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Décisions

CA Angers, ch. com., 2 mars 2010, n° 09/00282

ANGERS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Aviva Assurances (SA)

Défendeur :

Société Sarthoise de Revêtements Electrolytiques (SARREL) (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vallée

Conseillers :

Mme Breton, Mme Schutz

Avoués :

SCP Chatteleyn et George, SCP Gontier-Langlois

Avocats :

Me Brecheteau, Me Pelletier, Me Jacquet

T. com. Mamers, du 3 déc. 2008, n° 08/00…

3 décembre 2008

La société SARREL (société Sarthoise de Revêtements Electrolytiques), ayant pour activité la métallisation de surfaces par électrolyse était sous-traitante depuis plusieurs années de la société SOGAPLAST. Celle-ci ayant été l'objet d'une procédure collective, la société SARREL a été admise définitivement en qualité de créancière pour un montant de 127 263,20 euros à titre chirographaire.

La société SOGAPLAST a confié à la société SARREL des pièces pour façonnage qui ont été détruites dans un incendie survenu dans l'usine le 10 avril 2005.

La société AVIVA, assureur de la société SOGAPLAST, a, par acte du 18 septembre 2007, se déclarant subrogée dans les droits de cette dernière, assigné la société SARREL devant le tribunal de commerce au paiement de la somme de 49 763 euros, montant de l'indemnité d'assurance versée à son assuré.

La société SARREL s'est opposée à cette demande au vu des termes des conditions générales du Syndicat National des Entreprises d'Application et de Traitement des Surfaces constituant en le rappel des dispositions de l'article 1789 du code civil, considérant que sa responsabilité n'était pas engagée, et a fait valoir la compensation entre toutes dettes lui incombant et la créance dont elle bénéficiait contre la société SOGAPLAST, ayant fait l'objet d'une admission de la procédure collective de cette société.

Par jugement du 3 décembre 2008, le tribunal de commerce de Mamers a dit que le société SARREL n'était pas responsable du sinistre qui a ravagé ses locaux et débouté la société AVIVA de sa demande de remboursement de la somme de 49 763 euros.

LA COUR

Vu l'appel formé contre ce jugement par la société AVIVA ;

Vu les dernières conclusions du 28 mai 2009 aux termes desquelles la société AVIVA demande à la cour, poursuivant la réformation du jugement, avec une indemnité de procédure de condamner la société SARREL à verser à la compagnie AVIVA la somme de 49 763 euros avec intérêts au taux légal à compter du 30 septembre 2006, subsidiairement du 18 septembre 2007 ;

Vu les dernières conclusions du 2 septembre 2009 aux termes desquelles la société SARREL sollicite avec une indemnité de procédure la confirmation du jugement entrepris ;

MOTIFS DE LA DÉCISION

L'appelante soutient que la société SARREL est tenue d'une présomption de responsabilité dont il lui appartient de se dégager par la preuve qu'elle n'a point commis de faute, que l'indétermination des circonstances de l'incendie interdit à l'intimée de prétendre rapporter la preuve lui incombant et que les fautes de cette société sont caractérisées.

La société intimée soutient au contraire que dès lors que la cause de la disparition d'une pièce est parfaitement établie, les dispositions de l'article 1789 du code civil s'appliquent et la responsabilité du façonnier ne peut être établie que lorsque le donneur d'ordre rapporte la preuve de la faute de celui-ci ; que les rapports d'expertise mandatés par les assureurs ne permettent nullement d'établir cette responsabilité. Elle maintient en outre qu'elle peut se prévaloir de la compensation avec sa créance définitivement au passif de la société SOGAPLAST à l'encontre de la société AVIVA, subrogée dans les droits de la société SOGAPAST.

~~

Il résulte des dispositions de l'article 1789 du code civil que dans le cas où l'ouvrier fournit seulement son travail ou son industrie, si la chose vient à périr, l'ouvrier n'est tenu que de sa faute. La charge de la preuve pèse, selon la jurisprudence, sur l'entrepreneur qui peut se dégager de toute responsabilité en prouvant simplement son absence de faute sans avoir à établir un cas de force majeure.

Le principe est également consacré en jurisprudence que si la disparition de la chose est inexpliquée, l'entrepreneur ne peut s'exonérer de sa responsabilité que par la preuve de l'absence de faute. Cela ne signifie pas pour autant que si la cause de la disparition de la chose est expliquée, il y ait renversement de la charge de la preuve. Dans cette hypothèse, il appartient à l'entrepreneur de prouver que la chose à lui confiée a péri en raison d'un cas fortuit, d'un vice interne de celle-ci ou d'un fait extérieur quelconque ou de son absence de faute.

Les conditions générales du Syndicat National des Entreprises d'Application et de Traitement des Surfaces stipulent en leur article 5.1.3: 'Pendant que les pièces sont entre les mains du F et notamment au cours de l'exécution du travail, la responsabilité du F est régie par les articles 1789 du code civil et suivants. Sauf convention expresse contraire, la responsabilité du F est limitée à la perte de son travail sur les pièces perdues ou détériorées à, moins qu'il ne soit prouvé un manquement grave aux règles de prudence, de compétence et de diligence normalement requises pour un travail de ce genre'.

Il est constant que les pièces confiées par SOGAPLAST à SARREL ont péri du fait d'un incendie ayant ravagé les locaux de cette société le dimanche 10 avril 2005 vers 20H15 20H20. Le point de départ de cet incendie se situe selon l'expert Lavoué de la compagnie d'assurances ZURICH de la société SARREL à la jonction des magasins 'pièces brutes' et expédition. L'usine était en activité la nuit de l'incendie et devait donc être accessible aux employés. Cet expert écarte toute cause intrinsèque au bâtiment, au niveau de l'installation électrique ou d'un récepteur électrique, ou encore celle d'une auto inflammation spontanée des matériaux ou marchandises stockées. Il affirme que l'incendie est d'origine humaine, écarte la thèse d'un phénomène de feu couvant causé par un mégot égaré, et retient comme seule hypothèse plausible celle d'un acte de mise à feu volontaire, manifestement par une personne interne à l'entreprise ou connaissant parfaitement les lieux.

L'expert mandaté par AVIVA précise que l'origine du sinistre reste indéterminée et que la responsabilité de la société SARREL n'est pas établie.

Il résulte de ces éléments que la cause de la disparition des pièces est connue, puisqu'il s'agit d'un incendie avéré. Cependant, la cause de celui-ci étant indéterminée, le façonnier reste devoir, selon la présomption édictée par l'article 1789 du code civil, apporter la preuve de ce que cet incendie n'a pas eu pour origine une négligence de sa part ou du fait des personnes qu'il emploie au sens des dispositions de l'article 1797 du code civil.

Or, de ce point de vue, force est de constater que deux éléments sont contraires à l'établissement par la société SARREL d'une absence de faute de sa part. Le premier réside dans le fait que selon le rapport Lavoué, la seule issue ouverte la nuit permettant d'accéder à l'usine donnait précisément à l'une des extrémités du magasin de stockage 'pièces brutes' origine de l'incendie. Le second réside dans un défaut de surveillance des lieux, allié à un défaut de fonctionnement inexpliqué de l'installation de détection incendie reliée à une alarme centrale et enfin à la vaine tentative d'un salarié de l'entreprise d'éteindre l'incendie, le RIA utilisé ayant été inopérant en raison d'une insuffisance de pression d'eau.

Il s'ensuit que cette absence de mesures de protection normale contre un incendie constitue bien une faute de la part de la société SARREL qui a joué un rôle causal dans la destruction des pièces à elle confiées par la société SOGAPLAST. Elle est ainsi bien tenue de répondre du dommage subi par cette société à hauteur de la somme de 49 763 euros avec intérêts au taux légal à compter de la demande.

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La société appelante soutient que les conditions de la compensation que la société SARREL lui oppose ne sont pas réunies ; que l'admission prononcée par ordonnance du juge commissaire du 10 avril 2007 de sa créance n'est pas opposable à la société AVIVA qui se trouve personnellement créancière selon quittance du 30 septembre 2006 emportant subrogation, c'est à dire avant qu'aucune décision ne consacre une quelconque dette de la société SOGAPLAST envers la société SARREL. Elle fait valoir en outre l'absence de connexité entre sa créance et celle avec laquelle compensation est sollicitée.

La société intimée soutient la position inverse qui consiste à prétendre que la société AVIVA subrogée dans les droits de SOGAPLAST ne saurait avoir plus de droits que celle-ci à laquelle elle se substitue pour revendiquer la même créance de même nature. Elle fait valoir qu'il y a bien connexité entre les créances au regard des dispositions de l'article L622-7 du code de commerce du fait de relations d'affaires suivies entre SOGAPLAST et SARREL.

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A défaut d'obligations réciproques dérivant d'un même contrat, le lien de connexité entre les créances et dettes du débiteur et du créancier ne peut exister qu'entre les créances et dettes nées de ventes et achats conclus en exécution d'une convention ayant défini entre eux le cadre du développement de leurs affaires ou constituant les éléments d'un ensemble contractuel unique servant de cadre général à ces relations. Sont ainsi connexes des créances réciproques nées d'un même contrat ou de contrats distincts correspondant à une volonté commune de réaliser une même opération économique dans le cadre d'un accord global.

En revanche le simple fait que deux sociétés aient été en relations d'affaires ne suffit pas à établir la connexité de leurs créances réciproques en l'absence de circonstances établissant que les ventes et achats conclus entre les parties résultaient de la mise en oeuvre d'une convention ayant défini entre elles le cadre du développement de leurs affaires. Or, force est de constater qu'une telle convention fait ici défaut et n'est d'ailleurs nullement invoqué par la société SARREL qui se borne à faire état d'une relation d'affaires suivie, la seule référence dans ces relations commerciales aux Conditions Générales de Façonnage du Syndicat National des Entreprises d'Applications de Revêtement et Traitement de Surfaces (SATS) étant inopérante pour attester de l'existence de la convention exigée par la jurisprudence.

Il s'en déduit que la compensation ne peut être opposée à la société AVIVA, subrogée dans les droits de la société SOGAPLAST, sans qu'il soit besoin d'examiner le moyen tiré de l'antériorité de la quittance subrogative.

La société SARREL qui succombe devra payer une indemnité de procédure à la société AVIVA et les dépens et être déboutée de ses demandes de ces chefs,

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Condamne la société Sarthoise de Revêtements Electrolytiques dite SARREL à verser à la Compagnie AVIVA la somme de 49 763 euros avec intérêts au taux légal à compter du 18 septembre 2007 date de l'assignation,

Condamne la société Sarthoise de Revêtements Electrolytiques dite SARREL à verser à la Compagnie AVIVA la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toute autre demande,

Condamne la société Sarthoise de Revêtements Electrolytiques dite SARREL aux dépens de première instance et d'appel recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.