intérêts pour frais de relogement.

Le jugement sera par conséquent confirmé en ce qu'il a débouté la Maif de l'ensemble de ses demandes formées à l'encontre de la compagnie Generali.

Sur les demandes formées par Z…

Sa garantie n'étant mobilisable à aucun titre au profit de Z… et l'expertise judiciaire ayant été sollicitée par la seule compagnie Maif, la compagnie Generali ne s'est rendue coupable d'aucun abus de droit ni d'aucune résistance abusive.

Le jugement mérite par conséquent confirmation en ce qu'il a rejeté toute demande d'indemnisation formée par Z… à l'encontre de l'assureur de l'entreprise en réparation de son préjudice moral et de jouissance.

Les frais de démolition

Aux termes des conditions particulières du contrat d'assurance habitation souscrit par Z… auprès de la compagnie Maif les frais de déblais et de transport des décombres sont indemnisés 'à concurrence de leur montant'.

L'article 10.2 des dispositions générales de la police stipule que les dommages aux biens assurés sont évalués de gré à gré, éventuellement par une expertise amiable diligentée à l'initiative de l'assureur et qu'à défaut d'entente chacune des parties désigne son expert. Il est précisé que si les deux experts ne sont pas d'accord ils s'adjoignent un troisième, les trois experts opérant alors à la majorité des voix. Il est enfin prévu qu'à défaut pour l'une des parties de nommer son expert, ou par les deux experts de s'entendre sur le choix d'un troisième, la désignation est effectuée sur requête par le président du tribunal de grande instance du lieu du sinistre.

Il n'existe aucune contradiction nécessitant une interprétation en faveur de l'assuré entre les conditions particulières, qui ne prévoient pas que les frais de démolition sont indemnisés pour leur montant réel en dehors de toute procédure contradictoire d'évaluation, et l'article 10.2 des conditions générales, qui a précisément pour objet de déterminer les modalités de fixation du montant garanti.

Les frais de déblais/ démolition ont été évalués contradictoirement par l'expert de la Maif à la somme de 12'660 euros TTC après négociation avec l'entreprise Atelier Maintenance Immobilière, dont il était prévu initialement qu'elle serait chargée de la reprise de l'ouvrage.

Or, aux termes de la quittance subrogatoire, qui a été régularisée le 27 mars 2012 par Z…, il est stipulé que ' les frais de déblais et de démolition pourront être versées sur justificatifs soit 12'660 euros '. Cette mention, qui a été expressément approuvée par l'assurée, atteste qu'un accord est intervenu entre les parties sur ce poste de préjudice, ce qui caractérise une évaluation de gré à gré au sens de l'article 10.2 des conditions générales de la police rendant inutile la mise en 'uvre de la procédure d'expertise collégiale.

Le jugement mérite par conséquent confirmation en ce qu'il a débouté Z… de sa demande en paiement d'un complément d'indemnité à ce titre.

Le retard dans le versement de l'indemnité

Aux termes de l'article 10.1 des conditions générales du contrat d'assurance habitation souscrit par Z… le versement de l'indemnité est effectué dans les 15 jours qui suivent la date de l'accord des parties sur son montant, ou celle de la décision judiciaire exécutoire.

Le cabinet d'expertise POLYEXPERT mandaté par la Maif a évalué contradictoirement le 23 juillet 2009 le préjudice subi par l'assuré aux sommes de 68'255 au titre de ' l'indemnité immédiate ' pour les dommages au bâtiment et au mobilier et de 15'123 euros au titre de 'l'indemnité différée' pour les frais de déblais/démolition et l'indemnisation valeur à neuf.

Dès le 24 décembre 2009 par courrier de son conseil Z… a sollicité le versement d'une provision à valoir sur ses dommages immobiliers.

Le 4 mars 2010 la Maif lui a indiqué qu'elle attendait le dépôt du rapport d'expertise judiciaire pour se prononcer en l'état du litige existant sur l'existence ou non d'une réception des travaux.

Le 22 mars 2010 elle a réitéré sa demande en insistant sur l'urgence de la situation, et le 14 avril 2010, toujours par la voix de son conseil, elle s'est fondée sur l'évaluation contradictoire des dommages pour réclamer le paiement immédiat d'une provision de 50'000 euros.

Par courrier du 27 juillet 2010 Z… a réitéré sa demande de prise en charge en se fondant sur l'évaluation du cabinet POLYEXPERT et en insistant sur sa situation délicate en l'absence de financement des travaux de reconstruction.

Ce n'est que le 9 septembre 2010 que la Maif a offert le paiement d'une provision de 50'000 euros à valoir sur l'indemnité définitive en assortissant toutefois cette proposition de conditions, dont notamment l'engagement écrit de l'assurée de ne pas commencer les travaux avant le dépôt du rapport d'expertise judiciaire.

C'est dans ce contexte que Z… a saisi le 27 septembre 2010 le juge des référés du tribunal de grande instance de Grenoble, qui par ordonnance du 3 novembre 2010 a condamné la Maif à titre provisionnel au paiement de la somme de 61'110 euros, outre une indemnité de procédure de 2000 euros, et dit que les travaux ne commenceront qu'après accord donné par l'expert judiciaire.

Cette condamnation a été exécutée le 22 novembre 2010.

La Maif, qui ne contestait pas le principe de sa garantie, a donc incontestablement manqué à son obligation contractuelle de verser l'indemnité dans le délai de 15 jours suivant l'évaluation non contestée du préjudice effectuée le 23 juillet 2009 par son propre expert, ce qui justifie pleinement la condamnation au paiement d'intérêts moratoires à compter de la mise en demeure du 22 mars 2010 qui a été prononcée.

En retardant de près de 16 mois le paiement d'une provision substantielle à valoir sur le coût des travaux de réparation du bâtiment sinistré, au motif inopposable à Z… que le principe de son recours éventuel à l'encontre de la société Atelier Maintenance Immobilière devait être préalablement établi, la Maif a en outre résisté de mauvaise foi à l'exécution de son obligation de garantie, étant observé qu'il ne peut être sérieusement soutenu que l'assurée est elle-même à l'origine de ce retard, alors que c'est la société Atelier Maintenance Immobilière qui s'est prévalue de la réception de l'ouvrage et qui est donc à l'origine de la décision de l'assureur de solliciter l'instauration d'une mesure d'expertise judiciaire.

Il résulte de la quittance subrogatoire délivrée le 27 mars 2012 qu'une somme de 9294,90 euros a été versée 22 novembre 2010 à Z… par la Maif au titre de ses frais de relogement.

Il n'est pas contesté que cette indemnité couvre la période de 12 mois courant de février 2009 à janvier 2010.

Ainsi qu'en a justement décidé le tribunal, la résistance abusive de l'assureur justifie que soit allouée à l'assurée, en application du droit commun de la responsabilité contractuelle, une indemnité de relogement complémentaire pour la période de 9 mois et 22 jours s'étendant du 1er février 2010 au 22 novembre 2010, date du paiement de la somme de 61'110 euros en exécution de la condamnation prononcée en référé.

Selon le document émanant de la FNAIM, qui est versé au dossier par Z…, les loyers d'habitation habituellement pratiqués en 2011 dans la même zone géographique s'élevaient en moyenne entre 9 et 10 euros par mètre carré.

Sur la base de cette valeur unitaire, qui n'est pas techniquement contestée, le préjudice de jouissance subi par l'assurée doit être indemnisé à concurrence de la somme mensuelle réclamée de 850 euros.

Par voie de réformation du jugement sur ce point il sera par conséquent alloué à Z… la somme réclamée de 8 273 euros pour la période indemnisable du 1er février 2010 au 22 novembre 2010 [ (850 X 9) +(28.30 X 22)].

Il résulte en outre des nombreuses attestations régulières en la forme qui sont produites aux débats que le retard d'indemnisation, qui n'a pas permis à Z… d'entreprendre rapidement les travaux de réparation nécessaires, ni par voie de conséquence de regagner son domicile dans un délai raisonnable après le sinistre, a eu un retentissement important sur sa santé psychique.

Il est ainsi justifié d'un préjudice moral en relation avec la carence de l'assureur, ce qui justifie l'allocation à ce titre d'une indemnité de 3000 euros, qui tient compte de la circonstance que la dépression subie par l'assurée est en partie due au décès de son époux survenu le 1er février 2009, quelques mois seulement après l'incendie.

L'abus de droit

Le tribunal a justement considéré que pour les besoins de l'instruction de son recours éventuel à l'encontre de l'assureur de l'entreprise la Maif n'avait pas abusé de son droit de solliciter une expertise judiciaire, en l'état du litige opposant les deux assureurs sur l'existence ou non d'une réception des travaux.

Z… n'établit pas au surplus que l'expert judiciaire, qui avait organisé une réunion contradictoire sur les lieux du sinistre dès le 26 janvier 2010, se serait opposé à la réalisation des travaux de réparation après le paiement de l'indemnité.

Le jugement sera par conséquent confirmé en ce qu'il a rejeté la demande en réparation d'un préjudice de jouissance complémentaire pour la période du 23 novembre 2010 au 28 février 2012 et en ce qu'il a refusé toute indemnisation au titre d'un préjudice moral supplémentaire.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

L'équité commande de faire à nouveau application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de Z… et de la compagnie Generali.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement par défaut, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a :

débouté la société d'assurance mutuelle Maif de l'ensemble de ses demandes formées à l'encontre de la compagnie Generali, rejeté toute demande d'indemnisation formée par Z… à l'encontre de la compagnie Generali en réparation de ses préjudices de jouissance et moral, débouté Z… de sa demande en paiement d'un complément d'indemnité au titre des frais de démolition de l'ouvrage sinistré, dit et jugé que la compagnie Maif avait résisté abusivement à la demande d'indemnité formée par Z…, condamné la Maif à payer à Z… la somme de 264,81 euros au titre des intérêts moratoires, débouté Z… de sa demande en réparation de son préjudice moral et de jouissance fondée sur l'abus de droit qui aurait été commis par son assureur, condamné la Maif à payer à chacun des défendeurs une indemnité de procédure de 1500 euros ,

Réforme le jugement déféré pour le surplus et statuant à nouveau en y ajoutant:

condamne la société d'assurance mutuelle Maif à payer à Z… la somme de 8273 euros en réparation de son préjudice de jouissance, condamne la société d'assurance mutuelle Maif à payer à Z… la somme de 3000 euros en réparation de son préjudice moral ,

condamne la société d'assurance mutuelle Maif à payer à Z… une nouvelle indemnité de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société d'assurance mutuelle Maif à payer à la compagnie d'assurances Generali une nouvelle indemnité de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société d'assurance mutuelle Maif aux entiers dépens de première instance et d'appel, y compris les frais d'expertise judiciaire, dont distraction pour ceux d'appel au profit des avocats de la cause qui en ont fait la demande.