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Décisions

CA Orléans, ch. civ., 26 janvier 2023, n° 20/00681

ORLÉANS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

MAAF Assurances (SA)

Défendeur :

Julien-Coesnon (SARL), Mutuelle des Architectes Français (Sté), M. Domingues Plâtrerie Isolation (SARL), Batelec Service Artisanat (SARL), Monceau Générale Assurances (SA), MRD Bâtiment (Sté), Areas Dommages (Sté), Dima (SARL), SMABTP (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Collomp

Conseillers :

Mme Grua, Mme Chouvin-Galliard

Avocats :

Me Devauchelle, Me Chevallier, Me Gallier, Me Bardon, Me Firkowski, Me Guettard, Me Sieklucki, Me Laloum, Me Desplanques, Me Gendre

CA Orléans n° 20/00681

25 janvier 2023

FAITS ET PROCEDURE

La SCI IMMO DESFRAY est propriétaire d'un immeuble situé [Adresse 11] qu'elle a acheté en vue de l'exploitation par la société Terminus d'un restaurant et par la société La Gare d'un hôtel.

Elle a entrepris la rénovation de ce bâtiment.

Dans le cadre des travaux de rénovation, elle a conclu un contrat d'architecte avec la société Julien-Coesnon, assurée auprès de la Mutuelle des Architectes Français (MAF).

Les lots ont été attribués comme suit :

- le lot n°10 : électricité, sanitaire, ventilation a été confié à l'entreprise Batelec, assurée auprès de Monceau Générale Assurances (ci-après MGA),

- le lot n°6 : plâtrerie et faux plafonds a été confié à la société ETS Domingues, assurée auprès de Monceau Générale Assurances,

- le lot maçonnerie générale a été confié à la société BL Construction, qui a sous-traité le lot à la société MRD Construction, assurée auprès de la société Areas Dommages,

- le lot climatisation a été confié à la société Dima Climatisation, assurée auprès de la SMABTP.

Dans la nuit du 27 au 28 novembre 2008, un incendie s'est déclaré dans le bâtiment et provoqué des dégâts matériels.

Les travaux n'étaient pas achevés et n'avaient pas été réceptionnés par la SCI IMMO DESFRAY.

Une enquête pénale a été ouverte. Elle n'a pas permis d'identifier les causes de l'incendie.

La SCI IMMO DESFRAY était assurée auprès de la société MAAF Assurances au titre d'une garantie 'Multi immeuble' couvrant notamment le risque incendie.

Par ordonnance du 20 octobre 2009, le juge des référés du tribunal de grande instance de Blois a condamné la compagnie d'assurance MAAF Assurances à payer à la SCI Immo Desfray les sommes de 125.483,12 euros et de 336.337,87 euros, et a ordonné une expertise comptable confiée à M. [I].

Par un arrêt en date du 19 mai 2010, la cour d'appel a infirmé partiellement l'ordonnance rendue en référé et a :

- condamné la compagnie d'assurance MAAF à payer à la SCI Immo Desfray la somme de 117.287,50 euros ;

- condamné la SCI Immo Desfray à rembourser à l'assureur la somme de 334.563,49 euros au titre du coût des travaux de reprise ;

- ordonné une expertise confiée à M. [U] avec pour mission de déterminer l'état des travaux effectivement réalisés par les sociétés ETS Domingues et Batelec avant l'incendie.

Dans son rapport du 20 mai 2016, l'expert M. [U] a chiffré le montant des travaux de réparation à :

- lot n°6 : 106 780,25 euros HT ;

- lot n°10 : 143 537,94 euros HT.

Procédure :

Par actes d'huissier des 25, 26, 27 et 28 janvier 2010, la compagnie MAAF Assurances a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Blois la société Batelec, l'entreprise MRD Bâtiment, la société Dima Climatisation, la société Julien-Coesnon, la société Domingues Plâtrerie Isolation, la Mutuelle des Architectes Français, la société Areas Dommages et la SMABTP.

Par acte d'huissier du 9 novembre 2010, la compagnie d'assurance MAAF a fait délivrer une nouvelle assignation à la SARL Julien-Coesnon et la Mutuelle des Architectes Français « sur et aux fins de la précédente assignation ».

Par acte d'huissier du 13 mai 2011, la société ETS Domingues et la société Batelec Services ont fait assigner en intervention forcée la SCI Immo Desfray.

La SCI Immo Desfray a été placée en liquidation suivant jugement rendu par le tribunal de commerce de Blois le 25 janvier 2013.

Par acte d'huissier du 9 octobre 2014, la société ETS Domingues et la société Batelec Service ont appelé à la cause Me [Z] en qualité de mandataire judiciaire de la SCI Immo Desfray.

Les instances ont été jointes.

Par jugement en date du 5 mars 2020, le tribunal judiciaire de Blois a :

- déclaré l'action de la société MAAF recevable ;

- condamné la SARL Batelec Service Artisanat à payer à la société MAAF la somme de 40.093,60 €, outre les intérêts au taux légal à compter du 27 janvier 2010 ;

- condamné la SARL Domingues à payer à la société MAAF la somme de 49.635,69 €, outre les intérêts au taux légal à compter du 27 janvier 2010 ;

- constaté la reprise de l'instance opposant la SCI Immo Desfray d'une part et les sociétés Domingues Plâtrerie Isolation et Batelec Service Artisanat d'autre part ;

- condamné la compagnie d'assurance Monceau Générales Assurance à payer à la société Domingues Plâtrerie Isolation la somme de 14.890,70 €, outre les intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;

- condamné la compagnie d'assurance Monceau Générale Assurance à payer à la société Batelec Service Artisanat 12.027,90 €, outre les intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;

- fixé la créance de la société Domingues au passif de la liquidation judiciaire ouverte à l'égard de la SCI Immo Desfray à hauteur de 11.540,80 € ;

- rejeté les prétentions de la société Batelec tendant à voir fixer au passif de la liquidation judiciaire ouverte à l'encontre de la SCI Immo Desfray une créance de 107.836,21 € ;

- rejeté les prétentions de la SCI Immo Desfray représentée par Me [Z] à voir condamner la société Batelec à lui payer la somme de 2.905,49 € au titre d'un trop perçu ;

- condamné la société MAAF Assurance à payer aux sociétés Monceau Générale Assurance, SMABTP et Areas Dommages la somme de 2.000 € chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société MAAF Assurance à payer à la SARL Julien-Coesnon et à la Mutuelle des Architectes Français la somme de 2.000 € chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société Monceau Générale Assurance à payer aux sociétés Domingues Plâtrerie Isolation et Batelec Service Artisanat la somme de 900 € chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;

- fait masse dépens qui comprendront notamment le coût de l'expertise judiciaire ;

- condamné la société MAAF Assurance un tiers des dépens ;

- condamné la société Monceau Générale Assurance un tiers des dépens ;

- condamné in solidum les sociétés Domingues Plâtrerie Isolation et Batelec Service Artisanat au tiers des dépens restant ;

- autorisé les avocats de la cause à recouvrer directement ceux des dépens dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision ;

- rejeté le surplus des demandes ;

- dit n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire du présent jugement.

Par déclaration du 17 mars 2020, la société MAAF Assurances a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il a :

- condamné la SARL Batelec Service Artisanat à payer à la société MAAF la somme de 40.093,60 €, outre les intérêts au taux légal à compter du 27 janvier 2010 ;

- condamné la SARL Domingues à payer à la société MAAF la somme de 49.635,69 €, outre les intérêts au taux légal à compter du 27 janvier 2010 ;

- condamné la société MAAF Assurance à payer aux sociétés Monceau Générale Assurance, SMABTP et Areas Dommages la somme de 2.000 € chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société MAAF Assurance à payer à la SARL Julien-Coesnon et à la Mutuelle des Architectes Français la somme de 2.000 € chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société Monceau Générale Assurance à payer aux sociétés Domingues Plâtrerie Isolation et Batelec Service Artisanat la somme de 900 € chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;

- fait masse dépens qui comprendront notamment le coût de l'expertise judiciaire ;

- condamné la société MAAF Assurance un tiers des dépens ;

Et en ce qu'il a rejeté les demandes de l'appelante tendant à voir :

- débouter purement et simplement les sociétés RMD Bâtiment, Areas Assurances, Sarl Domingues Plâtrerie Isolation, SARL Batelec Service Artisanat et leur compagnie d'assurance Monceau Générale Assurances, la SARL Dima Climatisation et la SMABTP, la SARL Julien-Coesnon et la MAF de leur argumentation en toutes fins qu'elle comporte ;

- condamner in solidum les sociétés MRD Bâtiment, Areas Assurances, Sarl Domingues Plâtrerie Isolation, SARL Batelec Service Artisanat et leur compagnie d'assurance Monceau Générale Assurances, la SARL Dima Climatisation et la SMABTP, la SARL Julien-Coesnon et la MAF à payer à la MAAF Assurances les sommes suivantes sur le fondement de l'article 1789 du code civil, considérant que les entrepreneurs avaient la garde du chantier:

> 116.028,35 € au titre de l'indemnité immédiate payée à la SCI Immo Desfray,

> 25.470,36 € au titre de l'indemnité différée après reconstruction payée à la SCI Immo Desfray ;

-Sur le fondement de l'article 1788 du code civil, condamner in solidum la SARL Domingues Plâtrerie Isolation et la SARL Batelec Service Artisanat et leur compagnie d'assurance Monceau Générale Assurances au paiement de la somme de 117.287,50 € en garantie des condamnations prononcées contre elle par la cour d'appel d'Orléans ;

A titre subsidiaire, en retenant les proratas fixés par le rapport d'expertise,

- condamner la SARL Domingues Plâtrerie Isolation et la MGA in solidum au paiement de la somme de 49.635,69 € ;

- condamner la SARL Batelec Service Artisanat et la MGA in solidum au paiement de la somme de 67.651,81 € ;

- condamner in solidum les sociétés RMD Bâtiment, Areas Assurances, SARL Domingues Plâtrerie Isolation, SARL Batelec Service Artisanat et leur compagnie d'assurance Monceau Générale Assurances, la SARL Dima Climatisation et la SMABTP au paiement de la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonner l'exécution provisoire ;

- condamner les défendeurs et leurs compagnies d'assurances in solidum aux entiers dépens de première instance et d'appel qui comprendront également le coût de la procédure d'inscription d'hypothèque judiciaire ;

- rejeter les prétentions adverses.

L'entreprise MRD Bâtiment n'a pas constitué avocat. La déclaration d'appel lui a été signifiée par acte d'huissier du 30 juin 2020, selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile.

Le présent arrêt sera en conséquence rendu par défaut.

Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 17 novembre 2022, la société MAAF Assurances demande à la cour de:

- déclarer recevable et bien fondée la MAAF Assurances dans toutes ses dispositions;

- infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Blois en date du 5 mars 2020 et statuant à nouveau,

En conséquence,

- condamner in solidum les sociétés MRD Bâtiment, Areas Assurances, SARL Domingues Plâtrerie Isolation, SARL Batelec Services Artisanat et leur compagnie d'assurance Monceau Générale Assurances, la SMABTP, la société Dima, la SARL Julien Coesnon et la MAF à payer à la MAAF Assurances les sommes suivantes :

> 116.028,35 € au titre de l'indemnité immédiate payée à la société Immo Desfray ;

> 25.470,36 € au titre de l'indemnité différée après reconstruction payée à la SCI Immo Desfray ;

- condamner in solidum la SARL Batelec Service Artisanat et la MGA au paiement de la somme de 67.651,81 € ;

- condamner in solidum la SARL Domingues Plâtrerie Isolation et la MGA au paiement de la somme de 49.635,69 € ;

- condamner in solidum les sociétés MRD Bâtiment, Areas Assurances, SARL Domingues Plâtrerie Isolation, SARL Batelec Services Artisanat et leur compagnie d'assurance Monceau Générale Assurances, la SMABTP, la société Dima, la SARL Julien Coesnon et la MAF au paiement d'une somme de 10.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner les défendeurs et leurs compagnies d'assurances in solidum aux entiers dépens de première instance et d'appel qui comprendront le coût de l'expertise judiciaire, le coût de la procédure d'inscription d'hypothèque judiciaire dont distraction au profit de Maître Alexis Devauchelle, avocat aux offres de droit.

Ces conclusions n'ont pas été signifiées à l'intimé défaillant.

Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 15 septembre 2020, la société Domingues Plâtrerie Isolation (ci-après DOMINGUES) demande à la cour de:

- déclarer mal fondé l'appel principal interjeté par la SA MAAF Assurance ;

- déclarer recevable et bien fondé l'appel incident et provoqué de la concluante ;

En conséquence,

- constater que la concluante s'en rapporte à justice sur sa condamnation au paiement de la somme de 49.635,69 € au profit de la MAAF Assurance sur le fondement de l'article 1788 du code civil ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la SCI Immo Desfray de sa demande de condamnation à l'encontre de la concluante ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a fixé la créance de la concluante au passif de la SCI Immo Desfray à la somme de 11.540,80 € TTC ;

Faisant droit à l'appel incident et provoqué,

- débouter la MAAF Assurance de toutes ses autres demandes à l'encontre de la concluante ;

- infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de la concluante tendant à être garantie de toutes éventuelles condamnations par sa compagnie d'assurance ;

Et statuant à nouveau sur ce point,

- déclarer nulles et, subsidiairement inopposables à la concluante, les clauses exclusives de garantie figurant dans la police d'assurance litigieuse ;

En conséquence,

- juger que la MGA, en qualité d'assureur de la concluante, doit être condamnée à relever la concluante de toutes éventuelles condamnations prononcées à son encontre et ce tant en principal, qu'intérêts, frais et accessoires ;

Subsidiairement sur ce point,

- confirmer le jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité de la MGA pour manquement à son devoir de conseil mais l'infirmer en ce qu'il a limité le montant des dommages et intérêts à 30% du préjudice subi ;

Statuant à nouveau sur ce point,

- condamner la MGA pour manquement à son obligation de conseil à garantir la concluante à hauteur de 90% en principal, en intérêts, frais et accessoires du préjudice subi et des condamnations mises à sa charge ;

- condamner la SARL Julien Coesnon solidairement avec son assureur, la Mutuelle des Architectes, à garantir la concluante de toutes éventuelles condamnations et ce tant en principal, qu'intérêts, frais et accessoires ;

- condamner in solidum la MAAF Assurance, la MGA, la SARL Julien Coesnon et la MAF au paiement d'une indemnité de procédure d'un montant de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'au titre des frais exposés en première instance et au paiement d'une somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en cause d'appel ;

- condamner toutes parties succombantes aux entiers dépens.

La société Domingues Plâtrerie Isolation a formé appel incident dans ces mêmes conclusions.

Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 14 septembre 2020, la société Batelec service artisanat (ci-après BATELEC) demande à la cour de :

- déclarer mal fondé l'appel principal interjeté par la SA MAAF Assurance ;

- déclarer recevable et bien fondé l'appel incident de la concluante ;

En conséquence,

- constater que la concluante s'en rapporte à justice sur sa condamnation au paiement de la somme de 40.093,60 € au profit de la MAAF Assurance sur le fondement de l'article 1788 du code civil ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la SCI Immo Desfray de sa demande de condamnation à l'encontre de la concluante ;

Faisant droit à l'appel incident,

- débouter la MAAF Assurance de toutes ses autres demandes à l'encontre de la concluante ;

- infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de la concluante tendant à être garantie de toutes éventuelles condamnations par sa compagnie d'assurance ;

Et statuant à nouveau sur ce point,

- déclarer nulles et, subsidiairement inopposables à la concluante, les clauses exclusives de garantie figurant dans la police d'assurance litigieuse ;

En conséquence,

- juger que la MGA, en qualité d'assureur de la concluante, doit être condamnée à relever la concluante de toutes éventuelles condamnations prononcées à son encontre et ce tant en principal, qu'intérêts, frais et accessoires ;

Subsidiairement sur ce point,

- confirmer le jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité de la MGA pour manquement à son devoir de conseil mais l'infirmer en ce qu'il a limité le montant des dommages et intérêts à 30% du préjudice subi ;

Statuant à nouveau sur ce point,

- condamner la MGA pour manquement à son obligation de conseil à garantir la concluante à hauteur de 90% en principal, intérêts, frais et accessoires du préjudice subi et des condamnations mises à sa charge ;

- condamner la SARL Julien Coesnon solidairement avec son assureur, la Mutuelle des Architectes, à garantir la concluante de toutes éventuelles condamnations et ce tant en principal, qu'intérêts, frais et accessoires ;

- fixer la créance de la concluante à l'encontre de la SCI IMMO Desfray à la somme de 107.836,21 € ;

- condamner in solidum la MAAF Assurance, la MGA, la SARL Julien Coesnon et la MAF au paiement d'une indemnité de procédure d'un montant de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en première instance et au paiement d'une somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en cause d'appel ;

- condamner toutes parties succombantes aux entiers dépens.

La société Batelec a formé appel incident dans ces mêmes conclusions.

Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 27 août 2020, la société Monceau Générale Assurances (ci après MGA) demande à la cour de :

Vu le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Blois le 5 mars 2020,

Vu l'appel principal interjeté par la société MAAF Assurances,

- le confirmant,

Vu les dispositions de l'article 1789 du code civil,

- débouter la MAAF de sa demande en paiement des sommes de 116.028,35 et de 25.410,35 € en ce qu'elle est dirigée à l'encontre de la SA Monceau Générale Assurances prise en sa qualité d'assureur des sociétés Batelec et Domingues ;

Vu les dispositions de l'article 1788 du code civil,

A titre principal,

- dire n'y avoir lieu à faire application desdites dispositions à l'égard des sociétés Batelec et Domingues ;

- débouter la MAAF de sa demande en paiement d'une somme de 117.287,50 € ;

Subsidiairement, vu les dispositions contractuelles des polices souscrites auprès de la SA Monceau Générale Assurances,

- dire que la garantie de la SA Monceau Générale Assurances n'est pas acquise aux sociétés Batelec et Domingues ;

- débouter en conséquence la MAAF de sa demande en paiement en ce qu'elle est dirigée contre la SA Monceau Générale Assurances ;

Vu l'appel incident interjeté par la SA Monceau Générale Assurances par les présentes écritures,

Et réformant le premier jugement,

- dire et juger que les SA Monceau Générale Assurances n'a commis aucun manquement à son obligation d'information susceptible d'avoir causé un préjudice quelconque aux sociétés Batelec et Domingues ;

- rejeter toute demande qui pourrait être formée à ce titre à l'encontre de la SA Monceau Générale Assurances ;

Encore plus subsidiairement, pour le cas où la garantie de la SA Monceau Générale Assurances serait consacrée dans le cadre de l'application à ses assurés du mécanisme prévu par l'article 1788 du code civil,

- condamner la SARL Julien-Coesnon et son assureur, la Mutuelle des Architectes Français, à la garantie de toutes condamnations pécuniaires pouvant être prononcées contre elle ;

- condamner la MAAF à payer à la SA Monceau Générale Assurances la somme de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en première instance ainsi que celle de 3.000 € au titre des frais exposés en appel ;

- condamner la partie succombant aux entiers dépens dont distraction au profit de la SARL Arcole, société d'avocats aux offres de droit.

La société Monceau Générale Assurances a formé appel incident dans ces mêmes conclusions.

Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 20 août 2020, la société Areas Dommages demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Blois le 5 mars 2020 en ce qu'il a :

> débouté la MAAF de sa demande de condamnation à l'encontre de Areas Dommages à hauteur de :

116 028,35 euros à titre d'indemnité pour travaux d'urgence et de réparation charpente ; 25 410,00 euros au titre des honoraires d'expert d'assuré, de maitrise d'oeuvre et des travaux de charpente pour la reconstruction ;

> condamné la MAAF au paiement d'une indemnité de 2000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter la MAAF de sa demande de condamnation à l'encontre de Areas Dommages à hauteur de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la MAAF au paiement au profit de Areas Dommages de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile eu égard aux frais engagés en cause d'appel ;

- condamner la MAAF aux dépens de première instance et d'appel lesquels seront recouvrés par la SCP Referens conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 4 septembre 2020, la SMABTP et la société Dima demandent à la cour de:

- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Blois le 5 mars 2020 et notamment en ce qu'il a mis hors de cause la SMABTP ès-qualités d'assureur de la société Dima et rejeté toutes prétentions formulées à son encontre et en ce qu'il a condamné la MAAF Assurance à payer la SMABTP la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Par conséquent,

- débouter la MAAF et toutes autres parties à l'instance de l'ensemble de leurs demandes en ce qu'elles sont dirigées à l'encontre de la SMABTP ès-qualités d'assureur de la société Dima ;

A titre subsidiaire,

- rejeter les demandes de la MAAF dès lors qu'elles tendent à une condamnation in solidum de l'ensemble des défendeurs ;

- condamner la SARL Julien-Coesnon et son assureur la MAF, à garantir la SMABTP de toutes condamnations en principal, frais et intérêts susceptibles d'être prononcées à son encontre ;

- dire et juger la franchise de la SMABTP applicable aux tiers, soit la somme de 417€ ;

En tout état de cause,

- condamner in solidum la MAAF, la SARL Julien-Coesnon et son assureur la MAF, au paiement d'une somme de 4000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens.

Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 4 novembre 2022, la société Julien-Coesnon et la compagnie d'assurance Mutuelle des Architectes Français demandent à la cour de:

- déclarer mal fondé l'appel formé à l'encontre de la MAF ;

- confirmer en toutes ses dispositions la décision du tribunal judiciaire de Blois en date du 5 mars 2020 ;

A titre subsidiaire,

- débouter toutes parties de toutes demandes, fins et conclusions dirigées à l'encontre de la SARL Julien-Coesnon et de la Mutuelle des Architectes Français ;

- condamner in solidum la SMABTP, les sociétés Batelec, Domingues, MRD Bâtiment et Monceau Générale d'Assurance à garantir la SARL Julien-Coesnon et la Mutuelle des Architectes Français de toutes condamnations en principal, frais et intérêts ;

En tout état de cause,

- condamner la société MAAF Assurances à payer aux sociétés Julien-Coesnon et Mutuelle des Architectes Français une somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société MAAF Assurances aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Maître Gallier, avocat aux offres de droit.

Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions récapitulatives.

MOTIFS

Sur la responsabilité de l'architecte

La société MAAF Assurances soutient que l'architecte a manqué à l'obligation de moyens qui pèse sur lui en cas de dommages avant la réception des travaux en ce que :

- le maître d'oeuvre qui a mission complète doit assurer en amont des travaux la perception des contraintes juridiques au nombre desquelles le périmètre de protection sur le chantier, à moins que la maîtrise du chantier ne soit confiée à des organismes qui assurent le pilotage et l'organisation de chantiers comme des bureaux de coordination, ce qui n'était pas le cas en l'espèce ;

- en outre, dans le cadre de sa mission de surveillance, il ne peut se contenter d'une obligation de contrôle général. S'il n'est pas tenu d'être présent en permanence sur le chantier, il aurait dû en l'espèce, sous couvert de son obligation de conseil, vérifier si les contrats de louage d'ouvrage comportaient une clause relative à la surveillance du chantier et si ces clauses étaient suffisantes ;

- subsidiairement, il lui appartenait, à l'occasion du suivi de chantier, d'alerter les entreprises sur ce point, lors des rendez-vous de chantier, ce qui semble ne pas avoir été fait.

Il est constant que l'ouvrage n'avait pas encore été réceptionné lorsque l'incendie est survenu, de sorte que la responsabilité de l'architecte ne peut être engagée que sur le fondement de la responsabilité de droit commun.

La mise en cause de la responsabilité de l'architecte suppose donc de rapporter la preuve d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre la faute et le préjudice.

L'assureur, qui estime que le chantier n'a pas été ou a été insuffisamment sécurisé, reproche à l'architecte de ne pas s'être assuré du périmètre de protection sur le chantier, de ne pas avoir alerté le maître de l'ouvrage sur l'insuffisance des mesures de sécurité du chantier et de ne pas avoir vérifié si les contrats de louage d'ouvrage prévoyaient des mesures de sécurité suffisantes.

Toutefois, la cause de l'incendie n'étant pas déterminée, il n'est nullement établi que celui-ci a été causé par l'intrusion de tiers sur le chantier, aucune des pièces produites ne permettant d'établir que l'incendie est d'origine criminelle et consécutif à l'intrusion de tiers sur le chantier. Il n'est donc pas démontré qu'il a été facilité par une insuffisance de mesures de sécurisaté et en particulier par l'insuffisance des mesures de sécurisation et de restriction d'accès du chantier.

Il n'est donc pas établi que les carences de l'architecte concernant les mesures de sécurisation du chantier, à les supposer établies, a eu un rôle causal dans la survenance du dommage et est à l'origine du préjudice subi par la SCI IMMO DESFRAY, puisque l'incendie a pu avoir une tout autre cause qu'une intrusion malveillante et en particulier une cause accidentelle, s'agissant d'un chantier en cours.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes de la société MAAF Assurances contre la société Julien-Coesnon et contre son assureur, la MAF.

Sur la responsabilité des entreprises présentes sur le chantier la veille de l'incendie

La société MAAF Assurances sollicite que soit reconnue la responsabilité des entreprises encore présentes sur le chantier la veille de l'incendie, et demande en conséquence leur condamnation in solidum à l'indemniser du préjudice consécutif à l'incendie.

Elle sollicite en conséquence la condamnation des sociétés suivantes :

- MRD Bâtiment, assurée par la société AREAS Dommages,

- DOMINGUES PLATRERIE ISOLATION, assurée par la société MGA

- SARL BATELEC SERVICES ARTISANAT, assurée par la société MGA,

- la société DIMA, assurée par la société SMABTP, à lui payer les sommes de :

- 116 028,35 euros au titre de l'indemnité immédiate payée à la société IMMO DESFRAY,

- 25 470,36 euros au titre de l'indemnité différée après reconstruction payée à la SCI IMMO DESFRAY.

Elle soutient que la responsabilité contractuelle de ces entreprises est engagée sur le fondement de l'article 1147 ancien du code civil dans la mesure où lorsque les entreprises ont l'usage, la direction, le contrôle du chantier, elles sont responsables et condamnées in solidum à cet effet. Elle soutient que la faute de l'entreprise est caractérisée lorsque les entrepreneurs intervenus sur le chantier n'ont pas pris toutes les dispositions utiles pour assurer précisément la fermeture du chantier.

Elle en déduit que conformément à l'arrêt de la Cour de cassation du 13 janvier 2020, ce manquement contractuel étant à l'origine des dommages dont elle a été victime, elle n'est pas tenue de démontrer une faute délictuelle ou quasi délictuelle distincte de ce manquement.

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S'il est constant que le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage (Cass., Ass. plén., 13 janvier 2020, pourvoi n° 17-19.963), encore faut-il qu'un manquement contractuel puisse être établi à l'encontre de l'une des parties au contrat.

Or en l'espèce, force est de constater que l'origine de l'incendie est restée indéterminée, les pièces produites ne permettant pas de déterminer les causes de celui-ci, les résultats de l'enquête pénale dont il est indiqué qu'elle a été diligentée n'étant pas communiqués. Il en résulte qu'il n'est pas démontré que l'incendie a une origine criminelle, la cause accidentelle ne pouvant, en l'état des pièces produites, être écartée.

En conséquence, et dans la mesure où il n'est pas établi que l'incendie est dû à une intrusion sur le chantier, l'existence d'un lien de causalité n'est pas démontrée entre l'insuffisance des mesures de fermeture et de sécurisation du chantier prises par les sociétés présentes la veille de l'incendie et la survenance de l'incendie, dont l'origine est indéterminée.

Il n'est pas davantage soutenu ni démontré, les causes de l'incendie étant indéterminées, que l'incendie est due à la mauvaise exécution du contrat de louage par les entreprises en cause ou à une négligence de leur part.

L'existence d'un manquement contractuel à l'origine de l'incendie n'étant pas démontré, l'action en responsabilité de la société MAAF Assurances contre les quatre entreprises intervenues la veille de l'incendie, à savoir les sociétés MRD, BATELEC, DIMA et DOMINGUES ne peut qu'être rejetée.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de la MAAF Assurances à ce titre.

Sur la mise en oeuvre des articles 1788 et 1789 du code civil

En revanche, la société MAAF Assurances, en sa qualité d'assureur du maître de l'ouvrage, est fondée à solliciter la mise en oeuvre de la théorie des risques prévue par les articles 1788 et 1789 du code civil en dehors de toute recherche de responsabilité. Ces dispositions légales désignent le contractant sur lequel pèse le risque de perte de la chose avant la livraison.

L'article 1788 du code civil dispose :

'Si, dans le cas où l'ouvrier fournit la matière, la chose vient à périr, de quelque manière que ce soit, avant d'être livrée, la perte en est pour l'ouvrier, à moins que le maître ne fût en demeure de recevoir la chose'.

L'article 1789 du code civil dispose :

'Dans le cas où l'ouvrier fournit seulement son travail ou son industrie, si la chose vient à périr, l'ouvrier n'est tenu que de sa faute'.

Les dispositions de l'article 1788 du code civil s'appliquent donc lorsque l'entrepreneur fournit la matière.

Il est constant en l'espèce que les sociétés MRD, DOMINGUES, BATELEC et DIMA ont fourni, non pas seulement leur travail ou leur industrie, mais également la

'matière' nécessaire à la réalisation de leurs travaux.

Ce sont donc les dispositions de l'article 1788 du code civil qui ont vocation à s'appliquer en l'espèce.

En application de ces dispositions, l'obligation qui pèse sur l'entrepreneur ne porte que sur l'ouvrage qu'il s'est engagé à livrer (3ème Civ., 13 décembre 2017 n° 16-25.652). L'article 1788 du code civil ne peut fonder l'indemnisation des dommages consécutifs à la perte de l'ouvrage ou l'obligation de réparer d'autres biens que ceux qui faisaient l'objet du marché. Et chaque entrepreneur ne supportant le risque de la perte que son propre ouvrage, il ne peut être condamné in solidum avec les autres constructeurs à supporter le coût global de la reconstruction (1ère Civ 9 novembre 1999 n°97-16.306 Bull n°293 ; 3ème Civ., 15 décembre 2004, n°03-16.820 Bull n°241). Enfin, la charge du risque n'est pas diminuée ou supprimée si l'évènement qui a causé la perte de l'ouvrage revêt le caractère de la force majeure pour l'entrepreneur, y compris lorsque les dommages sont dus à une action criminelle (3ème Civ 19 février 1986 Bull n°10 ; 1ère Civ 9 novembre 1999 n°97-16.306 bull n°293) de sorte que le caractère indéterminé de l'origine de l'incendie ne fait pas obstacle à ce qu'il en supporte le risque.

Il convient d'examiner à l'aune de ces principes les demandes formées par la société MAAF Assurances.

La société MAAF Assurances sollicite le paiement des sommes suivantes:

- 116 028,35 euros au titre de l'indemnité immédiate payée à la société IMMO DESFRAY ;

- 25 470,36 euros au titre de l'indemnité différée après reconstruction payée à la SCI IMMO DESFRAY.

Ces sommes correspondent, au regard des quittances subrogatives versées aux débats, à :

1°/ pour la somme de 116 028,35 euros :

- travaux de bâchage

- mesures conservatoires

- démolition/déblais du 2ème étage

- travaux de charpente et dépose couverture

- travaux de maçonnerie.

2°/ pour la somme de 25 470,36 euros :

- honoraires expert d'assuré

- honoraires de maîtrise d'oeuvre

- travaux de charpente.

Chaque entrepreneur ne supportant le risque de la perte que son propre ouvrage, il ne peut être condamné in solidum avec les autres constructeurs à supporter le coût global de la reconstruction, de sorte qu'aucune condamnation in solidum ne pourra être prononcée à l'encontre des sociétés défenderesses ainsi que l'a justement retenu le premier juge.

En outre, les sommes ainsi réclamées ne correspondent pas à la perte des biens qui faisaient l'objet des marchés passés avec les sociétés défenderesses, de sorte que la société MAAF Assurances ne peut obtenir la condamnation de celles-ci ou de l'une d'entre elle à indemniser les sommes versées à ce titre.

La société MAAF Assurances, qui a été condamnée par la cour d'appel d'Orléans statuant en référé à payer une somme de 117 287,50 euros, sollicite également la condamnation de :

- la société BATELEC à lui verser une somme de 67 651,81 euros correspondant à 117 287,50 X 145 537,94 / 252 318,19 ;

- la société DOMINGUES à lui verser une somme de 49 635,69 euros correspondant à 117 287,50 X 106 780,25 / 252 318,19

Le calcul auquel procède la société MAAF Assurances ne peut toutefois être avalisé dès lors qu'en application de l'article 1788 du code civil chaque entrepreneur ne supporte le risque de la perte que son propre ouvrage, de sorte qu'il convient, pour fixer l'étendue des sommes pouvant être mises à sa charge, de déterminer le coût de la perte de la chose fournie par chacun.

Le tribunal a condamné la société BATELEC à verser à la société MAAF Assurances une somme de 40 093,60 euros, et la société DOMINGUES à lui verser une somme de 49 635,69 euros. Pour statuer ainsi, il a pris en considération la motivation de l'arrêt de la cour d'appel du 19 mai 2010 qui a relevé que la MAAF avait admis que les travaux à reprendre s'élevaient à 77 193,09 euros pour la société DOMINGUES et 40 093,60 euros pour BATELEC.

La société BATELEC, qui s'était vue confier les lots 8, 9 et 10 (plomberie-sanitaire-électricité-ventilation), pour un montant total de 199 743,80 euros HT, et la société DOMINGUES, qui s'était vue confier le lot n°6 pour un montant de 151 268,37 euros, s'en rapportent à justice sur les condamnations prononcées par le tribunal à ce titre.

En l'espèce, l'expert judiciaire a, dans son rapport du 20 mai 2016, postérieur à l'arrêt de la cour d'appel du 19 mai 2010, évalué le montant des travaux de réparation à la somme de 143 537,94 euros pour le lot n°10 (BATELEC) et 106 780,25 euros pour le lot n°6 (DOMINGUES). Il s'agit là des sommes nécessaires pour remédier à la perte, pour chacun de ces lots et donc pour les entrepreneurs qui les avaient en charge, de l'ouvrage qu'ils avaient réalisé.

La société MAAF Assurances sollicitant la condamnation de la société BATELEC à lui verser une somme de 67 651,81 euros et de la société DOMINGUES à lui verser une somme de 49 635,69 euros, il sera fait droit à ces demandes.

Sur la garantie de la Monceau Générale Assurances (MGA)

Les sociétés BATELEC et DOMINGUES étaient assurées auprès de la MGA.

Sont versées aux débats les conditions générales et spéciales du contrat Responsabilité civile souscrit par ces sociétés auprès de la MGA.

Il résulte de cette convention que sont garanties, au titre du risque 'Responsabiltié Exploitation' : 'les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile que l'assuré peut encourir aux termes des dispositions légales en vigueur, à raison des dommages corporels, matériels et immatériels consécutifs, y compris ceux occasionnés par un incendie, une explosion ou par l'action de l'eau, causé aux tiers au cours des activités de l'entreprise telles qu'elles sont définies aux conditions particulières'.

Il est constant que l'entrepreneur qui, sur le fondement de l'article 1788 du code civil, supporte la perte de la chose et répond donc du dommage subi par le maître de l'ouvrage, est 'responsable' au sens de l'article L121-12 du code des assurances, de sorte que la dette qu'il contracte peut être assurée dans le cadre d'un contrat d'assurance responsabilité civile (1ère Civ 9 novembre 1999 n°97-16.306 Bull n°293).

Toutefois, le présent contrat d'assurance exclut, dans son article III, B, 5: 'Les dommages survenant aux immeubles, aux animaux, aux choses ou substances dont l'assuré, son conjoint, ses enfants, ses prépopsés ou toute personne dont il est civilement responsabilité sont propriétaires ou qu'ils ont en dépôt, en location, en garde ou en prêt, ou qui leur sont confiés pour les utiliser, les travailler, les transporter dans tout autre but'.

L'article V, 5, C de ce contrat, qui prévoit des dérogations à cette exclusion, n'est pas applicable puisqu'il ne s'applique pas aux dommages subis par les ouvrages et travaux en cours d'exécution par l'assuré, ainsi que les matériaux et équipements soumis par lui pour la réalisation de son marché.

Conformément aux articles L. 113-1 et L. 112-4 du code des assurances, les clauses d' exclusion des contrats d'assurance doivent être formelles et limitées et ne sont valables que si elles sont mentionnées en caractères très apparents .

Les sociétés BATELEC et DOMINGUES soutiennent que ces clauses d'exclusion ne sont pas rédigées en caractères très apparents comme l'exige l'article L. 112-4 du code des assurances, les caractères utilisés étant identiques à ceux utilisés pour poser le principe de l'assurance exploitation en cas d'incendie. Ils ajoutent que la présentation générale de ces clauses les rend difficilement lisibles puisqu'elles ne sont pas mentionnées directement après l'article posant le principe de la garantie.

La société MGA soutient au contraire que cette exclusions figure en caractère très apparents.

Il résulte de l'examen de ce document (pièce n°2 de MGA) que le paragraphe III est introduit par le titre 'EXCLUSIONS' en majuscules et est intégralement rédigé en caractères gras, contrairement au restant du contrat qui est rédigé, exception faite des intitulés de paragraphes, dans une typographie normale et non en caractères gras. Les dispositions de l'article L. 112-4 du code des assurances, qui exige que les clauses d'exclusion soient rédigées en caractères très apparents, sont donc respectées. Le fait que le paragraphe relatif aux exclusions figure dans un paragraphe III non directement consécutif au paragraphe I définissant les

'garanties de base' n'est pas de nature à altérer la lisibilité de ce document dans la mesure où un paragraphe est spécifiquement consacré aux exclusions et où le sommaire expose clairement l'ordre des différents paragraphes ainsi que leur objet.

Les sociétés BATELEC et DOMINGUES ainsi que la société MAAF Assurance soutiennent qu'en outre, ces clauses d'exclusion ne sont pas formelles et limitées dès lors qu'elles supposent une interprétation, et qu'elles ont pour effet de priver d'objet la garantie litigieuse.

Toutefois, le contrat d'assurance prévoit le principe de la garantie responsabilité civile, au terme de laquelle l'assureur garantit les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile que l'assuré peut encourir au terme des dispositions légales en vigueur à raison des dommages causés aux tiers au cours des activités de l'entreprise.

Les clauses d'exclusion excluent la garantie :

- pour les dommages qui surviennent après l'achèvement des travaux (article III, B, 3)

- pour les dommages survenant aux immeubles ou aux choses dont l'assuré est civilement responsable, ou qu'il a en dépôt ou en garde ou qui lui sont confiés pour les travailler (article III, B, 5), sous réserve toutefois (article V, C) des dommages causés aux parties anciennes de la construction appartenant au maître de l'ouvrage et aux ouvrages exécutés par d'autres entrepreneurs, qui sont donc assurés.

Ce qui n'est pas assuré est donc, ainsi que le rappelle l'article III, C, 1 et 2, les dommages subis par les travaux en cours d'exécution par l'assuré et les fournitures servant à la réalisation des travaux, les dommages causés aux tiers, maître de l'ouvrage ou autres entrepreneurs, étant en revanche assurés pendant le cours des travaux.

Ces clauses d'exclusion sont donc formelles et limitées.

Les clauses d'exclusion litigieuses, qui répondent aux exigences des articles L.113-1 et L. 112-4 du code des assurances, sont donc valables et il doit en être fait application.

En application du paragraphe III, B, 5, la garantie de l'assureur n'est pas due pour les dommages survenant aux choses que l'assuré a en dépôt, en location, en garde ou en prêt, ou qui lui sont confiées pour les utiliser, les travailler, les transporter dans tout autre but'.

Or il est constant en l'espèce que l'incendie est survenu dans l'immeuble dans lequel les sociétés BATELEC et DOMINGUES effectuaient des travaux de sorte que les conditions d'application de cette clause d'exclusion sont donc réunies.

La condamnation prononcée à l'encontre des sociétés BATELEC et DOMINGUES sur le fondement de l'article 1788 du code civil portant précisément sur les dommages causés aux travaux et ouvrages qu'ils étaient chacun en train de réaliser, le contrat d'assurance souscrit auprès de la MGA ne garantit pas ce risque.

La société MAAF Assurances soutient que la garantie de la MGA est mobilisable sur le fondement de l'article L. 511-1 du code des assurances, faute pour l'assureur d'avoir alerté les assurés de la non garantie de ce risque, qui est important pour des entreprises du bâtiment. Elle lui reproche donc d'avoir manqué à son obligation d'information et de conseil. Or un tel manquement ne saurait entraîner, à le supposer avéré, la garantie de l'assureur pour des risques non prévus par le contrat, mais peut seulement entraîner le cas échéant la responsabilité de la société MGA en raison d'un manquement à une obligation d'information et de conseil.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes de garantie dirigées contre la société MGA.

Sur le manquement de l'assureur à son devoir d'information et de conseil

Les sociétés BATELEC et DOMINGUES reprochent à l'assureur d'avoir manqué à son obligation d'information et de conseil, pour ne pas leur avoir remis, comme le prévoit pourtant l'article L. 112-2 du code des assurances, une fiche d'information sur les prix et les garanties, et ils ajoutent que la MGA aurait dû, si le contrat ne couvrait pas le risque de destruction des ouvrages par incendie avant réception, les en alerter. Ils estiment que leur préjudice pour perte de chance de souscrire une assurance couvrant ce risque doit être évalué à 90 % du montant des dommages.

La société MGA répond que l'article L. 112-2 du code des assurances ne prévoit aucune sanction pour l'éventuel défaut de remise de la fiche d'information, et qu'il ne peut être affirmé que les souscripteurs n'auraient pas été clairement informés de l'étendue des garantie souscrites alors même que le tribunal a retenu qu'il n'était pas contesté que les clauses d'exclusion avaient été portées à la connaissance des deux entrepreneurs.

Toutefois, l'absence de sanction prévue par le texte n'interdit pas de rechercher si l'assureur n'a pas manqué à son obligation d'information, manquement qui, s'il est établi et est à l'origine d'un préjudice pour l'assuré, justifie qu'il en soit indemnisé.

L'assureur est en effet tenu d'informer précisément l'assuré, avant la conclusion du contrat, sur les garanties comprises ou non dans le contrat d'assurance qu'il s'apprête à souscrire. Tel est précisément l'objet de la fiche d'information dont la remise est prévue par l'article L. 112-2 du code des assurances.

Il incombe donc à l'assureur de rapporter la preuve de ce qu'il a satisfait à ses obligations précontractuelles en informant précisément le candidat à l'assurance sur les prix et les garanties comprises dans le contrat qu'il envisage de souscrire.

Si le défaut de remise de cette fiche d'information n'est pas sanctionné par le texte, il n'en demeure pas moins que l'assureur qui ne s'acquitte pas de cette obligation s'expose à ce qu'il lui soit reproché d'avoir manqué à une obligation d'information, information ayant pour objet de permettre à l'assuré de souscrire le contrat en toute connaissance de cause de l'étendue de la garantie souscrite et éventuellement de solliciter des adaptations à ce contrat en fonction de ses besoins. La signature du contrat lui-même ne saurait pallier ce défaut d'information précontractuelle, d'autant que la fiche, plus synthétique que le contrat, a vocation à être plus aisément lisible et compréhensible.

En l'espèce, la société MGA ne justifie nullement avoir remis cette fiche aux sociétés BATELEC et DOMINGUES.

La société MGA ne justifie pas avoir, d'une autre façon, rempli cette obligation d'information.

Les sociétés BATELEC et DOMINGUES ont donc été privées d'une information précontractuelle qui aurait mis en évidence, plus clairement que ne le fait le contrat dont seule une lecture attentive permet de déterminer ce qui est exclu de la garantie, le fait que le contrat d'assurance ne couvrait pas les dommages causés à leurs propres ouvrages et matériaux en cas de sinistre survenant en cours d'exécution des travaux, et donc le cas échéant de solliciter une extension de garantie.

Ce risque n'est pourtant pas anecdotique compte tenu des sinistres susceptibles de survenir en cours de chantier, qu'ils soient accidentels ou dus à des actes malveillants. La société MGA ne précise aucunement la majoration de cotisation qui serait résultée d'une extension de garantie portant sur ce risque, de sorte qu'il ne peut être considérée que la chance de souscrire cette garantie de la part des entrepreneurs concernés n'aurait été que de 30% comme l'a retenu le tribunal.

Compte tenu de l'importance de ce risque et des conséquences pécuniaires qui en résultent pour l'entrepreneur en considération des dispositions des articles 1788 et 1789 du code civil, et la société MGA ne justifiant pas qu'il en serait résulté une majoration conséquente de la cotisation due, il convient de considérer que le manquement de l'assureur à son obligation précontractuelle d'information a fait perdre aux sociétés DOMINGUES et BATELEC une chance, qui sera évaluée à 66% , de souscrire un contrat garantissant ce risque.

En conséquence, la société MGA sera condamnée à payer, en réparation du préjudice subi par les sociétés BATELEC et DOMINGUES, des dommages et intérêts s'élevant à :

- pour la société BATELEC une somme de 67 651,81 euros X 66% = 44 650,19 euros ;

- pour la société DOMINGUES une somme de 49 635,69 X 66% = 32 759,55 euros.

Sur la demande en garantie des sociétés BATELEC et DOMINGUES à l'encontre de la société Julien-Coesnon et de la MAF

Les sociétés BATELEC et DOMINGUES demandent à être garanties des condamnations prononcées à leur encontre par la société Julien-Coesnon.

Toutefois, les causes de l'incendie étant indéterminées, l'origine de l'incendie ne peut nullement être imputée à un manquement de l'architecte, à défaut de tout lien de causalité avéré entre l'insuffisance des mesures de protection du chantier prises par lui-même ou par les entrepreneurs intervenant sur le chantier, et la survenance de l'incendie.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté les sociétés BATELEC et DOMINGUES de leur appel en garantie contre la société Julien-Coesno et contre la

MAF.

Sur la demande en garantie de la société MGA contre la société Julien-Coesnon et la MAF

La société MGA demande à être garantie de toutes condamnations prononcées contre elle par la société Julien-Coesnon et son assureur, la MAF.

Toutefois, pour les mêmes raisons que celles sus-exposées, la responsabilité de la société Julien-Coesnon ne peut être engagée à défaut de lien de causalité démontré entre les fautes qui lui sont reprochées tenant au fait que l'architecte ne se serait pas suffisamment assuré que le chantier était fermé et protégé, et la survenance de l'incendie.

La demande de la société MGA sera rejetée.

Sur les demandes accessoires

La société MAAF Assurances et la société Monceau Générale Assurances seront tenues in solidum aux dépens de la procédure d'appel.

Les circonstances de la cause justifient de condamner la société MAAF Assurances à payer :

- une somme globale de 1000 euros à la société Julien-Coesnon et à la Mutuelle des Architectes Français,

- une somme globale de 1000 euros à la société DIMA Climatisation et la SMABTP,

- une somme de 1000 euros à la société AREAS dommages.

Les circonstances de la cause justifient de condamner la société Monceau Générale Assurances à payer :

- à la société BATELEC une somme de 2000 euros ;

- à la société DOMINGUES une somme de 2000 euros.

Les autres demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

Statuant par mise à disposition au greffe, par défaut et en dernier ressort,

CONFIRME en ses dispositions critiquées le jugement entrepris sauf en ce qu'il :

- condamne la société BATELEC à payer à la société MAAF Assurances une somme de 40 093,60 euros outre les intérêts au taux légal à compter du 27 janvier 2010 ;

- condamne la compagnie d'assurance Monceau Générale Assurance à payer à la société BATELEC une somme de 12 027,90 euros outre les intérêts au taux légal à compter du présent jugement,

- condamne la compagnie d'assurance Monceau Générale assurance à payer à la société DOMINGUES une somme de 14 890,70 euros outre les intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

CONDAMNE la société BATELEC SERVICE ARTISANAT à payer à la société MAAF Assurances une somme de 67 651,81 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 27 janvier 2010 ;

CONDAMNE la société Monceau Générale Assurances à payer à la société BATELEC SERVICE ARTISANAT une somme de 44 650,19 euros à titre de dommages et intérêts ;

CONDAMNE la société Monceau Générale Assurances à payer à la société DOMINGUES PLATRERIE ISOLATION une somme de 32 759,55 euros à titre de dommages et intérêts ;

REJETTE les demandes en garantie dirigées contre la société Julien-Coesnon et son assureur, la société Mutuelle des Architectes Français ;

CONDAMNE in solidum les sociétés MAAF Assurances et Monceau Générale Assurances aux dépens de la procédure d'appel, dont distraction au profit de la SCP Reférens et de Maître Gallier, avocats, en application de l'article 699 du code de procédure civile.