Décisions
CA Rennes, 3e ch. com., 1 octobre 2024, n° 23/02179
RENNES
Arrêt
Autre
3ème Chambre Commerciale
ARRÊT N°340
N° RG 23/02179 - N° Portalis DBVL-V-B7H-TVFG
(Réf 1ère instance : 2022001556)
S.A.R.L. TELECOM MONETIQUE
C/
S.A.R.L. EMERAUDE PREVENTION
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me DUTTO
Me VOISINE
Copie certifiée conforme délivrée
le :
à :
TC Saint-Malo
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 01 OCTOBRE 2024
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,
Assesseur : Madame Fabienne CLEMENT, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Julie ROUET, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 17 Juin 2024 devant Madame Fabienne CLEMENT, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 01 Octobre 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTE :
S.A.R.L. TELECOM MONETIQUE, société immatriculée au RCS de RENNES sous le n° 490 046 026, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me Vincent DUTTO de la SELARL CRESSARD & LE GOFF, AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉE :
S.A.R.L. EMERAUDE PREVENTION, société immatriculée au RCS de Saint-Malo sous le n°530 398 569, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Mélanie VOISINE de la SELARL BALLU-GOUGEON, VOISINE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
FAITS
La société TELECOM MONETIQUE a pour activité principale le conseil en systèmes et logiciels informatiques.
La société EMERAUDE PRÉVENTION est spécialisée dans la prévention des accidents humains ou techniques liés aux installations électriques et aux équipements de travail.
La société TELECOM MONETIQUE a adressé à la société EMERAUDE PREVENTION 4 propositions commerciales :
- proposition commerciale, Réf. : PR2203-3360 : concernant la location de matériel de téléphonie et l'accès internet et assortie d'une redevance mensuelle de 139,20 euros TTC
- proposition commerciale, Réf. : PR2203-3362 : concernant l'abonnement fibre 1 Go et assortie d'une redevance mensuelle de 67,08 euros TTC ;
- proposition commerciale, Réf. : PR2203-3363 : concernant les cautions pour les téléphones et la box internet pour un montant de 524,40 euros TTC ;
- proposition commerciale, Réf. : PR2203-3364, concernant les frais d'installation pour un montant total de 838,80 euros TTC.
Les 4 propositions commerciales ont été retournées à la société TELECOM MONETIQUE revêtues de la signature et du cachet de la société EMERAUDE PREVENTION avec la mention Bon pour accord et la date du 28 mars 2022.
Les propositions commerciales, Réf. : PR2203-3360 et Réf. : PR2203-3362, mentionnaient que :
- la durée du contrat était de 24 mois ;
- le client déclare avoir pris connaissance des conditions générales de prestations de services et de location joints à la présente proposition commerciale et les accepter sans réserve avant de passer commande en retournant la présente proposition commerciale.
Les conditions générales de prestations de services et de location mentionnaient à l'article 3.2 livraison, que :
- le client s'engage lors de la livraison, à signer un procès-verbal de réception contradictoire destiné à certifier la bonne livraison du matériel décrit en conditions particulières, son état apparent ainsi que son bon fonctionnement. Ce procès-verbal de réception attestera ainsi la bonne exécution des obligations de délivrance du Prestataire à l'égard du client. Si le matériel est conforme aux spécifications décrites en conditions particulières et que le test de fonctionnement est satisfaisant, le client sera tenu de signer le procès-verbal de réception.
Les conditions générales de prestations de services et de location mentionnaient à l'article 4.10 conséquences de la résiliation anticipée, que :
- en cas de résiliation anticipée ['] ou de résiliation judiciaire imputable au client, le prestataire aura droit à une indemnité égale à toutes les redevances à échoir jusqu'au terme du contrat, ainsi que le cas échéant, les redevances échues impayées et les intérêts de retard calculés au taux de l'intérêt légal majoré de 5 points.
La société TELECOM MONETIQUE a finalisé les installations le 27 avril 2022.
La société EMERAUDE PREVENTION a signé sans réserve le procès-verbal de réception contradictoire, intitulé « fiche d'intervention FI2204-2432 » daté du 27 avril 2022.
La société EMERAUDE PREVENTION a sollicité une réduction de la redevance mensuelle de la proposition commerciale Réf. PR2203-3360, concernant la location de matériel de téléphonie et l'accès internet.
La société TELECOM MONÉTIQUE lui a adressé le 5 mai 2022 une nouvelle proposition commerciale, portant la référence PR2205-3417, avec un tarif d'abonnement ramené à 106,80 euros TTC/mois.
La société EMERAUDE PREVENTION a décliné cette offre au motif d'un prix encore trop élevé en indiquant que le débit ne correspond pas à ses besoins.
Le 30 mai 2022, la société EMERAUDE PREVENTION a informé la société TELECOM MONETIQUE qu'elle lui restituait l'ensemble du matériel téléphonique.
Par courrier recommandé avec avis de réception du 2 juin 2022, la société TELECOM MONETIQUE a indiqué à société EMERAUDE PREVENTION qu'elle restait redevable de l'ensemble des sommes objets des devis signés.
Ce courrier étant resté sans réponse, la société TELECOM MONETIQUE a fait délivrer à la société EMERAUDE PREVENTION une sommation de payer le 5 septembre 2022.
Cette sommation de payer est restée sans effet.
La société TELECOM MONETIQUE a saisi par requête le président du tribunal de commerce de Saint-Malo d'une demande d'injonction de payer.
Par ordonnance en date du 26 septembre 2022, le président du tribunal a fait droit à cette demande pour la somme globale en principal de 6 313,92 euros TTC .
La société EMERAUDE PREVENTION a formé opposition a l'ordonnance.
Par jugement du 14 mars 2023 le tribunal de commerce de Saint Malo a :
- Prononcé la nullité de la clause de résiliation anticipée ;
- Débouté la société TELECOM MONETIQUE de l'ensemble de ses demandes; -Condamné la société TELECOM MONETIQUE à payer à la société EMERAUDE PREVENTION la somme de 700 euros au titre de l'article 700 du CPC ;
- Mis les dépens, dont frais de greffe d'un montant de 92.65 euros à la charge de la société ÉMERAUDE PRÉVENTION.
La société TELECOM MONÉTIQUE a fait appel du jugement le 6 avril 2023.
L'ordonnance de clôture est en date du 30 mai 2024.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans ses écritures notifiées le 17 mai 2024 la société TELECOM MONÉTIQUE demande à la cour au visa des articles L. 442-1, L. 442-4, III et D. 442-2 du code de commerce, 1103, 1119, 1193, 1212 du code civil de :
' A titre principal
- Déclarer la société TELECOM MONETIQUE recevable et bien-fondée en son appel,
- Annuler le jugement rendu par le tribunal de commerce de Saint- Malo le 14 mars 2023 et à défaut l'infirmer.
Statuant à nouveau :
- Constater que les conditions générales sont valides et opposables à la société EMERAUDE PREVENTION,
- Constater que la société EMERAUDE PREVENTION a mis fin au contrat de façon anticipée et fautive,
- Condamner la société EMERAUDE PREVENTION au paiement de la somme de 5.789,52 euros TTC à la société TELECOM MONETIQUE au titre des frais d'installation et de l'indemnité contractuelle de résiliation, outre indemnité de recouvrement et intérêts de retard (Intérêts au taux légal + 5 points).
. En toute hypothèse :
- Débouter la société EMERAUDE PREVENTION de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- Condamner la société EMERAUDE PREVENTION à verser à la société TELECOM MONETIQUE, la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner la société EMERAUDE PREVENTION aux entiers dépens.
Dans ses conclusions notifiées le 15 mai 2024 la société EMERAUDE PREVENTION demande à la cour au visa d l'alinéa 1 de l'article 1353 du code civil, de l'article 1119 du code civil, 1193 du code civil, article L. 212-1 du code de la consommation et suivants, article 442-1 et -6 du code de commerce, article 1171 du code civil, de :
A titre principal :
- Débouter la société TELECOM MONETIQUE de l'ensemble de ses demandes;
- Déclarer irrecevable la demande d'annulation du jugement déféré par la société TELECOM MONETIQUE ;
- Confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Saint-Malo du 14 mars 2023 en ce qu'il a :
Prononcé la nullité de la clause de résiliation anticipée ;
Débouté la société TELECOM MONETIQUE de l'ensemble de ses demandes;
Condamné la société TELECOM MONETIQUE à payer à la société EMERAUDE PREVENTION la somme de 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la société TELECOM MONETIQUE au paiement de la somme de 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
A titre subsidiaire :
- Rectifier la décision du 14 mars 2023 du tribunal de commerce de Saint-Malo et remplacer les termes « articles L 442-1 et 442-6 du code de la consommation » par les termes « articles L. 212-1 et L. 212-2 du code de la consommation » ;
- Dire et juger que la demande est infondée et injustifiée au titre des frais d'abonnement de téléphonie et fibre ;
- Dire et juger que la clause visant l'indemnité sera annulée ;
- Dire et juger que la société TELECOM MONETIQUE a manqué à son obligation de conseil et
- Condamner cette dernière au paiement de dommages-intérêts équivalents aux montants qui seraient mis à la charge de la société EMERAUDE PREVENTION ;
- Au titre des frais d'installation, Dire et juger que la société TELECOM MONETIQUE a manqué à son obligation de conseil et Condamner cette dernière au paiement de dommages-intérêts équivalents aux montants qui seraient mis à la charge de la société EMERAUDE PREVENTION,
- Au titre des frais de caution et de recouvrement, Débouter la société TELECOM MONETIQUE de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
- Condamner la société TELECOM MONETIQUE au paiement de la somme de 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
A titre infiniment subsidiaire :
- Réduire à de plus justes proportions la sanction de la clause de résiliation s'agissant d'une clause pénale,
- Dire et juger que la société TELECOM MONETIQUE a manqué à son obligation de conseil et Condamner cette dernière au paiement de dommages-intérêts équivalents aux montants qui seraient mis à la charge de la société EMERAUDE PREVENTION,
- Condamner la société TELECOM MONETIQUE au paiement de la somme de 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Il est renvoyé à la lecture des conclusions précitées pour un plus ample exposé des demandes et moyens développés par les parties.
DISCUSSION
Le fondement de la demande de la société EMERAUDE PREVENTION;
1) L' erreur matérielle
Le tribunal de commerce a fait application des articles L442-1 et 442-6 du code de la consommation ainsi que l'article 1171 du code civil pour prononcer la nullité de la clause de résiliation anticipée.
Le code de la consommation ne comporte pas d'articles L442-1 et 442-6.
La société ÉMERAUDE PRÉVENTION est une société commerciale et les parties ont entretenu des relations commerciales.
Les dispositions du code de la consommation ainsi que de l'article 1171 du code civil ne s'appliquent pas au cas d'espèce en raison du principe du non cumul et de non option entre les règles qui sanctionnent le déséquilibre significatif ( Cass com 22 janvier 2022).
Les dispositions du code de commerce sont donc applicables au litige et le jugement du tribunal de commerce est entaché d'une erreur matérielle.
Il convient donc de rectifier le jugement du 14 mars 2023 du tribunal de commerce et de remplacer les termes 'articles L 442-1 et 442-6 du code de la consommation' par les termes article L. 442-1du code de commerce.
2) L'annulation du jugement
Pour s'opposer à l'annulation du jugement la société ÉMERAUDE PRÉVENTION entend faire application des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile, considérant que son adversaire ne peut soumettre à la cour une nouvelle prétention tendant à la nullité du jugement.
L'article 564 du code de procédure civile prévoit :
A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
La demande d'annulation du jugement ne s'analyse pas en une prétention proscrite par le texte susvisé. Ce moyen ne pouvait pas être présenté devant le tribunal dont il est sollicité l'annulation du jugement. Ce moyen vise par ailleurs à faire écarter les demandes de la société ÉMERAUDE PRÉVENTION.
Depuis un arrêt du 18 octobre 2023 la Cour de cassation juge désormais que la règle découlant de l'application combinée des articles L. 442-6, III, devenu L. 442-4, III, et D. 442-3, devenu D. 442-2 du code de commerce, désignant les seules juridictions indiquées par ce dernier texte pour connaître de l'application des dispositions du I et du II de l'article L. 442-6 précité, devenues l'article L. 442-1, institue une règle de compétence d'attribution exclusive et non une fin de non-recevoir.
ll en résulte que la juridiction saisie, si elle n'est pas une juridiction désignée par l'article D. 442-3 précité, doit se déclarer incompétente au profit de la juridiction désignée par ce texte et surseoir à statuer dans l'attente que cette juridiction spécialisée ait statué sur la demande, soit renvoyer l'affaire pour le tout devant cette juridiction spécialisée .
Le moyen par lequel une partie conteste, en application des articles L. 442-6, III, devenu L. 442-4, III, et D. 442-3 précités, la compétence d'une juridiction à connaître d'une demande fondée sur l'article L. 442-6, I, devenu L. 442- 1, du code de commerce, constitue, non pas une fin de non-recevoir mais, une exception d'incompétence qui ne rend pas la demande irrecevable
(Arrêt n° 728 du 18 octobre 2023 Pourvoi n° 21-15.378 Chambre commerciale)
Ce revirement de jurisprudence est applicable aux faits de l'espèce.
Le tribunal de commerce de Saint-Malo, juridiction non spécialisée a statué alors qu'il n'était pas compétent s'agissant d'une compétence exclusive.
Le jugement doit donc être infirmé.
Devant la cour, les dispositions de l'article L 442-1 du code de commerce ne sont plus invoquées.
La créance de la société TELECOM MONÉTIQUE
Les propositions commerciales, Réf. : PR2203-3360 et Réf. : PR2203-3362 portant signature et cachet de la société ÉMERAUDE PRÉVENTION indiquent que :
Le client déclare avoir pris connaissance des conditions générales de prestations de services et de location joints à la présente proposition commerciale et les accepter sans réserve avant de passer commande en retournant la présente proposition commerciale.
Il est donc établi que la société ÉMERAUDE PREVENTION a eu connaissance des conditions générales de prestations de services et de location.
L'article 3.2 de ces conditions générales 'Livraison' prévoit que :
Le Prestataire assure la livraison du matériel à l'établissement du Client désigné en conditions particulières.
...
Le Prestataire remettra au Client lors de la livraison, une notice technique contenant notamment toutes les explications utiles à l'utilisation du matériel loué.
Le Prestataire s'engage à fournir un Matériel conforme aux spécifications de la notice technique.
Le site d'installation du Client devra être aménagé conformément aux normes définies dans la notice technique concernant les raccordements aux réseaux, les branchements électriques, le conditionnement d'air, les revêtements de sols, les isolations techniques, etc.
L'installation sera assurée par le Prestataire à l'établissement du Client. Cette installation consiste en la mise en place du Matériel sur le site d'utilisation notamment en effectuant les raccordements entre les différents appareils livrés, les connexions avec ceux existant chez le Client.
Le Client s'engage, lors de la livraison, à signer un procès-verbal de réception contradictoire destiné à certifier la bonne livraison du matériel décrit en conditions particulières, son état apparent ainsi que son bon fonctionnement.
Ce procès-verbal de réception attestera ainsi la bonne exécution des obligations de délivrance du Prestataire à l'égard du Client.
Pour la signature de ce procès-verbal, les parties vérifieront la conformité du matériel livré par rapport aux spécifications décrites en conditions particulières, inspecteront son état apparent et consigneront sur ce procès-verbal les éventuels dommages (rayures, chocs...), puis réaliseront un test de fonctionnement, permettant de vérifier son bon fonctionnement.
Si le matériel est conforme aux spécifications décrites en conditions particulières et que le test de fonctionnement est satisfaisant, le Client sera tenu de signer le procès-verbal de réception.
L'acceptation du matériel sans signature du procès-verbal de réception, autorise le Prestataire à considérer que le matériel est conforme et en parfait état de structure et de fonctionnement.
Dans hypothèse où des anomalies seraient constatées, le Prestataire disposera d'un délai de 15 jours pour représenter un matériel conforme. La redevance sera alors réduite prorata temporis a concurrence de la période d'indisponibilité.
Le Prestataire devra assurer une formation du personnel du Client appelé à utiliser le Matériel, à l'issue de son installation. Le Client s'engage à ce que les personnes appelées à utiliser le Matériel soient présentes lors de l'installation du Matériel.
La société TELECOM MONÉTIQUE a installé le matériel le 27 avril 2022.
La fiche d'intervention du 27 avril 2022 portant la signature et le cachet de la société ÉMERAUDE PRÉVENTION fait bien état de l'installation de la box fibre et la migration de l'informatique sur la nouvelle fibre, de l'installation du poste standard et de l'installation des 3 sans fil.
La société ÉMERAUDE PRÉVENTION n'a émis aucune réserve alors qu'il était prévu que l'installation était soumise à un test de fonctionnement conformément aux dispositions prévues aux conditions générales.
Le 5 mai 2022 la société TELECOM MONÉTIQUE a présenté à la société ÉMERAUDE PRÉVENTION une nouvelle offre concernant la solution Intégral pro, moins onéreuse, cette dernière dénonçant un débit ne correspondant pas à ses besoins.
Cette nouvelle proposition ne constitue pas une résiliation du contrat en cours à l'initiative de la société TELECOM MONÉTIQUE. Elle ne vise pas toutes les prestations prévues aux 4 offres qui ont été acceptées. Il s'agit uniquement d'un geste commercial relatif aux conditions financières de l'abonnement.
En refusant cette nouvelle proposition le 16 mai 2022 et en restituant le matériel le 30 mai 2022 (1 standard, 3 sans fil, 1 box et leurs câbles) la société ÉMERAUDE PRÉVENTION est à l'origine d'une résiliation unilatérale du contrat.
L'article 4.9 des conditions générales de prestations de services et de location prévoit notamment que :
En cas de résiliation de contrat imputable au Client, le Prestataire percevra l'indemnité visées à l'article 4.10.
L'article 4. 10 Conséquences de la résiliation anticipée précise :
En cas de résiliation anticipée dans les conditions définies à l'article précédent ou de résiliation judiciaire imputable au Client, le Prestataire aura droit à une indemnité égale à toutes les redevances à échoir jusqu'au terme du contrat, ainsi que le cas échéant, les redevances échues impayées et les intérêts de retard calculés au taux de l'intérêt légal majoré de 5 points. Les intérêts commenceront à courir à compter de la première présentation au Client de la lettre de résiliation.
Le Client perd tout droit de jouissance sur le Matériel loué, ainsi que l'accès aux services de communication électroniques et au droit d'usage du logiciel y associé.
Cette clause litigieuse présente un caractère comminatoire. Elle vise à contraindre la locataire à exécuter le contrat jusqu'à son terme. Elle constitue donc une clause pénale.
En vertu de l'article 1231-5 du code civil, le juge a un pouvoir modérateur.
Au regard de l'inadéquation de l'installation aux besoins de la société ÉMERAUDE PRÉVENTION ce dont elle ne pouvait se rendre compte qu'après usage de son nouveau réseau il convient de réduire l'indemnité de résiliation et de fixer son montant à la somme de 2000 euros.
La société ÉMERAUDE PRÉVENTION est condamnée à régler à la société TELECOM MONÉTIQUE la somme de 2000 euros au titre de l'indemnité de résiliation.
La demande au titre de l'indemnité de recouvrement et des intérêts de retard est rejetée.
La demande dommages et intérêts de la société ÉMERAUDE PRÉVENTION
En matière de prestations de services informatiques le fournisseur a l'obligation de s'assurer que les prestations qu'il propose, répondent aux besoins de son client qu'il aura analysés grâce au cahier des charges. Son obligation de délivrance conforme l'oblige à respecter un devoir de conseil vis à vis de son client.
La société TELECOM MONÉTIQUE ne démontre pas qu'elle a bien respecté ce devoir de conseil. Dans le cas contraire la société ÉMERAUDE PRÉVENTION se serait aperçue que les offres de fibre n'étaient pas adaptées à ses flux. Elle aurait donc été en mesure de les refuser ou de les faire modifier avant de s'engager.
Les manquements de la société TELECOM MONETIQUE justifie sa condamnation à indemniser la société ÉMERAUDE PREVENTION.
Il convient de condamner la société TELECOM MONÉTIQUE à indemniser la société ÉMERAUDE PREVENTION à hauteur des frais d'installation qu'elle a réglés soit à la somme de 838,80 euros.
Les demandes annexes
Il n'est pas inéquitable de rejeter les demandes au titre de l'article 700 du code d procédure civile.
Chaque partie conserve la charge de ses dépens.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Infirme le jugement du 14 mars 2023 ;
Statuant à nouveau :
Condamne la société ÉMERAUDE PRÉVENTION à régler à la société TELECOM MONÉTIQUE la somme de 2000 euros au titre de l'indemnité de résiliation ;
Condamne la société TELECOM MONÉTIQUE à régler à la société ÉMERAUDE PREVENTION la somme de 838,80 euros ;
Rejette les autres demandes ;
Dit que chaque partie conserve la charge des ses dépens.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
ARRÊT N°340
N° RG 23/02179 - N° Portalis DBVL-V-B7H-TVFG
(Réf 1ère instance : 2022001556)
S.A.R.L. TELECOM MONETIQUE
C/
S.A.R.L. EMERAUDE PREVENTION
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me DUTTO
Me VOISINE
Copie certifiée conforme délivrée
le :
à :
TC Saint-Malo
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 01 OCTOBRE 2024
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,
Assesseur : Madame Fabienne CLEMENT, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Julie ROUET, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 17 Juin 2024 devant Madame Fabienne CLEMENT, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 01 Octobre 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTE :
S.A.R.L. TELECOM MONETIQUE, société immatriculée au RCS de RENNES sous le n° 490 046 026, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me Vincent DUTTO de la SELARL CRESSARD & LE GOFF, AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉE :
S.A.R.L. EMERAUDE PREVENTION, société immatriculée au RCS de Saint-Malo sous le n°530 398 569, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Mélanie VOISINE de la SELARL BALLU-GOUGEON, VOISINE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
FAITS
La société TELECOM MONETIQUE a pour activité principale le conseil en systèmes et logiciels informatiques.
La société EMERAUDE PRÉVENTION est spécialisée dans la prévention des accidents humains ou techniques liés aux installations électriques et aux équipements de travail.
La société TELECOM MONETIQUE a adressé à la société EMERAUDE PREVENTION 4 propositions commerciales :
- proposition commerciale, Réf. : PR2203-3360 : concernant la location de matériel de téléphonie et l'accès internet et assortie d'une redevance mensuelle de 139,20 euros TTC
- proposition commerciale, Réf. : PR2203-3362 : concernant l'abonnement fibre 1 Go et assortie d'une redevance mensuelle de 67,08 euros TTC ;
- proposition commerciale, Réf. : PR2203-3363 : concernant les cautions pour les téléphones et la box internet pour un montant de 524,40 euros TTC ;
- proposition commerciale, Réf. : PR2203-3364, concernant les frais d'installation pour un montant total de 838,80 euros TTC.
Les 4 propositions commerciales ont été retournées à la société TELECOM MONETIQUE revêtues de la signature et du cachet de la société EMERAUDE PREVENTION avec la mention Bon pour accord et la date du 28 mars 2022.
Les propositions commerciales, Réf. : PR2203-3360 et Réf. : PR2203-3362, mentionnaient que :
- la durée du contrat était de 24 mois ;
- le client déclare avoir pris connaissance des conditions générales de prestations de services et de location joints à la présente proposition commerciale et les accepter sans réserve avant de passer commande en retournant la présente proposition commerciale.
Les conditions générales de prestations de services et de location mentionnaient à l'article 3.2 livraison, que :
- le client s'engage lors de la livraison, à signer un procès-verbal de réception contradictoire destiné à certifier la bonne livraison du matériel décrit en conditions particulières, son état apparent ainsi que son bon fonctionnement. Ce procès-verbal de réception attestera ainsi la bonne exécution des obligations de délivrance du Prestataire à l'égard du client. Si le matériel est conforme aux spécifications décrites en conditions particulières et que le test de fonctionnement est satisfaisant, le client sera tenu de signer le procès-verbal de réception.
Les conditions générales de prestations de services et de location mentionnaient à l'article 4.10 conséquences de la résiliation anticipée, que :
- en cas de résiliation anticipée ['] ou de résiliation judiciaire imputable au client, le prestataire aura droit à une indemnité égale à toutes les redevances à échoir jusqu'au terme du contrat, ainsi que le cas échéant, les redevances échues impayées et les intérêts de retard calculés au taux de l'intérêt légal majoré de 5 points.
La société TELECOM MONETIQUE a finalisé les installations le 27 avril 2022.
La société EMERAUDE PREVENTION a signé sans réserve le procès-verbal de réception contradictoire, intitulé « fiche d'intervention FI2204-2432 » daté du 27 avril 2022.
La société EMERAUDE PREVENTION a sollicité une réduction de la redevance mensuelle de la proposition commerciale Réf. PR2203-3360, concernant la location de matériel de téléphonie et l'accès internet.
La société TELECOM MONÉTIQUE lui a adressé le 5 mai 2022 une nouvelle proposition commerciale, portant la référence PR2205-3417, avec un tarif d'abonnement ramené à 106,80 euros TTC/mois.
La société EMERAUDE PREVENTION a décliné cette offre au motif d'un prix encore trop élevé en indiquant que le débit ne correspond pas à ses besoins.
Le 30 mai 2022, la société EMERAUDE PREVENTION a informé la société TELECOM MONETIQUE qu'elle lui restituait l'ensemble du matériel téléphonique.
Par courrier recommandé avec avis de réception du 2 juin 2022, la société TELECOM MONETIQUE a indiqué à société EMERAUDE PREVENTION qu'elle restait redevable de l'ensemble des sommes objets des devis signés.
Ce courrier étant resté sans réponse, la société TELECOM MONETIQUE a fait délivrer à la société EMERAUDE PREVENTION une sommation de payer le 5 septembre 2022.
Cette sommation de payer est restée sans effet.
La société TELECOM MONETIQUE a saisi par requête le président du tribunal de commerce de Saint-Malo d'une demande d'injonction de payer.
Par ordonnance en date du 26 septembre 2022, le président du tribunal a fait droit à cette demande pour la somme globale en principal de 6 313,92 euros TTC .
La société EMERAUDE PREVENTION a formé opposition a l'ordonnance.
Par jugement du 14 mars 2023 le tribunal de commerce de Saint Malo a :
- Prononcé la nullité de la clause de résiliation anticipée ;
- Débouté la société TELECOM MONETIQUE de l'ensemble de ses demandes; -Condamné la société TELECOM MONETIQUE à payer à la société EMERAUDE PREVENTION la somme de 700 euros au titre de l'article 700 du CPC ;
- Mis les dépens, dont frais de greffe d'un montant de 92.65 euros à la charge de la société ÉMERAUDE PRÉVENTION.
La société TELECOM MONÉTIQUE a fait appel du jugement le 6 avril 2023.
L'ordonnance de clôture est en date du 30 mai 2024.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans ses écritures notifiées le 17 mai 2024 la société TELECOM MONÉTIQUE demande à la cour au visa des articles L. 442-1, L. 442-4, III et D. 442-2 du code de commerce, 1103, 1119, 1193, 1212 du code civil de :
' A titre principal
- Déclarer la société TELECOM MONETIQUE recevable et bien-fondée en son appel,
- Annuler le jugement rendu par le tribunal de commerce de Saint- Malo le 14 mars 2023 et à défaut l'infirmer.
Statuant à nouveau :
- Constater que les conditions générales sont valides et opposables à la société EMERAUDE PREVENTION,
- Constater que la société EMERAUDE PREVENTION a mis fin au contrat de façon anticipée et fautive,
- Condamner la société EMERAUDE PREVENTION au paiement de la somme de 5.789,52 euros TTC à la société TELECOM MONETIQUE au titre des frais d'installation et de l'indemnité contractuelle de résiliation, outre indemnité de recouvrement et intérêts de retard (Intérêts au taux légal + 5 points).
. En toute hypothèse :
- Débouter la société EMERAUDE PREVENTION de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- Condamner la société EMERAUDE PREVENTION à verser à la société TELECOM MONETIQUE, la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner la société EMERAUDE PREVENTION aux entiers dépens.
Dans ses conclusions notifiées le 15 mai 2024 la société EMERAUDE PREVENTION demande à la cour au visa d l'alinéa 1 de l'article 1353 du code civil, de l'article 1119 du code civil, 1193 du code civil, article L. 212-1 du code de la consommation et suivants, article 442-1 et -6 du code de commerce, article 1171 du code civil, de :
A titre principal :
- Débouter la société TELECOM MONETIQUE de l'ensemble de ses demandes;
- Déclarer irrecevable la demande d'annulation du jugement déféré par la société TELECOM MONETIQUE ;
- Confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Saint-Malo du 14 mars 2023 en ce qu'il a :
Prononcé la nullité de la clause de résiliation anticipée ;
Débouté la société TELECOM MONETIQUE de l'ensemble de ses demandes;
Condamné la société TELECOM MONETIQUE à payer à la société EMERAUDE PREVENTION la somme de 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la société TELECOM MONETIQUE au paiement de la somme de 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
A titre subsidiaire :
- Rectifier la décision du 14 mars 2023 du tribunal de commerce de Saint-Malo et remplacer les termes « articles L 442-1 et 442-6 du code de la consommation » par les termes « articles L. 212-1 et L. 212-2 du code de la consommation » ;
- Dire et juger que la demande est infondée et injustifiée au titre des frais d'abonnement de téléphonie et fibre ;
- Dire et juger que la clause visant l'indemnité sera annulée ;
- Dire et juger que la société TELECOM MONETIQUE a manqué à son obligation de conseil et
- Condamner cette dernière au paiement de dommages-intérêts équivalents aux montants qui seraient mis à la charge de la société EMERAUDE PREVENTION ;
- Au titre des frais d'installation, Dire et juger que la société TELECOM MONETIQUE a manqué à son obligation de conseil et Condamner cette dernière au paiement de dommages-intérêts équivalents aux montants qui seraient mis à la charge de la société EMERAUDE PREVENTION,
- Au titre des frais de caution et de recouvrement, Débouter la société TELECOM MONETIQUE de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
- Condamner la société TELECOM MONETIQUE au paiement de la somme de 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
A titre infiniment subsidiaire :
- Réduire à de plus justes proportions la sanction de la clause de résiliation s'agissant d'une clause pénale,
- Dire et juger que la société TELECOM MONETIQUE a manqué à son obligation de conseil et Condamner cette dernière au paiement de dommages-intérêts équivalents aux montants qui seraient mis à la charge de la société EMERAUDE PREVENTION,
- Condamner la société TELECOM MONETIQUE au paiement de la somme de 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Il est renvoyé à la lecture des conclusions précitées pour un plus ample exposé des demandes et moyens développés par les parties.
DISCUSSION
Le fondement de la demande de la société EMERAUDE PREVENTION;
1) L' erreur matérielle
Le tribunal de commerce a fait application des articles L442-1 et 442-6 du code de la consommation ainsi que l'article 1171 du code civil pour prononcer la nullité de la clause de résiliation anticipée.
Le code de la consommation ne comporte pas d'articles L442-1 et 442-6.
La société ÉMERAUDE PRÉVENTION est une société commerciale et les parties ont entretenu des relations commerciales.
Les dispositions du code de la consommation ainsi que de l'article 1171 du code civil ne s'appliquent pas au cas d'espèce en raison du principe du non cumul et de non option entre les règles qui sanctionnent le déséquilibre significatif ( Cass com 22 janvier 2022).
Les dispositions du code de commerce sont donc applicables au litige et le jugement du tribunal de commerce est entaché d'une erreur matérielle.
Il convient donc de rectifier le jugement du 14 mars 2023 du tribunal de commerce et de remplacer les termes 'articles L 442-1 et 442-6 du code de la consommation' par les termes article L. 442-1du code de commerce.
2) L'annulation du jugement
Pour s'opposer à l'annulation du jugement la société ÉMERAUDE PRÉVENTION entend faire application des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile, considérant que son adversaire ne peut soumettre à la cour une nouvelle prétention tendant à la nullité du jugement.
L'article 564 du code de procédure civile prévoit :
A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
La demande d'annulation du jugement ne s'analyse pas en une prétention proscrite par le texte susvisé. Ce moyen ne pouvait pas être présenté devant le tribunal dont il est sollicité l'annulation du jugement. Ce moyen vise par ailleurs à faire écarter les demandes de la société ÉMERAUDE PRÉVENTION.
Depuis un arrêt du 18 octobre 2023 la Cour de cassation juge désormais que la règle découlant de l'application combinée des articles L. 442-6, III, devenu L. 442-4, III, et D. 442-3, devenu D. 442-2 du code de commerce, désignant les seules juridictions indiquées par ce dernier texte pour connaître de l'application des dispositions du I et du II de l'article L. 442-6 précité, devenues l'article L. 442-1, institue une règle de compétence d'attribution exclusive et non une fin de non-recevoir.
ll en résulte que la juridiction saisie, si elle n'est pas une juridiction désignée par l'article D. 442-3 précité, doit se déclarer incompétente au profit de la juridiction désignée par ce texte et surseoir à statuer dans l'attente que cette juridiction spécialisée ait statué sur la demande, soit renvoyer l'affaire pour le tout devant cette juridiction spécialisée .
Le moyen par lequel une partie conteste, en application des articles L. 442-6, III, devenu L. 442-4, III, et D. 442-3 précités, la compétence d'une juridiction à connaître d'une demande fondée sur l'article L. 442-6, I, devenu L. 442- 1, du code de commerce, constitue, non pas une fin de non-recevoir mais, une exception d'incompétence qui ne rend pas la demande irrecevable
(Arrêt n° 728 du 18 octobre 2023 Pourvoi n° 21-15.378 Chambre commerciale)
Ce revirement de jurisprudence est applicable aux faits de l'espèce.
Le tribunal de commerce de Saint-Malo, juridiction non spécialisée a statué alors qu'il n'était pas compétent s'agissant d'une compétence exclusive.
Le jugement doit donc être infirmé.
Devant la cour, les dispositions de l'article L 442-1 du code de commerce ne sont plus invoquées.
La créance de la société TELECOM MONÉTIQUE
Les propositions commerciales, Réf. : PR2203-3360 et Réf. : PR2203-3362 portant signature et cachet de la société ÉMERAUDE PRÉVENTION indiquent que :
Le client déclare avoir pris connaissance des conditions générales de prestations de services et de location joints à la présente proposition commerciale et les accepter sans réserve avant de passer commande en retournant la présente proposition commerciale.
Il est donc établi que la société ÉMERAUDE PREVENTION a eu connaissance des conditions générales de prestations de services et de location.
L'article 3.2 de ces conditions générales 'Livraison' prévoit que :
Le Prestataire assure la livraison du matériel à l'établissement du Client désigné en conditions particulières.
...
Le Prestataire remettra au Client lors de la livraison, une notice technique contenant notamment toutes les explications utiles à l'utilisation du matériel loué.
Le Prestataire s'engage à fournir un Matériel conforme aux spécifications de la notice technique.
Le site d'installation du Client devra être aménagé conformément aux normes définies dans la notice technique concernant les raccordements aux réseaux, les branchements électriques, le conditionnement d'air, les revêtements de sols, les isolations techniques, etc.
L'installation sera assurée par le Prestataire à l'établissement du Client. Cette installation consiste en la mise en place du Matériel sur le site d'utilisation notamment en effectuant les raccordements entre les différents appareils livrés, les connexions avec ceux existant chez le Client.
Le Client s'engage, lors de la livraison, à signer un procès-verbal de réception contradictoire destiné à certifier la bonne livraison du matériel décrit en conditions particulières, son état apparent ainsi que son bon fonctionnement.
Ce procès-verbal de réception attestera ainsi la bonne exécution des obligations de délivrance du Prestataire à l'égard du Client.
Pour la signature de ce procès-verbal, les parties vérifieront la conformité du matériel livré par rapport aux spécifications décrites en conditions particulières, inspecteront son état apparent et consigneront sur ce procès-verbal les éventuels dommages (rayures, chocs...), puis réaliseront un test de fonctionnement, permettant de vérifier son bon fonctionnement.
Si le matériel est conforme aux spécifications décrites en conditions particulières et que le test de fonctionnement est satisfaisant, le Client sera tenu de signer le procès-verbal de réception.
L'acceptation du matériel sans signature du procès-verbal de réception, autorise le Prestataire à considérer que le matériel est conforme et en parfait état de structure et de fonctionnement.
Dans hypothèse où des anomalies seraient constatées, le Prestataire disposera d'un délai de 15 jours pour représenter un matériel conforme. La redevance sera alors réduite prorata temporis a concurrence de la période d'indisponibilité.
Le Prestataire devra assurer une formation du personnel du Client appelé à utiliser le Matériel, à l'issue de son installation. Le Client s'engage à ce que les personnes appelées à utiliser le Matériel soient présentes lors de l'installation du Matériel.
La société TELECOM MONÉTIQUE a installé le matériel le 27 avril 2022.
La fiche d'intervention du 27 avril 2022 portant la signature et le cachet de la société ÉMERAUDE PRÉVENTION fait bien état de l'installation de la box fibre et la migration de l'informatique sur la nouvelle fibre, de l'installation du poste standard et de l'installation des 3 sans fil.
La société ÉMERAUDE PRÉVENTION n'a émis aucune réserve alors qu'il était prévu que l'installation était soumise à un test de fonctionnement conformément aux dispositions prévues aux conditions générales.
Le 5 mai 2022 la société TELECOM MONÉTIQUE a présenté à la société ÉMERAUDE PRÉVENTION une nouvelle offre concernant la solution Intégral pro, moins onéreuse, cette dernière dénonçant un débit ne correspondant pas à ses besoins.
Cette nouvelle proposition ne constitue pas une résiliation du contrat en cours à l'initiative de la société TELECOM MONÉTIQUE. Elle ne vise pas toutes les prestations prévues aux 4 offres qui ont été acceptées. Il s'agit uniquement d'un geste commercial relatif aux conditions financières de l'abonnement.
En refusant cette nouvelle proposition le 16 mai 2022 et en restituant le matériel le 30 mai 2022 (1 standard, 3 sans fil, 1 box et leurs câbles) la société ÉMERAUDE PRÉVENTION est à l'origine d'une résiliation unilatérale du contrat.
L'article 4.9 des conditions générales de prestations de services et de location prévoit notamment que :
En cas de résiliation de contrat imputable au Client, le Prestataire percevra l'indemnité visées à l'article 4.10.
L'article 4. 10 Conséquences de la résiliation anticipée précise :
En cas de résiliation anticipée dans les conditions définies à l'article précédent ou de résiliation judiciaire imputable au Client, le Prestataire aura droit à une indemnité égale à toutes les redevances à échoir jusqu'au terme du contrat, ainsi que le cas échéant, les redevances échues impayées et les intérêts de retard calculés au taux de l'intérêt légal majoré de 5 points. Les intérêts commenceront à courir à compter de la première présentation au Client de la lettre de résiliation.
Le Client perd tout droit de jouissance sur le Matériel loué, ainsi que l'accès aux services de communication électroniques et au droit d'usage du logiciel y associé.
Cette clause litigieuse présente un caractère comminatoire. Elle vise à contraindre la locataire à exécuter le contrat jusqu'à son terme. Elle constitue donc une clause pénale.
En vertu de l'article 1231-5 du code civil, le juge a un pouvoir modérateur.
Au regard de l'inadéquation de l'installation aux besoins de la société ÉMERAUDE PRÉVENTION ce dont elle ne pouvait se rendre compte qu'après usage de son nouveau réseau il convient de réduire l'indemnité de résiliation et de fixer son montant à la somme de 2000 euros.
La société ÉMERAUDE PRÉVENTION est condamnée à régler à la société TELECOM MONÉTIQUE la somme de 2000 euros au titre de l'indemnité de résiliation.
La demande au titre de l'indemnité de recouvrement et des intérêts de retard est rejetée.
La demande dommages et intérêts de la société ÉMERAUDE PRÉVENTION
En matière de prestations de services informatiques le fournisseur a l'obligation de s'assurer que les prestations qu'il propose, répondent aux besoins de son client qu'il aura analysés grâce au cahier des charges. Son obligation de délivrance conforme l'oblige à respecter un devoir de conseil vis à vis de son client.
La société TELECOM MONÉTIQUE ne démontre pas qu'elle a bien respecté ce devoir de conseil. Dans le cas contraire la société ÉMERAUDE PRÉVENTION se serait aperçue que les offres de fibre n'étaient pas adaptées à ses flux. Elle aurait donc été en mesure de les refuser ou de les faire modifier avant de s'engager.
Les manquements de la société TELECOM MONETIQUE justifie sa condamnation à indemniser la société ÉMERAUDE PREVENTION.
Il convient de condamner la société TELECOM MONÉTIQUE à indemniser la société ÉMERAUDE PREVENTION à hauteur des frais d'installation qu'elle a réglés soit à la somme de 838,80 euros.
Les demandes annexes
Il n'est pas inéquitable de rejeter les demandes au titre de l'article 700 du code d procédure civile.
Chaque partie conserve la charge de ses dépens.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Infirme le jugement du 14 mars 2023 ;
Statuant à nouveau :
Condamne la société ÉMERAUDE PRÉVENTION à régler à la société TELECOM MONÉTIQUE la somme de 2000 euros au titre de l'indemnité de résiliation ;
Condamne la société TELECOM MONÉTIQUE à régler à la société ÉMERAUDE PREVENTION la somme de 838,80 euros ;
Rejette les autres demandes ;
Dit que chaque partie conserve la charge des ses dépens.
LE GREFFIER LE PRESIDENT