Décisions
CA Caen, 2e ch. soc., 26 septembre 2024, n° 22/00123
CAEN
Arrêt
Autre
AFFAIRE : N° RG 22/00123
N° Portalis DBVC-V-B7G-G5CA
Code Aff. :
ARRET N°
C.P
ORIGINE : Décision du Pôle social du Tribunal Judiciaire de COUTANCES en date du 22 Décembre 2021 - RG n° 20/00140
COUR D'APPEL DE CAEN
2ème chambre sociale
ARRÊT DU 26 SEPTEMBRE 2024
APPELANTES :
S.A.S. [12] ([12])
[Adresse 5]
S.E.L.A.R.L. [25] , prise en la personne de Me [O] ès qualité de Commissaire à l'Exécution du Plan de redressement de la société [12],
[Adresse 4]
S.E.L.A.R.L. [23], prise en la personne de Me [Z] es qualité de Mandataire Judiciaire de la SAS [12]
[Adresse 1]
[Localité 10]
Représentées par Me Stéphane BATAILLE, avocat au barreau de CHERBOURG, substitué par Me DOREL, avocat au barreau de CAEN
INTIMEE :
Urssaf de Normandie venant aux droits de l'Urssaf de Basse-Normandie
[Adresse 3]
Représentée par Mme [T]-[D], mandatée
DÉBATS : A l'audience publique du 23 mai 2024 tenue par Mme CHAUX, Président de chambre, Magistrat chargé d'instruire l'affaire lequel a, les parties de ne s'y étant opposées, siégé en présence de M. GANCE, Conseiller, pour entendre les plaidoiries et en rendre compte à la cour dans son délibéré.
GREFFIER : Mme GOULARD
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme CHAUX, Président de chambre,
M. LE BOURVELLEC, Conseiller,
M. GANCE, Conseiller,
ARRÊT prononcé publiquement le 26 septembre 2024 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par M. LE BOURVELLEC, Conseiller, pour le président empêché, et Mme GOULARD, greffier
La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par la société [12] (la société [12]), la selarl [25] ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de redressement de la société [12] et la selarl [23] ès qualités de mandataire judiciaire de la société [12], d'un jugement rendu le 22 décembre 2021 par le tribunal judiciaire de Coutances dans un litige l'opposant à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de Basse-Normandie (l'Urssaf de Basse-Normandie).
FAITS et PROCEDURE
Le 7 décembre 2018, l'Urssaf de Basse- Normandie a adressé à la société [12] une lettre d'observations portant sur un rappel de cotisations et contributions de sécurité sociale, d'assurance chômage et d'AGS de 310 559 euros au titre des années 2015 à 2017 outre 21930 euros de majorations de redressement, se décomposant comme suit :
1 - prise en charge de dépenses personnelles des salariés et des mandataires sociaux - comptes courants d'associés
* 4 913 euros au titre des cotisations et contributions
* 491 euros de majoration
2 - rémunérations non déclarées : rémunérations non soumises à cotisations - comptes courants d'associés
* 8 923 euros au titre des cotisations et contributions
3 - prise en charge de dépenses personnelles du salarié ou de l'associé - factures fournisseurs
* 117 643 euros au titre des cotisations et contributions
* 11 764 euros de majoration
4 - frais professionnels non justifiés -principes généraux - remboursement de dépenses considérées à tort comme des frais
* 28 604 euros au titre des cotisations et contributions
* 2 860 euros de majoration
5 - frais professionnels non justifiés -principes généraux -situation de déplacement non avérée
* 9 080 euros au titre des cotisations et contributions
6 - frais professionnels - frais d'entreprise non justifiés
* 3 808 euros au titre des cotisations et contributions
7 - frais professionnels - limites d'exonération : utilisation du véhicule personnel (indemnités kilométriques)
* 68 143 euros au titre des cotisations et contributions
* 6 814 euros de majoration
8 - frais professionnels non justifiés : indemnités de grand déplacement
* 41 893 euros au titre des cotisations et contributions
9 - cotisations - rupture conventionnelle du contrat de travail - condition relative à l'âge du salarié
* 15 807 euros au titre des cotisations et contributions
10 - acomptes, avances, prêts non récupérés
* 4 636 euros au titre des cotisations et contributions
11 - frais professionnels non justifiés - indemnité de salissure
* 535 euros au titre des cotisations et contributions
12 - réduction générale des cotisations : règles générales
* 6 574 euros au titre des cotisations et contributions.
Selon courrier du 7 janvier 2019, la société [12] a contesté l'ensemble des chefs de redressement.
Par lettre de réponse du 25 avril 2019, l'Urssaf de Basse-Normandie a réduit le montant du chef de redressement n° 3 à 116 099 euros au titre des cotisations et contributions et à 11610 euros pour la majoration, ainsi que le chef de redressement n° 10 à la somme de 872 euros au titre des cotisations et contributions, ramenant le montant total du redressement à 305 251 euros au titre des cotisations et contributions et à 21 776 euros pour les majorations.
Le 15 octobre 2019, l'Urssaf de Basse-Normandie a adressé à la société [12] une mise en demeure de régler la somme globale de 361 300 euros se décomposant comme suit :
* 305 251 euros au titre des cotisations et contributions
* 21 776 euros au titre des majorations de redressement
* 34 273 euros au titre des majorations de retard.
Par courrier du 12 décembre 2019, la société [12] a contesté le redressement devant la commission de recours amiable de l'Urssaf, sollicitant son annulation.
Par jugement du 9 mars 2020, le tribunal de commerce de Cherbourg a ouvert à l'égard de la société [12] une procédure de redressement judiciaire et désigné la Selarl [25] ès qualités d'administrateur judiciaire de la société [12] et la selarl [23] ès qualités de mandataire judiciaire.
Le 10 avril 2020, la société [12] a saisi le tribunal judiciaire de Coutances afin de contester la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable de l'Urssaf de Basse-Normandie.
Par jugement du 22 décembre 2021, le tribunal judiciaire de Coutances a :
- constaté le caractère professionnel de la dépense 'Factures [8]' initialement retenue au titre du redressement du chef de 'prise en charge de dépenses personnelles du salarié ou de l'associé - factures fournisseurs'
- constaté la prise en compte du caractère professionnel de la dépense 'Factures [8]' par l'Urssaf de Basse-Normandie ayant réduit le redressement opéré de 924 euros (840 euros de rattrapage de cotisations et contributions sociales + 84 euros de majorations de redressement)
- débouté la société [12] de ses autres demandes et partant de son recours initié le 10 avril 2020
- validé le redressement opéré par l'Urssaf de Basse-Normandie pour la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017 pour son nouveau montant de 326 103 euros
- fixé la créance de l'Urssaf au titre du redressement de la société [12] portant sur les cotisations et contributions dues au titre de la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017, majorations de redressement incluses à la somme de 326 103 euros
- débouté la société [12] de sa demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- condamné la Selarl [23] ès qualités de mandataire judiciaire à la société [12] aux dépens
- rappelé que la décision est susceptible d'appel dans le délai d'un mois à compter de la réception de sa notification.
Par déclaration du 18 janvier 2022, la société [12], la selarl [25] ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de redressement de la société [12] et la selarl [23] ès qualités de mandataire judiciaire de la société [12] ont formé appel de ce jugement.
Suivant arrêt du 14 mars 2024, la cour d'appel a ordonné la réouverture des débats afin que l'Urssaf produise sa déclaration de créance faite auprès du représentant des créanciers de la procédure de redressement de la société [12], et à défaut que les parties fassent valoir leurs observations sur la recevabilité de la demande en paiement de l'Urssaf. L'affaire a été renvoyée à l'audience du 23 mai 2024 à 9 heures.
Par courrier reçu le 29 avril 2024, l'Urssaf a produit sa déclaration de créance du 9 avril 2020 à hauteur de 326 081 euros.
Aux termes de leurs conclusions reçues au greffe le 23 mai 2024 et soutenues oralement à l'audience, la société [12] et la Selarl [25] ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de redressement de la société [12], demandent à la cour de :
- réformer le jugement du chef des dispositions entreprises
- débouter l'Urssaf de l'ensemble de ses demandes.
Selon conclusions reçues au greffe le 14 novembre 2023 et soutenues oralement à l'audience, l'Urssaf de Normandie venant aux droits de l'Urssaf de Basse-Normandie demande à la cour de :
- confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions
- débouter la société [12] de ses moyens, fins et prétentions.
Pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, il est expressément renvoyé à leurs conclusions écrites conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR
I - Sur la procédure
Il résulte de l'article L. 622-22 du code de commerce que 'sous réserve des dispositions de l'article L.625-3, les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance. Elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l'administrateur ou le commissaire à l'exécution du plan nommé en application de l'article L. 626-25 dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant.'
Il est constant qu'il s'agit de dispositions d'ordre public de telle sorte que la juridiction saisie doit rechercher, au besoin d'office, si le créancier a procédé à la déclaration de sa créance auprès du représentant du mandataire judiciaire et si l'instance a été valablement reprise.
En l'espèce, l'Urssaf poursuit le recouvrement d'une créance se rapportant aux cotisations et contributions, ainsi qu'aux majorations, au titre des années 2015 à 2017.
Il s'agit donc d'une créance née avant le jugement d'ouverture de la procédure de redressement de la société [12] qui devait à peine d'irrecevabilité, faire l'objet d'une déclaration dans le délai de deux mois à compter de la publication de ce jugement au bulletin officiel des annonces civiles et commerciales conformément aux articles L. 622-26, L. 622-24 et R.622-24 du code de commerce.
Le jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la société [12] a été rendu le 9 mars 2020.
L'Urssaf a produit et communiqué sa déclaration de créance adressée au mandataire judiciaire le 9 avril 2020, soit dans le délai de deux mois susvisé. Cette déclaration porte sur les sommes suivantes :
- année 2015 : 91 218 euros
- année 2016 : 128 390 euros
- année 2017 : 106 473 euros
soit un total de 326 081 euros.
L'Urssaf est donc recevable à solliciter le paiement de cette créance au regard des dispositions de l'article L. 622-22 du code de commerce.
II - Sur le fond
L'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au litige dispose que : 'Pour le calcul des cotisations de sécurité sociale, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail, notamment les salaires ou gains, les indemnités de congés payés, le montant des retenues pour cotisations ouvrières, les indemnités, primes, gratifications et tous autres avantages en argent, les avantages en nature, ainsi que les sommes perçues directement ou par l'entremise d'un tiers à titre de pourboire.'
En outre, l'article L. 243-7-6 du code de la sécurité sociale précise que 'le montant du redressement des cotisations et contributions sociales mis en recouvrement à l'issue d'un contrôle réalisé en application de l'article L. 243-7 est majoré de 10 % en cas de constat d'absence de mise en conformité. Un tel constat est dressé lorsque le cotisant n'a pas pris en compte les observations notifiées lors d'un précédent contrôle, que ces observations aient donné lieu à redressement ou non.'
En l'espèce, les sociétés [17], [12] et [11] ont fait l'objet d'un contrôle par l'Urssaf au titre des cotisations des années 2015, 2016 et 2017.
À titre liminaire, l'Urssaf fait état d'une confusion des activités et des patrimoines entre les sociétés, se référant notamment à la répartition de leur capital social entre les trois mêmes associés qui sont aussi présidents, directeurs généraux ou gérant desdites sociétés, d'un système de refacturation forfaitaire permanente entre les trois entités et d'une situation de fait des salariés et mandataires sociaux qui travaillent sans distinction pour l'une ou l'autre des sociétés.
La société [12] conteste cette présentation de l'Urssaf ainsi que l'existence d'une situation de co-emploi.
Toutefois, elle ne précise pas en quoi cette contestation remettrait en cause un ou plusieurs chefs de redressement.
En particulier, à aucun moment, la société [12] n'affirme que les dépenses, primes, gratifications ou avantages en nature ou en espèces fondant les différents chefs de redressement, concernent les autres sociétés du groupe [12] et non la société [12] contre laquelle le redressement est poursuivi.
L'observation générale de la société [12] relative à l'absence de co-emploi ou d'imbrication entre les sociétés n'a donc aucune portée.
Il convient d'examiner chacun des chefs de redressement.
1 - Sur la prise en charge de dépenses personnelles des salariés et des mandataires sociaux - comptes courants d'associés
[A] [N], [U] [N] et [L] [N] sont associés de la société [12] à hauteur respectivement de 25%, 25 % et 50 %. [A] [N] est le président de la société, [U] [N] est directeur général et [L] [N] est directeur technique et commercial et perçoit à ce titre une rémunération depuis 2014.
Les inspecteurs du recouvrement ont constaté que les comptes d'associés de [A] [N], [U] [N] et [L] [N] présentaient des écritures affectées au crédit de ces comptes qui correspondent à des dépenses personnelles des intéressés :
- compte de [A] [N] '[XXXXXXXXXX02] - C/C Y [N]': crédit de 3125,18 euros (1er janvier 2017) qui annule des débits correspondant à des dépenses personnelles de l'intéressé en 2016
- compte de [U] [N] '[XXXXXXXXXX02] - C/C P [N]': crédit de 433,38 euros (1er janvier 2017) qui annule des débits correspondant à des dépenses personnelles de [U] [N] en 2016
- compte courant de [L] [N] '[XXXXXXXXXX02] - C/C [N] APRES RJ ' :
* crédit de 1 171 euros (22 avril 2016) qui annule le paiement fait le 22 février 2016 au titre d'une place de port de plaisance de [Localité 9] réservé au bateau Nautica 2, un des bateaux personnels de la famille [N]
* crédit de 98,2 euros (11 mai 2016) qui annule le débit du même montant passé le même jour, ce dernier débit étant l'enregistrement d'une dépense personnelle effectuée par [L] [N]
* crédit de 3 588,19 euros (1er janvier 2017) qui annule les débits correspondant à des enregistrements de dépenses personnelles de [L] [N] en 2015
* crédit de 1 736,25 euros (1er janvier 2017) qui annule les débits correspondant à des enregistrements de dépenses personnelles effectuées par [L] [N] en 2016.
Pour contester ce chef de redressement, la société [12] produit une attestation de M. [E] [Y] qui indique que 'lorsque M. [N] utilisait la carte bancaire de la société [12], sa comptable, Madame [B] [J], mettait systématiquement les sommes payées en compte courant d'associés. À la date de clôture du bilan, savoir le 31 décembre, les paiements ont été rapprochés des factures et ont été imputés par OD (opérations diverses) dans les bons comptes'.
Comme le relève le tribunal judiciaire, cette attestation justifie uniquement d'une régularisation opérée en fin d'année. En revanche, elle ne démontre pas que les enregistrements des sommes susvisées correspondent à des dépenses professionnelles.
Par ailleurs, la société conteste que le bateau Nautica 2 est utilisé pour des motifs personnels. Elle prétend que ce bateau dépend des actifs de la société [12], qu'il mène une activité portuaire de réparation navale et qu'il n'est 'aucunement utilisé par les dirigeants de la société pour leurs besoins personnels'.
Toutefois, elle ne fournit aucune pièce établissant que ce bateau est exclusivement utilisé pour les besoins de l'activité de la société [12].
Au contraire, il est constant que l'un des inspecteurs du recouvrement a constaté la présence de casiers sur le pont à proximité du bateau ce qui implique qu'il est utilisé pour la pêche de loisirs.
Les explications de la société [12] qui prétend que ce jour là, ses salariés ont constaté la présence de casiers à la dérive et les ont remontés pour éviter qu'ils n'entraînent un événement de mer, sont peu crédibles.
La société [12] ne démontre donc pas que les dépenses afférentes au bateau Nausica 2 à hauteur de 1171 euros sont des dépenses professionnelles.
En conséquence, l'ensemble des sommes susvisées doit être réintégré dans l'assiette des cotisations après reconstitution en base brute, soit :
- 1171 euros + 98,02 euros = 1269,02 euros nets, soit 1588 euros bruts au titre de l'année 2016
- 3125,18 euros + 433,38 euros + 3588,19 euros + 1735,25 euros = 8883 euros nets, soit 10992 euros bruts au titre de l'année 2017 (dans les limites de la somme retenue par l'Urssaf).
Les calculs détaillés de l'Urssaf au titre des différentes cotisations ne sont pas contestés et seront donc entérinés.
Le montant des cotisations dues au titre du chef n° 1 s'élève à 636 euros pour l'année 2016 et 4277 euros pour l'année 2017, soit un total de 4913 euros.
L'inspecteur du recouvrement note que lors d'un précédent contrôle effectué en 2014 portant sur la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013, le redressement suivant avait été notifié à la société [12] : 'à l'analyse des grands livres comptables et des justificatifs qui m'ont été présentés, j'ai constaté que certaines dépenses à caractère personnel ont été prises en charge par la société'. Il était alors précisé que la liste de ces dépenses montre qu'elles ont été exposées par [L], [A] et [U] [N].
Il résulte de ces observations que la société ne s'est pas mise en conformité avec les observations précédemment faites dans le cadre du contrôle de 2014 au titre des années 2011 à 2013, puisque le chef de redressement n° 1 porte sur la prise en charge par la société de dépenses personnelles des associés.
Conformément à l'article L. 243-7-6 du code de la sécurité sociale, la majoration de redressement au titre du chef n°1 s'élève donc à 4913 euros x 10 % = 491 euros.
2 - rémunérations non déclarées : rémunérations non soumises à cotisations - comptes courants d'associés
Les inspecteurs du recouvrement ont constaté que [A] [N], président et associé de la société [12] avait bénéficié de plusieurs sommes passées au crédit de son compte d'associé '[XXXXXXXXXX02] - C/C Y [N]', sans que ces sommes correspondent à des remboursements de frais ou à des distributions de dividendes, à hauteur de :
- 2500 euros le 22 mars 2016
- 2500 euros le 4 avril 2016
- 16 000 euros le 31 décembre 2017.
La société [12] indique que ces sommes ont été remboursées ultérieurement pas [A] [N].
Toutefois, les sommes passées au crédit du compte de [A] [N] par la société constituent un avantage en espèces entrant dans le champ d'application de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, peu important que les sommes aient été ultérieurement remboursées à la société par l'intéressé.
En conséquence, l'ensemble des sommes susvisées doit être réintégré dans l'assiette des cotisations après reconstitution en base brute, soit :
- 2500 euros + 2500 euros = 5000 euros, soit 6074 euros bruts au titre de l'année 2016
- 16 000 euros nets, soit 19 449 euros bruts au titre de l'année 2017.
Les calculs détaillés de l'Urssaf au titre des différentes cotisations ne sont pas contestés et seront donc entérinés.
En conséquence, le montant des cotisations dues au titre du chef de redressement n° 2, s'élève à 2137 euros pour l'année 2016 et 6 786 euros pour l'année 2017, soit un total de 8 923 euros.
3 - prise en charge de dépenses personnelles du salarié ou de l'associé - factures fournisseurs
Les inspecteurs du recouvrement ont consulté les classeurs de factures fournisseurs de la société [12]. Ils indiquent avoir constaté la prise en charge par la société [12], de dépenses personnelles pour [A] [N], [U] [N], [L] [N] et [H] [N], 'ainsi que pour d'autres personnes dont l'identité exacte n'est pas déterminée mais que les factures permettent d'identifier comme étant l'une de ces personnes (adresses de livraison, de facturation ou annotations manuelles sur les factures).'
La société [12] soutient que plusieurs factures fournisseurs se rapportent à des dépenses en lien avec son activité.
Avant d'examiner les factures contestées, on relèvera que la société ne conteste plus la réintégration des factures [21] et [24].
De son côté, l'Urssaf a abandonné une partie du redressement au titre des factures [8] considérées comme couvrant des dépenses professionnelles, soit une minoration du redressement de 924 euros (840 euros de moins au titre des cotisations et par voie de conséquence, 84 euros de moins au titre de la majoration de 10 %).
Par ailleurs, pour plusieurs de ces factures, la société se prévaut des résultats de l'enquête pénale et de l'absence de poursuites pénales au titre de ces factures.
Toutefois, il convient de rappeler que l'enquête pénale et le contrôle de l'Urssaf sont des procédures indépendantes et que l'absence de poursuites pénales n'a pas d'incidence sur la présente procédure.
Ensuite, alors que la charge de la preuve de l'utilisation des fonds de la société à des fins étrangères à l'activité de celle-ci incombe au ministère public dans le cadre pénal, la charge de la preuve de l'utilisation des fonds, dans le cadre du redressement, incombe à la société.
En conséquence, il n'y a pas lieu d'écarter du redressement certaines dépenses au seul motif qu'elles n'ont pas été retenues comme constitutives d'une infraction dans le cadre de l'enquête pénale.
Ces principes étant rappelés, il convient d'examiner les factures contestées par la société [12] :
- factures [20] et [18]
Ces factures portent notamment sur l'achat de bouteilles d'alcool et de bouteilles de vins rouges/blancs, mais aussi de cartes cadeaux et de bons d'achat, d'ustensiles de cuisine, d'une cafetière, d'un coffre de 250 litres, de denrées alimentaires dont des fruits de mer, des bonbons, du café, des gâteaux apéritifs, du chocolat ainsi que du savon. Une facture mentionne aussi deux robes de chambre et un réveil.
À titre liminaire, la facture du 27 avril 2017 qui porte sur l'achat de nombreuses bouteilles d'alcool a été réintégrée au titre des frais professionnels remboursés à tort, c'est à dire au titre du chef n° 4.
Par ailleurs, pour justifier que les factures correspondent à des dépenses professionnelles, la société invoque la quantité importante de bouteilles d'alcool achetée et prétend qu'elles étaient destinées à la cantine, l'atelier ou encore à des réceptions organisées au sein de la société.
Les annotations ajoutées sur les factures par la société n'ont aucune valeur de preuve, nulle partie ne pouvant se constituer de preuve à elle-même.
Or, la société ne produit autre pièce confirmant ses allégations.
C'est à juste titre que l'Urssaf fait remarquer qu'il est étonnant que la société ait pu mettre à la disposition de ses salariés des bouteilles d'alcool sur le lieu de travail, alors que la consommation d'alcool est interdite en particulier pour des activités impliquant l'utilisation de matières et outils dangereux.
En conclusion, la société [12] ne démontre pas que les factures correspondent à des dépenses professionnelles exposées pour son activité.
- factures [13]
La société [12] prétend que les factures [13] ont pour objet l'entretien de ses espaces verts.
Les inspecteurs de l'Urssaf ont constaté que le montant des factures, qui n'est d'ailleurs ni précisé, ni détaillé par la société, était disproportionné avec les besoins d'entretien d'espaces verts de celle-ci.
En outre, les factures mentionnent des outils, mais aussi des sacs de pomme de terres, sacs de carottes, du paillage, un produit barbecue, une vidange tondeuse, des tuteurs de tomates, du terreau, des plants de tomates, des plantes aromatiques, chips coco, aneth, romarin, persil.
Ces dernières dépenses ne sont pas rattachables à l'activité de la société.
Enfin, la société [12] ne fournit aucune pièce démontrant que les factures [13] correspondent à des dépenses professionnelles, étant rappelé que les annotations ajoutées par l'appelante sur les factures n'ont aucune valeur de preuve.
C'est à juste titre qu'elles ont été réintégrées en base brute dans l'assiette des cotisations.
- factures [15]
La société [12] prétend que ces factures correspondent à des fournitures destinées à la décoration des locaux, rappelant que l'enquête pénale n'a pas retenu 'ce chef de redressement'.
Toutefois, la circonstance que l'enquête pénale n'a pas permis de retenir d'infraction sur ce point est indifférent conformément aux principes rappelés précédemment.
En outre, la société [12] ne fournit aucune pièce confirmant ses allégations.
La preuve que les factures [15] correspondent à des dépenses professionnelles de la société [12] n'est donc pas rapportée.
- facture [16]
La société indique que la facture [16] porte la mention 'aménagement du hall d'entrée de l'atelier avec décoration et fourniture de plantes différentes'.
Il s'agit d'une facture de 3043 euros TTC du 17 novembre 2017 portant en effet la mention 'aménagement du hall d'entrée de votre atelier avec décorations et fournitures de plantes différentes, travaux effectués novembre 2017. En votre aimable règlement. À réception. Merci' suivie d'une signature.
Cette mention qui émane de l'auteur de la facture et non de la société [12] suffit à démontrer que les aménagements ont bien été réalisés dans le hall d'entrée de l'atelier de l'entreprise [12] en novembre 2017.
La somme de 3043 euros a donc servi à régler des dépenses professionnelles exposées par la société [12], ce qui correspond à une somme brute de 3699 euros.
Dans ses écritures, l'Urssaf a procédé au calcul du redressement fondé uniquement sur la factures [8] afin de déterminer le montant à déduire du chef n° 3 puisque cette facture a été considérée comme correspondant à des frais professionnels.
Il convient d'appliquer la même méthode de calcul qui n'a pas été remise en cause par la société [12], soit une somme de 1495 euros à déduire du montant du redressement de cotisations pour l'année 2017 au titre du chef de redressement n° 3.
- factures [7]
La société [12] soutient que les factures [7] qui portent notamment sur l'achat de cordons TV, de récepteur TNT, de cuves de récupération d'eau, de grillages et de poteaux de clôture sont liées à l'activité de l'entreprise.
Elle affirme en effet qu'elle devait acheter des fournitures pour l'équipement des navires.
Toutefois, comme le relève l'Urssaf, aucun justificatif n'est fourni et les annotations ajoutées sur les factures après coup n'ont pas valeur de preuve.
Il n'est donc pas démontré que les factures [7] sont en lien avec l'activité de l'entreprise.
Compte tenu de ces observations, les redressements opérés au titre du chef n° 3 pour les années 2015, 2016 et 2017 doivent être confirmés sauf à déduire les sommes de 1495 euros correspondant à la facture du 17 novembre 2017 '[16]' et celle de 840 euros au titre des factures [8], soit : 116 099 euros - 840 euros (factures [8]) -1495 euros (facture [16]) = 113 764 euros.
Il résulte de la lettre d'observations de 2014 faisant suite à un précédent contrôle que l'inspecteur du recouvrement avait relevé que des dépenses personnelles concernant les trois mêmes associés ([A] [N], [L] [N] et [U] [N]) avaient été prises en charge par la société.
En conséquence, compte-tenu de l'absence de mise en conformité, conformément à l'article L. 243-7-6 du code de la sécurité sociale, il convient d'appliquer au montant du redressement au titre du chef n°3, une majoration de 10%, soit une somme de 11 376 euros.
4 - frais professionnels non justifiés -principes généraux - remboursement de dépenses considérées à tort comme des frais
Conformément à l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au litige, tout avantage en argent ou en nature alloué en contrepartie ou à l'occasion du travail doit être soumis à cotisations à l'exclusion des sommes correspondant à des frais professionnels, dans les conditions et limites fixées par arrêt ministériel du 20 décembre 2002.
En conséquence, il appartient à la société [12] de rapporter la preuve que les remboursements litigieux se rapportent à des frais professionnels. À défaut, les sommes correspondant doivent être réintégrées dans l'assiette des cotisations.
En l'espèce, les inspecteurs du recouvrement indiquent qu'ils ont examiné les demandes de remboursement de frais de déplacement et autres dépenses. Il s'agit d'achat d'alcool, de matériel de bricolage, de jardinage, de matériel de plaisance, de carburant, de factures d'hôtel et de restaurant lors de déplacements pour convenance personnelle.
La société [12] conteste le redressement opéré visant les trois postes suivants :
- déplacement en Finlande et aux Pays-Bas
La société [12] prétend qu'un déplacement avait été organisé en Finlande du 27 mars au 4 avril 2017 et qu'il avait pour seul but de visiter le site Finlandais [26], fournisseur de moteurs marins. Elle ajoute que [U] [N] et [L] [N] y ont participé et que la présence de leurs épouses et du fils de [U] [N] est indifférente puisque seuls les billets d'avion concernant les associés ont été pris en compte.
L'Urssaf rétorque que les factures passées en comptabilité visaient plus de deux personnes et qu'il résulte des échanges de mails que trois jours avant le départ, aucun programme n'était déterminé pour la visite du site [26].
Il résulte de ces observations que le voyage litigieux était organisé sur une période de sept jours (du 27 mars au 4 avril 2017) et non sur une durée limitée aux seules nécessités d'une visite professionnelle du site de [26]. En outre, les associés sont partis accompagnés de leurs épouses et d'un enfant, l'ensemble des billets ayant été pris en charge par la société.
Par ailleurs, comme le relève le tribunal judiciaire, il résulte des mails des 23 et 24 mars 2017 que la visite du site Finlandais a été décidée après coup. Ainsi, M. [U] [N] indique dans son mail : 'si vous avez des informations, je pars lundi et je serai mardi sur [Localité 14] et la semaine en Finlande .. je peux m'organiser en fonction des possibilités. Cela serait un très grand plaisir de visiter cet illustre fournisseur.'
En conclusion, il n'est pas démontré que le voyage litigieux était un voyage d'affaires.
- facture Fonck
Il s'agit d'une facture d'achat de matériel électrique dont la société [12] prétend qu'il était destiné aux chantiers navals.
L'Urssaf affirme au contraire qu'il s'agit de l'achat d'un meuble fait par commerce électronique, auprès d'un magasin d'ameublement situé au Pays-Bas.
La société ne fournissant aucun justificatif, la dépense correspondante doit être réintégrée dans l'assiette des cotisations après reconstitution en base brute.
- factures de restauration
La société [12] soutient que ces factures correspondent à des dépenses professionnelles.
Pour en justifier, elle a annoté l'annexe 5 du contrôle, relative au chef de redressement litigieux.
Elle se réfère aussi aux conclusions de l'enquête pénale.
Tout d'abord, seule l'annexe 5 relative à l'année 2017 a été annotée.
Ensuite, ces seules annotations n'ont aucune valeur de preuve puisqu'elles ont été ajoutées par la société.
Enfin, comme rappelé précédemment, la circonstance que certaines dépenses n'ont pas été retenues dans le cadre de l'enquête pénale n'a pas d'incidence sur le redressement litigieux, la charge de la preuve étant inversée dans le cadre de la procédure de redressement.
En conséquence, la société [12] ne démontre pas que les dépenses afférentes aux factures de restauration correspondent à des frais professionnels.
Les calculs détaillés de l'Urssaf au titre des différentes cotisations ne sont pas contestés et seront donc entérinés.
Le montant des cotisations dues au titre du chef n° 4 s'élève donc à 11 116 euros pour l'année 2015, 7146 euros pour l'année 2016 et 10342 euros pour l'année 2017, soit un total de 28 604 euros.
Lors du précédent redressement notifié le 28 juillet 2014, l'Urssaf avait relevé que certaines dépenses considérées comme des frais professionnels n'avaient pas été engagées en lien avec l'activité de la société [12]. Il s'agissait notamment de démarches prétendument commerciales entreprises en Corse, en Sardaigne et en Sicile.
C'est donc à juste titre que l'Urssaf a appliqué la majoration de redressement prévue par l'article L. 243-7-6 du code de la sécurité sociale en raison de la répétition de l'anomalie précédemment signalé au cotisant.
Cette majoration s'élève à 28604 euros x 10 % = 2 860 euros.
5 - frais professionnels non justifiés -principes généraux -situation de déplacement non avérée
Conformément à l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au litige, tout avantage en argent ou en nature alloué en contrepartie ou à l'occasion du travail doit être soumis à cotisations à l'exclusion des sommes correspondant à des frais professionnels, dans les conditions et limites fixées par arrêt ministériel du 20 décembre 2002.
En conséquence, il appartient à la société [12] de rapporter la preuve que les remboursements litigieux se rapportent à des frais professionnels. À défaut, les sommes correspondant doivent être réintégrées dans l'assiette des cotisations.
En l'espèce, les inspecteurs du recouvrement ont relevé l'existence de remboursements de dépenses de restauration à [Localité 10] présentées comme ayant été exposées dans le cadre de déplacements professionnels.
La société [12] soutient que ces dépenses, bien qu'ayant été exposées à [Localité 10] à proximité immédiate du siège social, n'ont pas à être réintégrées dans l'assiette des cotisations dans la mesure où [U] [N] et [A] [N] prennent de manière quasiment systématique leurs repas avec des clients ou fournisseurs. Elle se réfère aux conclusions de l'enquête de police qui a retenu certaines dépenses et en a exclu d'autres.
Tout d'abord, comme précédemment relevé, les conclusions de la police et l'absence de poursuites pénales pour certaines dépenses, n'ont pas d'incidence sur la présente procédure.
Ensuite, la société ne fournit aucun justificatif confirmant que les notes de restaurant se rapportent à des repas d'affaires.
C'est à juste titre que l'Urssaf a réintégré dans l'assiette des cotisations les montants de ces notes de frais après reconstitution en base brute.
Les calculs détaillés de l'Urssaf au titre des différentes cotisations ne sont pas contestés et seront donc entérinés.
Le montant des cotisations dues au titre du chef n° 5 s'élève donc à 2636 euros pour l'année 2015, 3855 euros pour l'année 2016 et 2589 euros pour l'année 2017, soit un total de 9080 euros.
6 - frais professionnels - frais d'entreprise non justifiés
Conformément à l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au litige, tout avantage en argent ou en nature alloué en contrepartie ou à l'occasion du travail doit être soumis à cotisations à l'exclusion des sommes correspondant à des frais professionnels, dans les conditions et limites fixées par arrêt ministériel du 20 décembre 2002.
En conséquence, il appartient à la société [12] de rapporter la preuve que les remboursements litigieux se rapportent à des frais professionnels exposés par les salariés ou les associés. À défaut, les sommes correspondant doivent être réintégrées dans l'assiette des cotisations.
En l'espèce, les inspecteurs du recouvrement ont constaté que certaines factures de restaurant et d'hôtel exposées dans le cadre de déplacements, mentionnent la présence d'autres personnes que les salariés et associés de la société [12], sans que ces personnes soient identifiées.
Il n'est donc pas démontré que les dépenses concernant ces autres personnes non identifiées relèvent des frais professionnels.
C'est à juste titre que l'Urssaf a réintégré à l'assiette des cotisations le montant de ces dépenses après reconstitution en base brute.
Les calculs détaillés de l'Urssaf au titre des différentes cotisations ne sont pas contestés et seront donc entérinés.
Le montant des cotisations dues au titre du chef n° 6 s'élève donc à 2177 euros pour l'année 2015, 1277 euros pour l'année 2016 et 354 euros pour l'année 2017, soit un total de 3808 euros.
7 - frais professionnels - limites d'exonération : utilisation du véhicule personnel (indemnités kilométriques)
Conformément à l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au litige, tout avantage en argent ou en nature alloué en contrepartie ou à l'occasion du travail doit être soumis à cotisations à l'exclusion des sommes correspondant à des frais professionnels, dans les conditions et limites fixées par arrêt ministériel du 20 décembre 2002.
L'article 4 de cet arrêté du 20 décembre 2002 dans sa version applicable dispose que 'lorsque le travailleur salarié ou assimilé est contraint d'utiliser son véhicule personnel à des fins professionnelles, l'indemnité forfaitaire kilométrique est réputée utilisée conformément à son objet dans les limites fixées par les barèmes kilométriques annuellement publiés par l'administration fiscale.'
On relèvera que l'article 1 de cet arrêté précise que 'les sommes à déduire de l'assiette des cotisations de sécurité sociale au titre des frais professionnels, tels que prévus à l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, sont celles qui sont versées aux travailleurs salariés ou assimilés, à l'exception des allocations forfaitaires prévues au 2° de l'article 2 ci-dessous perçues par les personnes visées aux 11°, 12° et 23° de l'article L. 311-3 dudit code pour l'exercice de leur fonction de dirigeant' (c'est à dire les gérants minoritaires de SARL de SELARL, PDG de SA et présidents et dirigeants de SAS).
Toutefois, la circulaire interministérielle du 7 janvier 2023 appliquée par l'Urssaf (ce qui est plus favorable à la société [12] que la stricte application des dispositions susvisées), dispose que lorsque les dirigeants utilisent leur véhicule personnel à des fins professionnelles, les frais professionnels peuvent être déduits sur la base des indemnités forfaitaires kilométriques annuellement publiées par l'administration fiscale.
Dans tous les cas, il appartient à la société [12] de justifier du moyen de transport utilisé par le salarié ou le dirigeant, du nombre de kilomètres effectués à titre professionnel et de la puissance du véhicule.
Il lui appartient aussi de rapporter la preuve de la nature professionnelle du déplacement.
En l'espèce, les inspecteurs de l'Urssaf ont examiné les notes de frais de déplacements correspondant aux indemnités kilométriques de [A] [N], [U] [N], [L] [N], [H] [N] et [W] [X].
Ils ont relevé que [A] [N], [U] [N], [L] [N], [H] [N] remplissaient des notes de frais sur lesquelles figurait par semaine une liste de destinations et complétaient dans cette liste, le nombre de trajets déclarés par destination sans indiquer ni date, ni objet du déplacement. Ces notes de frais font donc état d'un certain nombre de déplacements vers des destinations supposées, sans date.
En outre, les inspecteurs du recouvrement ont constaté que M. [W] [X] (salarié de la société [12]) remplissait des notes de frais trimestrielles mentionnant un nombre global de kilomètres parcourus, sans date ni objet. Il a été constaté que le nombre de kilomètres est souvent identique bien que les destinations soient différentes. La lettre d'observations mentionne ainsi :
- deuxième trimestre 2017 : 1513 kilomètres pour 900,23 euros (lieu de déplacement [Localité 19])
- troisième trimestre 2017 : 1513 kilomètres pour un montant de 900,23 euros (lieu de déplacement [Localité 6]/[Localité 22]).
La société [12] conteste le redressement considérant que le raisonnement de l'Urssaf revient à affirmer que les dirigeants et associés n'ont eu à assumer aucun frais de déplacements professionnels.
Toutefois, les dispositions susvisées impliquent que la société justifie de la date, de la destination, de l'objet du déplacement et du nombre de kilomètres parcourus.
On relèvera d'ailleurs sur ce point que dans le cadre du précédent contrôle de 2014, l'inspecteur du recouvrement indiquait : ' Messieurs [N] [L], [A] et [U] bénéficient d'indemnités kilométriques pour l'utilisation à titre professionnel de leur véhicule personnel. Lors du prochain contrôle vous fournirez à l'inspecteur des états détaillés des kilomètres indemnisés faisant apparaître les dates, lieux et motifs de déplacement (nom du client, chantier ..) ainsi que le nombre de kilomètres parcourus'.
Il est manifeste que la société [12] ne s'est pas conformée aux observations qui lui ont été notifiées précédemment.
Par ailleurs, contrairement à ce qu'affirme la société, l'Urssaf n'a pas exclu la totalité des notes de transport. En effet, il est précisé dans la lettre d'observations que la réalité de certains déplacements de [U] [N] ayant pu être confirmée, une partie des indemnités kilométriques ont été admise sur la base de trajets détaillés en annexe 8 bis.
En conclusion, c'est à juste titre que l'Urssaf a réintégré à l'assiette des cotisations après reconstitution en base brute, les sommes correspondant aux frais de déplacements non justifiés.
Les calculs détaillés de l'Urssaf au titre des différentes cotisations ne sont pas contestés et seront donc entérinés.
Ainsi, le montant du redressement de cotisations au titre du chef n° 7 s'élève à 20 478 euros pour l'année 2015, 23 638 euros pour l'année 2016 et 24 027 euros pour l'année 2017, soit un total de 68143 euros.
Comme rappelé précédemment, ce redressement fait suite à de précédentes observations notifiées en 2014 relatives à la même anomalie, de telle sorte que la société [12] est redevable en plus des cotisations, d'une majoration de redressement conformément à l'article L. 243-7-6 du code de la sécurité sociale, soit 68143 euros x 10 % = 6814 euros.
8 - frais professionnels non justifiés : indemnités de grand déplacement
Aux termes de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au litige, tout avantage en argent ou en nature alloué en contrepartie ou à l'occasion du travail doit être soumis à cotisations à l'exclusion des sommes correspondant à des frais professionnels, dans les conditions et limites fixées par arrêt ministériel du 20 décembre 2002.
Il résulte de l'article 5 de cet arrêté dans sa version applicable que pour qu'un salarié puisse prétendre à une indemnité de grand déplacement, il doit être démontré par l'employeur que ce dernier est en déplacement professionnel, qu'il est empêché de regagner chaque jour sa résidence habituelle et qu'il a exposé des frais supplémentaires de repas, logement et petit déjeuner.
Cet article précise que 'le travailleur salarié ou assimilé est présumé empêché de regagner sa résidence lorsque la distance séparant le lieu de résidence du lieu de déplacement est au moins égale à 50 kilomètres (trajet aller) et que les transports en commun ne permettent pas de parcourir cette distance dans un temps inférieur à 1 h 30 (trajet aller). Toutefois, lorsque le travailleur salarié ou assimilé est empêché de regagner son domicile en fin de journée pour des circonstances de fait, il est considéré comme étant dans la situation de grand déplacement.'
En l'espèce, les inspecteurs de l'Urssaf ont relevé que le versement d'indemnités de grand déplacement était indiqué sur les états de paie annuels des années 2015, 2016 et 2017 de la société [12].
Il est précisé dans la lettre d'observations que le jour du contrôle, l'inspecteur du recouvrement ayant constaté que les justificatifs des frais de grand déplacement tardaient à venir, il s'est rendu dans le bureau de la comptabilité/ressources humaines où il a constaté que plusieurs personnes 'étaient afférées à la réalisation de justificatifs de grands déplacements (documents en cours de réalisation et documents vierges disposés sur le bureau)'. Il a alors demandé aux intéressés : 'Ne seriez-vous pas en train d'établir les justificatifs demandés'. M. [A] [N] a répondu : 'je n'ai pas l'habitude de payer de grands déplacements pour rien'.
La société [12] prétend qu'elle justifie de la réalité des grands déplacements de ses salariés se référant à sa pièce n° 14.
Toutefois, cette pièce correspond à l'annexe 9 jointe à la lettre d'observations. Elle n'établit aucunement la réalité des grands déplacements.
La société [12] ne produit aucune pièce qui démontrerait pour chaque grand déplacement comptabilisé que le salarié concerné était en déplacement professionnel, qu'il se trouvait dans l'une des situations prévues à l'article 5 1° in fine de l'arrêté du 20 décembre 2002 et qu'il a exposé des frais supplémentaires de repas, logement et/ou petit déjeuner.
En conséquence, c'est à juste titre que l'Urssaf a réintégré à l'assiette des cotisations les sommes correspondant aux indemnités de grand déplacement après reconstitution en base brute.
Les calculs de l'Urssaf n'étant pas contestés, ils seront entérinés.
Le montant du redressement de cotisations au titre du chef n° 8 s'élève donc à 29 008 euros pour l'année 2015, 7 024 euros pour l'année 2016 et 5 861 euros pour l'année 2017, soit un total de 41 893 euros.
9 - cotisations - rupture conventionnelle du contrat de travail - condition relative à l'âge du salarié
Il résulte de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale que tout avantage en espèces ou en nature versé en contrepartie ou à l'occasion du travail doit être soumis à cotisations.
Le régime social de l'indemnité de rupture conventionnelle diffère selon que la personne est ou non en droit de bénéficier d'une pension de retraite d'un régime légalement obligatoire, sur la base d'un taux plein ou non.
Ainsi, sont soumises à cotisations, les indemnités de rupture conventionnelle lorsque le salarié concerné a atteint l'âge légal de départ à la retraite correspondant à son année de naissance ou lorsque l'âge du salarié est compris entre 55 ans et l'âge légal de départ à la retraite en l'absence de fourniture par l'employeur d'un document attestant que le salarié ne peut prétendre à une pension de retraite à la date de rupture effective du contrat de travail.
En l'espèce, les inspecteurs du recouvrement ont constaté que la société [12] et M. [V] avaient signé un accord de rupture conventionnelle le 2 février 2016, accord homologué par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (la Direccte) le 29 février suivant, la date de la rupture étant fixée au 9 mars 2016.
À cette date, M. [V] était âgé de 58 ans et 7 mois.
Contrairement à ce qu'affirme la société, M. [V] pouvait éventuellement prétendre à bénéficier d'une retraite anticipée s'il avait commencé à travailler avant 16 ans.
En conséquence, il appartenait à la société de produire un relevé de carrière de ce dernier afin d'établir qu'il ne pouvait pas bénéficier d'une retraite anticipée.
La société n'a jamais produit un tel relevé de carrière. Elle ne le fait pas plus dans le cadre de la présente instance.
C'est donc à juste titre que l'Urssaf a réintégré dans l'assiette des cotisations, l'indemnité de rupture conventionnelle versée à M. [V] après reconstitution en base brute.
Les calculs de cotisations par l'Urssaf ne sont pas contestés et seront donc entérinés.
En conséquence, le montant du redressement de cotisations au titre du chef n° 9 s'élève à 15 807 euros.
10 - acomptes, avances, prêts non récupérés
Les parties s'accordent sur le montant du redressement de cotisations au titre du chef n° 10, étant constaté qu'il a fait l'objet d'une minoration de l'Urssaf après contestation de la société [12].
Le montant des cotisations dues au titre du chef n° 10 sera donc fixé à 872 euros.
11 - frais professionnels non justifiés - indemnité de salissure
Conformément à l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, tout avantage en espèces ou en nature versé en contrepartie ou à l'occasion du travail doit être soumis à cotisations, sauf s'il s'agit de frais professionnels.
L'arrêté du 20 décembre 2002 dispose que 'les frais professionnels s'entendent des charges de caractère spécial inhérentes à la fonction ou à l'emploi du travailleur salarié ou assimilé que celui-ci supporte au titre de l'accomplissement de ses missions.'
Il incombe à l'employeur de rapporter la preuve des frais professionnels exposés par ses salariés.
En l'espèce, les inspecteurs du recouvrement ont constaté que des primes de salissures avaient été versées par la société [12] à plusieurs de ses salariés pour un montant de 754 euros.
La société [12] soutient que ces primes sont liées à la nécessité de procéder au désamiantage des vêtements par les salariés.
Toutefois, elle ne fournit aucune pièce établissant que ces primes correspondent à des frais exposés par les salariés pour le nettoyage ou l'entretien de leurs vêtements en lien avec leur activité professionnelle.
C'est à juste titre que l'Urssaf les a réintégrées dans l'assiette des cotisations après les avoir reconstituées en base brute.
Les calculs de l'Urssaf ne sont pas contestés par la société [12] et seront donc entérinés.
En conséquence, le montant des cotisations dues au titre du chef de redressement n° 11 s'élève à 535 euros.
12 - réduction générale des cotisations : règles générales
La société [12] ne formule aucune contestation sur ce chef de redressement.
Il est la conséquence de la réintégration dans l'assiette des cotisations des indemnités de grand déplacement et des acomptes, avances, prêts non récupérés, c'est à dire des chefs de redressement n° 8 et 10.
Ces chefs étant intégralement confirmés, le montant de la régularisation au titre de la régularisation générale des cotisations sera lui aussi confirmé à hauteur de 6006 euros pour l'année 2015 et 568 euros pour l'année 2016, soit une somme globale de 6574 euros au titre du chef n° 12.
CONCLUSION
Le montant global des cotisations dues au titre des chefs de redressement n° 1 à 12 portant sur la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017 outre les majorations de 10 % se décompose comme suit:
- chef de redressement n° 1 : 4 913 euros + majoration de : 491 euros
- chef de redressement n° 2 : 8 923 euros
- chef de redressement n° 3 :113 764 euros + majoration de : 11 376 euros
- chef de redressement n° 4 : 28 604 euros + majoration de : 2 860 euros
- chef de redressement n° 5 : 9 080 euros
- chef de redressement n° 6 : 3 808 euros
- chef de redressement n° 7 : 68 143 euros + majoration de : 6 814 euros
- chef de redressement n° 8 : 41 893 euros
- chef de redressement n° 9 : 15 807 euros
- chef de redressement n° 10 : 872 euros
- chef de redressement n° 11 : 535 euros
- chef de redressement n° 12 : 6 574 euros
soit un total de : 302 916 euros + majorations de : 21 541 euros.
Le montant global du redressement s'élève donc à 324 457 euros.
En conséquence, le jugement sera infirmé en ce qu'il a :
- débouté la société [12] de ses autres demandes et partant de son recours initié le 10 avril 2020
- validé le redressement opéré par l'Urssaf de Basse-Normandie pour la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017 pour son nouveau montant de 326 103 euros
- fixé la créance de l'Urssaf au titre du redressement de la société [12] portant sur les cotisations et contributions dues au titre de la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017, majorations de redressement incluses à la somme de 326 103 euros;
Statuant à nouveau, il convient de :
- valider le redressement au titre de la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017 à la somme globale de 324 457 euros correspondant à 302 916 euros de cotisations et à 21 541 euros de majorations
- fixer au passif de la procédure de redressement judiciaire de la société [12] la somme de 324 457 euros correspondant à 302 916 euros de cotisations et à 21 541 euros de majorations pour la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017
- débouter la société [12] de ses autres demandes.
III - Sur les dépens
Le montant du redressement étant confirmé quasi intégralement, le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société [12] aux dépens de première instance.
Succombant quasi intégralement en appel, la société [12] sera condamnée à payer les dépens afférents.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Constate que l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de Normandie vient aux droits de l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de Basse-Normandie ;
Déclare recevable la demande en paiement de l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de Normandie formée à l'encontre de la société [12] ;
Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a :
- débouté la société [12] de ses autres demandes et partant de son recours initié le 10 avril 2020
- validé le redressement opéré par l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de Basse-Normandie pour la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017 pour son nouveau montant de 326 103 euros
- fixé la créance de l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de Basse-Normandie au titre du redressement de la société [12] portant sur les cotisations et contributions dues au titre de la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017, majorations de redressement incluses à la somme de 326 103 euros;
L'infirme de ces chefs;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Valide le redressement de l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de Normandie à l'encontre de la société [12] au titre de la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017 à hauteur de la somme globale de 324 457 euros correspondant à 302 916 euros de cotisations et à 21 541 euros de majorations ;
Fixe au passif de la procédure de redressement judiciaire de la société [12] la somme de 324 457 euros correspondant à 302 916 euros de cotisations et à 21 541 euros de majorations pour la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017 ;
Déboute la société [12] de ses autres demandes ;
Condamne la société [12] à payer les dépens d'appel.
LE GREFFIER P/LE PRESIDENT EMPECHE
E. GOULARD E. LE BOURVELLEC
N° Portalis DBVC-V-B7G-G5CA
Code Aff. :
ARRET N°
C.P
ORIGINE : Décision du Pôle social du Tribunal Judiciaire de COUTANCES en date du 22 Décembre 2021 - RG n° 20/00140
COUR D'APPEL DE CAEN
2ème chambre sociale
ARRÊT DU 26 SEPTEMBRE 2024
APPELANTES :
S.A.S. [12] ([12])
[Adresse 5]
S.E.L.A.R.L. [25] , prise en la personne de Me [O] ès qualité de Commissaire à l'Exécution du Plan de redressement de la société [12],
[Adresse 4]
S.E.L.A.R.L. [23], prise en la personne de Me [Z] es qualité de Mandataire Judiciaire de la SAS [12]
[Adresse 1]
[Localité 10]
Représentées par Me Stéphane BATAILLE, avocat au barreau de CHERBOURG, substitué par Me DOREL, avocat au barreau de CAEN
INTIMEE :
Urssaf de Normandie venant aux droits de l'Urssaf de Basse-Normandie
[Adresse 3]
Représentée par Mme [T]-[D], mandatée
DÉBATS : A l'audience publique du 23 mai 2024 tenue par Mme CHAUX, Président de chambre, Magistrat chargé d'instruire l'affaire lequel a, les parties de ne s'y étant opposées, siégé en présence de M. GANCE, Conseiller, pour entendre les plaidoiries et en rendre compte à la cour dans son délibéré.
GREFFIER : Mme GOULARD
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme CHAUX, Président de chambre,
M. LE BOURVELLEC, Conseiller,
M. GANCE, Conseiller,
ARRÊT prononcé publiquement le 26 septembre 2024 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par M. LE BOURVELLEC, Conseiller, pour le président empêché, et Mme GOULARD, greffier
La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par la société [12] (la société [12]), la selarl [25] ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de redressement de la société [12] et la selarl [23] ès qualités de mandataire judiciaire de la société [12], d'un jugement rendu le 22 décembre 2021 par le tribunal judiciaire de Coutances dans un litige l'opposant à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de Basse-Normandie (l'Urssaf de Basse-Normandie).
FAITS et PROCEDURE
Le 7 décembre 2018, l'Urssaf de Basse- Normandie a adressé à la société [12] une lettre d'observations portant sur un rappel de cotisations et contributions de sécurité sociale, d'assurance chômage et d'AGS de 310 559 euros au titre des années 2015 à 2017 outre 21930 euros de majorations de redressement, se décomposant comme suit :
1 - prise en charge de dépenses personnelles des salariés et des mandataires sociaux - comptes courants d'associés
* 4 913 euros au titre des cotisations et contributions
* 491 euros de majoration
2 - rémunérations non déclarées : rémunérations non soumises à cotisations - comptes courants d'associés
* 8 923 euros au titre des cotisations et contributions
3 - prise en charge de dépenses personnelles du salarié ou de l'associé - factures fournisseurs
* 117 643 euros au titre des cotisations et contributions
* 11 764 euros de majoration
4 - frais professionnels non justifiés -principes généraux - remboursement de dépenses considérées à tort comme des frais
* 28 604 euros au titre des cotisations et contributions
* 2 860 euros de majoration
5 - frais professionnels non justifiés -principes généraux -situation de déplacement non avérée
* 9 080 euros au titre des cotisations et contributions
6 - frais professionnels - frais d'entreprise non justifiés
* 3 808 euros au titre des cotisations et contributions
7 - frais professionnels - limites d'exonération : utilisation du véhicule personnel (indemnités kilométriques)
* 68 143 euros au titre des cotisations et contributions
* 6 814 euros de majoration
8 - frais professionnels non justifiés : indemnités de grand déplacement
* 41 893 euros au titre des cotisations et contributions
9 - cotisations - rupture conventionnelle du contrat de travail - condition relative à l'âge du salarié
* 15 807 euros au titre des cotisations et contributions
10 - acomptes, avances, prêts non récupérés
* 4 636 euros au titre des cotisations et contributions
11 - frais professionnels non justifiés - indemnité de salissure
* 535 euros au titre des cotisations et contributions
12 - réduction générale des cotisations : règles générales
* 6 574 euros au titre des cotisations et contributions.
Selon courrier du 7 janvier 2019, la société [12] a contesté l'ensemble des chefs de redressement.
Par lettre de réponse du 25 avril 2019, l'Urssaf de Basse-Normandie a réduit le montant du chef de redressement n° 3 à 116 099 euros au titre des cotisations et contributions et à 11610 euros pour la majoration, ainsi que le chef de redressement n° 10 à la somme de 872 euros au titre des cotisations et contributions, ramenant le montant total du redressement à 305 251 euros au titre des cotisations et contributions et à 21 776 euros pour les majorations.
Le 15 octobre 2019, l'Urssaf de Basse-Normandie a adressé à la société [12] une mise en demeure de régler la somme globale de 361 300 euros se décomposant comme suit :
* 305 251 euros au titre des cotisations et contributions
* 21 776 euros au titre des majorations de redressement
* 34 273 euros au titre des majorations de retard.
Par courrier du 12 décembre 2019, la société [12] a contesté le redressement devant la commission de recours amiable de l'Urssaf, sollicitant son annulation.
Par jugement du 9 mars 2020, le tribunal de commerce de Cherbourg a ouvert à l'égard de la société [12] une procédure de redressement judiciaire et désigné la Selarl [25] ès qualités d'administrateur judiciaire de la société [12] et la selarl [23] ès qualités de mandataire judiciaire.
Le 10 avril 2020, la société [12] a saisi le tribunal judiciaire de Coutances afin de contester la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable de l'Urssaf de Basse-Normandie.
Par jugement du 22 décembre 2021, le tribunal judiciaire de Coutances a :
- constaté le caractère professionnel de la dépense 'Factures [8]' initialement retenue au titre du redressement du chef de 'prise en charge de dépenses personnelles du salarié ou de l'associé - factures fournisseurs'
- constaté la prise en compte du caractère professionnel de la dépense 'Factures [8]' par l'Urssaf de Basse-Normandie ayant réduit le redressement opéré de 924 euros (840 euros de rattrapage de cotisations et contributions sociales + 84 euros de majorations de redressement)
- débouté la société [12] de ses autres demandes et partant de son recours initié le 10 avril 2020
- validé le redressement opéré par l'Urssaf de Basse-Normandie pour la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017 pour son nouveau montant de 326 103 euros
- fixé la créance de l'Urssaf au titre du redressement de la société [12] portant sur les cotisations et contributions dues au titre de la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017, majorations de redressement incluses à la somme de 326 103 euros
- débouté la société [12] de sa demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- condamné la Selarl [23] ès qualités de mandataire judiciaire à la société [12] aux dépens
- rappelé que la décision est susceptible d'appel dans le délai d'un mois à compter de la réception de sa notification.
Par déclaration du 18 janvier 2022, la société [12], la selarl [25] ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de redressement de la société [12] et la selarl [23] ès qualités de mandataire judiciaire de la société [12] ont formé appel de ce jugement.
Suivant arrêt du 14 mars 2024, la cour d'appel a ordonné la réouverture des débats afin que l'Urssaf produise sa déclaration de créance faite auprès du représentant des créanciers de la procédure de redressement de la société [12], et à défaut que les parties fassent valoir leurs observations sur la recevabilité de la demande en paiement de l'Urssaf. L'affaire a été renvoyée à l'audience du 23 mai 2024 à 9 heures.
Par courrier reçu le 29 avril 2024, l'Urssaf a produit sa déclaration de créance du 9 avril 2020 à hauteur de 326 081 euros.
Aux termes de leurs conclusions reçues au greffe le 23 mai 2024 et soutenues oralement à l'audience, la société [12] et la Selarl [25] ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de redressement de la société [12], demandent à la cour de :
- réformer le jugement du chef des dispositions entreprises
- débouter l'Urssaf de l'ensemble de ses demandes.
Selon conclusions reçues au greffe le 14 novembre 2023 et soutenues oralement à l'audience, l'Urssaf de Normandie venant aux droits de l'Urssaf de Basse-Normandie demande à la cour de :
- confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions
- débouter la société [12] de ses moyens, fins et prétentions.
Pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, il est expressément renvoyé à leurs conclusions écrites conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR
I - Sur la procédure
Il résulte de l'article L. 622-22 du code de commerce que 'sous réserve des dispositions de l'article L.625-3, les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance. Elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l'administrateur ou le commissaire à l'exécution du plan nommé en application de l'article L. 626-25 dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant.'
Il est constant qu'il s'agit de dispositions d'ordre public de telle sorte que la juridiction saisie doit rechercher, au besoin d'office, si le créancier a procédé à la déclaration de sa créance auprès du représentant du mandataire judiciaire et si l'instance a été valablement reprise.
En l'espèce, l'Urssaf poursuit le recouvrement d'une créance se rapportant aux cotisations et contributions, ainsi qu'aux majorations, au titre des années 2015 à 2017.
Il s'agit donc d'une créance née avant le jugement d'ouverture de la procédure de redressement de la société [12] qui devait à peine d'irrecevabilité, faire l'objet d'une déclaration dans le délai de deux mois à compter de la publication de ce jugement au bulletin officiel des annonces civiles et commerciales conformément aux articles L. 622-26, L. 622-24 et R.622-24 du code de commerce.
Le jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la société [12] a été rendu le 9 mars 2020.
L'Urssaf a produit et communiqué sa déclaration de créance adressée au mandataire judiciaire le 9 avril 2020, soit dans le délai de deux mois susvisé. Cette déclaration porte sur les sommes suivantes :
- année 2015 : 91 218 euros
- année 2016 : 128 390 euros
- année 2017 : 106 473 euros
soit un total de 326 081 euros.
L'Urssaf est donc recevable à solliciter le paiement de cette créance au regard des dispositions de l'article L. 622-22 du code de commerce.
II - Sur le fond
L'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au litige dispose que : 'Pour le calcul des cotisations de sécurité sociale, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail, notamment les salaires ou gains, les indemnités de congés payés, le montant des retenues pour cotisations ouvrières, les indemnités, primes, gratifications et tous autres avantages en argent, les avantages en nature, ainsi que les sommes perçues directement ou par l'entremise d'un tiers à titre de pourboire.'
En outre, l'article L. 243-7-6 du code de la sécurité sociale précise que 'le montant du redressement des cotisations et contributions sociales mis en recouvrement à l'issue d'un contrôle réalisé en application de l'article L. 243-7 est majoré de 10 % en cas de constat d'absence de mise en conformité. Un tel constat est dressé lorsque le cotisant n'a pas pris en compte les observations notifiées lors d'un précédent contrôle, que ces observations aient donné lieu à redressement ou non.'
En l'espèce, les sociétés [17], [12] et [11] ont fait l'objet d'un contrôle par l'Urssaf au titre des cotisations des années 2015, 2016 et 2017.
À titre liminaire, l'Urssaf fait état d'une confusion des activités et des patrimoines entre les sociétés, se référant notamment à la répartition de leur capital social entre les trois mêmes associés qui sont aussi présidents, directeurs généraux ou gérant desdites sociétés, d'un système de refacturation forfaitaire permanente entre les trois entités et d'une situation de fait des salariés et mandataires sociaux qui travaillent sans distinction pour l'une ou l'autre des sociétés.
La société [12] conteste cette présentation de l'Urssaf ainsi que l'existence d'une situation de co-emploi.
Toutefois, elle ne précise pas en quoi cette contestation remettrait en cause un ou plusieurs chefs de redressement.
En particulier, à aucun moment, la société [12] n'affirme que les dépenses, primes, gratifications ou avantages en nature ou en espèces fondant les différents chefs de redressement, concernent les autres sociétés du groupe [12] et non la société [12] contre laquelle le redressement est poursuivi.
L'observation générale de la société [12] relative à l'absence de co-emploi ou d'imbrication entre les sociétés n'a donc aucune portée.
Il convient d'examiner chacun des chefs de redressement.
1 - Sur la prise en charge de dépenses personnelles des salariés et des mandataires sociaux - comptes courants d'associés
[A] [N], [U] [N] et [L] [N] sont associés de la société [12] à hauteur respectivement de 25%, 25 % et 50 %. [A] [N] est le président de la société, [U] [N] est directeur général et [L] [N] est directeur technique et commercial et perçoit à ce titre une rémunération depuis 2014.
Les inspecteurs du recouvrement ont constaté que les comptes d'associés de [A] [N], [U] [N] et [L] [N] présentaient des écritures affectées au crédit de ces comptes qui correspondent à des dépenses personnelles des intéressés :
- compte de [A] [N] '[XXXXXXXXXX02] - C/C Y [N]': crédit de 3125,18 euros (1er janvier 2017) qui annule des débits correspondant à des dépenses personnelles de l'intéressé en 2016
- compte de [U] [N] '[XXXXXXXXXX02] - C/C P [N]': crédit de 433,38 euros (1er janvier 2017) qui annule des débits correspondant à des dépenses personnelles de [U] [N] en 2016
- compte courant de [L] [N] '[XXXXXXXXXX02] - C/C [N] APRES RJ ' :
* crédit de 1 171 euros (22 avril 2016) qui annule le paiement fait le 22 février 2016 au titre d'une place de port de plaisance de [Localité 9] réservé au bateau Nautica 2, un des bateaux personnels de la famille [N]
* crédit de 98,2 euros (11 mai 2016) qui annule le débit du même montant passé le même jour, ce dernier débit étant l'enregistrement d'une dépense personnelle effectuée par [L] [N]
* crédit de 3 588,19 euros (1er janvier 2017) qui annule les débits correspondant à des enregistrements de dépenses personnelles de [L] [N] en 2015
* crédit de 1 736,25 euros (1er janvier 2017) qui annule les débits correspondant à des enregistrements de dépenses personnelles effectuées par [L] [N] en 2016.
Pour contester ce chef de redressement, la société [12] produit une attestation de M. [E] [Y] qui indique que 'lorsque M. [N] utilisait la carte bancaire de la société [12], sa comptable, Madame [B] [J], mettait systématiquement les sommes payées en compte courant d'associés. À la date de clôture du bilan, savoir le 31 décembre, les paiements ont été rapprochés des factures et ont été imputés par OD (opérations diverses) dans les bons comptes'.
Comme le relève le tribunal judiciaire, cette attestation justifie uniquement d'une régularisation opérée en fin d'année. En revanche, elle ne démontre pas que les enregistrements des sommes susvisées correspondent à des dépenses professionnelles.
Par ailleurs, la société conteste que le bateau Nautica 2 est utilisé pour des motifs personnels. Elle prétend que ce bateau dépend des actifs de la société [12], qu'il mène une activité portuaire de réparation navale et qu'il n'est 'aucunement utilisé par les dirigeants de la société pour leurs besoins personnels'.
Toutefois, elle ne fournit aucune pièce établissant que ce bateau est exclusivement utilisé pour les besoins de l'activité de la société [12].
Au contraire, il est constant que l'un des inspecteurs du recouvrement a constaté la présence de casiers sur le pont à proximité du bateau ce qui implique qu'il est utilisé pour la pêche de loisirs.
Les explications de la société [12] qui prétend que ce jour là, ses salariés ont constaté la présence de casiers à la dérive et les ont remontés pour éviter qu'ils n'entraînent un événement de mer, sont peu crédibles.
La société [12] ne démontre donc pas que les dépenses afférentes au bateau Nausica 2 à hauteur de 1171 euros sont des dépenses professionnelles.
En conséquence, l'ensemble des sommes susvisées doit être réintégré dans l'assiette des cotisations après reconstitution en base brute, soit :
- 1171 euros + 98,02 euros = 1269,02 euros nets, soit 1588 euros bruts au titre de l'année 2016
- 3125,18 euros + 433,38 euros + 3588,19 euros + 1735,25 euros = 8883 euros nets, soit 10992 euros bruts au titre de l'année 2017 (dans les limites de la somme retenue par l'Urssaf).
Les calculs détaillés de l'Urssaf au titre des différentes cotisations ne sont pas contestés et seront donc entérinés.
Le montant des cotisations dues au titre du chef n° 1 s'élève à 636 euros pour l'année 2016 et 4277 euros pour l'année 2017, soit un total de 4913 euros.
L'inspecteur du recouvrement note que lors d'un précédent contrôle effectué en 2014 portant sur la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013, le redressement suivant avait été notifié à la société [12] : 'à l'analyse des grands livres comptables et des justificatifs qui m'ont été présentés, j'ai constaté que certaines dépenses à caractère personnel ont été prises en charge par la société'. Il était alors précisé que la liste de ces dépenses montre qu'elles ont été exposées par [L], [A] et [U] [N].
Il résulte de ces observations que la société ne s'est pas mise en conformité avec les observations précédemment faites dans le cadre du contrôle de 2014 au titre des années 2011 à 2013, puisque le chef de redressement n° 1 porte sur la prise en charge par la société de dépenses personnelles des associés.
Conformément à l'article L. 243-7-6 du code de la sécurité sociale, la majoration de redressement au titre du chef n°1 s'élève donc à 4913 euros x 10 % = 491 euros.
2 - rémunérations non déclarées : rémunérations non soumises à cotisations - comptes courants d'associés
Les inspecteurs du recouvrement ont constaté que [A] [N], président et associé de la société [12] avait bénéficié de plusieurs sommes passées au crédit de son compte d'associé '[XXXXXXXXXX02] - C/C Y [N]', sans que ces sommes correspondent à des remboursements de frais ou à des distributions de dividendes, à hauteur de :
- 2500 euros le 22 mars 2016
- 2500 euros le 4 avril 2016
- 16 000 euros le 31 décembre 2017.
La société [12] indique que ces sommes ont été remboursées ultérieurement pas [A] [N].
Toutefois, les sommes passées au crédit du compte de [A] [N] par la société constituent un avantage en espèces entrant dans le champ d'application de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, peu important que les sommes aient été ultérieurement remboursées à la société par l'intéressé.
En conséquence, l'ensemble des sommes susvisées doit être réintégré dans l'assiette des cotisations après reconstitution en base brute, soit :
- 2500 euros + 2500 euros = 5000 euros, soit 6074 euros bruts au titre de l'année 2016
- 16 000 euros nets, soit 19 449 euros bruts au titre de l'année 2017.
Les calculs détaillés de l'Urssaf au titre des différentes cotisations ne sont pas contestés et seront donc entérinés.
En conséquence, le montant des cotisations dues au titre du chef de redressement n° 2, s'élève à 2137 euros pour l'année 2016 et 6 786 euros pour l'année 2017, soit un total de 8 923 euros.
3 - prise en charge de dépenses personnelles du salarié ou de l'associé - factures fournisseurs
Les inspecteurs du recouvrement ont consulté les classeurs de factures fournisseurs de la société [12]. Ils indiquent avoir constaté la prise en charge par la société [12], de dépenses personnelles pour [A] [N], [U] [N], [L] [N] et [H] [N], 'ainsi que pour d'autres personnes dont l'identité exacte n'est pas déterminée mais que les factures permettent d'identifier comme étant l'une de ces personnes (adresses de livraison, de facturation ou annotations manuelles sur les factures).'
La société [12] soutient que plusieurs factures fournisseurs se rapportent à des dépenses en lien avec son activité.
Avant d'examiner les factures contestées, on relèvera que la société ne conteste plus la réintégration des factures [21] et [24].
De son côté, l'Urssaf a abandonné une partie du redressement au titre des factures [8] considérées comme couvrant des dépenses professionnelles, soit une minoration du redressement de 924 euros (840 euros de moins au titre des cotisations et par voie de conséquence, 84 euros de moins au titre de la majoration de 10 %).
Par ailleurs, pour plusieurs de ces factures, la société se prévaut des résultats de l'enquête pénale et de l'absence de poursuites pénales au titre de ces factures.
Toutefois, il convient de rappeler que l'enquête pénale et le contrôle de l'Urssaf sont des procédures indépendantes et que l'absence de poursuites pénales n'a pas d'incidence sur la présente procédure.
Ensuite, alors que la charge de la preuve de l'utilisation des fonds de la société à des fins étrangères à l'activité de celle-ci incombe au ministère public dans le cadre pénal, la charge de la preuve de l'utilisation des fonds, dans le cadre du redressement, incombe à la société.
En conséquence, il n'y a pas lieu d'écarter du redressement certaines dépenses au seul motif qu'elles n'ont pas été retenues comme constitutives d'une infraction dans le cadre de l'enquête pénale.
Ces principes étant rappelés, il convient d'examiner les factures contestées par la société [12] :
- factures [20] et [18]
Ces factures portent notamment sur l'achat de bouteilles d'alcool et de bouteilles de vins rouges/blancs, mais aussi de cartes cadeaux et de bons d'achat, d'ustensiles de cuisine, d'une cafetière, d'un coffre de 250 litres, de denrées alimentaires dont des fruits de mer, des bonbons, du café, des gâteaux apéritifs, du chocolat ainsi que du savon. Une facture mentionne aussi deux robes de chambre et un réveil.
À titre liminaire, la facture du 27 avril 2017 qui porte sur l'achat de nombreuses bouteilles d'alcool a été réintégrée au titre des frais professionnels remboursés à tort, c'est à dire au titre du chef n° 4.
Par ailleurs, pour justifier que les factures correspondent à des dépenses professionnelles, la société invoque la quantité importante de bouteilles d'alcool achetée et prétend qu'elles étaient destinées à la cantine, l'atelier ou encore à des réceptions organisées au sein de la société.
Les annotations ajoutées sur les factures par la société n'ont aucune valeur de preuve, nulle partie ne pouvant se constituer de preuve à elle-même.
Or, la société ne produit autre pièce confirmant ses allégations.
C'est à juste titre que l'Urssaf fait remarquer qu'il est étonnant que la société ait pu mettre à la disposition de ses salariés des bouteilles d'alcool sur le lieu de travail, alors que la consommation d'alcool est interdite en particulier pour des activités impliquant l'utilisation de matières et outils dangereux.
En conclusion, la société [12] ne démontre pas que les factures correspondent à des dépenses professionnelles exposées pour son activité.
- factures [13]
La société [12] prétend que les factures [13] ont pour objet l'entretien de ses espaces verts.
Les inspecteurs de l'Urssaf ont constaté que le montant des factures, qui n'est d'ailleurs ni précisé, ni détaillé par la société, était disproportionné avec les besoins d'entretien d'espaces verts de celle-ci.
En outre, les factures mentionnent des outils, mais aussi des sacs de pomme de terres, sacs de carottes, du paillage, un produit barbecue, une vidange tondeuse, des tuteurs de tomates, du terreau, des plants de tomates, des plantes aromatiques, chips coco, aneth, romarin, persil.
Ces dernières dépenses ne sont pas rattachables à l'activité de la société.
Enfin, la société [12] ne fournit aucune pièce démontrant que les factures [13] correspondent à des dépenses professionnelles, étant rappelé que les annotations ajoutées par l'appelante sur les factures n'ont aucune valeur de preuve.
C'est à juste titre qu'elles ont été réintégrées en base brute dans l'assiette des cotisations.
- factures [15]
La société [12] prétend que ces factures correspondent à des fournitures destinées à la décoration des locaux, rappelant que l'enquête pénale n'a pas retenu 'ce chef de redressement'.
Toutefois, la circonstance que l'enquête pénale n'a pas permis de retenir d'infraction sur ce point est indifférent conformément aux principes rappelés précédemment.
En outre, la société [12] ne fournit aucune pièce confirmant ses allégations.
La preuve que les factures [15] correspondent à des dépenses professionnelles de la société [12] n'est donc pas rapportée.
- facture [16]
La société indique que la facture [16] porte la mention 'aménagement du hall d'entrée de l'atelier avec décoration et fourniture de plantes différentes'.
Il s'agit d'une facture de 3043 euros TTC du 17 novembre 2017 portant en effet la mention 'aménagement du hall d'entrée de votre atelier avec décorations et fournitures de plantes différentes, travaux effectués novembre 2017. En votre aimable règlement. À réception. Merci' suivie d'une signature.
Cette mention qui émane de l'auteur de la facture et non de la société [12] suffit à démontrer que les aménagements ont bien été réalisés dans le hall d'entrée de l'atelier de l'entreprise [12] en novembre 2017.
La somme de 3043 euros a donc servi à régler des dépenses professionnelles exposées par la société [12], ce qui correspond à une somme brute de 3699 euros.
Dans ses écritures, l'Urssaf a procédé au calcul du redressement fondé uniquement sur la factures [8] afin de déterminer le montant à déduire du chef n° 3 puisque cette facture a été considérée comme correspondant à des frais professionnels.
Il convient d'appliquer la même méthode de calcul qui n'a pas été remise en cause par la société [12], soit une somme de 1495 euros à déduire du montant du redressement de cotisations pour l'année 2017 au titre du chef de redressement n° 3.
- factures [7]
La société [12] soutient que les factures [7] qui portent notamment sur l'achat de cordons TV, de récepteur TNT, de cuves de récupération d'eau, de grillages et de poteaux de clôture sont liées à l'activité de l'entreprise.
Elle affirme en effet qu'elle devait acheter des fournitures pour l'équipement des navires.
Toutefois, comme le relève l'Urssaf, aucun justificatif n'est fourni et les annotations ajoutées sur les factures après coup n'ont pas valeur de preuve.
Il n'est donc pas démontré que les factures [7] sont en lien avec l'activité de l'entreprise.
Compte tenu de ces observations, les redressements opérés au titre du chef n° 3 pour les années 2015, 2016 et 2017 doivent être confirmés sauf à déduire les sommes de 1495 euros correspondant à la facture du 17 novembre 2017 '[16]' et celle de 840 euros au titre des factures [8], soit : 116 099 euros - 840 euros (factures [8]) -1495 euros (facture [16]) = 113 764 euros.
Il résulte de la lettre d'observations de 2014 faisant suite à un précédent contrôle que l'inspecteur du recouvrement avait relevé que des dépenses personnelles concernant les trois mêmes associés ([A] [N], [L] [N] et [U] [N]) avaient été prises en charge par la société.
En conséquence, compte-tenu de l'absence de mise en conformité, conformément à l'article L. 243-7-6 du code de la sécurité sociale, il convient d'appliquer au montant du redressement au titre du chef n°3, une majoration de 10%, soit une somme de 11 376 euros.
4 - frais professionnels non justifiés -principes généraux - remboursement de dépenses considérées à tort comme des frais
Conformément à l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au litige, tout avantage en argent ou en nature alloué en contrepartie ou à l'occasion du travail doit être soumis à cotisations à l'exclusion des sommes correspondant à des frais professionnels, dans les conditions et limites fixées par arrêt ministériel du 20 décembre 2002.
En conséquence, il appartient à la société [12] de rapporter la preuve que les remboursements litigieux se rapportent à des frais professionnels. À défaut, les sommes correspondant doivent être réintégrées dans l'assiette des cotisations.
En l'espèce, les inspecteurs du recouvrement indiquent qu'ils ont examiné les demandes de remboursement de frais de déplacement et autres dépenses. Il s'agit d'achat d'alcool, de matériel de bricolage, de jardinage, de matériel de plaisance, de carburant, de factures d'hôtel et de restaurant lors de déplacements pour convenance personnelle.
La société [12] conteste le redressement opéré visant les trois postes suivants :
- déplacement en Finlande et aux Pays-Bas
La société [12] prétend qu'un déplacement avait été organisé en Finlande du 27 mars au 4 avril 2017 et qu'il avait pour seul but de visiter le site Finlandais [26], fournisseur de moteurs marins. Elle ajoute que [U] [N] et [L] [N] y ont participé et que la présence de leurs épouses et du fils de [U] [N] est indifférente puisque seuls les billets d'avion concernant les associés ont été pris en compte.
L'Urssaf rétorque que les factures passées en comptabilité visaient plus de deux personnes et qu'il résulte des échanges de mails que trois jours avant le départ, aucun programme n'était déterminé pour la visite du site [26].
Il résulte de ces observations que le voyage litigieux était organisé sur une période de sept jours (du 27 mars au 4 avril 2017) et non sur une durée limitée aux seules nécessités d'une visite professionnelle du site de [26]. En outre, les associés sont partis accompagnés de leurs épouses et d'un enfant, l'ensemble des billets ayant été pris en charge par la société.
Par ailleurs, comme le relève le tribunal judiciaire, il résulte des mails des 23 et 24 mars 2017 que la visite du site Finlandais a été décidée après coup. Ainsi, M. [U] [N] indique dans son mail : 'si vous avez des informations, je pars lundi et je serai mardi sur [Localité 14] et la semaine en Finlande .. je peux m'organiser en fonction des possibilités. Cela serait un très grand plaisir de visiter cet illustre fournisseur.'
En conclusion, il n'est pas démontré que le voyage litigieux était un voyage d'affaires.
- facture Fonck
Il s'agit d'une facture d'achat de matériel électrique dont la société [12] prétend qu'il était destiné aux chantiers navals.
L'Urssaf affirme au contraire qu'il s'agit de l'achat d'un meuble fait par commerce électronique, auprès d'un magasin d'ameublement situé au Pays-Bas.
La société ne fournissant aucun justificatif, la dépense correspondante doit être réintégrée dans l'assiette des cotisations après reconstitution en base brute.
- factures de restauration
La société [12] soutient que ces factures correspondent à des dépenses professionnelles.
Pour en justifier, elle a annoté l'annexe 5 du contrôle, relative au chef de redressement litigieux.
Elle se réfère aussi aux conclusions de l'enquête pénale.
Tout d'abord, seule l'annexe 5 relative à l'année 2017 a été annotée.
Ensuite, ces seules annotations n'ont aucune valeur de preuve puisqu'elles ont été ajoutées par la société.
Enfin, comme rappelé précédemment, la circonstance que certaines dépenses n'ont pas été retenues dans le cadre de l'enquête pénale n'a pas d'incidence sur le redressement litigieux, la charge de la preuve étant inversée dans le cadre de la procédure de redressement.
En conséquence, la société [12] ne démontre pas que les dépenses afférentes aux factures de restauration correspondent à des frais professionnels.
Les calculs détaillés de l'Urssaf au titre des différentes cotisations ne sont pas contestés et seront donc entérinés.
Le montant des cotisations dues au titre du chef n° 4 s'élève donc à 11 116 euros pour l'année 2015, 7146 euros pour l'année 2016 et 10342 euros pour l'année 2017, soit un total de 28 604 euros.
Lors du précédent redressement notifié le 28 juillet 2014, l'Urssaf avait relevé que certaines dépenses considérées comme des frais professionnels n'avaient pas été engagées en lien avec l'activité de la société [12]. Il s'agissait notamment de démarches prétendument commerciales entreprises en Corse, en Sardaigne et en Sicile.
C'est donc à juste titre que l'Urssaf a appliqué la majoration de redressement prévue par l'article L. 243-7-6 du code de la sécurité sociale en raison de la répétition de l'anomalie précédemment signalé au cotisant.
Cette majoration s'élève à 28604 euros x 10 % = 2 860 euros.
5 - frais professionnels non justifiés -principes généraux -situation de déplacement non avérée
Conformément à l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au litige, tout avantage en argent ou en nature alloué en contrepartie ou à l'occasion du travail doit être soumis à cotisations à l'exclusion des sommes correspondant à des frais professionnels, dans les conditions et limites fixées par arrêt ministériel du 20 décembre 2002.
En conséquence, il appartient à la société [12] de rapporter la preuve que les remboursements litigieux se rapportent à des frais professionnels. À défaut, les sommes correspondant doivent être réintégrées dans l'assiette des cotisations.
En l'espèce, les inspecteurs du recouvrement ont relevé l'existence de remboursements de dépenses de restauration à [Localité 10] présentées comme ayant été exposées dans le cadre de déplacements professionnels.
La société [12] soutient que ces dépenses, bien qu'ayant été exposées à [Localité 10] à proximité immédiate du siège social, n'ont pas à être réintégrées dans l'assiette des cotisations dans la mesure où [U] [N] et [A] [N] prennent de manière quasiment systématique leurs repas avec des clients ou fournisseurs. Elle se réfère aux conclusions de l'enquête de police qui a retenu certaines dépenses et en a exclu d'autres.
Tout d'abord, comme précédemment relevé, les conclusions de la police et l'absence de poursuites pénales pour certaines dépenses, n'ont pas d'incidence sur la présente procédure.
Ensuite, la société ne fournit aucun justificatif confirmant que les notes de restaurant se rapportent à des repas d'affaires.
C'est à juste titre que l'Urssaf a réintégré dans l'assiette des cotisations les montants de ces notes de frais après reconstitution en base brute.
Les calculs détaillés de l'Urssaf au titre des différentes cotisations ne sont pas contestés et seront donc entérinés.
Le montant des cotisations dues au titre du chef n° 5 s'élève donc à 2636 euros pour l'année 2015, 3855 euros pour l'année 2016 et 2589 euros pour l'année 2017, soit un total de 9080 euros.
6 - frais professionnels - frais d'entreprise non justifiés
Conformément à l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au litige, tout avantage en argent ou en nature alloué en contrepartie ou à l'occasion du travail doit être soumis à cotisations à l'exclusion des sommes correspondant à des frais professionnels, dans les conditions et limites fixées par arrêt ministériel du 20 décembre 2002.
En conséquence, il appartient à la société [12] de rapporter la preuve que les remboursements litigieux se rapportent à des frais professionnels exposés par les salariés ou les associés. À défaut, les sommes correspondant doivent être réintégrées dans l'assiette des cotisations.
En l'espèce, les inspecteurs du recouvrement ont constaté que certaines factures de restaurant et d'hôtel exposées dans le cadre de déplacements, mentionnent la présence d'autres personnes que les salariés et associés de la société [12], sans que ces personnes soient identifiées.
Il n'est donc pas démontré que les dépenses concernant ces autres personnes non identifiées relèvent des frais professionnels.
C'est à juste titre que l'Urssaf a réintégré à l'assiette des cotisations le montant de ces dépenses après reconstitution en base brute.
Les calculs détaillés de l'Urssaf au titre des différentes cotisations ne sont pas contestés et seront donc entérinés.
Le montant des cotisations dues au titre du chef n° 6 s'élève donc à 2177 euros pour l'année 2015, 1277 euros pour l'année 2016 et 354 euros pour l'année 2017, soit un total de 3808 euros.
7 - frais professionnels - limites d'exonération : utilisation du véhicule personnel (indemnités kilométriques)
Conformément à l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au litige, tout avantage en argent ou en nature alloué en contrepartie ou à l'occasion du travail doit être soumis à cotisations à l'exclusion des sommes correspondant à des frais professionnels, dans les conditions et limites fixées par arrêt ministériel du 20 décembre 2002.
L'article 4 de cet arrêté du 20 décembre 2002 dans sa version applicable dispose que 'lorsque le travailleur salarié ou assimilé est contraint d'utiliser son véhicule personnel à des fins professionnelles, l'indemnité forfaitaire kilométrique est réputée utilisée conformément à son objet dans les limites fixées par les barèmes kilométriques annuellement publiés par l'administration fiscale.'
On relèvera que l'article 1 de cet arrêté précise que 'les sommes à déduire de l'assiette des cotisations de sécurité sociale au titre des frais professionnels, tels que prévus à l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, sont celles qui sont versées aux travailleurs salariés ou assimilés, à l'exception des allocations forfaitaires prévues au 2° de l'article 2 ci-dessous perçues par les personnes visées aux 11°, 12° et 23° de l'article L. 311-3 dudit code pour l'exercice de leur fonction de dirigeant' (c'est à dire les gérants minoritaires de SARL de SELARL, PDG de SA et présidents et dirigeants de SAS).
Toutefois, la circulaire interministérielle du 7 janvier 2023 appliquée par l'Urssaf (ce qui est plus favorable à la société [12] que la stricte application des dispositions susvisées), dispose que lorsque les dirigeants utilisent leur véhicule personnel à des fins professionnelles, les frais professionnels peuvent être déduits sur la base des indemnités forfaitaires kilométriques annuellement publiées par l'administration fiscale.
Dans tous les cas, il appartient à la société [12] de justifier du moyen de transport utilisé par le salarié ou le dirigeant, du nombre de kilomètres effectués à titre professionnel et de la puissance du véhicule.
Il lui appartient aussi de rapporter la preuve de la nature professionnelle du déplacement.
En l'espèce, les inspecteurs de l'Urssaf ont examiné les notes de frais de déplacements correspondant aux indemnités kilométriques de [A] [N], [U] [N], [L] [N], [H] [N] et [W] [X].
Ils ont relevé que [A] [N], [U] [N], [L] [N], [H] [N] remplissaient des notes de frais sur lesquelles figurait par semaine une liste de destinations et complétaient dans cette liste, le nombre de trajets déclarés par destination sans indiquer ni date, ni objet du déplacement. Ces notes de frais font donc état d'un certain nombre de déplacements vers des destinations supposées, sans date.
En outre, les inspecteurs du recouvrement ont constaté que M. [W] [X] (salarié de la société [12]) remplissait des notes de frais trimestrielles mentionnant un nombre global de kilomètres parcourus, sans date ni objet. Il a été constaté que le nombre de kilomètres est souvent identique bien que les destinations soient différentes. La lettre d'observations mentionne ainsi :
- deuxième trimestre 2017 : 1513 kilomètres pour 900,23 euros (lieu de déplacement [Localité 19])
- troisième trimestre 2017 : 1513 kilomètres pour un montant de 900,23 euros (lieu de déplacement [Localité 6]/[Localité 22]).
La société [12] conteste le redressement considérant que le raisonnement de l'Urssaf revient à affirmer que les dirigeants et associés n'ont eu à assumer aucun frais de déplacements professionnels.
Toutefois, les dispositions susvisées impliquent que la société justifie de la date, de la destination, de l'objet du déplacement et du nombre de kilomètres parcourus.
On relèvera d'ailleurs sur ce point que dans le cadre du précédent contrôle de 2014, l'inspecteur du recouvrement indiquait : ' Messieurs [N] [L], [A] et [U] bénéficient d'indemnités kilométriques pour l'utilisation à titre professionnel de leur véhicule personnel. Lors du prochain contrôle vous fournirez à l'inspecteur des états détaillés des kilomètres indemnisés faisant apparaître les dates, lieux et motifs de déplacement (nom du client, chantier ..) ainsi que le nombre de kilomètres parcourus'.
Il est manifeste que la société [12] ne s'est pas conformée aux observations qui lui ont été notifiées précédemment.
Par ailleurs, contrairement à ce qu'affirme la société, l'Urssaf n'a pas exclu la totalité des notes de transport. En effet, il est précisé dans la lettre d'observations que la réalité de certains déplacements de [U] [N] ayant pu être confirmée, une partie des indemnités kilométriques ont été admise sur la base de trajets détaillés en annexe 8 bis.
En conclusion, c'est à juste titre que l'Urssaf a réintégré à l'assiette des cotisations après reconstitution en base brute, les sommes correspondant aux frais de déplacements non justifiés.
Les calculs détaillés de l'Urssaf au titre des différentes cotisations ne sont pas contestés et seront donc entérinés.
Ainsi, le montant du redressement de cotisations au titre du chef n° 7 s'élève à 20 478 euros pour l'année 2015, 23 638 euros pour l'année 2016 et 24 027 euros pour l'année 2017, soit un total de 68143 euros.
Comme rappelé précédemment, ce redressement fait suite à de précédentes observations notifiées en 2014 relatives à la même anomalie, de telle sorte que la société [12] est redevable en plus des cotisations, d'une majoration de redressement conformément à l'article L. 243-7-6 du code de la sécurité sociale, soit 68143 euros x 10 % = 6814 euros.
8 - frais professionnels non justifiés : indemnités de grand déplacement
Aux termes de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au litige, tout avantage en argent ou en nature alloué en contrepartie ou à l'occasion du travail doit être soumis à cotisations à l'exclusion des sommes correspondant à des frais professionnels, dans les conditions et limites fixées par arrêt ministériel du 20 décembre 2002.
Il résulte de l'article 5 de cet arrêté dans sa version applicable que pour qu'un salarié puisse prétendre à une indemnité de grand déplacement, il doit être démontré par l'employeur que ce dernier est en déplacement professionnel, qu'il est empêché de regagner chaque jour sa résidence habituelle et qu'il a exposé des frais supplémentaires de repas, logement et petit déjeuner.
Cet article précise que 'le travailleur salarié ou assimilé est présumé empêché de regagner sa résidence lorsque la distance séparant le lieu de résidence du lieu de déplacement est au moins égale à 50 kilomètres (trajet aller) et que les transports en commun ne permettent pas de parcourir cette distance dans un temps inférieur à 1 h 30 (trajet aller). Toutefois, lorsque le travailleur salarié ou assimilé est empêché de regagner son domicile en fin de journée pour des circonstances de fait, il est considéré comme étant dans la situation de grand déplacement.'
En l'espèce, les inspecteurs de l'Urssaf ont relevé que le versement d'indemnités de grand déplacement était indiqué sur les états de paie annuels des années 2015, 2016 et 2017 de la société [12].
Il est précisé dans la lettre d'observations que le jour du contrôle, l'inspecteur du recouvrement ayant constaté que les justificatifs des frais de grand déplacement tardaient à venir, il s'est rendu dans le bureau de la comptabilité/ressources humaines où il a constaté que plusieurs personnes 'étaient afférées à la réalisation de justificatifs de grands déplacements (documents en cours de réalisation et documents vierges disposés sur le bureau)'. Il a alors demandé aux intéressés : 'Ne seriez-vous pas en train d'établir les justificatifs demandés'. M. [A] [N] a répondu : 'je n'ai pas l'habitude de payer de grands déplacements pour rien'.
La société [12] prétend qu'elle justifie de la réalité des grands déplacements de ses salariés se référant à sa pièce n° 14.
Toutefois, cette pièce correspond à l'annexe 9 jointe à la lettre d'observations. Elle n'établit aucunement la réalité des grands déplacements.
La société [12] ne produit aucune pièce qui démontrerait pour chaque grand déplacement comptabilisé que le salarié concerné était en déplacement professionnel, qu'il se trouvait dans l'une des situations prévues à l'article 5 1° in fine de l'arrêté du 20 décembre 2002 et qu'il a exposé des frais supplémentaires de repas, logement et/ou petit déjeuner.
En conséquence, c'est à juste titre que l'Urssaf a réintégré à l'assiette des cotisations les sommes correspondant aux indemnités de grand déplacement après reconstitution en base brute.
Les calculs de l'Urssaf n'étant pas contestés, ils seront entérinés.
Le montant du redressement de cotisations au titre du chef n° 8 s'élève donc à 29 008 euros pour l'année 2015, 7 024 euros pour l'année 2016 et 5 861 euros pour l'année 2017, soit un total de 41 893 euros.
9 - cotisations - rupture conventionnelle du contrat de travail - condition relative à l'âge du salarié
Il résulte de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale que tout avantage en espèces ou en nature versé en contrepartie ou à l'occasion du travail doit être soumis à cotisations.
Le régime social de l'indemnité de rupture conventionnelle diffère selon que la personne est ou non en droit de bénéficier d'une pension de retraite d'un régime légalement obligatoire, sur la base d'un taux plein ou non.
Ainsi, sont soumises à cotisations, les indemnités de rupture conventionnelle lorsque le salarié concerné a atteint l'âge légal de départ à la retraite correspondant à son année de naissance ou lorsque l'âge du salarié est compris entre 55 ans et l'âge légal de départ à la retraite en l'absence de fourniture par l'employeur d'un document attestant que le salarié ne peut prétendre à une pension de retraite à la date de rupture effective du contrat de travail.
En l'espèce, les inspecteurs du recouvrement ont constaté que la société [12] et M. [V] avaient signé un accord de rupture conventionnelle le 2 février 2016, accord homologué par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (la Direccte) le 29 février suivant, la date de la rupture étant fixée au 9 mars 2016.
À cette date, M. [V] était âgé de 58 ans et 7 mois.
Contrairement à ce qu'affirme la société, M. [V] pouvait éventuellement prétendre à bénéficier d'une retraite anticipée s'il avait commencé à travailler avant 16 ans.
En conséquence, il appartenait à la société de produire un relevé de carrière de ce dernier afin d'établir qu'il ne pouvait pas bénéficier d'une retraite anticipée.
La société n'a jamais produit un tel relevé de carrière. Elle ne le fait pas plus dans le cadre de la présente instance.
C'est donc à juste titre que l'Urssaf a réintégré dans l'assiette des cotisations, l'indemnité de rupture conventionnelle versée à M. [V] après reconstitution en base brute.
Les calculs de cotisations par l'Urssaf ne sont pas contestés et seront donc entérinés.
En conséquence, le montant du redressement de cotisations au titre du chef n° 9 s'élève à 15 807 euros.
10 - acomptes, avances, prêts non récupérés
Les parties s'accordent sur le montant du redressement de cotisations au titre du chef n° 10, étant constaté qu'il a fait l'objet d'une minoration de l'Urssaf après contestation de la société [12].
Le montant des cotisations dues au titre du chef n° 10 sera donc fixé à 872 euros.
11 - frais professionnels non justifiés - indemnité de salissure
Conformément à l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, tout avantage en espèces ou en nature versé en contrepartie ou à l'occasion du travail doit être soumis à cotisations, sauf s'il s'agit de frais professionnels.
L'arrêté du 20 décembre 2002 dispose que 'les frais professionnels s'entendent des charges de caractère spécial inhérentes à la fonction ou à l'emploi du travailleur salarié ou assimilé que celui-ci supporte au titre de l'accomplissement de ses missions.'
Il incombe à l'employeur de rapporter la preuve des frais professionnels exposés par ses salariés.
En l'espèce, les inspecteurs du recouvrement ont constaté que des primes de salissures avaient été versées par la société [12] à plusieurs de ses salariés pour un montant de 754 euros.
La société [12] soutient que ces primes sont liées à la nécessité de procéder au désamiantage des vêtements par les salariés.
Toutefois, elle ne fournit aucune pièce établissant que ces primes correspondent à des frais exposés par les salariés pour le nettoyage ou l'entretien de leurs vêtements en lien avec leur activité professionnelle.
C'est à juste titre que l'Urssaf les a réintégrées dans l'assiette des cotisations après les avoir reconstituées en base brute.
Les calculs de l'Urssaf ne sont pas contestés par la société [12] et seront donc entérinés.
En conséquence, le montant des cotisations dues au titre du chef de redressement n° 11 s'élève à 535 euros.
12 - réduction générale des cotisations : règles générales
La société [12] ne formule aucune contestation sur ce chef de redressement.
Il est la conséquence de la réintégration dans l'assiette des cotisations des indemnités de grand déplacement et des acomptes, avances, prêts non récupérés, c'est à dire des chefs de redressement n° 8 et 10.
Ces chefs étant intégralement confirmés, le montant de la régularisation au titre de la régularisation générale des cotisations sera lui aussi confirmé à hauteur de 6006 euros pour l'année 2015 et 568 euros pour l'année 2016, soit une somme globale de 6574 euros au titre du chef n° 12.
CONCLUSION
Le montant global des cotisations dues au titre des chefs de redressement n° 1 à 12 portant sur la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017 outre les majorations de 10 % se décompose comme suit:
- chef de redressement n° 1 : 4 913 euros + majoration de : 491 euros
- chef de redressement n° 2 : 8 923 euros
- chef de redressement n° 3 :113 764 euros + majoration de : 11 376 euros
- chef de redressement n° 4 : 28 604 euros + majoration de : 2 860 euros
- chef de redressement n° 5 : 9 080 euros
- chef de redressement n° 6 : 3 808 euros
- chef de redressement n° 7 : 68 143 euros + majoration de : 6 814 euros
- chef de redressement n° 8 : 41 893 euros
- chef de redressement n° 9 : 15 807 euros
- chef de redressement n° 10 : 872 euros
- chef de redressement n° 11 : 535 euros
- chef de redressement n° 12 : 6 574 euros
soit un total de : 302 916 euros + majorations de : 21 541 euros.
Le montant global du redressement s'élève donc à 324 457 euros.
En conséquence, le jugement sera infirmé en ce qu'il a :
- débouté la société [12] de ses autres demandes et partant de son recours initié le 10 avril 2020
- validé le redressement opéré par l'Urssaf de Basse-Normandie pour la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017 pour son nouveau montant de 326 103 euros
- fixé la créance de l'Urssaf au titre du redressement de la société [12] portant sur les cotisations et contributions dues au titre de la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017, majorations de redressement incluses à la somme de 326 103 euros;
Statuant à nouveau, il convient de :
- valider le redressement au titre de la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017 à la somme globale de 324 457 euros correspondant à 302 916 euros de cotisations et à 21 541 euros de majorations
- fixer au passif de la procédure de redressement judiciaire de la société [12] la somme de 324 457 euros correspondant à 302 916 euros de cotisations et à 21 541 euros de majorations pour la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017
- débouter la société [12] de ses autres demandes.
III - Sur les dépens
Le montant du redressement étant confirmé quasi intégralement, le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société [12] aux dépens de première instance.
Succombant quasi intégralement en appel, la société [12] sera condamnée à payer les dépens afférents.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Constate que l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de Normandie vient aux droits de l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de Basse-Normandie ;
Déclare recevable la demande en paiement de l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de Normandie formée à l'encontre de la société [12] ;
Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a :
- débouté la société [12] de ses autres demandes et partant de son recours initié le 10 avril 2020
- validé le redressement opéré par l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de Basse-Normandie pour la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017 pour son nouveau montant de 326 103 euros
- fixé la créance de l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de Basse-Normandie au titre du redressement de la société [12] portant sur les cotisations et contributions dues au titre de la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017, majorations de redressement incluses à la somme de 326 103 euros;
L'infirme de ces chefs;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Valide le redressement de l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de Normandie à l'encontre de la société [12] au titre de la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017 à hauteur de la somme globale de 324 457 euros correspondant à 302 916 euros de cotisations et à 21 541 euros de majorations ;
Fixe au passif de la procédure de redressement judiciaire de la société [12] la somme de 324 457 euros correspondant à 302 916 euros de cotisations et à 21 541 euros de majorations pour la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017 ;
Déboute la société [12] de ses autres demandes ;
Condamne la société [12] à payer les dépens d'appel.
LE GREFFIER P/LE PRESIDENT EMPECHE
E. GOULARD E. LE BOURVELLEC