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Décisions

CA Besançon, 1re ch. civ. et com., 24 septembre 2024, n° 23/01943

BESANÇON

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Jade.R (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Saunier

Conseillers :

Mme Willm, Mme Manteaux

Avocats :

Me Pauthier, Me Dutkowiak, Me Baudry

T. com. Dijon, du 12 nov. 2020, n° 20190…

12 novembre 2020

Faits, procédure et prétentions des parties

Par acte du 17 décembre 2018 intervenu après convention de cession de titres sous condition suspensive du 30 octobre 2018, M. [I] [B], associé unique de la SARL Jade.R exploitant une activité de restauration, a cédé à la société civile Holding [K], se substituant à Mme [C] [O] épouse [K] et représentée par son gérant M. [M] [K], les cent parts sociales correspondant à la totalité du capital social de la société Jade.R au prix global de 150 000 euros.

M. [B] a démissionné le même jour de ses fonctions de gérant.

Par courriers des 08 et 15 février 2019, le conseil des sociétés Jade.R et Holding [K] a sollicité de M. [B] le remboursement à la société Jade.R de la somme totale de 4 537,67 euros, augmentée à 32 646,10 euros, au titre d'une rémunération du gérant non-autorisée à compter du 1er avril 2018, de dépenses assumées par la société dans l'intérêt personnel de son gérant entre le 08 août et le 13 décembre 2018 pour un montant de 1 037,67 euros, d'un chèque d'un montant de 1 500 euros émis par l'ancien gérant le 20 décembre 2018 soit postérieurement à la date de cession et du règlement à la SAS Equinoxe, expert comptable de la société Jade.R, des honoraires de cession à hauteur de la somme de 2 000 euros par cette dernière en lieu et place du cédant.

Saisi par acte signifié le 07 mai 2019 à la demande des sociétés Jade.R et Holding [K] d'une demande de condamnation de M. [B] à rembourser à la société Jade.R la somme totale de 41 305,68 euros outre des dommages-intérêts à hauteur de 5 000 euros, ainsi que d'une demande indemnitaire reconventionnelle d'un montant de 10 000 euros, le tribunal de commerce de Dijon a, par jugement rendu le 12 novembre 2020 :

- débouté les sociétés Jade.R et Holding [K] de toutes leurs demandes ;

- débouté M. [B] de sa demande de dommages-intérêts ;

- condamné les sociétés Jade.R et Holding [K] à payer à M. [B], sous déduction de tout acompte qui aurait été versé de ce chef et dont il devra être justifié, la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné les sociétés Jade.R et Holding [K] aux dépens dont les frais de greffe liquidés à la somme de 94,34 euros, le coût de l'assignation et les frais de mise à exécution ;

- 'dit' toutes autres demandes, fins et conclusions des parties injustifiées et en a débouté les parties.

Pour parvenir à cette décision, le juge de première instance a considéré :

Concernant la rémunération perçue par M. [B],

- que si en application des articles L. 223-26, L. 223-27 et L. 223-31 du code de commerce, la rémunération de l'associé gérant d'une SARL doit être répertoriée dans un registre, cette rémunération peut aussi être approuvée postérieurement dans le cas d'un associé unique ;

- qu'en l'espèce, la rémunération du gérant à hauteur de 33 000 euros ainsi que la prise en charge par la société des cotisations obligatoires et facultatives afférentes à cette rémunération ont été précédemment approuvées lors d'une assemblée générale du 03 août 2018 ;

- que dès lors, M. [B] a régulièrement perçu une rémunération de 26 371,38 euros au cours de l'année 2018 tandis que les cotisations sociales d'un montant de 13 434 euros ont été régulièrement versées par la société aux organismes compétents ;

- qu'en outre, est conforme à la décision de l'assemblée générale la rémunération à hauteur de 1 508,06 euros perçue par M. [B] au titre des dix-sept jours de travail effectués prorata temporis au mois de décembre ;

Concernant les dépenses attribuées personnellement à M. [B],

- que celles-ci, représentant un montant total de 1 037,67 euros, ont été comptabilisées au compte courant d'associé de l'intéressé, de même que le montant de 2 000 euros correspondant aux frais de cession ;

Concernant la demande indemnitaire reconventionnelle formée par M. [B],

- que ce dernier n'établit pas la réalité d'un préjudice de stress.

Par déclaration du 11 décembre 2020, les sociétés Jade.R et Holding [K] ont interjeté appel de ce jugement sauf en ce qu'il a rejeté la demande indemnitaire formée par M. [B].

Ce dernier a formé appel incident en sollicitant l'infirmation du jugement concernant le rejet de sa demande de dommages-intérêts.

Par un arrêt rendu le 21 avril 2022, la cour d'appel de Dijon a infirmé le jugement du 12 novembre 2020 en ce qu'il a débouté les sociétés Jade.R et Holding [K] de toutes leurs demandes et en ce qu'il les a condamnées à payer la somme de 2 000 euros à M. [B] au titre des frais irrépétibles, le confirmant pour le surplus.

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant, la cour a :

- condamné M. [B] à payer à la société Jade.R la somme de 1 500 euros au titre du remboursement du chèque du 19 décembre 2018, avec intérêts au taux légal à compter du 16 février 2019 ;

- rejeté le surplus des demandes formées par les sociétés Jade.R et Holding [K] ;

- rejeté les demandes formées par les parties sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. [B] aux dépens d'appel.

Saisie d'un pourvoi formé par les sociétés Jade.R et Holding [K], la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation a, par un arrêt rendu le 20 novembre 2023 :

- constaté une violation de l'article L. 223-18 du code de commerce, aux termes duquel la rémunération du gérant d'une SARL est déterminée soit par les statuts, soit par une décision de la collectivité des associés, en ce que la bonne foi du gérant associé unique constitue un motif inopérant dès lors que la cour avait constaté qu'il résultait des statuts de la société que la rémunération du gérant était déterminée par décision collective des associés et que les sommes en litige n'avaient pas été autorisées par une telle décision ;

- considéré, au visa de l'article 624 du code de procédure civile, que la cassation prononcée sur le premier moyen entraîne la cassation, par voie de conséquence, du chef de dispositif de l'arrêt rejetant la demande indemnitaire des sociétés Jade.R et Holding [K], qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire ;

- cassé et annulé, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes des sociétés Jade.R et Holding [K] en remboursement des sommes versées par la société Jade.R au titre de la rémunération de M. [B] pour l'exercice 2018/2019 et des cotisations sociales afférentes et en paiement de dommages et intérêts, et statue sur l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 21 avril 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ;

- remis, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel de Besançon.

Par déclaration de saisine transmise au greffe le 1er décembre 2023, les sociétés Jade.R et Holding [K] ont saisi la cour d'appel de Besançon en sollicitant l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il :

- les a déboutées de toutes leurs demandes ;

- les a condamnées à payer à M. [B], sous déduction de tout acompte qui aurait été versé de ce chef et dont il devra être justifié, la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- les a condamnées en tous les dépens de l'instance dont frais de greffe indiqués en tête des présentes auxquels devront être ajoutés le coût de l'assignation et les frais de mise à exécution de la décision ;

- a dit que toutes autres demandes, fins et conclusions des parties injustifiées et les en a déboutés.

Selon leurs dernières conclusions transmises le 18 mars 2024, elles sollicitent de la cour, in limine litis :

- de constater que M. [B] n'a pas notifié ses conclusions dans le délai de deux mois qui lui était imparti à compter de la notification de leurs propres conclusions, conformément à l'article 1037-1 du code de procédure civile ;

- en conséquence, de juger irrecevables les conclusions notifiées par M. [B] le 11 mars 2024 et les écarter.

En tout état de cause, elles demandent à la cour d'infirmer le jugement dont appel en ce qu'il les a déboutées de toutes leurs demandes, les a condamnées à payer à M. [B], sous déduction de tout acompte qui aurait été versé de ce chef et dont il devra être justifié, la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, les a condamnées en tous dépens de l'instance dont frais de greffe indiquées en tête des présentes auxquels devront être ajoutés le coût de l'assignation et les frais de mise à exécution de la présente décision et a 'dit' toutes autres demandes, fins et conclusions des parties injustifiées et les en a déboutés et, statuant à nouveau :

Exposé du litige

- de débouter M. [B] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- de condamner M. [B] à rembourser à la société Jade.R la somme de 26.371,68 euros indument prélevée à titre de rémunération ainsi que la somme de 13.434 euros indument supportée par cette dernière au titre des charges sociales y afférentes, augmentées des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure recommandée en date du 15 février 2019 ;

- de le condamner à payer à la société Jade.R la somme de 5 000 euros à titre de dommages- intérêts en réparation du préjudice moral subi ;

- de le condamner en tout état de cause à payer à la société Jade.R la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris tous les frais et dépens qui seront exposés lors de la signification et de l'exécution de la décision à intervenir.

Elles font valoir :

Concernant la recevabilité des conclusions transmises par M. [B] :

- qu'en application de l'article 1037-1 du code de procédure civile, les parties adverses remettent et notifient leurs conclusions dans un délai de deux mois à compter de la notification des conclusions de l'auteur de la déclaration de saisine ;

- qu'en l'espèce, ladite déclaration a été signifiée à M. [B], de même que les conclusions d'appelant n° 1 et l'avis de fixation, par exploit de commissaire de justice dressé le 13 décembre 2023 ;

- que le délai de deux mois a donc expiré le 13 février 2024, de sorte que les conclusions de M. [B] notifiées le 11 mars suivant sont irrecevables et que ce dernier est réputé s'en tenir aux moyens et prétentions soumis à la cour d'appel de Dijon ;

Concernant la demande en remboursement de la somme de 26 371,68 euros ainsi que des charges sociales y afférentes pour un montant de 13 434 euros :

- qu'en application de l'article L. 223-18 du code de commerce, la rémunération du gérant d'une SARL est déterminée soit par les statuts, soit par une décision de la collectivité des associés ;

- que l'article 15 des statuts de la société Jade.R prévoient expressément qu' 'en rémunération de ses fonctions et en compensation de la responsabilité attachée à la gestion, chaque gérant a droit à une rémunération fixe, proportionnelle ou mixte, dont le montant et les modalités de paiement sont déterminées par décision collective des associés' ;

- qu'il résulte de l'article L. 223-1, alinéa 2, du code de commerce que l'associé unique exerce les pouvoirs dévolus à la collectivité des associés dans les SARL pluripersonnelles ;

- qu'il est constant que M. [B] s'est octroyé unilatéralement sur les comptes de la société Jade.R la somme de 26 371,68 euros à titre de rémunération pour l'exercice ouvert le 1er avril 2018, tandis que la société a assumé les charges sociales afférentes ;

- que cependant, l'associé de la société n'a pris aucune décision fixant au titre de l'exercice ouvert le 1er avril 2018 la rémunération du gérant, pas plus qu'il n'a dès lors été décidé la prise en charge des charges sociales y afférentes ;

- que le procès-verbal des décisions de l'associé unique du 03 août 2018 ayant approuvé la rémunération du gérant au titre de l'exercice antérieur à celui de la cession, soit l'exercice clos le 31 mars 2018, est sans incidence sur l'exercice suivant ;

- que de même, sont indifférentes les circonstances que la société Holding [K] n'ignorait pas l'existence des sommes prélevées au motif qu'elle a eu communication des comptes sociaux et que la convention de cession de titres sociaux du 30 octobre 2018 mentionnait qu' 'aucune modification n'est intervenue et n'interviendra dans les conditions de rémunérations du gérant';

Concernant la responsabilité civile de M. [B] et l'action sociale ut universali :

- que l'ancien dirigeant demeure responsable des fautes qu'il a commises durant l'exercice de ses fonctions même si, étant associé, il a par la suite cédé la totalité des titres qu'il détenait dans le capital de la société, sur le fondement de l'article L. 223-22, alinéa 1, du code de commerce ;

- qu'un dirigeant ayant perçu une rémunération ou une prime non autorisée par l'assemblée générale des associés est coupable d'abus de biens sociaux au sens de l'article L. 241-3, 4°, du code de commerce ;

- que tel est le cas en l'espèce, ce qui a entraîné pour la société Jade.R un préjudice moral chiffré à la somme de 5 000 euros.

M. [B] a répliqué en dernier lieu par conclusions transmises le 22 mars 2024 pour demander à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Jade.R de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions et, reconventionnellement, de l'infirmer en ce qu'il a été débouté de sa demande reconventionnelle indemnitaire et de condamner la société Jade.R à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages intérêts, outre la somme de 2 400 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Il expose :

Concernent la demande en remboursement de la somme de 26 371,68 euros ainsi que des charges sociales afférentes :

- que dans la mesure où la rémunération du gérant d'une SARL est déterminée soit par les statuts, soit par une décision de la collectivité des associés, la détermination de la rémunération du gérant d'EURL résulte d'une décision unilatérale de sa part ;

- que dans ce cas, la Cour de cassation considère que la fixation de la rémunération peut intervenir a posteriori et a jugé que l'associé unique ayant cessé sa gérance et cédé ses parts de sorte qu'il n'avait plus la maîtrise des assemblées générales pour procéder à l'approbation de ses rémunérations ne peut se voir opposer un défaut de formalisme ne lui étant pas imputable ;

- que tel est le cas en l'espèce, alors que la nouvelle gérance et la société Jade.R n'ignoraient pas qu'il percevait une rémunération de gérant ainsi qu'il résulte des comptes annuels depuis l'année 2014 communiqués à la société Holding [K] ;

- que le procès-verbal de l'associé unique du 05 août 2018 a approuvé sa rémunération annuelle à la somme de 33 000 euros ;

- que la convention de cession de titres sociaux du 30 octobre 2018, confirmée par l'acte de cession du 17 décembre suivant, mentionnait expressément qu' 'aucune modification n'est intervenue et n'interviendra dans les conditions de rémunération du gérant', ces éléments attestant d'un accord de volonté entre les parties sur ce point tel que le rappelle l'expert comptable dans son attestation établie le 31 mai 2019 ;

- que d'ailleurs, la société Holding [K] n'avait contesté par son courrier du 15 février 2019 que le mode de calcul de cette rémunération au prorata temporis, sa contestation ultérieure relevant de la mauvaise foi prohibée par l'article 1104 du code civil ;

- que si, en application de l'article L. 223-31, alinéa 3, du code de commerce, les décisions unilatérales de l'associé unique non consignées dans le registre des décisions sont susceptibles d'annulation, ce défaut de formalisme reste à l'appréciation du juge en particulier en cas de cession de l'intégralité des parts sociales ;

- que la prise en charge des cotisations sociales afférentes à la rémunération figure aux procès-verbaux des décisions de l'associé unique depuis l'année 2014 et constitue une pratique habituelle et légale ;

- que le chèque d'un montant de 1 500 euros dont il est sollicité le remboursement par la société Jade.R constitue sa rémunération au titre du mois du 1er au 17 décembre 2018 sur la base du prorata annuel, acceptée par Mme [K] ainsi qu'en atteste l'expert comptable de la société et alors même qu'il a lui-même financé, sans être remboursé, une dette fournisseur d'un montant de 350 euros ;

Concernant la demande indemnitaire formulée à son encontre ;

- qu'aucune plainte pénale n'a été déposée à son encontre, alors même qu'il n'a commis aucun acte contraire à l'intérêt social de la société Jade.R de nature à engager sa responsabilité pénale ;

- que les moyens de paiement dont il disposait après la cession lui ont été remis par Mme [K] dans le cadre de l'accompagnement qu'il a accepté d'assurer ;

- qu'aucun préjudice n'est caractérisé, tandis que sa rémunération a rétribué un travail effectif de sa part ;

Concernant sa propre demande indemnitaire reconventionnelle :

- que la société Jade.R, par son attitude déloyale et sa volonté malsaine de lui nuire personnellement devant une juridiction, a généré une situation d'incompréhension et de stress important alors qu'il est honorablement connu sur la [Adresse 6] ;

- qu'ainsi, la société Jade.R a sciemment cherché à porter atteinte à sa réputation en jetant le discrédit sur sa probité et son professionnalisme, ce dont il a été très affecté ;

- qu'il est impossible de fournir une preuve tangible d'un préjudice moral, contrairement aux motifs retenus par le juge de première instance.

Pour l'exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 28 mai 2024 et l'affaire a été appelée à l'audience du 18 juin suivant et mise en délibéré au 24 septembre 2024.

En application de l'article 467 du code de procédure civile, le présent arrêt est contradictoire.

Motivation

Motifs de la décision

- Sur la recevabilité des conclusions transmises le 11 mars 2024 par M. [B] ;

Aux termes de l'article 914 du code de procédure civile, les parties soumettent au conseiller de la mise en état, qui est seul compétent depuis sa désignation et jusqu'à la clôture de l'instruction, leurs conclusions, spécialement adressées à ce magistrat, tendant à :

- prononcer la caducité de l'appel ;

- déclarer l'appel irrecevable et trancher à cette occasion toute question ayant trait à la recevabilité de l'appel ; les moyens tendant à l'irrecevabilité de l'appel doivent être invoqués simultanément à peine d'irrecevabilité de ceux qui ne l'auraient pas été ;

- déclarer les conclusions irrecevables en application des articles 909 et 910 ;

- déclarer les actes de procédure irrecevables en application de l'article 930-1.

Les parties ne sont plus recevables à invoquer devant la cour d'appel la caducité ou l'irrecevabilité après la clôture de l'instruction, à moins que leur cause ne survienne ou ne soit révélée postérieurement. Néanmoins, sans préjudice du dernier alinéa du présent article, la cour d'appel peut, d'office, relever la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel ou la caducité de celui-ci.

En application de ces dispositions, la cour d'appel excède ses pouvoirs en se prononçant sur le moyen tiré de l'irrecevabilité des conclusions en application des articles 909 et 910 sans que celui-ci n'ait été révélé postérieurement au dessaisissement du conseiller de la mise en état.

Il en résulte que la demande tendant à l'irrecevabilité des conclusions d'appel de M. [B], intégrée dans les conclusions transmises le 18 mars 2024 par les sociétés Jade.R et Holding [K], alors même que la mise en état n'a été clôturée que par ordonnance du 28 mai suivant, ne relève pas des pouvoirs de la cour et sont donc irrecevables devant celle-ci.

- Sur le périmètre de saisine de la cour d'appel de Besançon,

La cour rappelle que la cour d'appel de Dijon a, par arrêt rendu le 21 avril 2022, partiellement infirmé le jugement du 12 novembre 2020 en ce qu'il a débouté les sociétés Jade.R et Holding [K] de toutes leurs demandes et en ce qu'il les a condamnées à payer la somme de 2 000 euros à M. [B] au titre des frais irrépétibles et, statuant à nouveau et y ajoutant, a condamné M. [B] à payer à la société Jade.R la somme de 1 500 euros au titre du remboursement du chèque du 19 décembre 2018, avec intérêts au taux légal à compter du 16 février 2019 et rejeté le surplus des demandes formées par les sociétés Jade.R et Holding [K] ainsi que les demandes formées par les parties sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en condamnant M. [B] aux dépens d'appel.

Suite à cette infirmation partielle, le jugement de première instance ayant été confirmé en ce qu'il a débouté M. [B] de sa demande de dommages-intérêts, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation a, dans son arrêt rendu le 20 novembre 2023, limité le périmètre de la cassation aux dispositions par lesquelles la cour d'appel de Dijon a rejeté les demandes des sociétés Jade.R et Holding [K] en remboursement des sommes versées par la société Jade.R au titre de la rémunération de M. [B] pour l'exercice 2018/2019 et des cotisations sociales afférentes et en paiement de dommages-intérêts, et a statué sur l'article 700 du code de procédure civile.

Dès lors, la cour n'est saisie ni du rejet de la demande indemnitaire présentée par M. [B] ni de la condamnation de ce dernier à payer à la société Jade.R la somme de 1 500 euros au titre du remboursement du chèque du 19 décembre 2018, avec intérêts au taux légal à compter du 16 février 2019.

- Sur la demande de remboursement de la rémunération prélevée par M. [B] et des charges sociales afférentes formée par la société Jade.R,

En application de l'article L. 223-18 du code de commerce que la société à responsabilité limitée est gérée par une ou plusieurs personnes physiques nommée(s) par les associés, dont la rémunération est déterminée soit par les statuts, soit par une décision de la collectivité des associés.

En l'espèce, l'article 15 des statuts de la société Jade.R établis le 04 janvier 2010 et signés de M. [B], en sa qualité d'associé unique, stipule qu'en rémunération de ses fonctions et en compensation de la responsabilité attachée à la gestion, chaque gérant a droit à une rémunération fixe, proportionnelle ou mixte, dont le montant et les modalités de paiement sont déterminées par décision collective des associés.

Il en résulte que la rémunération du gérant de la société Jade.R doit être déterminée par décision de son associé unique formalisée conformément à la loi, que cette dernière intervienne antérieurement ou postérieurement à sa perception, ce indépendamment de la consignation de ladite décision au registre des décisions.

Cependant, aucune décision n'a autorisé la perception par M. [B] de la somme de 26 371,68 euros à titre de rémunération pour l'exercice ouvert le 1er avril 2018, ainsi que la prise en charge par la société des charges sociales afférentes.

L'approbation de la rémunération du gérant au cours de l'exercice clos au 31 mars 2018 objet de la quatrième décision figurant au procès-verbal des décisions de l'associé unique établi le 03 août 2018, de manière similaire aux précédents exercices, est sans incidence sur la fixation de la rémunération postérieure du gérant.

Par ailleurs, l'absence de modification intervenue ou à intervenir dans les conditions de rémunération du gérant prévue dans la convention de cession de titres sociaux du 30 octobre 2018 ne constitue qu'une garantie contractuellement fournie au cessionnaire dans le cadre de la vente des parts sociales et est sans incidence sur la nécessaire détermination par l'associé unique de sa rémunération selon le formalisme prévu par les statuts.

Il en est de même des échanges intervenus postérieurement entre les parties à la cession des parts sociales, ainsi que de l'attestation de l'expert comptable de la société cédée faisant état d'un accord de volonté entre les parties à la transaction.

De même, le gérant ne peut valablement invoquer que la cessation de sa gérance et la cession des parts sociales l'ont empêché de valider a posteriori sa rémunération perçue à compter du 1er avril 2018, la seule connaissance supposée par le cessionnaire des sommes prélevées au titre de cette rémunération étant sans incidence sur le non respect des dispositions statutaires dont la mise en oeuvre lui incombait au titre de la période antérieure à la cession et qui ne relèvent pas d'un simple 'formalisme' mais conditionnent le caractère régulier des sommes perçues par le dirigeant compte tenu du principe de la séparation des partimoines social et personnel.

La rémunération perçue entre le 1er avril 2018 et le 17 décembre 2018 par M. [B] n'ayant pas été autorisée conformément aux dispositions statutaires, le jugement dont appel sera infirmé en ce qu'il a rejeté les demandes des sociétés Jade.R et Holding [K] en remboursement des sommes versées par la société Jade.R au titre de la rémunération de M. [B] pour l'exercice 2018/2019 et des cotisations sociales afférentes.

M. [B] sera condamné à payer à la société Jade.R les sommes de 26 371,68 euros au titre de la rémunération perçue et de 13 434 euros au titre des charges sociales afférentes, montants augmentés des intérêts au taux légal à compter du 15 février 2019 correspondant à la date de la mise en demeure.

- Sur la demande d'indemnisation de son préjudice moral formée par la société Jade.R,

L'article L. 223-22 du code de commerce dispose que les gérants sont responsables, individuellement ou solidairement, selon le cas, envers la société ou envers les tiers, soit des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux sociétés à responsabilité limitée, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion.

Etant rappelé que l'exercice d'une action en responsabilité à l'encontre du gérant suppose d'établir une faute commise par celui-ci ainsi qu'un préjudice subi par la société et un lien de causalité entre les deux, la cour observe que la société Jade.R, qui se borne à invoquer la commission d'abus de biens sociaux par M. [B], ne caractérise aucun préjudice moral.

Le jugement dont appel sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté sa demande indemnitaire au titre du préjudice moral.

Dispositif

Par ces motifs,

La cour, statuant contradictoirement, après débats en audience publique et en avoir délibéré conformément à la loi :

Déclare irrecevable devant la cour la demande de l'EURL Jade.R et de la société civile Holding [K] tendant à l'irrecevabilité des conclusions d'appel de M. [I] [B] ;

Infirme le jugement rendu entre les parties le 12 novembre 2020 par le tribunal de commerce de Dijon en ce qu'il a rejeté les demandes de l'EURL Jade.R et de la société civile Holding [K] en remboursement des sommes versées par l'EURL Jade.R au titre de la rémunération de M. [I] [B] pour l'exercice 2018/2019 et des cotisations sociales afférentes ;

Le confirme pour le surplus, dans la limite du litige dévolu à la cour ;

Statuant à nouveau sur le chef infirmé et y ajoutant :

Condamne M. [I] [B] à payer à l'EURL Jade.R la somme de 26 371,68 euros au titre de la rémunération perçue pour l'exercice 2018/2019 et de 13 434 euros au titre des charges sociales afférentes, sommes augmentées des intérêts au taux légal à compter du 15 février 2019 ;

Le condamne aux dépens d'appel ;

Et, vu l'article 700 du code de procédure civile, le déboute de sa demande et le condamne à payer à l'EURL Jade.R la somme de 2 000 euros, avec rejet de la demande pour le surplus.