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Décisions

CJUE, 7e ch., 4 octobre 2024, n° C-494/23

COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE

Arrêt

Question préjudicielle

PARTIES

Demandeur :

QE, IJ

Défendeur :

DP, EB

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Biltgen (rapporteur)

Juges :

M. Wahl, Mme Arastey Sahún

Avocat général :

M. Campos Sánchez-Bordona

CJUE n° C-494/23

3 octobre 2024

LA COUR (septième chambre),

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 1er, paragraphe 1, et de l’article 8, point 2, du règlement (UE) no 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 2012, L 351, p. 1).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant QE et IJ, deux résidents tchèques, à DP et à EB, deux résidents français, au sujet de la mainlevée d’une mise sous séquestre judiciaire d’un véhicule acheté par QE et IJ.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

 La convention de Bruxelles

3 Le titre I de la convention du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 1972, L 299, p. 32, ci-après la « convention de Bruxelles ») dispose :

« La présente Convention s’applique en matière civile et commerciale et quelle que soit la nature de la juridiction.

[...] »

 Le règlement (CE) no 44/2001

4 L’article 1er, paragraphe 1, du règlement (CE) no 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 2001, L 12, p. 1), en vigueur jusqu’au 9 janvier 2015 et abrogé par le règlement no 1215/2012, prévoyait :

« Le présent règlement s’applique en matière civile et commerciale et quelle que soit la nature de la juridiction. Il ne recouvre notamment pas les matières fiscales, douanières ou administratives. »

 Le règlement no 1215/2012

5 Aux termes du considérant 10 du règlement no 1215/2012 :

« Il est important d’inclure dans le champ d’application matériel du présent règlement l’essentiel de la matière civile et commerciale, à l’exception de certaines matières bien définies, [...] »

6 L’article 1er, paragraphe 1, de ce règlement dispose :

« Le présent règlement s’applique en matière civile et commerciale et quelle que soit la nature de la juridiction. Il ne s’applique notamment ni aux matières fiscales, douanières ou administratives, ni à la responsabilité de l’État pour des actes ou des omissions commis dans l’exercice de la puissance publique (acta jure imperii). »

7 L’article 8 dudit règlement énonce :

« Une personne domiciliée sur le territoire d’un État membre peut aussi être attraite :

[...]

2) s’il s’agit d’une demande en garantie ou d’une demande en intervention, devant la juridiction saisie de la demande originaire, à moins qu’elle n’ait été formée que pour traduire celui qui a été appelé hors du ressort de la juridiction compétente ;

[...] »

8 Aux termes de l’article 26, paragraphe 1, du même règlement :

« Outre les cas où sa compétence résulte d’autres dispositions du présent règlement, la juridiction d’un État membre devant laquelle le défendeur comparaît est compétente. [...] »

 Le droit tchèque

 La loi no 141/1961, relative à la procédure pénale (code de procédure pénale)

9 L’article 80, paragraphes 1 et 3, du zákon č. 141/1961 Sb., o trestním řizení soudním (trestní řád) [loi no 141/1961, relative à la procédure pénale (code de procédure pénale)], prévoit :

« (1) Si l’objet remis ou retiré n’est plus nécessaire pour la suite de la procédure et si la confiscation ou la saisie n’est pas envisageable, il est restitué à la personne qui l’a remis ou à celle à laquelle il a été retiré. Si une autre personne revendique un droit sur celui-ci, il sera restitué à la personne dont le droit sur l’objet n’est pas contesté. En cas de doute, l’objet est mis sous séquestre et la personne qui le revendique est informée du fait qu’elle doit le réclamer dans le cadre d’une action civile. [...]

[...]

(3) La décision visée [au paragraphe 1] est prise par le président de la chambre ou, dans le cadre de l’instruction préliminaire, par le ministère public ou les forces de l’ordre dans le cadre de l’instruction préliminaire. [...] »

La loi n o 99/1963, relative à la procédure civile

10 L’article 88, sous d), du zákon č. 99/1963 Sb., občanský soudní řád (loi no 99/1963, relative à la procédure civile), dispose :

« Au lieu de la juridiction de droit commun, [...] la juridiction devant laquelle la procédure de séquestre est pendante est compétente pour connaître du litige s’il s’agit d’une décision qui oblige la partie qui s’est opposée à ce que l’objet séquestré soit restitué au demandeur à y consentir. »

 La loi no 292/2013, relative aux procédures judiciaires spéciales

11 Le titre IV, première section, du zákon č. 292/2013 Sb., o zvláštních řízeních soudních (loi no 292/2013, relative aux procédures judiciaires spéciales), est intitulé « Procédure de séquestre ». Il comporte, notamment, les articles 298 et 299 de cette loi.

12 L’article 298, paragraphe 1, de ladite loi, intitulé « Restitution de l’objet mis sous séquestre judiciaire », dispose :

« La juridiction remet l’objet placé sous séquestre à la personne à laquelle la restitution a été accordée, qui en fait la demande. Lorsque l’objet a été placé sous séquestre parce qu’une personne autre que celle à laquelle la restitution a été accordée réclame la mainlevée du séquestre ou parce qu’une autre personne dont le consentement est requis ne consent pas à la mainlevée au profit de la personne à laquelle la restitution a été accordée, le consentement de toutes les parties et de la personne dont le désaccord avec l’exécution a conduit à la mise sous séquestre est requis aux fins de la restitution. [...] »

13 L’article 299 de la même loi, intitulé « Remplacement du consentement à la restitution de l’objet sous séquestre », énonce :

« 1) Si le consentement à la restitution de l’objet sous séquestre d’un objet a été refusé, il peut être remplacé par un jugement définitif du tribunal qui a décidé que la personne qui s’est opposée à la mainlevée doit consentir à ce que l’objet séquestré soit restitué au demandeur.

2) La juridiction devant laquelle la procédure de mise sous séquestre est pendante est compétente pour connaître d’une action visant à remplacer le consentement, prévue au paragraphe 1. »

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

14 Le 19 août 2017, QE et IJ, deux résidents tchèques, ont acheté un véhicule en Allemagne, pour un montant de 13 000 euros. Le 12 septembre 2017, le véhicule a été saisi par la police tchèque au motif qu’il aurait été impliqué dans un vol commis en France. À l’issue de cette saisie, ce véhicule n’a pas été restitué à QE et à IJ, mais a été mis sous séquestre judiciaire auprès de l’Okresní soud v Českých Budějovicích (tribunal de district de České Budějovice, République tchèque), compte tenu de ce que, dans le cadre d’une procédure antérieure, DP et EB, deux résidents français, avaient également fait valoir leur droit sur celui-ci.

15 QE et IJ ont introduit, auprès de cette juridiction, une demande de restitution du bien sous séquestre judiciaire. Comme le droit tchèque exige, dans un tel cas, le consentement de toutes les personnes concernées, QE et IJ ont également présenté une demande tendant à ce que ladite juridiction adopte une décision remplaçant le consentement de DP et de EB aux fins de cette restitution. Cette demande a été notifiée à DP et à EB, lesquels n’ont pas présenté d’observations dans le délai imparti.

16 La juridiction saisie, en tant que juridiction de première instance, a décliné sa compétence internationale pour connaître de la demande en vue du remplacement du consentement, en estimant, en substance, que cette compétence ne saurait être établie que sur le fondement de l’article 26, paragraphe 1, du règlement no 1215/2012, mais que DP et EB, en leur qualité de défendeurs, n’avaient pas comparu devant elle.

17 Saisi en appel par QE et IJ, le Krajský soud v Českých Budějovicích (cour régionale de České Budějovice, République tchèque) a confirmé, par ordonnance du 5 novembre 2021, la décision de la juridiction de première instance.

18 QE et IJ ont introduit un pourvoi en cassation contre cette décision devant le Nejvyšší soud (Cour suprême, République tchèque), qui est la juridiction de renvoi, en avançant que la procédure visant à remplacer le consentement est une procédure spéciale qui ne découle pas d’une relation de droit matériel entre parties, de sorte que les dispositions du règlement no 1215/2012 ne trouvent pas à s’appliquer.

19 La juridiction de renvoi estime que certaines considérations permettent de conclure que la procédure visant à remplacer le consentement à une mainlevée de séquestre relève de la notion de « matière civile et commerciale », au sens de l’article 1er, paragraphe 1, du règlement no 1215/2012, et, par conséquent, du champ d’application matériel de ce dernier. Ainsi, l’objet de la mise sous séquestre est de dissiper, dans le cadre d’une action civile, tout doute quant à la question de savoir laquelle des personnes concernées peut se voir restituer l’objet en vertu d’un droit de propriété ou d’un autre droit. En outre, cette procédure, qui est de nature contradictoire, se trouve régie par des règles de procédure civile, plus précisément par celles relatives aux procédures judiciaires spéciales.

20 La juridiction de renvoi indique toutefois qu’il est permis de douter de l’applicabilité du règlement no 1215/2012 en raison du caractère incident de la procédure en cause. En effet, malgré le fait que la procédure de mise sous séquestre et la procédure visant à remplacer le consentement à une mainlevée de séquestre sont deux procédures de nature différente, l’existence de la seconde procédure dépend étroitement de la procédure de mise sous séquestre.

21 Après avoir rappelé que la compétence des juridictions tchèques pour connaître des procédures de mise sous séquestre est fondée sur l’exercice de prérogatives de puissance publique par les autorités répressives, la juridiction de renvoi établit un parallèle avec l’arrêt du 18 septembre 2019, Riel (C 47/18, EU:C:2019:754), dans lequel la Cour a jugé que l’action visant à faire constater l’existence d’une créance aux fins de son enregistrement dans le cadre d’une procédure d’insolvabilité dérive directement d’une procédure d’insolvabilité, s’y insère étroitement et trouve son origine dans le droit des procédures d’insolvabilité.

22 Par ailleurs, la juridiction de renvoi souligne que, si l’on admettait que la compétence internationale concernant les procédures visant à remplacer le consentement à une mainlevée de séquestre soit déterminée selon les règles de compétence prévues par le règlement no 1215/2012, les parties à la procédure de mise sous séquestre pourraient être incitées à mettre en place des comportements stratégiques, en ce sens que certaines parties à la procédure resteraient passives et attendraient d’être attraites devant la juridiction de leur domicile en vertu de la règle générale énoncée à l’article 4 de ce règlement.

23 Les doutes de la juridiction de renvoi portent également sur l’interprétation de l’article 8, point 2, du règlement no 1215/2012, relatif aux règles de compétence applicables en matière de demande en intervention, notamment en raison de ce que plusieurs versions linguistiques de cette disposition se réfèrent à la notion de « tiers » et de « procédure impliquant des tiers ».

24 En cas de réponse affirmative à la question de savoir si la procédure visant à remplacer le consentement à une mainlevée de séquestre relève de la notion de « matière civile et commerciale », au sens de l’article 1er, paragraphe 1, du règlement no 1215/2012, la juridiction de renvoi se demande donc s’il est possible d’interpréter l’article 8, point 2, de ce règlement en ce sens qu’il s’applique à une telle procédure.

25 Dans ces conditions, le Nejvyšší soud (Cour suprême) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) L’article [1er], paragraphe 1, du règlement [no 1215/2012] doit-il être interprété en ce sens que la procédure visant à remplacer le consentement du défendeur à la mainlevée de mise sous séquestre d’un objet, qui est une procédure incidente à la procédure de séquestre judiciaire initiée par le placement sous séquestre de l’objet saisi par les autorités répressives, relève de la notion de “matière civile et commerciale”, au sens de cette disposition ?

2) En cas de réponse affirmative à la première question, l’article 8, point 2, du règlement [no 1215/2012] doit-il être interprété en ce sens qu’une action visant à remplacer le consentement à la mainlevée de mise sous séquestre d’un objet, introduite par l’une des parties à la procédure de mise sous séquestre de l’objet litigieux à l’encontre d’une autre partie à cette procédure, constitue une demande au sens de cette disposition ? »

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question

26 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 1er, paragraphe 1, du règlement no 1215/2012 doit être interprété en ce sens que la notion de « matière civile et commerciale », au sens de cette disposition, inclut une action visant à remplacer le consentement du défendeur dans le cadre d’une demande de mainlevée de la mise sous séquestre d’un objet, alors que cette action est une procédure incidente à la procédure de mise sous séquestre de l’objet saisi par les autorités répressives.

27 À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, dans la mesure où le règlement no 1215/2012 abroge et remplace le règlement no 44/2001, qui a lui-même remplacé la convention de Bruxelles, l’interprétation fournie par la Cour en ce qui concerne les dispositions de ces derniers instruments juridiques vaut également pour le règlement no 1215/2012 lorsque ces dispositions peuvent être qualifiées d’« équivalentes » (arrêt du 30 juin 2022, Allianz Elementar Versicherung, C 652/20, EU:C:2022:514, point 20 et jurisprudence citée).

28 Tel est le cas pour l’article 1er, paragraphe 1, du règlement no 1215/2012, aux termes duquel ce règlement « s’applique en matière civile et commerciale et quelle que soit la nature de la juridiction. [...] », dans la mesure où cette disposition est équivalente à l’article 1er, paragraphe 1, du règlement no 44/2001 et à l’article 1er, premier alinéa, première phrase, de la convention de Bruxelles.

29 Conformément à une jurisprudence constante, en vue d’assurer, dans la mesure du possible, l’égalité et l’uniformité des droits et des obligations qui découlent du règlement no 1215/2012 pour les États membres et les personnes intéressées, il convient de ne pas interpréter la notion de « matière civile et commerciale » comme étant un simple renvoi au droit interne de l’un ou de l’autre des États concernés. Cette notion doit être considérée comme étant une notion autonome qu’il faut interpréter en se référant, d’une part, aux objectifs et au système de ce règlement et, d’autre part, aux principes généraux qui se dégagent de l’ensemble des ordres juridiques nationaux (voir, en ce sens, arrêts du 7 mai 2020, Rina, C 641/18, EU:C:2020:349, point 30 et jurisprudence citée, ainsi que du 16 juillet 2020, Movic e.a., C 73/19, EU:C:2020:568, point 33).

30 À cet égard, il ressort de la jurisprudence de la Cour que, si certains litiges opposant une autorité publique à une personne de droit privé peuvent relever du champ d’application du règlement no 1215/2012, lorsque le recours juridictionnel porte sur des actes accomplis jure gestionis, il en est autrement lorsque l’autorité publique agit dans l’exercice de la puissance publique (voir, en ce sens, arrêts du 6 octobre 2021, TOTO et Vianini Lavori, C 581/20, EU:C:2021:808, point 37 ainsi que jurisprudence citée, et du 22 décembre 2022, Eurelec Trading, C 98/22, EU:C:2022:1032, point 21 ainsi que jurisprudence citée).

31 En effet, la manifestation de prérogatives de puissance publique par l’une des parties au litige, en raison de l’exercice par celle-ci de pouvoirs exorbitants par rapport aux règles de droit commun applicables dans les relations entre particuliers, exclut un tel litige de la « matière civile et commerciale », au sens de l’article 1er, paragraphe 1, du règlement no 1215/2012 (arrêts du 6 octobre 2021, TOTO et Vianini Lavori, C 581/20, EU:C:2021:808, point 38 ainsi que jurisprudence citée, et du 22 décembre 2022, Eurelec Trading, C 98/22, EU:C:2022:1032, point 22 ainsi que jurisprudence citée).

32 Afin de déterminer si une matière relève ou non de la notion de « matière civile et commerciale », au sens de l’article 1er, paragraphe 1, du règlement no 1215/2012, et par voie de conséquence du champ d’application de ce règlement, il y a lieu d’identifier le rapport juridique existant entre les parties au litige et l’objet de celui-ci, ou, alternativement, d’examiner le fondement et les modalités d’exercice de l’action intentée (arrêts du 6 octobre 2021, TOTO et Vianini Lavori, C 581/20, EU:C:2021:808, point 36 ainsi que jurisprudence citée, et du 22 décembre 2022, Eurelec Trading, C 98/22, EU:C:2022:1032, point 23 ainsi que jurisprudence citée).

33 S’il appartient à la juridiction de renvoi de procéder à cette appréciation, il apparaît toutefois utile que la Cour apporte, à la lumière des observations qui ont été déposées devant elle, certaines précisions quant aux éléments susceptibles d’être pris en considération.

34 Ainsi, la Cour a déjà jugé que relève de la notion de « matière civile et commerciale » un litige opposant deux entreprises dans une procédure de mainlevée d’une saisie-arrêt portant sur la fourniture de carburants pour les besoins d’une opération militaire, dès lors que la finalité publique de certaines activités ne constitue pas, en soi, un élément suffisant pour qualifier ces activités comme étant accomplies jure imperii (voir, en ce sens, arrêt du 3 septembre 2020, Supreme Site Services e.a., C 186/19, EU:C:2020:638, points 65 et 66). Elle a cependant considéré que tel n’était pas le cas d’une demande tendant à se voir octroyer la compétence pour établir l’existence d’infractions futures par simple procès-verbal rédigé par un fonctionnaire de l’autorité publique en cause, une telle demande portant en réalité sur des pouvoirs exorbitants par rapport aux règles de droit commun applicables dans les relations entre particuliers (arrêt du 22 décembre 2022, Eurelec Trading, C 98/22, EU:C:2022:1032, point 25 et jurisprudence citée).

35 En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi que l’action visant à remplacer le consentement à une mainlevée de séquestre judiciaire constitue une procédure permettant de remplacer l’accord défaillant du défendeur à la demande de mainlevée du séquestre par une décision judiciaire, en vue de déterminer la personne à laquelle le bien séquestré doit être restitué par l’autorité judiciaire.

36 Ainsi que précisé par la juridiction de renvoi, cette action, dont le fondement se trouve dans les procédures de saisie ordonnée par les autorités répressives et de mise sous séquestre du bien en cause, constitue un préalable nécessaire à la mainlevée du séquestre judiciaire et à la remise du bien.

37 Il en découle que tant au regard de son objet que de son fondement, la procédure visant à remplacer le consentement est indissociablement liée à la saisie du bien en cause par les autorités répressives et à la mise sous séquestre subséquente, de sorte qu’elle ne saurait être examinée en faisant abstraction de ces procédures.

38 Or, la saisie d’un bien dans le cadre d’une procédure pénale et la mise sous séquestre judiciaire subséquente constituent des émanations caractéristiques de la puissance publique, notamment en ce qu’elles sont décidées de façon unilatérale par les autorités répressives et qu’elles sont contraignantes pour les parties en cause au litige.

39 Un litige de cette nature procède, en effet, d’une manifestation de prérogatives de puissance publique par l’une des parties au litige, en raison de l’exercice par celle-ci de pouvoirs exorbitants par rapport aux règles de droit commun applicables dans les relations entre particuliers (voir, en ce sens, arrêt du 15 février 2007, Lechouritou e.a., C 292/05, EU:C:2007:102, point 34).

40 Il en découle qu’une action en remplacement du consentement, en ce qu’elle constitue une procédure incidente à la mise sous séquestre judiciaire du bien saisi par les autorités répressives et préalable à la mainlevée de ce séquestre, doit également être considérée comme relevant d’une manifestation de l’exercice de la puissance publique.

41 À cet égard, la Cour a déjà jugé que si, par son objet, un litige est exclu du champ d’application du règlement no 1215/2012, l’existence d’une question préalable, sur laquelle doit statuer le juge pour trancher ce litige, ne peut, quel que soit le contenu de cette question, justifier l’application de ce règlement (voir, en ce sens, arrêt du 25 juillet 1991, Rich, C 190/89, EU:C:1991:319, point 26).

42 Il serait d’ailleurs contraire au principe de la sécurité juridique, qui constitue l’un des objectifs du règlement no 1215/2012, que l’applicabilité de ce règlement puisse varier au gré de l’existence d’une question préalable (voir, en ce sens, arrêt du 15 mai 2003, Préservatrice foncière TIARD, C 266/01, EU:C:2003:282, point 42).

43 Une telle interprétation ne saurait non plus être remise en cause par le fait que cette procédure préalable se déroule entre particuliers, en l’absence des autorités répressives, que la procédure est de nature contradictoire et que les modalités d’exercice se trouvent régies par des règles de procédure civile.

44 En effet, le fait que le demandeur de mainlevée d’un séquestre judiciaire agit sur le fondement d’une action qui a sa source dans un acte de puissance publique suffit pour que cette procédure soit considérée, quelle que soit la nature des règles procédurales suivies, comme étant exclue du champ d’application du règlement no 1215/2012. La circonstance que le recours introduit devant la juridiction de renvoi est présenté comme revêtant un caractère civil en tant qu’il vise à déterminer à qui doit être restitué l’objet saisi et mis sous séquestre est, en conséquence, dépourvue de pertinence (voir, en ce sens, arrêt du 15 février 2007, Lechouritou e.a., C 292/05, EU:C:2007:102, point 41 ainsi que jurisprudence citée).

45 Au vu de ce qui précède, il convient de répondre à la question posée que l’article 1er, paragraphe 1, du règlement no 1215/2012 doit être interprété en ce sens que la notion de « matière civile et commerciale », au sens de cette disposition, n’inclut pas une action visant à remplacer le consentement du défendeur dans le cadre d’une demande de mainlevée de la mise sous séquestre d’un objet, alors que cette action est une procédure incidente à la procédure de mise sous séquestre de l’objet saisi par les autorités répressives.

 Sur la seconde question

46 Eu égard à la réponse donnée à la première question, il n’est pas nécessaire de répondre à la seconde question.

 Sur les dépens

47 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (septième chambre) dit pour droit :

L’article 1er, paragraphe 1, du règlement (UE) no 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale,

doit être interprété en ce sens que :

la notion de « matière civile et commerciale », au sens de cette disposition, n’inclut pas une action visant à remplacer le consentement du défendeur dans le cadre d’une demande de mainlevée de la mise sous séquestre d’un objet, alors que cette action est une procédure incidente à la procédure de mise sous séquestre de l’objet saisi par les autorités répressives.