CA Colmar, 1re ch. A, 25 septembre 2024, n° 24/00656
COLMAR
Arrêt
Autre
PARTIES
Demandeur :
Vegas-Deluxe (SARL)
Défendeur :
De Fil en Aiguille (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Walgenwitz
Conseillers :
M. Roublot, Mme Rhode
Avocats :
Me Borghi, Me Litou-Wolff, Me Nappey, Me Lemee
FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
La SAS DE FIL EN AIGUILLE (DEFIL) exerce une activité de fabrication de produits textiles personnalisés, destinés au sport.
En décembre 2017, elle a sollicité la région Grand Est dans le cadre du diagnostic régional 'industrie du futur' en vue de développer un configurateur 3D permettant au client de mieux visualiser le produit commandé.
Plusieurs intervenants ont travaillé sur ce projet, la SARL VEGAS-DELUXE étant en charge d'une partie des développements informatiques.
Il a été convenu entre les sociétés DE FIL EN AIGUILLE et VEGAS-DELUXE, que cette dernière se chargerait d'héberger le serveur destiné à recevoir les plateformes de personnalisation de vêtements de sports 3D, avec refacturation des prestations correspondantes.
En juin 2020, une première version de plate-forme a été livrée à la SAS DE FIL EN AIGUILLE, destinée à être déclinée sous une forme spécifique, afin de répondre aux besoins particuliers de l'un de ses clients, la société PUMA FRANCE.
Le 8 avril 2021, la SAS DE FIL EN AIGUILLE a conclu avec la société PUMA FRANCE un contrat tendant à la mise à disposition de la plate-forme de personnalisation de vêtements de sports 3D, dénommée Puma teamwear et à la fixation des modalités de production, notamment des articles commandés via cette plate-forme. Ce contrat a été complété par un avenant en date du 22 juillet 2022.
Intéressée, la société de droit allemand PUMA SE a fait connaître son souhait de bénéficier d'une telle plate-forme et un contrat a été conclu le 18 octobre 2021 en ce sens, entre les sociétés DE FIL EN AIGUILLE et PUMA SE.
Par lettre datée du 31 octobre 2022, la SAS DE FIL EN AIGUILLE a notifié, à la SARL VEGAS-DELUXE, la résiliation du contrat de location conclu entre elles et relatif à l'hébergement des plateformes par cette dernière sur un serveur de la société SDV.
Par lettre datée du 15 novembre 2022, la SARL VEGAS-DELUXE a pris acte de la résiliation et proposé de contractualiser les modalités d'utilisation et/ou de cession des droits afférents aux codes sources, au profit de la SAS DE FIL EN AIGUILLE.
Un litige est survenu entre les deux sociétés concernant les droits d'auteur relatifs aux éléments composant les plateformes de personnalisation de vêtements de sports 3D, empêchant leur transfert vers un autre serveur et concernant les accès de la SAS DE FIL EN AIGUILLE aux plateformes gérées par la SARL VEGAS-DELUXE, bénéficiaire du contrat d'hébergement conclu avec la société SDV.
Saisi par la SAS DE FIL EN AIGUILLE quant aux défauts d'accès aux plateformes et de transmission, par la SARL VEGAS-DELUXE, des éléments permettant le transfert de celles-ci vers un serveur issu d'un contrat d'hébergement directement conclu par la SAS DE FIL EN AIGUILLE, le juge des référés commerciaux du tribunal judiciaire de Strasbourg a, par ordonnance du 10 mai 2023, ordonné une conciliation entre les parties et condamné la SARL VEGAS-DELUXE à maintenir, pour toute la durée de la conciliation, l'accès à la plate-forme Puma France, tel que rétabli le 4 mai 2023, ainsi qu'à rétablir dans les meilleurs délais et au plus tard avant la fin de semaine, l'accès administrateur global à la plate-forme Puma.
Après échec de la conciliation, le juge des référés a, par ordonnance du 15 novembre 2023, retenu qu'il n'était pas contesté par la SARL VEGAS-DELUXE que le droit de propriété, dont elle excipait, ne pouvait porter que sur les 13 modules spécifiques qu'elle affirmait avoir développés, de sorte qu'elle n'était pas fondée à opérer un droit de rétention sur le surplus des éléments concourant à la constitution des plateformes. Considérant que cette rétention illégitime constituait un trouble manifestement illicite, il a condamné la SARL VEGAS DELUXE, sous astreinte, à remettre à la SAS DE FIL EN AIGUILLE :
- les développements réalisés par la société Hapticmédia et qui ne sont manifestement l'objet d'aucun contentieux relatif à la propriété des codes sources entre la société DE FIL EN AIGUILLE et Hapticmédia ;
- les modèles, patrons et designs de vêtements ;
- les éléments graphiques du site web ;
- les pages de site web ;
- les données clients de la société DE FIL EN AIGUILLE.
Par assignation délivrée le 19 septembre 2023, la SAS DE FIL EN AIGUILLE a fait citer la SARL VEGAS-DELUXE devant le président de la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Strasbourg, statuant en matière de référés commerciaux.
Par ordonnance rendue le 17 janvier 2024, le juge des référés commerciaux du tribunal judiciaire de Strasbourg a :
DECLARE recevable les demandes de la société DE FIL EN AIGUILLE ;
CONDAMNE la société VEGAS-DELUXE à cesser, dans la mesure où elle exerce une rétention illégitime d'éléments constituant les plateformes de personnalisation de vêtements de sports :
- d'offrir ou de réaliser des prestations de services informatiques, notamment de développement, mise à jour, maintenance, au bénéfice de la société Puma France et/ou de la société Puma Se, ainsi que de toute autre entité du groupe Puma, c'est-à-dire toute entité contrôlant ou contrôlée par, ou sous contrôle commun avec, l'une de ces sociétés, portant sur les plateformes accessibles aux adresses url :
https://puma-teamwear.fr,
https://www.pumateamwear.com ;
- tout acte d'exploitation directe ou indirecte :
' des plateformes accessibles à ce jour aux adresses url :
https://puma-teamwear.fr,
https://www.pumateamwear.com,
https://configurateur.defil.fr,
' ainsi que de tout programme informatique, plateforme, logiciel, site internet reproduisant les caractéristiques desdites plateformes ;
sous un délai de 48 heures, à compter de la signification de la présente ordonnance, sous peine, passé ce délai, d'une astreinte de 1 500 € par jour de retard et de 10 000 € par agissement nouveau visé par l'injonction de ne pas faire, et ce, pour une durée maximale de six mois ;
S'EST RESERVE la compétence pour connaître du contentieux relatif à la liquidation de l'astreinte ;
DEBOUTE la société VEGAS-DELUXE de l'ensemble de ses prétentions ;
CONDAMNE la société VEGAS-DELUXE à payer à la société DE FIL EN AIGUILLE la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la société VEGAS-DELUXE aux dépens ;
RAPPELE que celle décision est exécutoire par provision.
La SARL VEGAS-DELUXE a interjeté appel de cette décision par déclaration déposée le 8 février 2024.
La SAS DE FIL EN AIGUILLE s'est constituée intimée le 29 février 2024.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 30 avril 2024, auxquelles est joint un bordereau de communication de pièces qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, la SARL VEGAS-DELUXE demande à la cour de :
RECEVOIR l'appel principal de la société VEGAS-DELUXE et le DIRE bien fondé,
Y faisant droit,
INFIRMER l'ordonnance du 17 janvier 2024 du Président du Tribunal judiciaire de Strasbourg statuant en matière de référé en ce qu'elle a :
déclaré recevables les demandes de la société DE FIL EN AIGUILLE et condamné la SARL VEGAS-DELUXE à cesser dans la mesure où elle exerce une rétention illégitime d'éléments constituant les plateformes de personnalisation de vêtements de sport :
- d'offrir ou de réaliser des prestations de services informatiques notamment de développement, mise à jour, maintenance, au bénéfice de la société Puma France et ou de la société Puma, ainsi que de tout autre entité du groupe Puma, c'est-à-dire toute entité contrôlant ou contrôlée par, ou sous contrôle commun avec, l'une de ces sociétés, portant sur les plateformes accessibles aux adresses URL :
http://puma-teamwear.fr
http://www.pummateamwear.com
- Tout acte d'exploitation direct ou indirecte :
o des plateformes accessibles à ce jour aux adresses url
http://puma-teamwear.fr
http://www.pummateamwear.com
http://configurateur.defil.fr
o ainsi que tout programme informatique, plate-forme, logicielle, site internet reproduisant les caractéristiques dédite plateformes ;
sous un délai de 48 h à compter de la signification de la présente ordonnance sous peine, passé ce délai, d'une astreinte de 1500 € par jour de retard et de 10000,00 € par agissement visé par l'injonction de ne pas faire et ce pour une durée maximale de 6 mois
débouté la société Vegas deluxe de l'ensemble de ses prétentions et l'a condamné au paiement d'une somme de 2000 € au titre de l'article 700 du CPC outre les frais et dépens
En conséquence et statuant à nouveau :
DEBOUTER la société DE FIL EN AIGUILLE de toutes ses demandes fins et conclusions à l'encontre de la société VEGAS DELUXE ;
CONDAMNER la société DE FIL EN AIGUILLE à payer à la société VEGAS DELUXE
la somme de 20.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNER la société DE FIL EN AIGUILLE aux entiers dépens en application de l'article 699 du Code de procédure civile.
Dans ses dernières écritures datées du 27 mai 2024, auxquelles est joint un bordereau de communication de pièces qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, la SAS DE FIL EN AIGUILLE demande à la cour de :
DECLARER l'appel principal de la société VEGAS-DELUXE infondé sinon mal fondé,
Le REJETER,
DEBOUTER la société VEGAS-DELUXE de l'intégralité de ses fins, moyens, demandes et prétentions,
en conséquence
CONFIRMER l'ordonnance entreprise,
Y ajoutant
DIRE que les mesures ordonnées par le premier juge ont pour fondement les actes de concurrence déloyale et parasitaire, à tout le moins les fautes génératrices d'un trouble manifestement illicite commises par la société VUXE,
CONDAMNER la société VEGAS-DELUXE à payer à la société DE FIL EN AIGUILLE la somme de 20 000 € par application de l'article 700 du Code de procédure civile au titre de la procédure d'appel,
La CONDAMNER aux entiers frais et dépens d'appel.
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens de chacune des parties, il conviendra de se référer à leurs dernières conclusions respectives.
L'affaire a été renvoyée à l'audience de plaidoirie du 3 juillet 2024.
MOTIFS :
Au préalable, la cour rappelle que :
- aux termes de l'article 954, alinéa 3, du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions, que s'ils sont invoqués dans la discussion,
- ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile les demandes des parties tendant à 'dire et juger' ou 'constater', en ce que, hors les cas prévus par la loi, elles ne sont pas susceptibles d'emporter de conséquences juridiques, mais constituent en réalité des moyens ou arguments, de sorte que la cour n'y répondra qu'à la
condition qu'ils viennent au soutien de la prétention formulée dans le dispositif des conclusions et, en tout état de cause, pas dans son dispositif mais dans ses motifs, sauf à statuer sur les demandes des parties tendant à 'dire et juger' lorsqu'elles constituent un élément substantiel et de fond susceptible de constituer une prétention (2ème Civ., 13 avril 2023, pourvoi n° 21-21.463).
Ainsi, la cour ne répondra pas au moyen tiré du non-respect du principe du contradictoire par le premier juge, ce moyen ne venant au soutien d'aucune prétention dans le dispositif des conclusions de la SARL VEGAS-DELUXE, tendant à la nullité de l'ordonnance déférée.
Sur l'existence d'un trouble manifestement illicite :
Aux termes de l'article 873 du code de procédure civile, le président peut, dans les mêmes limites, et même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Le trouble manifestement illicite désigne toute perturbation résultant d'un fait qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit.
La concurrence déloyale, fondée sur le principe général de responsabilité édicté par l'article 1240 du code civil, consiste dans des agissements s'écartant des règles générales de loyauté et de probité professionnelle, applicables dans les activités économiques et régissant la vie des affaires, tels que ceux créant un risque de confusion avec les produits ou services offerts par un autre opérateur, ceux parasitaires visant à s'approprier de façon injustifiée et sans contrepartie une valeur économique résultant d'un savoir-faire, de travaux ou d'investissements ou encore ceux constitutifs d'actes de dénigrement ou de désorganisation d'une entreprise.
Lorsque l'action n'est pas introduite au fond mais en référé, en application des dispositions de l'article 873 du code de procédure civile, afin que soient ordonnées des mesures conservatoires afin de faire cesser le trouble manifestement illicite résultant de ces infractions à la règle de droit, il importe de rechercher si la preuve est rapportée, avec l'évidence requise en référé, de la commission d'actes manifestement illicites de concurrence déloyale et de parasitisme.
L'action en concurrence déloyale est une action en responsabilité civile qui se distingue de l'action visant la protection d'un droit privatif.
En l'espèce, il résulte des pièces produites par les parties que :
- Le 11 décembre 2017, la SAS DE FIL EN AIGUILLE a déposé une déclaration d'intention de demande d'aide régionale, dans laquelle elle présentait son objectif ainsi 'Pouvoir accompagner la modernisation de l'outil de production et la gestion des flux de l'entreprise, il s'agit de passer à l'ère du numérique et de rendre les clients plus autonomes et acteurs des développements qu'ils souhaitent. Nous souhaitons intégrer des innovations dans les outils mis à disposition des clients notamment dans la mise en place de configurateurs 3D pour que le client visualise tout de suite le produit souhaité. DE FIL EN AIGUILLE confectionne et imprime des maillots avec une personnalisation rendue possible par l'impression numérique. L'entreprise s'est spécialisée dans l'impression numérique par sublimation qui lui permet d'imprimer tout un maillot en le personnalisant. Elle est devenue l'un des leaders nationaux
du vêtement de sport personnalisé en petites ou grandes séries (...). Nous souhaitons développer plus de services en lien pour nos produits. Concernant les produits publicitaires (flag, bannières...), nous ambitionnons de développer du 'web to print', le client pourrait élaborer son fichier d'impression (...). Nous pourrions après quelques minutes de vérification transférer du fichier sur l'imprimante en direct. Concernant les produits sportifs (maillot, short...), l'idée serait de mettre à disposition du client un configurateur en ligne 3D (choix des produits, des couleurs, implantation des logos, ...) qui servirait ainsi de BAT pour le client';
- Le diagnostic réalisé par la région Grand Est a conclu à la nécessité de mettre en place un configurateur 3D et cette dernière a fait appel à l'agence GRAND ENOV+, agence du Grand Est spécialisée dans l'accompagnement des entreprises dans leurs projets de transformation et d'innovation, afin que celle-ci accompagne la société DE FIL EN AIGUILLE dans la réalisation de son projet ; la société REFERENCE DSI a été proposée pour piloter le projet ;
- La société DE FIL EN AIGUILLE a établi un cahier des charges présentant les différentes fonctionnalités du projet ;
- Les sociétés DE FIL EN AIGUILLE et REFERENCE DSI ont signé un contrat, selon proposition du 15 mai 2020, stipulant que 'DEFIL' est seule propriétaire des résultats de la présente prestation et de tous les éléments y compris, mais de façon non limitative, les rapports, manuels, listes et autres documentations préparées par REFERENCE DSI dans le cadre du présent contrat, qu'ils soient sous forme écrite ou toute autre forme lisible par l'homme ou par la machine ; ce contrat précise que les sociétés VEGAS-DELUXE (mise en place d'un outil de configuration fixe et mobile permettant d'intégrer des visuels de communication) et HAPTICMEDIA (visualisation 3D avec rendu des matières/texture et reflet liés à la lumière) interviendront ;
- Aucun contrat écrit entre les sociétés VEGAS-DELUXE et DE FIL EN AIGUILLE n'a été signé, mais plusieurs devis de la société VEGAS-DELUXE ont été approuvés par la société DE FIL EN AIGUILLE pour des prestations de déploiement, maintenance, support technique, développements spécifiques, suivi et gestion de projet, certificats SSL, webdesign ; le montant total des factures de la société VEGAS-DELUXE, dont la société DE FIL EN AIGUILLE s'est acquittée entre le 29 février 2020 et le 21 avril 2022, s'élève à 464 430 € ;
- Des réunions hebdomadaires ont été tenues entre les sociétés DE FIL EN AIGUILLE, VEGAS-DELUXE et PUMA, avec un ordre du jour défini par cette première ;
- La première plateforme de personnalisation de vêtements de sports a été livrée en juin 2020.
Ainsi, le projet de la société DE FIL EN AIGUILLE est le fruit de plusieurs années de travail et de centaines de milliers d'euros d'investissements.
Or, il résulte des pièces produites par la société VEGAS-DELUXE que :
- Par courriel du 22 mars 2023, la société VEGAS-DELUXE écrivait à M. [N] [Y], directeur des opérations de la société PUMA FRANCE : 'Hello [N], Commue vu hier, voici le tableau récapitulatif des coûts de transition. La cession est bien à 50 K et non à 30 K, c'est notre proposition à Defil. Pour nous, 50 K pour le projet global et le nombre de commandes associé, c'est très correct ' A ta dispo pour en parler' ;
- Par courriel du 23 mars 2023, M. [N] [Y] écrivait à la société VEGAS-DELUXE : 'Pourrais-tu me faire suivre ta propal de coût récurrents/mensuels (hors développement) pour la/les plateformes Puma (serveur, maintenance.etc). Et faudra qu'on discute aussi le point aptic media.' ;
- Par courriel du 27 mars 2023, la société VEGAS-DELUXE répondait : 'Voici le tableau des estimations mensuelles. A ta disposition pour toutes questions / informations complémentaires. Concernant la migration, si tu es ok pour les coûts, je te fais parvenir un devis et le contrat associé' ;
- Par courriel du 17 mai 2023, la société VEGAS-DELUXE écrivait à la société PUMA : 'Tenez moi informé lorsque les devis de collaboration sont signés, cela passera par l'étape de reprise et de mise à jour des plateformes. Nous devrons sûrement reprendre l'ensemble des dates qui étaient planifiées avec un démarrage au début mai' ;
- Les sociétés PUMA FRANCE et PUMA SE ont toutes deux résilié le contrat qui les lie à la société DE FIL EN AIGUILLE, la première aux termes d'un courrier du 22 septembre 2023, avec effet au 22 mars 2025 et la seconde aux termes d'un courrier du 6 mars 2024 avec effet au 30 juin 2024 ;
- Selon attestation du 3 novembre 2023, M. [N] [Y] indique que : 'A ma connaissance, la société VEGAS-DELUXE n'a pas démarché la société PUMA France SAS ni aucune autre société de son groupe en vue de leur vendre directement des prestations. Face au non-respect par la société DE FIL EN AIGUILLE de ses engagements relatifs aux plateformes puma-teamwear, la société PUMA France a entrepris des démarches pour faire exécuter elle-même les obligations contractuelles de la société DE FIL EN AIGUILLE. C'est dans ce cadre qu'elle a sollicité l'offre de services de la société VEGAS-DELUXE. Néanmoins, à ce jour, aucun devis de reprise et mise à jour des plateformes Puma de la société VEGAS-DELUXE n'a été accepté par PUMA France. Seules les prestations d'hébergement et de maintenance sécuritaire technique des plateformes ont fait l'objet de paiements par PUMA France à la société VEGAS-DELUXE pour pallier le défaut de ma société DE FIL EN AIGUILLE à ce titre ;
- La société VEGAS-DELUXE a établi un tableau récapitulatif des programmes composant les plateformes litigieuses, duquel il résulte qu'elle revendique des droits sur 13 modules composant les plateformes, sur un total de plus de 150 modules.
Il résulte de ces pièces que la société VEGAS-DELUXE souhaite profiter des investissements réalisés par la société DE FIL EN AIGUILLE pour contracter avec les sociétés PUMA France et PUMA SE et ce sans bourse délier de sorte que les faits de parasitisme sont parfaitement établis.
En effet, les plateformes PUMA sont composées de plus de 150 modules et la société VEGAS-DELUXE ne revendique des droits que sur 13 de ces modules.
Quels que soient les droits de la société DE FIL EN AIGUILLE sur ces plateformes, l'absence de contrefaçon n'impliquant pas nécessairement l'inexistence d'un acte de parasitisme, elles sont le fruit de l'investissement de la société DE FIL EN AIGUILLE, investissement que la société VEGAS-DELUXE tente de s'approprier sans contrepartie.
Si la liberté du commerce et de l'industrie autorise, en principe, toute personne privée à accéder au marché de son choix, pour y conquérir une clientèle, peu important que cette dernière soit déjà exploitée par un concurrent, et à rechercher une économie au détriment d'un concurrent, ce n'est que sous réserve de respecter les usages loyaux du commerce.
Les faits de parasitisme commis par la société VEGAS-DELUXE sont à l'origine d'un trouble manifestement illicite pour la société DE FIL EN AIGUILLE et les mesures ordonnées par le premier juge sont de nature à faire cesser ce trouble et sont proportionnées à la faute commise.
Enfin, c'est à tort que la société VEGAS-DELUXE soutient que les mesures ordonnées reviennent indirectement à lui interdire d'exploiter les droits d'auteur qu'elle revendique, dans la mesure où il ne lui est pas fait interdiction de faire usage des codes sources des 13 modules qu'elle estime avoir développés, le cas échéant, dans le cadre de contrats conclus avec d'autres clients.
En conséquence, l'ordonnance déférée sera confirmée pour les motifs ci-dessus retenus.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Succombant, la société VEGAS-DELUXE sera tenue des dépens de l'appel, par application de l'article 696 du code de procédure civile, outre confirmation de l'ordonnance déférée sur cette question.
L'équité commande, en outre, de mettre à la charge de la société VEGAS-DELUXE une indemnité de procédure pour frais irrépétibles de 5 000 euros au profit de la société DE FIL EN AIGUILLE, tout en disant n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre de cette dernière et en confirmant les dispositions du jugement déféré de ce chef.
P A R C E S M O T I F S
La Cour,
Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 17 janvier 2024 par le juge des référés commerciaux du tribunal judiciaire de Strasbourg,
Y ajoutant,
Condamne la SARL VEGAS-DELUXE aux dépens de l'appel,
Condamne la SARL VEGAS-DELUXE à payer à la SAS DE FIL EN AIGUILLE la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute la SARL VEGAS-DELUXE de ses prétentions au titre des frais irrépétibles,