CA Lyon, 3e ch. A, 26 septembre 2024, n° 21/02968
LYON
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Willis Towers Watson (SASU)
Défendeur :
Shgi Société Holding de Gestion Industrielle (SARL), Assistance Mécanique Service (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Gonzalez
Conseillers :
Mme Jullien, Mme Le Gall
Avocats :
Me Rose, Me Jakubowicz, Me Del Vecchio, Me Ligier, Me Monfort, Me Broard, Me Aguiraud, Me Asta-Vola
EXPOSÉ DU LITIGE
Les sociétés Gras Savoye concept GSC et Gras Savoye NSA exercent une activité de courtage d'assurances dans le domaine des risques automobiles, et en particulier dans le domaine des pannes automobiles de véhicules d'occasion. Elles étaient dirigées par M. [S] en qualité de président directeur général, et leurs prestations étaient facturées par la société Holding de gestion industrielle (la SHGI) dont il détient le capital avec des membres de sa famille.
Par un protocole d'accord du 11 mai 2001, la société Gras Savoye NSA et la SHGI ont convenu d'une clause de non concurrence à la charge de cette dernière, pour une durée de cinq années après la fin des prestations de la SHGI au bénéfice du groupe Gras Savoye.
Le 7 juillet 2010, Mme [T] [C], salariée de la SHGI qui assurait la gestion administrative et comptable des sociétés GSC et NSA, a créé la société Assistance mécanique service (la société AMS), filiale à 75 % de la société NSA Espagne.
Le 19 octobre 2010, la SHGI et M. [S] ont cédé la participation minoritaire qu'ils détenaient dans la société GSC à la société Gras Savoye, cette dernière ayant alors mis un terme aux contrats de prestations de services conclus entre les sociétés SHGI, GSC et NSA. Dans ce protocole de cession d'action, les cédants ont souscrit un engagement de non concurrence pour une durée de cinq années, et se sont engagés à ne pas solliciter des salariés de la société NSA en vue de la conclusion d'un contrat de travail.
Considérant que les clauses du protocole de cession n'avaient pas été respectées, les sociétés NSA et GSC ont sollicité, par requête du 29 juin 2011, une ordonnance du président du tribunal de commerce de Lyon afin qu'il autorise à mandater un expert informatique aux fins d'effectuer des vérifications au sein de la société AMS. Cette ordonnance a été rendue le 4 juillet 2011 et les opérations ont été diligentées sous le contrôle d'un huissier de justice le 19 juillet 2011.
Le 30 novembre 2011, les sociétés GSC et NSA ont assigné la société AMS, M. [S] et la société SHGI devant le tribunal de commerce de Lyon.
Par jugement contradictoire du 12 mars 2021, le tribunal de commerce de Lyon a :
- pris acte du désistement d'action des sociétés Gras Savoye nationale de services automobiles et Gras Savoye concept à l'encontre de M. [G] [E] [I],
- déclaré recevable la demande d'annulation du constat d'huissier du 19 juillet 2011,
- annulé le procès-verbal de constat dressé le 19 juillet 2011 par Me [W] [Y], huissier de justice à [Localité 10], en exécution d'une ordonnance du président du tribunal de Lyon du 4 juillet 2011, ainsi que toutes les annexes faisant partie dudit procès-verbal,
- rejeté la demande d'annulation du procès-verbal de constat dressé le 20 juillet 2015 par Me [Y], huissier de justice à [Localité 10],
- déclaré recevable mais non fondée la demande de la société Gras Savoye NSA sur le fondement de la violation de l'engagement de non-concurrence,
- débouté la société Gras Savoye NSA de l'ensemble de ses autres demandes,
- rejeté l'ensemble des demandes reconventionnelles de la société AMS,
- rejeté l'ensemble des demandes reconventionnelles de M. [S] et de la société SHGI,
- condamné la société Gras Savoye NSA à payer au titre de l'article 700 du code de procédure civile :
' à la société Assistance mécanique service la somme de 15.000 euros,
' à M. [S] la somme de 7.000 euros,
' à la société SHGI la somme de 7.000 euros,
- condamné la société Gras Savoye NSA aux entiers dépens,
- ordonné l'exécution provisoire de la décision.
La société Gras Savoye NSA a interjeté appel par déclaration du 23 avril 2021.
La société Willis Towers Watson France est intervenue volontairement à l'instance par conclusions du 29 mai 2024, venant aux droits de la société Willis Towers Watson NSA, anciennement dénommée Gras Savoye NSA, par fusion-absorption.
***
Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 29 mai 2024, la société Willis Towers Watson France demande à la cour, au visa de l'ancien article 1382 du code civil, des articles 31, 74, 112, 114, 122, 175, 176, 233, 325, 329, 554 et 566 du code de procédure civile et des articles L.512-1 et suivants du code des assurances, de :
- la recevoir en son intervention volontaire et l'y dire bien fondée,
- déclarer bien fondé l'appel interjeté par la société Willis Towers Watson NSA, aux droits de laquelle elle vient, et, y faisant droit,
- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
' déclaré recevable la demande d'annulation du constat d'huissier du 19 juillet 2011,
' annulé le procès-verbal de constat dressé le 19 juillet 2011 par Me. [Y], huissier de justice à [Localité 10], en exécution d'une ordonnance du président du tribunal de commerce de Lyon du 4 juillet 2011, ainsi que toutes les annexes faisant partie dudit procès-verbal,
' déclaré non fondée la demande de la société Gras Savoye sur le fondement de la violation de l'engagement de non-concurrence,
' débouté la société Gras Savoye NSA de l'ensemble de ses autres demandes,
' condamné la société Gras Savoye NSA à payer, au titre de l'article 700 du code de procédure civile :
o à la société AMS la somme de 15.000 euros,
o à M. [S] la somme de 7.000 euros,
o à la société SHGI la somme de 7.000 euros,
' condamné la société Gras Savoye NSA aux entiers dépens.
- le confirmer pour le surplus et, statuant à nouveau,
- déclarer irrecevable la demande de la société AMS, de la société SHGI et M. [S] aux fins d'annulation du procès-verbal de constat établi par huissier de justice le 19 juillet 2011 ainsi que ses annexes et, à défaut, la dire et juger infondée ; en tout état de cause, les en débouter,
- déclarer bien fondées les demandes formulées par la société Willis Towers Watson France, venant aux droits de la société Willis Towers Watson NSA,
- condamner, solidairement, la société AMS, la société SHGI et M. [S] à payer à la société Willis Towers Watson France, venant aux droits de la société Willis Towers Watson NSA, à titre de dommages-intérêts, les sommes de :
' 3.317.000 euros, en réparation de sa perte de marge sur coûts variables,
' 1.680.000 euros, en réparation de la dépréciation de son fonds de commerce,
' 100.000 euros, en réparation de l'utilisation indue de l'expérience de Mme [T] [C] au moyen d'une attestation mensongère,
'100.000 euros, en réparation de l'atteinte portée à son l'image et du trouble commercial sur le marché,
- assortir chacune de ces sommes des intérêts au taux légal à compter du 30 novembre 2011, date de l'exploit introductif d'instance.
' titre subsidiaire et avant dire droit sur le seul chiffrage des préjudices,
- désigner tel expert qu'il plaira à la cour, avec pour mission de chiffrer les préjudices, directs et indirects, subis par la société Willis Towers Watson France, venant aux droits de la société Willis Towers Watson NSA, du fait des agissements de la société AMS, de la société SHGI et de M. [S],
- condamner, solidairement, la société AMS, la société SHGI et M. [S] à payer à la société Willis Towers Watson France, venant aux droits de la société Willis Towers Watson NSA, une provision de 300.000 euros, à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices.
En tout état de cause,
- condamner solidairement la société AMS, la société SHGI et M. [S] à procéder à la publication du dispositif de l'arrêt à intervenir à leurs frais, dans les revues l'Argus de l'assurance et La tribune de l'assurance, en caractères gras de couleur noire sur fond blanc, au minimum d'une taille équivalente à la police 12 « times new roman », sous le titre « publication judiciaire », au plus tard dans un délai de huit jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 2.000 euros par jour de retard,
- débouter la société AMS, la société SHGI et M. [S] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ainsi que de leur appel incident,
- condamner solidairement la société AMS, la société SHGI et M. [S] à payer à la société Willis Towers Watson France, venant aux droits de la société Willis Towers Watson NSA, la somme de 60.000 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
***
Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 3 août 2022, la société Assistance mecanique service (AMS) demande à la cour, de :
- confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Lyon du 12 mars 2021 en ce qu'il a :
' déclaré recevable la demande de nullité du procès-verbal de constat du 19 juillet 2011 et de l'ensemble de ses rapports et annexes,
' prononcé la nullité du procès-verbal de constat du 19 juillet 2011 et de l'ensemble de ses rapports et annexes,
' débouté la société Gras Savoye NSA, de l'intégralité de ses demandes,
' condamné la société Gras Savoye NSA, au paiement d'une indemnité de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile aux entiers dépens,
- infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes de la société AMS :
' de condamnation de la société Gras Savoye NSA, au paiement d'une somme de 100.000 euros en réparation du préjudice subi au titre des agissements de concurrence déloyale,
' de faire interdiction à la société Gras Savoye NSA, de faire un usage quelconque de la documentation obtenue en exécution de l'ordonnance rendue par monsieur le président du tribunal de commerce de Lyon le 29 juin 2011 et notamment de démarcher directement ou indirectement la clientèle d'AMS qui aura pu, en exécution de cette ordonnance, être identifiée, ce, sous astreinte de 10.000 euros par infraction constatée,
' de condamnation de la société Gras Savoye NSA, au versement d'une somme de 50.000 euros pour procédure abusive.
In limine litis,
- A titre principal,
- déclarer recevable et bien-fondé la demande de nullité du procès-verbal de constat du 19 juillet 2011,
En conséquence :
- prononcer la nullité du procès-verbal de constat du 19 juillet 2011, les rapports qui lui sont joints et plus généralement l'ensemble de ses annexes,
- déclarer nuls et de nul effet le procès-verbal de constat du 19 juillet 2011, les rapports qui lui sont joints et plus généralement l'ensemble de ses annexes,
- Subsidiairement,
- dire et juger que les procès-verbaux de constat des 19 juillet 2011 et 20 juillet 2015, les rapports qui leur sont joints et plus généralement l'ensemble de leurs annexes ne revêtent aucune force probante,
En conséquence,
- les écarter des débats.
Sur le fond,
- constater que Mme [C] a correctement effectué le stage prévu par l'article R-512-10 du code des assurances,
- prendre acte que la société Willis Towers Watson NSA a abandonné sa demande d'interdiction d'exercice,
- dire et juger que la société Willis Towers Watson NSA ne démontre aucune faute de concurrence déloyale qui serait imputable à la société AMS,
En conséquence,
- dire mal fondé l'appel initié par la société Willis Towers Watson NSA,
- déclarer irrecevable la demande nouvelle en cause d'appel tendant à assortir d'une astreinte la demande de condamnation à la publication de la décision à intervenir dans deux journaux,
- rejeter l'ensemble des demandes, fins, conclusions de la société Willis Towers Watson NSA.
Reconventionnellement,
- déclarer la société AMS recevable et bien fondée en son appel incident,
- statuer que, sur la base d'informations mensongères, d'une présentation inexacte des faits, et du dépassement du périmètre de l'ordonnance, la société Willis Towers Watson NSA, a obtenu illégitimement l'intégralité de la documentation commerciale, financière et technique de la société AMS qui relève du secret des affaires,
- statuer que l'obtention illégitime de cette autorisation équivaut à un détournement,
En conséquence,
- dire et juger que la société Willis Towers Watson NSA s'est rendue coupable d'actes de concurrence déloyale,
- condamner la société Willis Towers Watson NSA à verser à la société AMS à titre de réparation du préjudice subi la somme de 100.000 euros,
- faire interdiction à la société Willis Towers Watson NSA de faire un usage quelconque de la documentation obtenue en exécution de l'ordonnance rendue par monsieur le président du tribunal de commerce de Lyon le 29 juin 2011 et notamment de démarcher directement ou indirectement la clientèle d'AMS qui aura pu, en exécution de cette ordonnance, être identifiée, et ce, sous astreinte de 10.000 euros par infraction constatée,
- se réserver le droit de liquider l'astreinte.
En tout état de cause
- condamner la société Willis Towers Watson à payer à la société AMS une somme de 50.000 euros pour procédure abusive,
- condamner la société Willis Towers Watson NSA au paiement d'une somme de 15.000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et aux entiers dépens de première instance,
Y ajoutant
- condamner la société Willis Towers Watson NSA à payer à la société AMS une somme supplémentaire de 60.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamner en outre aux entiers dépens d'appel, en ce compris les frais et émoluments liés à l'exécution du jugement de première instance, avec droit de recouvrement.
***
Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 6 mai 2022, la société SHGI et M. [S] demandent à la cour, au visa des articles 31, 32 et 146 du code de procédure civile et des anciens articles 1134, 1147, 1315 et 1382 du code civil, de :
- déclarer recevables et bien fondés leurs appels, demandes, moyens, conclusions et fins,
- rejeter les appels, demandes, moyens, conclusions et fins de la société Willis Towers Watson NSA,
- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il rejeté les demandes présentées par la société Willis Towers Watson NSA contre M. [S] et la société SHGI,
- réformer le jugement dont appel en ce qu'il a déclaré les demandes de la société Willis Towers Watson NSA formulées contre M. [S] et la société SHGI recevables et a rejeté les demandes indemnitaires formulées par M. [S] et la société SHGI, au titre de l'abus d'ester en justice de la société Willis Towers Watson NSA,
En particulier,
Sur l'appel incident,
- réformer le jugement du 12 mars 2021 en ce qu'il a déclaré recevables la demande de la société Willis Towers Watson NSA sur le fondement de la violation de l'engagement de non-concurrence de M. [S] et de la société SHGI et rejeté les demandes reconventionnelles de M. [S] et de la société SHGI,
Et par conséquent,
- déclarer les demandes de la société Willis Towers Watson NSA irrecevables à l'encontre de M. [S] et de la société SHGI pour défaut de qualité pour agir,
- constater que l'action judiciaire de la société Willis Towers Watson NSA caractérise un abus d'ester en justice,
- condamner la société Willis Towers Watson NSA à payer à M. [S] la somme de 60.000 euros et à la société SHGI la somme de 60.000 euros au titre des dommages-intérêts pour procédure abusive,
Sur l'appel principal,
- confirmer la nullité du procès-verbal de constat dressé le 19 juillet 2011 ainsi que toutes les annexes faisant partie dudit procès-verbal ou en tout état de cause écarté ce constat qui n'a pas été exécuté de manière loyale et contradictoire,
- confirmer que la société Willis Towers Watson NSA ne démontre aucun manquement contractuel ni aucune faute de concurrence déloyale qui serait imputable à M. [S] ou à la société SHGI,
- constater que la société Willis Towers Watson ne rapporte pas d'avantage l'existence d'un préjudice causé directement par une faute ou un manquement imputable à M. [S] ou à la société SHGI,
En tout état de cause,
- condamner la société Willis Towers Watson NSA aux entiers dépens ainsi qu'à verser 40.000 euros à la société SHGI et 40.000 euros à M. [S] au titre des frais irrépétibles.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 13 septembre 2022, les débats étant fixés au 26 juin 2024.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l'annulation du procès-verbal de constat du 19 juillet 2011
La société Willis Towers Watson France fait valoir que :
- la demande d'annulation du procès-verbal de constat aurait dû être sollicitée in limine litis, de sorte qu'elle est irrecevable dès lors que la société AMS a délivré une assignation le 11 août 2011 sans faire valoir la nullité du procès-verbal ; de plus, cette demande est également irrecevable en ce qu'elle se heurte à l'autorité de la chose jugée de l'arrêt du 13 février 2018 de la cour d'appel de Lyon ;
- la copie intégrale du serveur par l'huissier de justice était nécessaire vue la quantité de documents correspondants aux critères de recherche de l'ordonnance ; le cadre fixé par cette dernière a bien été respecté ; cette pratique est admise par la jurisprudence,
- le rapport de l'expert judiciaire détaille le processus d'extraction des données et les directives constantes de l'huissier de justice ; l'intervention de l'expert est conforme aux termes de l'ordonnance, et l'huissier de justice ne s'est pas dessaisi de sa mission,
- les constatations ont été réalisées en application de l'article 493 du code de procédure civile, de sorte que le reproche de la société AMS à l'huissier d'une absence de respect du contradictoire est sans portée,
- le disque dur comportant l'intégralité des données du serveur ne lui a jamais été remis ; il a été conservé scellé par l'huissier de façon régulière puis remis à la société AMS qui l'a détruit,
- il ressort du procès-verbal litigieux que l'huissier de justice a bien exposé à la directrice générale de la société AMS 'l'objet de [sa] mission', a ensuite constaté que cette-dernière 'ne s'opposant pas à [son] intervention', avant, enfin, de 'procéder aux constatations', de sorte que le procédé était conforme à l'article 495 du code de procédure civile,
- il était suffisant que la signification de l'ordonnance ait eu lieu avant la réalisation des mesures de constat,
- la procédure relative à la demande de rétractation formulée par la société AMS ayant pris définitivement fin à ce jour, cette société n'est plus recevable à réitérer ces griefs dans le cadre de la présente instance,
- la formalité substantielle ou d'ordre public qui aurait été méconnue n'est pas démontrée de sorte que l'annulation du procès-verbal ne peut être prononcée,
- en l'absence de caractérisation du grief subi par la société AMS, l'annulation du procès-verbal ne peut être prononcée.
La société AMS fait valoir que :
- la demande de nullité du procès-verbal de constat a bien été formée in limine litis lors de l'audience, de sorte qu'elle est recevable ; elle ne pouvait pas critiquer la validité ou la nullité du procès-verbal de constat avant d'en recevoir communication,
- la demande de nullité du procès-verbal de constat ne se heurte à aucune autorité de la chose jugée, la cour n'est pas saisie en qualité de juge de la rétractation de l'ordonnance du 4 juillet 2011,
- il n'est pas démontré que l'huissier a procédé en présence de Mme [C] à la lecture de l'ordonnance sur requête, ni laissé à celle-ci le temps nécessaire à la prise de connaissance des éléments signifiés ; la mission a débuté immédiatement ; le principe du contradictoire n'a donc pas été respecté, de sorte que le procès-verbal de constat et ses annexes sont nulles, sans qu'il soit nécessaire de justifier d'un grief ; le fait que l'huissier ait agit différemment le 20 juillet 2015 démontre qu'il avait connaissance de cette irrégularité en 2011,
- les mesures d'instruction de l'huissier et du technicien informatique ont outrepassé le périmètre de l'ordonnance, notamment par une copie intégrale du serveur de la concluante, de sorte que le procès-verbal est nul ; ces irrégularités sont notamment attestées par le rapport d'expertise de M. [V],
- l'appelante a pu en toute illégalité se faire remettre copie de l'intégralité des documents notamment comptables et commerciaux de la concluante ; aucune garantie n'a été prise par l'ordonnance afin de préserver la vie privée ou le secret des affaires,
- l'autorisation de Mme [C] à la copie des fichiers n'est pas démontrée,
- l'appelante a également outrepassé les termes de l'ordonnance en faisant appel à la force publique alors qu'aucun besoin ne le justifiait,
- les mesures d'instruction ont été partiellement réalisées hors la présence de l'huissier par une délégation à l'expert informatique, alors qu'il ne devait que l'assister ; l'huissier s'est contenté d'annexer les recherches faites par ce dernier à son procès verbal, de sorte que le procès-verbal est nul,
- les mesures d'instruction ont été réalisées pour partie de façon non contradictoire, hors la présence de la concluante pour les travaux du technicien informatique ; elle n'a pas pu formuler ses observations lors des constations ; par conséquent, le procès-verbal est nul,
- elle a depuis détruit la seule copie qui avait été réalisée,
- à titre subsidiaire, le procès-verbal révèle des critères de recherches généraux non prévus par l'ordonnance et non justifiés dans le texte du constat ; ses termes sont contradictoires, imprécis et comportent des erreurs ; le procès-verbal doit être écarté pour défaut de force probante.
La société SHGI et M. [S] font valoir que :
- l'ordonnance du 4 juillet 2011 a été signifiée à la société AMS mais pas aux concluants,
- dans le cadre de l'exécution de l'ordonnance du 4 juillet 2011, la contradiction et la loyauté n'ont pas été assurées ; ainsi, aucun séquestre n'a été ordonné,
- l'huissier et l'expert l'accompagnant ne se sont pas limités aux termes de l'ordonnance en copiant massivement des documents et données de la société AMS,
- l'analyse des données a été effectuées sans la présence et hors du contrôle de l'huissier, alors que l'expert informatique ne devait qu'assister l'huissier,
- si l'ordonnance avait été correctement exécutée, les noms des fichiers apparaissant dans la recherche auraient été expliqués à l'huissier, notamment concernant les relations avec la société NSA Espagne,
- l'huissier n'a pas restitué les supports alors qu'une décision de justice le lui ordonnait,
- en l'absence de loyauté, le procès-verbal est nul ou doit être a minima écarté des débats.
Sur ce,
- Sur la recevabilité
L'article 112 du code de procédure civile, qui prescrit de soulever la nullité d'un acte de procédure avant toute défense au fond, est sans application lorsque l'exception de nullité et la défense au fond ont été soulevées au cours de procédures différentes.
En l'espèce, si la société AMS a assigné les sociétés GSC et NSA le 11 août 2011 en concurrence déloyale et indemnisation sans solliciter la nullité du procès-verbal du 19 juillet 2011, il s'avère qu'elle a ensuite été assignée, le 30 novembre 2011, par les sociétés GSC et NSA, aux fins d'interdiction sous astreinte d'exercer toute activité, et que ces deux procédures ont été jointes.
Il ne saurait donc être soutenu, comme le fait la société Willis Towers Watson France, que la société 'AMS a fait valoir des défenses au fond sans soulever la nullité, aux termes de son exploit du 11 août 2011'. En effet, l'assignation du 11 août 2011 délivrée par la société AMS ne peut aucunement constituer une défense au fond à une assignation qui lui a été délivrée postérieurement par les sociétés GSC et NSA. Ce premier moyen ne saurait donc prospérer.
La demande de nullité du procès-verbal du 19 juillet 2011 est également recevable en ce qu'elle n'est pas atteinte par l'autorité de la chose jugée. En effet, il convient de rappeler que le contentieux de l'exécution de la mesure d'instruction ordonnée sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, qui n'affecte pas la décision ayant ordonné cette mesure, ne relève pas des pouvoirs du juge de la rétractation. Or, par son arrêt du 13 février 2018, la cour d'appel de Lyon n'a rejeté la demande de nullité du procès-verbal du 19 juillet 2011 qu'en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à rétracter l'ordonnance du 4 juillet 2011, laquelle fondait la mesure contestée. En d'autres termes, l'arrêt du 13 février 2018 n'a pas tranché la question de la validité du procès-verbal, dès lors que la cour d'appel n'était pas saisie du contentieux de l'exécution de la mesure mais seulement du contentieux de la rétractation de l'ordonnance ayant fondé ce procès-verbal.
En conséquence, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il déclare recevable la demande d'annulation du constat d'huissier du 19 juillet 2011.
- Sur le bien fondé
L'article 495, alinéa 3, du code de procédure civile énonce que 'copie de la requête et de l'ordonnance est laissée à la personne à laquelle elle est opposée.'
Cette exigence, qui est fondée sur le respect du principe de la contradiction, implique que cette remise ait lieu antérieurement à l'exécution des mesures d'instruction qu'elle ordonne, sauf si le juge des requêtes en a disposé autrement.
En l'espèce, l'huissier de justice a mentionné dans le procès-verbal litigieux :
'Après avoir sonné, j'ai rencontré une personne à qui j'ai décliné mes nom, prénom, qualité, ainsi que l'objet de ma mission.
Cette personne, qui ne m'a pas décliné son identité, m'a dirigé dans un bureau sur la droite du local où j'ai rencontré Madame [T] [C], directrice générale, ainsi déclarée,
Je lui ai décliné mes nom, prénom, qualité, ainsi que l'objet de ma mission.
Madame [C] ne s'opposant pas à mon intervention, je lui ai signifié l'ordonnance sur requête en sa qualité de directrice générale de la société AMS.
J'ai ensuite procédé aux constatations suivantes, étant précisé que j'ai libéré Monsieur le Commissaire de Police [Z], sa présence n'étant plus nécessaire.'
Le procès-verbal précise donc que l'ordonnance, dont il est observé que celle-ci représente à peine une page et demi, a bien été signifiée préalablement aux opérations de constat, de sorte que, conformément à l'article 495 précité, le principe de la contradiction a été respecté.
En revanche, il peut être souligné que la mention, dans le procès-verbal, de la signification de 'l'ordonnance sur requête' ne permet pas de vérifier si la requête elle-même a également été laissée en copie à Mme [C], alors que l'article 495 précité exige la remise des deux documents et qu'en l'espèce, l'ordonnance et la requête constituent bien deux documents distincts.
De plus, selon l'article 175 du code de procédure civile, la nullité des décisions et actes d'exécution relatifs aux mesures d'instruction est soumise aux dispositions qui régissent la nullité des actes de procédure. Et selon l'article 114, alinéa 2, du même code, la nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public. Enfin, l'article 233, alinéa 1er, du même code prévoit que le technicien, investi de ses pouvoirs par le juge en raison de sa qualification, doit remplir personnellement la mission qui lui est confiée.
Aux termes de l'ordonnance du 4 juillet 2011, l'huissier de justice désigné avait pour mission, notamment, de 'procéder à toutes investigations, recherches, compulsions, copie de documents et de fichiers informatiques et notamment du fichier clients et prospects de la société AMS et recenser ceux qui figurent également sur les fichiers clients des sociétés NSA et GSC permettant d'établir l'ampleur des éventuels détournements, tout en conservant la confidentialité des clients ou prospects qui ne seraient pas communs' (souligné dans l'ordonnance). Il était autorisé 'à se faire assister par tout expert en informatique de son choix et, en cas de besoin, à faire appel à la force publique'.
Or, dans le procès-verbal du 19 juillet 2011, l'huissier de justice, assisté d'un expert informatique M. [B], indique que ce dernier procède à la copie de l'intégralité du serveur AMSF1 sur un disque dur externe, ce serveur contenant notamment tous les fichiers correspondant aux recherches des suffixes '.fic', '.mmo' et '.ndx'. L'huissier indique encore : 'Monsieur [B] m'expose qu'il a copié l'intégralité du serveur « F » sur la racine du disque dur externe'.
L'huissier ajoute avoir annexé au procès-verbal 'le rapport de M. [B] dénommé : Exploitation des données copiées'. Et il résulte de ce rapport, que les opérations d'analyse et d'exploitation des données copiées ont été réalisées par l'expert informatique seul, en son bureau, sans la présence de l'huissier instrumentaire. M. [B] indique également, en première page de son rapport, que 'seuls les fichiers, informations et documents en rapport avec l'ordonnance sont communiquées au demandeur. Leur liste exhaustive est donnée en fin du présent document.'
Ainsi, il ne ressort pas du procès-verbal de constat que l'huissier a vérifié que les informations mentionnées par l'expert informatique dans son rapport annexé relevaient strictement des investigations autorisées par l'ordonnance, alors même qu'elles ont été transmises aux requérantes. Le fait que M. [B] indique, dans un e-mail du 29 mai 2012, que 'toutes les opérations ont été conduites sous les directives de Me [Y]' n'est pas suffisant pour établir que l'huissier a correctement rempli sa mission et qu'il se serait assuré du respect de la confidentialité des clients non communs, comme l'exigeait l'ordonnance.
Dès lors, l'huissier de justice a outrepassé les limites de sa mission en ce qu'il a fait procéder à la copie de l'intégralité du serveur AMSF1 et du serveur F préalablement à toute recherche par mots-clés ou analyse des données, et n'a pas personnellement rempli sa mission en ne vérifiant pas les opérations effectuées par l'expert informatique qui devait se borner à l'assister.
Ces manquements font grief à la société AMS dès lors qu'ils contreviennent à l'exigence de confidentialité imposée par l'ordonnance du 4 juillet 2019, ainsi qu'au principe de la contradiction.
En conséquence, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres manquements invoqués, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il annule le procès-verbal de constat dressé le 19 juillet 2011 par maître [Y], huissier de justice, en exécution de l'ordonnance du 4 juillet 2011, ainsi que toutes ses annexes faisant partie de ce procès-verbal.
Sur la violation de la clause de non-concurrence par M. [S] et la société SHGI
La société Willis Towers Watson France fait valoir que :
- un tiers peut se prévaloir d'une clause de non-concurrence sur le fondement de la responsabilité délictuelle, dès lors qu'il démontre que cette violation lui a causé un préjudice ; les clauses de non-concurrence des protocoles visaient à protéger la société NSA et la société GSC ; sa demande est donc recevable,
- par les protocoles du 11 mai 2001 et 19 octobre 2010, M. [S] la société SHGI se sont engagés à ne faire aucune concurrence à la société NSA et à la société GSC, jusqu'au 19 octobre 2010 et après cette date,
- Mme [C] a été concomitamment, entre juillet et octobre 2010, responsable administratif et financier de la société SHGI et directeur général et actionnaire-fondateur de la société AMS, directement concurrente de la société NSA et de la société GSC ; M. [S] ne pouvait ignorer cette situation,
- M. [S] a encouragé et rendu possible cette concurrence par une attestation mensongère ; la société SHGI et lui ont donc violé leurs engagements de non concurrence,
- le concours de M. [S] dans la constitution de la société AMS résulte également du procès-verbal de constat du 19 juillet 2011 et le rapport d'expertise, qui révèlent de nombreux fichiers dont il est l'auteur,
- les liens personnels et professionnels entre les personnes impliquées démontrent le concours apporté par M. [S] et sa holding la société SHGI dans la constitution de la société AMS,
- le fait que la société AMS soit dirigée par la société NSA Espagne n'exonère pas M. [S] de ses manquements ; aucune usurpation de son identité n'est démontrée.
La société AMS fait valoir que :
- M. [S] n'a jamais participé à la vie de la société,
- la société NSA Espagne détient 75% de ses titres et réalisait à l'époque du constat la sauvegarde de ses données sur le serveur de la société AMS,
- le modèle de fichier qui rattache M. [S] à la concluante appartenait en fait de façon régulière à la société NSA Espagne ; M. [S] l'avait créé en 2001 ; il n'est pas question d'une usurpation d'identité de M. [S] par le gérant de la société NSA Espagne,
- il n'est pas démontré qu'elle utiliserait le logiciel de gestion de la société Gras Savoye NSA ; en tout état de cause, quand bien même elle l'utiliserait, ce logiciel de gestion a été cédé à la société NSA Espagne,
- elle n'a pas capté le fichier clientèle de l'appelante ; la clientèle commune ne correspond qu'à une part dérisoire de la clientèle de l'appelante, dont une portion avait déjà été préalablement perdue par cette dernière ; de surcroît, l'établissement progressif et sous une nomenclature différente du fichier client de la concluante démontre l'absence de captation du fichier client de l'appelante,
- elle a été régulièrement inscrite à l'ORIAS notamment car Mme [C] remplissait les critères pour l'agrément ; l'appelante a longtemps contesté cette régularité avant d'abandonner ce moyen,
- seule l'ORIAS a compétence pour procéder au retrait de l'agrément administratif, et non la cour ou le tribunal de commerce ; en l'absence de retrait de l'agrément, il n'y a pas de concurrence déloyale,
- son président jusqu'en 2018 et sa société mère justifient, outre Mme [C], d'une longue expérience dans le secteur de l'assurance,
- l'appelante ne démontre pas de tierce complicité de sa part, en l'absence de démonstration d'une faute ; l'attestation de M. [S] pour Mme [C] n'est pas fausse ; les liens immobiliers de Mme [C] et de M. [S] sont indifférents.
La société SHGI et M. [S] font valoir que :
- ni la société NSA, ni la société GSC ne sont intervenues aux protocoles de 2001 et 2010 ; les protocoles n'englobent pas l'appelante implicitement ; cette dernière n'a donc pas qualité à agir ; ce motif d'irrecevabilité a été soulevé dès 2012 et ce n'est que huit ans plus tard que l'appelante y répond,
- l'appelante n'a pas subi de dommage d'un manquement à une clause de non concurrence de ces protocoles, de sorte que sa demande est irrecevable,
- l'emploi de Mme [C] par la SHGI correspondait à l'exception contractuelle prévue par la clause de non-concurrence du protocole de 2001,
- lors de la découverte de la création de la société AMS, ce sont les sociétés NSA et GSC qui ont demandé au concluant de ne pas licencier Mme [C],
- la clause de non-concurrence de 2010 a été parfaitement respectée,
- l'appelante ne démontre pas que les fichiers et programmes informatiques que le concluant a dû lui transmettre dans le cadre de la cession ont été transmis et utilisés par la société AMS,
- au surplus, l'appelante ne justifie pas détenir les droits d'auteurs sur les fichiers informatiques qui avaient été créés spécialement pour la société NSA Espagne avant la cession de ses actions,
- le constat ne démontre aucune implication postérieure à la cession du concluant ; seule l'identité du créateur du fichier est révélée ; or, il a bien été le créateur initial du fichier lorsqu'il était dirigeant des sociétés NSA, GSC et NSA Espagne ; l'identité de l'auteur des modifications du fichier n'a pas été recherchée,
- les fichiers concernés par le constat ne portent que sur ceux créés pour la société NSA Espagne en 2001, et ne concernent que l'Espagne ; les difficultés que l'appelante tente d'imputer à M. [S] ne sont que la conséquence de la cession en 2009 de la société NSA Espagne par l'appelante,
- M. [S] a demandé dès 2009 à la société NSA Espagne de ne plus le faire figurer sur le moindre document, ce que l'appelante ne pouvait ignorer puisqu'elle en a été destinataire ; il n'a aucune implication, directe ou non, avec la société NSA Espagne ou avec la société AMS ; l'attestation fournie à Mme [C] n'était pas de complaisance,
- la clause de non-concurrence de M. [S] était assortie d'une garantie d'actif et de passif de 300.000 euros pendant cinq ans ; or, la société Gras Savoye NSA ne l'a pas mise en oeuvre, démontrant l'absence de manquement contractuel et la connaissance par celle-ci de l'absence de manquement,
- l'appelante a reconnu, dans ses conclusions n°5 devant le tribunal de commerce de Lyon, ne pas disposer de preuves sérieuses de ses propos à l'encontre des concluants, ce qui constitue un aveu judiciaire.
Sur ce,
- Sur la recevabilité
Selon l'article 31 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé. Et son l'article 32 du même code, est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir.
En l'espèce, la société Willis Towers Watson France forme des demandes de dommages-intérêts sur le fondement de la responsabilité délictuelle de M. [S] et la société SHGI.
Le fait qu'elle ne soit pas partie aux protocoles conclus en 2001 et 2010 ne la prive ni de qualité, ni d'intérêt à agir mais relève du bien fondé de la demande, de même que l'absence d'un dommage, alléguée par M. [S] et SHGI.
En conséquence, l'action de la société Willis Towers Watson France, venant aux droits de la société NSA, est recevable et le jugement sera confirmé de ce chef.
- Sur le bien fondé
Selon l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable au litige, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer.
En application de ce texte, il est jugé que le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage.
En l'espèce, le protocole d'accord du 11 mai 2001 conclu entre la SHGI et M. [S] en qualité de cédants, et la société Gras Savoye en qualité de cessionnaire, portait sur la cession d'actions de la société NSA représentant environ 20 % de son capital, et prévoyait en son article 2.7 une clause de non-concurrence rédigée comme suit :
'A compter de ce jour, les Cédants s'interdisent formellement, chacun en ce qui le concerne, de prendre, directement ou indirectement, sous quelque forme que ce soit, sans l'accord express du Cessionnaire formulé par écrit, un intérêt dans une société ou entreprise ayant en France une activité concurrente de la Société.
Les Cédants s'interdisent également, chacun en ce qui le concerne, d'exercer en France directement ou indirectement une activité de courtage d'assurances de pannes automobiles ou des fonctions, qu'elle qu'en soit la nature, rémunérées ou non, dans ou près de toute société ou entreprise française ou étrangère exerçant en France une activité de courtage d'assurances de pannes automobiles, exception faite des fonctions que l'un ou l'autre des Cédants exercera avec l'accord écrit du Cessionnaire.
Cet engagement de non-concurrence expirera vis à vis de chacun des Cédants cinq ans après la fin des prestations de SHGI au bénéfice du groupe GRAS SAVOYE.
Les engagements souscrits aux termes du présent article en faveur du Cessionnaire seront automatiquement étendus au bénéfice de, ou repris par, toute société qui viendrait à absorber le Cessionnaire ou à fusionner avec ce dernier ou à qui le Cessionnaire ferait apport de son patrimoine et toute société qui y est ou y sera apparentée ou affiliée.
(...)'
Puis, par protocole du 19 octobre 2010, la SHGI et M. [S] ont cédé à la société Gras Savoye les actions qu'ils détenaient dans la société GSC. L'acte prévoyait, en son article 4.3, une clause de non-concurrence faisant interdiction aux cédants d'exercer une activité de courtage d'assurance ou de réassurance des risques automobiles, notamment dans les domaines de l'assistance, de l'entretien et des pannes mécaniques ou de gestion de ces risques. Était ainsi interdite 'toute sollicitation, directe ou indirecte, de quelque manière que ce soit, de tout client de la Société et/ou du Groupe GRAS SAVOYE ou la réponse à toute sollicitation, directe ou indirecte, de l'un quelconque de ces clients, dès lors que cette sollicitation concerne, directement ou indirectement, à titre principal ou accessoire, l'activité prohibée'. Les cédants s'engageaient également à ne pas solliciter, 'directement ou indirectement, de quelque manière que ce soit, un quelconque salarié ou mandataire social de la Société et/ou de l'un de ses Affiliés'.
La société AMS a été créée par Mme [T] [C] et la société espagnole NSA Automoviles Espagnola, la première détenant 25 % des actions et la seconde les 75 % restants. La société AMS est immatriculée au RCS de Lyon depuis le 7 juillet 2010, avec comme président M. [XC] [N] et comme directeur général Mme [C].
La société Willis Towers Watson France reproche à M. [S] d'avoir encouragé et rendu possible la concurrence résultant de la création de la société AMS.
Toutefois, dans l'attestation établie le 15 juin 2010 par M. [S], celui-ci se borne à attester, en qualité de président directeur général de la société GSC, 'employer Mme [C] [T] aux fonctions de DAF depuis le 01/06/1999, sous contrat à durée indéterminée'. Le destinataire de ce document n'est pas précisé.
S'il est exact, comme le soutient la société Willis Towers Watson France, que Mme [C] n'était pas salariée de la société GSC mais de la SHGI, il s'avère néanmoins qu'elle assurait la gestion administrative et financière des sociétés GSC et NSA en vertu d'une convention par laquelle la société SHGI assurait pour ces dernières des prestations de comptabilité générale notamment.
En tout état de cause, compte tenu des termes de l'attestation, il ne peut être valablement soutenu que, sans celle-ci, la société AMS n'aurait jamais pu initier une relation commerciale avec la société Macifilia ni même s'immatriculer auprès de l'ORIAS. En effet, d'une part, la société Macifilia a vérifié l'exactitude de l'attestation en adressant une lettre à M. [K], devenu directeur de GSC, qui a répondu qu'elle était inexacte, de sorte que l'attestation s'est trouvée sans portée ; d'autre part, l'immatriculation auprès de l'ORIAS n'apparaît aucunement résulter de l'attestation critiquée, mais bien du dossier transmis à l'organisme le 27 août 2010, lequel ne comportait aucunement cette attestation dans les pièces fournies.
En d'autres termes, l'attestation litigieuse rédigée par M. [S] ne constitue pas une violation de la clause de non-concurrence prévue au protocole du 11 mai 2001, ni a fortiori de celle prévue au protocole du 19 octobre 2010 qui lui est postérieur.
Quant à la présence, dans le serveur de la société AMS, de documents dont M. [S] serait l'auteur, elle n'est pas établie dès lors que le procès-verbal du 19 juillet 2011 invoqué par la société Willis Towers Watson France pour démontrer cette allégation est annulé et qu'il n'y a pas lieu d'examiner le rapport de M. [V] en ce qu'il analyse cette pièce annulée.
Aucun élément ne caractérise donc une quelconque implication de M. [S] dans la société AMS.
Au contraire, il résulte d'un e-mail adressé le 13 octobre 2010 à M. [J] [K] et M. [M] [H] de la société Gras Savoye par M. [S], que ce dernier n'a appris qu'à cette date la création de la société AMS par Mme [C]. Il écrivait à ses interlocuteurs : 'Je ne vous cache pas le choc que j'ai subi face à une telle trahison de la part de [T] à qui j'accorde toute ma confiance.
J'envisage son licenciement immédiat et j'ai déjà pris contact avec mon avocat pour organiser les formalités, toutefois [J] [[K]] me précise que le Groupe aura plus de mal à faire la transition sans elle et qu'il serait plus judicieux d'attendre le passage de vos équipes comptables avant toute prise de position, ce que je vais avoir beaucoup de mal à supporter mais je suis prêt dans l'intérêt du groupe à ne pas la mettre à pied immédiatement mais à respecter une procédure normale avec période de préavis vous laissant le délai nécessaire pour vous organiser sur la reprise.
Je reste donc dans l'attente de votre avis pour prendre la décision définitive.'
Il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'aucune violation des clauses de non-concurrence obligeant M. [S] et la société SHGI ne saurait être retenue à leur encontre. Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il déclare recevable mais non fondée la demande de la société Gras Savoye NSA, devenue Willis Towers Watson France, sur le fondement de la violation de l'engagement de non-concurrence.
Sur la concurrence déloyale imputée à la société AMS
La société Willis Towers Watson France fait valoir que :
- la société AMS a été complice dans la violation de la clause de non-concurrence de M. [S] et de la société SHGI, ce qui constitue une faute de concurrence déloyale ; l'intimée ne pouvait ignorer cette situation vu le double rôle de Mme [C] en son sein et chez la société SHGI,
- la société AMS a massivement débauché ses salariés dans un laps de temps très bref, fin 2010 et début 2011, par un recrutement ciblé ; ces salariés avaient le plus de savoir-faire et d'expérience parmi son effectif, et occupaient des rôles clés ; avec l'ampleur du débauchage, sa désorganisation a été significative,
- la société AMS a mis en oeuvre une démarche artificielle de recrutement pour cacher ce débauchage, traduisant sa déloyauté ; les ruptures conventionnelles qu'elle a signées l'ont été dans l'ignorance du débauchage,
- l'expertise judiciaire révèle que la société AMS a détourné ses fichiers informatiques, travaux antérieurs, efforts et savoir-faire, y compris pour un système de gestion des sinistres qui constitue un savoir-faire exclusif ; les fichiers et codes sources ont été créés spécifiquement pour elle, de sorte qu'elle en est bien propriétaire, à l'inverse de M. [S] ; la société AMS ne peut prétendre avoir ignoré la provenance fautive des fichiers alors qu'elle les a obtenus, sans en faire l'acquisition, des mains de M. [S] et M. [I], soit le président et le directeur général délégué de la concluante ; la simple utilisation de ces fichiers est donc fautive,
- la société AMS a détourné sa clientèle par la prospection immédiate, systématique et ciblée de son fichier clients, caractérisant sa déloyauté ; ces détournements sont confirmés par les nombreux clients communs, par les éléments comptables, et par l'utilisation de carnets de garantie similaires à ceux de la société GSC.
La société AMS fait valoir que :
- la charge de la preuve d'actes de concurrence déloyale incombe à l'appelante,
- elle utilise son propre logiciel de gestion ; aucune faute de détournement du logiciel de la société Gras Savoye NSA n'est démontrée,
- elle n'est pas concurrente de la société GSC qui n'a pas la même activité qu'elle, de sorte qu'il n'y a pas eu de concurrence déloyale à son égard,
- ses carnets de garanties ne ressemblent pas particulièrement à ceux de la société GSC, mis à part qu'ils respectent les mêmes normes du secteur ; quand bien même elle utiliserait des carnets de garantie similaires, ceux-ci seraient issus régulièrement de la société NSA Espagne,
- l'appelante doit démontrer l'existence d'une faute dans le débauchage des salariés pour chacune des sociétés, GSC et NSA, sans pouvoir les amalgamer,
- elle a embauché des salariés progressivement par des annonces ; il n'y a pas eu de débauchage massif des salariés des sociétés GSC et NSA ; les salariés qu'elle a recrutés n'étaient soumis à aucune clause de non-concurrence ; certains de ces salariés avaient été licenciés par l'appelante ; les salariés concernés n'étaient pas les plus expérimentés,
- il est faux d'affirmer qu'elle était en contact antérieurement à leur recrutement avec certains salariés de l'appelante, dès lors que celle-ci les a licenciés en conséquence, et que ces licenciements ont été jugés sans cause réelle et sérieuse par le conseil des prud'hommes de Lyon,
- l'appelante ne démontre pas sa désorganisation en conséquence du prétendu débauchage ; l'éventuelle désorganisation n'est que la conséquence du licenciement par l'appelante d'une partie de son personnel,
- l'appelante n'était pas propriétaire de ses clients ; ils n'ont pas été détournés ; ils sont venus de plein gré ; aucune manoeuvre déloyale n'est démontrée ; il n'y a pas eu de détournement de fichier client ou de démarchage ciblé.
La société SHGI et M. [S] font valoir que :
- en l'absence de lien de M. [S] avec la société AMS et la société NSA Espagne, aucune faute de détournement ne peut leur être imputée,
- l'appelante se fonde sur un faisceau d'indice pour alléguer de la concurrence déloyale car elle n'a pas de preuves,
- M. [S] n'a pas dénigré l'appelante ; aucun débauchage de personnel ne peut lui être reproché ; les salariés étaient libres de quitter l'appelante, sans clause de non concurrence ; de surcroît, cette dernière tente de faire croire à un débauchage massif en dissimulant des départs de salariés vers des sociétés tierces, qui démontrent que la perte de ses salariés était due à sa réorganisation ; enfin, il n'est pas démontré que ces salariés avaient une expérience particulière.
Sur ce,
Mme [C] n'était liée par aucune clause de non-concurrence envers les sociétés GSC et NSA et se trouvait ainsi libre de créer une société concurrente. De plus, l'e-mail de M. [S] en date du 13 octobre 2010, cité supra, tend à écarter toute complicité entre ce dernier et Mme [C] dans la création de la société AMS.
S'agissant du débauchage massif de salariés reproché à AMS, le procès-verbal de constat du 19 juillet 2011 étant annulé, il n'y a pas lieu d'examiner les éléments fondés sur ce moyen de preuve écarté. En revanche, il résulte du procès-verbal de constat d'huissier en date du 20 juillet 2015, que huit salariés de la société AMS sont d'anciens salariés des sociétés GSC et NSA.
Toutefois, la société AMS justifie avoir fait publier des offres d'emploi auprès de Pôle Emploi à compter de septembre 2010 et avoir reçu les candidatures de M. [D], Mme [F], M. [MK] et M. [R] qui figurent tous les quatre parmi les huit salariés mentionnés dans le procès-verbal de constat du 20 juillet 2015. Il s'avère ainsi, que ces salariés ont répondu à une offre d'emploi de la société AMS, sans que soit démontré un débauchage de la part de cette dernière.
De plus, il résulte des attestations de Mme [F] et de M. [D], que ces salariés ont quitté la société NSA en raison du changement de direction au sein de celle-ci.
Ce mouvement des salariés est confirmé par un article de presse paru le 9 mai 2012, aux termes duquel le changement de direction intervenu fin 2010 au sein du groupe, avec le départ de M. [S], 's'est accompagné dans les mois qui ont suivi d'une vaste réorganisation capitalistique (...). Cette même réorganisation a occasionné des départs massifs au sein du groupe - près de 70 % des effectifs.' M. [J] [K], nouveau directeur général de NSA, précisait : 'nous avons dû procéder à une reconstitution des équipes et à redéploiement commercial qui ont perturbé nos activités durant les six premiers mois. Nous nous sommes ensuite attachés à redéfinir la politique commerciale ainsi que la stratégie'.
Il résulte donc de ces éléments, que les salariés des sociétés NSA et GSC sont partis en raison du changement de direction et de la réorganisation opérée par celle-ci. Au demeurant, si quelques salariés ont ensuite été embauchés par la société AMS, il n'est démontré l'existence d'aucun acte déloyal conduisant à un débauchage massif par cette dernière, ni désorganisation des sociétés NSA et GSC résultant de l'embauche de ces quelques salariés.
S'agissant du détournement de fichiers informatiques, le procès-verbal du 19 juillet 2011 étant annulé, il ne peut établir la preuve de ce grief. Si M. [P], informaticien au sein de la société NSA, atteste avoir procédé, en mai et octobre 2010, à une copie totale des sources des programmes de NSA France à la demande de M. [S], cet élément ne permet pas d'en déduire que les fichiers informatiques de la société NSA auraient été utilisés par la société AMS ni de caractériser la concurrence déloyale.
S'agissant du détournement de clientèle, le procès-verbal du 19 juillet 2011 étant annulé, il ne peut établir la preuve de ce grief. La société Willis Towers Watson France invoque la perte de chiffre d'affaires lié à certains clients et corrélativement la réalisation du chiffre d'affaires de la société AMS avec ces clients sur la même période de 2010-2011.
Cependant, la société AMS produit des attestations de plusieurs de ses clients anciennement clients de la société NSA, aux termes desquelles ceux-ci indiquent avoir souhaité suivre un conseiller commercial, que ce soit Mme [F] ou M. [L], en raison des excellents contacts qu'ils entretenaient avec elle ou lui. Mme [U] précise avoir remarqué le changement de direction de la société NSA 'par le changement radical de comportement du personnel tenant le standard de cette société', ajoutant qu'à plusieurs reprises, elle a 'été très mal reçue au téléphone, désinvolture frisant l'insolence'.
Ainsi, la seule existence d'une perte de chiffre d'affaires due au départ de certains clients vers la société AMS ne démontre pas l'existence d'une concurrence déloyale de la part de cette dernière, en l'absence de preuve de manoeuvres déloyales et dès lors que les clients étaient libres de suivre de leur plein gré les commerciaux qui avaient quitté la société NSA.
S'agissant, enfin, de l'utilisation de carnets de garantie similaires, il résulte de l'examen comparé des carnets de GSC et de AMS, que ceux-ci présentent un bulletin d'adhésion puis les conditions générales de garantie et d'assistance. Ces éléments sont toutefois communs à d'autres carnets que produit la société AMS, s'agissant du carnet de Renault Occasion et celui d'Opteven. Le fait que les carnets de GSC et d'AMS soient de même format et que le numéro de souscription figure en première page n'est pas de nature à caractériser une concurrence déloyale alors que GSC et AMS ne sont pas vendeurs de carnets.
En d'autres termes, ce carnet destiné aux clients n'est qu'un support des garanties proposées par AMS et il n'est pas établi que sa similitude de présentation avec celui de la société GSC suffise à engendrer un détournement de clientèle. La société Willis Towers Watson France procède par pure allégation lorsqu'elle soutient que 'ce procédé lui a permis de pouvoir présenter aux garages des carnets en tous points identiques à ceux de NSA, sans doute en prétextant qu'il s'agissait d'un simple changement de dénomination sociale, et de détourner ainsi la clientèle de l'appelante.' Ce grief ne sera donc pas davantage retenu.
Aucune concurrence déloyale n'est ainsi retenue à l'égard de M. [S], de la SHGI et de la société AMS, de sorte que les demandes en paiement de la société Willis Towers Watson France ainsi que la demande accessoire de publication de l'arrêt ne sauraient prospérer, et que la demande subsidiaire d'expertise est sans fondement.
En conséquence, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il rejette les demandes de la société Gras Savoye NSA, devenue Willis Towers Watson France.
Sur l'action en concurrence déloyale formée par la société AMS
La société AMS fait valoir que :
- l'appelante a obtenu une copie complète de son serveur qui contient son patrimoine incorporel et est protégé par le secret des affaires, y compris les comptes clients, correspondances et mots de passe ; cette information a été obtenue de manière illicite, notamment par des déclarations mensongères et en dépassant la portée d'une autorisation judiciaire,
- la détention de ces informations par l'appelante est un détournement caractérisant une concurrence déloyale,
- l'appelante a créé une application similaire à celle de la concluante en utilisant les informations obtenues illégalement,
- son préjudice subi en raison de ce détournement s'élève au moins à 100.000 euros,
- la cour devrait ordonner à l'appelante de cesser d'utiliser les informations volées et leur interdire de contacter les clients de la concluante.
La société Willis Towers Watson France fait valoir que le disque dur comportant l'intégralité des données du serveur ne lui a jamais été remis ; il a été conservé scellé par l'huissier de façon régulière puis remis à la société AMS qui l'a détruit.
Sur ce,
Comme l'a justement retenu le tribunal, l'ordonnance rendue sur requête des sociétés NSA et GSC par le président du tribunal de commerce de Lyon comportait toutes les garanties du respect du secret des affaires. Si le serveur de la société AMS a été intégralement copié, ce n'est que parce que l'huissier de justice a outrepassé sa mission, ce qui n'est pas imputable aux requérantes de la mesure.
De plus, bien que l'huissier ait indiqué dans son procès-verbal de constat du 19 juillet 2011 qu'il annexait au second original le disque dur comportant toutes les données copiées du serveur de la société AMS, il a par ailleurs attesté, dans une correspondance du 8 janvier 2014, que cette pièce n'avait 'jamais été remise au demandeur' et qu'elle était toujours en sa possession. Il expliquait : 'Le disque est nécessairement annexé au second original car il fait partie intégrante du constat. Néanmoins, pour éviter toute difficulté, il est de tradition que je conserve les disques ainsi réalisés en mon étude et sous pli scellé portant la mention de l'Expert-judiciaire.'
En outre, il apparaît que ce disque dur a été restitué à la société AMS par l'huissier de justice le 25 mars 2015 et dans une lettre adressée à l'huissier le 22 mars 2018, Mme [C], directrice générale de la société AMS, indiquait avoir jeté ce disque dur lors de la purge de leurs archives, ajoutant que 'ce disque dur n'a plus d'intérêt pour la société'.
Il résulte de ces éléments que les sociétés NSA et GSC n'ont pas été en possession du disque dur litigieux, de sorte que la concurrence déloyale alléguée par la société AMS ne saurait être retenue. Sa demande de dommages-intérêts formée à ce titre ne peut donc prospérer, de même que sa demande tendant à faire interdiction à la société Willis Towers Watson France de faire usage de la documentation obtenue dès lors qu'elle a admis en 2018 que les informations contenues dans le disque dur étaient obsolètes.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il déboute la société AMS de ses demandes reconventionnelles.
Sur les demandes de dommages-intérêts pour procédure abusive
La société SHGI et M. [S] font valoir que :
- l'appelante profère à leur encontre des allégations calomnieuses sans élément probant,
- la procédure n'est qu'un contrefeu judiciaire dans l'objectif de nuire aux concluantes en réaction à des initiatives procédurales antérieures de M. [S] ; l'appelante a déjà été condamnée pour procédure abusive dans ces litiges par l'arrêt du 27 novembre 2014 de la cour d'appel de Lyon ; M. [S] subit un acharnement judiciaire,
- l'appelante reconnaît publiquement que ses choix en faveur d'une réorganisation sont l'unique cause de la perturbation de son activité en 2011,
- la plainte de l'appelante a été classée sans suite,
- l'intention de nuire est également démontrée par le besoin d'une exécution forcée du jugement du 12 mars 2021.
La société AMS fait valoir qu'elle a subi depuis dix ans des allégations mensongères et demandes injustifiées ; que les griefs invoqués par l'appelante à son encontre ne sont fondées sur aucun élément probant, mais sont tirées d'une analyse volontairement trompeuse de faits ou documents, de sorte que l'action est bien abusive.
La société Willis Towers Watson France fait valoir que ces demandes sont injustifiées tant dans leur principe que dans leur quantum.
Sur ce,
Bien que l'action de la société Willis Towers Watson France, venant aux droits des sociétés NSA et GSC, ne prospère pas, elle ne caractérise pas une volonté de nuire mais seulement l'exercice du droit d'ester en justice.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il déboute M. [S], la SHGI et la société AMS de leurs demandes respectives de dommages-intérêts pour procédure abusive.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
La société Willis Towers Watson France succombant à l'instance, elle sera condamnée aux dépens d'appel.
En application de l'article 700 du code de procédure civile, elle sera condamnée à payer la somme de 8.000 euros à la société AMS, ainsi que la somme de 4.000 euros à M. [S] et 4.000 euros à la SHGI.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement, dans les limites de l'appel,
Confirme le jugement déféré, en toutes ses dispositions critiquées ;
Y ajoutant,
Condamne la société Willis Towers Watson France aux dépens d'appel, ces derniers avec droit de recouvrement ;
Condamne la société Willis Towers Watson France à payer la somme de huit mille euros (8.000 euros) à la société Assistance mécanique service, ainsi que la somme de quatre mille euros (4.000 euros) à M. [S] et la somme de quatre mille (4.000 euros) à la société Holding de gestion industrielle, au titre de l'article 700 du code de procédure civile.