CA Versailles, ch. civ. 1-2, 1 octobre 2024, n° 23/03070
VERSAILLES
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
France Pac Environnement (SA)
Défendeur :
France Pac Environnement (SAS), BNP Paribas Personal Finance (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Javelas
Conseillers :
M. Pinoy, Mme Thivellier
Avocats :
Me Guilluy, Me Delomel, Me Karm, Me Mendes Gil
EXPOSE DU LITIGE
Le 1er juillet 2020, à la suite d'un démarchage à domicile, Mme [H] [P] a acquis de la société France Pac Environnement une installation photovoltaïque financée par un crédit de 29 900 euros au taux nominal de 4,84% l'an, remboursable en cent quatre-vingt mensualités de 238,72 euros hors assurance, souscrit auprès de la société BNP Paribas Personal Finance.
Cette installation a été achevée le 16 juillet 2020, Mme [P] ayant par acte du même jour demandé à la société BNP Paribas Personal Finance d'en payer le prix et l'ayant autorisée à prélever sur son compte bancaire les mensualités du contrat de crédit.
Par jugement du 15 septembre 2021, le tribunal de commerce de Créteil a ouvert à l'encontre de la société France Pac Environnement une procédure de liquidation judiciaire et désigné la société S21Y en qualité de liquidateur.
Soutenant que des irrégularités affectaient le contrat de vente, que son consentement aurait été vicié en raison de man'uvres dolosives, et que le contrat serait dépourvu de cause, Mme [P] a, par actes d'huissiers signifiés les 16 et 18 novembre 2021, fait assigner les sociétés France Pac Environnement et BNP Paribas Personal Finance en annulation des contrats principal et de crédit affecté, subsidiairement en résolution de ces contrats, en restitution des sommes versées au titre du crédit et en paiement de dommages intérêts.
Par acte d'huissier signifié le 31 octobre 2022, Mme [P] a fait assigner en intervention forcée la société S21Y ès qualités de liquidateur de la société France Pac Environnement. Enregistrée sous le numéro 11-22-685, cette instance a été jointe à la précédente le 18 novembre 2022.
Par jugement réputé contradictoire du 17 avril 2023, le juge des contentieux et de la protection du tribunal de proximité de Mantes-la-Jolie a :
- déclaré irrecevables les demandes en paiement de la société BNP Paribas Personal Finance dirigées contre la société France Pac Environnement,
- rejeté les demandes de Mme [P] et le surplus de celles de la société BNP Paribas Personal Finance,
- condamné Mme [P] aux dépens.
Par déclaration déposée au greffe le 12 mai 2023, Mme [P] a relevé appel de ce jugement.
Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 12 janvier 2024, Mme [P], appelante, demande à la cour de :
- la déclarer recevable et bien fondée en son appel,
- infirmer le jugement de première instance en toutes ses dispositions.
Et statuant à nouveau,
S'agissant des contrats :
A titre principal,
- prononcer l'annulation du contrat de vente qu'elle a conclu le 1er juillet 2020 avec la société France Pac Environnement,
- prononcer l'annulation du contrat de crédit affecté qu'elle a conclu le 15 juillet 2020 avec la société BNP Paribas Personal Finance,
A titre subsidiaire,
- prononcer la résolution du contrat de vente qu'elle a conclu le 1er juillet 2020 avec la société France Pac Environnement,
- prononcer la résolution du contrat de crédit affecté qu'elle a conclu le 1er juillet 2020 avec la société BNP Paribas Personal Finance,
S'agissant des conséquences de l'anéantissement des contrats,
A titre principal,
- juger et retenir que la dispense de restitution du capital du contrat de crédit est une sanction effective, proportionné et dissuasive au regard des fautes commises par la société BNP Paribas Personal Finance,
- débouter la société BNP Paribas Personal Finance de sa demande de remboursement de capital à son encontre et la condamner à lui rembourser la totalité des échéances versées.
A titre subsidiaire,
- ordonner à la société BNP Paribas Personal Finance de récupérer les capitaux versés auprès de la liquidation judiciaire de la société France Pac Environnement, compte tenu du préjudice qu'elle a subi en lien avec les fautes commises par la banque,
- débouter la société BNP Paribas Personal Finance de sa demande de remboursement de capital à son encontre et la condamner à lui rembourser la totalité des échéances versées.
En tout état de cause,
- débouter la société BNP Paribas Personal Finance de l'ensemble de ses demandes,
- juger qu'elle devra laisser l'installation à la disposition de la liquidation judiciaire de la société France Pac Environnement, durant un délai de deux mois à compter de la signification du jugement à intervenir, afin qu'elle puisse réaliser les travaux de démontage et de réinstallation.
- condamner la société BNP Paribas Personal Finance à lui verser la somme de 8 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
- condamner la même aux entiers dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 13 octobre 2023, la société BNP Paribas Personal Finance, intimée, demande à la cour de :
- confirmer le jugement rendu par le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Mantes-la-Jolie le 17 avril 2023 en ce qu'il a rejeté les demandes de Mme [P] et en ce qu'il a condamné Mme [P] aux dépens,
Statuant à nouveau,
A titre principal,
- débouter Mme [P] de ses demandes en nullité et en résolution du contrat conclu avec la société France Pac Environnement, ainsi que de ses demandes en nullité et en résolution du contrat de crédit conclu avec elle et de sa demande en restitution des mensualités réglées,
- constater que la déchéance du terme a été prononcée, à défaut prononcer la résiliation judiciaire du contrat de crédit du fait des impayés avec effet au 7 février 2023,
En tout état de cause,
- condamner Mme [P] à lui payer la somme de 30 591,77 euros avec les intérêts au taux contractuel de 4,84% l'an à compter du 7 février 2023,
Subsidiairement, en cas de nullité ou résolution des contrats,
- débouter Mme [P] de sa demande visant à être déchargée de l'obligation de restituer le capital prêté,
- condamner, en conséquence, Mme [P] à lui régler la somme de 29 900 euros en restitution du capital prêté au titre du contrat de crédit,
Très subsidiairement,
- limiter la réparation qu'elle lui devrait eu égard au préjudice effectivement subi par l'emprunteur à charge pour lui de l'établir et eu égard à la faute de l'emprunteur ayant concouru à son propre préjudice,
- limiter, en conséquence, la décharge à concurrence du préjudice subi à charge pour Mme [P] d'en justifier,
A titre infiniment subsidiaire, en cas de privation de sa créance,
- condamner Mme [P] à lui payer la somme de 29 900 euros correspondant au capital perdu au titre du contrat de crédit à titre de dommages et intérêts en réparation de sa légèreté blâmable,
- enjoindre à Mme [P], de restituer, à ses frais, le matériel installé chez elle à la Selarl S21Y, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société France Pac Environnement, dans un délai de 15 jours à compter de la signification de l'arrêt,
- dire et juger qu'à défaut de restitution, elle restera tenue de la restitution du capital prêté,
Subsidiairement,
- priver Mme [P] de sa créance en restitution des sommes réglées du fait de sa légèreté blâmable,
- débouter Mme [P] de toutes autres demandes, fins et conclusions,
- ordonner le cas échéant la compensation des créances réciproques à due concurrence,
En tout état de cause,
- condamner Mme [P], à lui payer la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel de l'article 700 du code de procédure civile
- la condamner aux entiers dépens de l'instance avec distraction au profit de la Selas Cloix & Mendes-Gill.
La société S21Y, prise en la personne de Me [Y], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société France Pac Environnement, n'a pas constitué avocat. La déclaration d'appel et les conclusions de l'appelante lui ont été signifiées à personne morale par actes de commissaire de justice des 5 et 19 juillet 2023.
La société S21Y ayant été assignée à personne, la cour statuera par arrêt réputé contradictoire, en application des dispositions de l'article 474, alinéa 1er, du code de procédure civile.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 28 mars 2024.
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.
MOTIFS DE LA DÉCISION
I) Sur la demande d'annulation des contrats de vente et de crédit affecté
Moyens des parties
Mme [P], appelante, fait grief au premier juge d'avoir rejeté sa demande d'annulation des contrats de vente et de crédit affecté, motif pris de ce que les irrégularités qui affectaient le bon de commande avaient été couvertes par le fait que Mme [P] avait eu connaissance de ces irrégularités, les dispositions de l'article L.111-1 du code de la consommation étant reproduites au verso du bon de commande, et par le fait que Mme [P] avait exécuté sans la moindre réserve le contrat de vente principal.
Poursuivant l'infirmation de ce chef du jugement, Mme [P] développe, à hauteur de cour, les moyens suivants :
- le bon de commande revêtu de sa signature n'est pas conforme aux exigences du code de la consommation en ce qu'il ne précise pas suffisamment les caractéristiques des biens acquis - marques, modèles - ne détaille pas le prix, ne fait pas mention d'un délai de livraison et de l'exécution de la prestation de services précis, ni du nom et du prénom du représentant de la société France Pac Environnement ayant signé le contrat,
- contrairement à ce qui a été retenu par le premier juge, la nullité n'a pas été couverte, dès lors qu'elle ignorait tout des nullités affectant le bon de commande et a contesté, dès le mois d'avril 2021, les travaux exécutés au mois de juillet 2020,
- le délai légal de rétractation n'a pas été respecté, les travaux ayant été exécutés les 7 et 8 juillet 2020, alors même que le bon de commande avait été signé le 1er juillet 2020,
- à titre subsidiaire, le contrat de vente doit être résolu, en raison du fait que le vendeur n'a pas respecté l'intégralité de ses obligations, dès lors que l'installation comporte des malfaçons, les aides financières promises n'ont jamais été octroyées, aucune attestation de fin de travaux ne lui a été remise par le vendeur, mais une simple attestation de livraison ne comportant aucune précision sur les prestations accomplies.
La banque intimée, qui conclut à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation des contrats de vente et de crédit affecté, de répliquer que :
- Mme [P] est de mauvaise foi et cherche à détourner la cause de nullité de son objet en sachant qu'elle conservera le bien acquis du fait de l'impossibilité matérielle du vendeur de le récupérer,
- le bon de commande ne comporte aucune irrégularité formelle ; il mentionne les délais de livraison, et le prix global, ce qui est suffisant au regard des exigences du code de la consommation, l'article L.221-5 du code de la consommation ne prévoit pas que le bon de commande devrait comporter les nom et prénom du démarcheur à peine de nullité,
- rien n'empêche l'exécution de la prestation dans les 14 jours, dès lors que le consommateur ne se trouve pas privé d'exercer son droit de rétractation,
- Mme [P] n'a subi aucun préjudice ce qui l'empêche de solliciter la nullité du contrat de vente,
- à titre subsidiaire, les nullités relatives tenant aux irrégularités affectant le bon de commande ont été couvertes par l'exécution volontaire du contrat principal.
Réponse de la cour
L'article 1103 du code civil dispose que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
Le fait de rechercher l'annulation du contrat de vente, alors que la restitution du matériel est impossible du fait de mise en liquidation judiciaire du vendeur, ne saurait caractériser la mauvaise foi alléguée de Mme [P], qui agit en raison de la rentabilité économique de son installation qu'elle estime insuffisante.
Il n'y a pas lieu de débouter Mme [P] de sa demande de nullité pour ce motif.
Les dispositions de l'article L. 221-9 du code de la consommation, prévues à peine de nullité du contrat en application de l'article L. 242-1 du même code, énoncent que le professionnel fournit au consommateur un exemplaire daté du contrat conclu hors établissement, sur papier signé par les parties ou, avec l'accord du consommateur, sur un autre support durable, confirmant l'engagement exprès des parties.
Ce contrat comprend toutes les informations prévues à l'article L. 221-5.
(...)
Le contrat est accompagné du formulaire type de rétractation mentionné au 2° de l'article L. 221-5.
Aux termes des dispositions de l'article L. 221-5 du code de la consommation, préalablement à la conclusion d'un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, notamment les informations suivantes:
1° Les informations prévues aux articles L. 111-1 et L. 111-2 ;
2° Lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d'exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu'il contient sont fixées par décret en Conseil d'Etat.
L'article L.111-1 du même code dispose qu'avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :
1. Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné ;
2. Le prix du bien ou du service, en application des articles L. 112-1 à L. 112-4 ;
3. En l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service ;
4. Les informations relatives à son identité, à ses coordonnées postales, téléphoniques et électroniques et à ses activités, pour autant qu'elles ne ressortent pas du contexte ;
5. S'il y a lieu, les informations relatives aux garanties légales, aux fonctionnalités du contenu numérique et, le cas échéant, à son interopérabilité, à l'existence et aux modalités de mise en oeuvre des garanties et aux autres conditions contractuelles ;
6. La possibilité de recourir à un médiateur de la consommation dans les conditions prévues au titre Ier du livre VI.
La liste et le contenu précis de ces informations sont fixés à l'article R. 111-1 du même code.
En l'espèce, le bon de commande en litige signé par Mme [P] le 1er juillet 2020, porte sur la fourniture, la pose et l'installation de 10 panneaux photovoltaïques de 300 WC, de marque francilienne, d'une VMC double flux, d'un pack de six prises WI-FI, d'ampoules LED, d'un chauffe-eau thermodynamique de 200 litres, moyennant le prix total de 29 900 euros.
Il est prévu que les frais de raccordement, les démarches pour obtenir le contrat d'obligation d'achat EDF, l'attestation de conformité du Consuel et les démarches administratives en mairie seront à la charge du vendeur.
Aucune date de livraison n'est mentionnée sur le bon de commande lui-même, les conditions générales de vente prévoyant que la visite d'un technicien aura lieu dans les deux mois de la signature du bon de commande aux fins de vérifier la faisabilité de l'installation, que, dans le même temps, le vendeur procédera aux démarches administratives - déclaration de travaux, demande de raccordement - et que l'installation du système photovoltaïque aura lieu dans les trois mois suivant la pré-visite du technicien, ces délais pouvant être modifiés, en cas de survenance d'un cas fortuit, d'un cas de force majeure, ou de suspension en raison d'une cause légitime.
Le bon de commande litigieux se révèle particulièrement imprécis quant à la désignation de la nature et des caractéristiques des biens offerts ou des services proposés dans la mesure où la marque des panneaux photovoltaïques et celle du chauffe-eau n'est pas précisée et qu'ainsi il n'a pas été satisfait aux exigences de l'article L. 111-1 du code de la consommation précité.
En effet, il n'est pas établi que ' Francilienne' serait une marque de panneaux photovoltaïques.
Or la marque constitue une information substantielle, c' est -à-dire une information clef dont le consommateur a besoin pour prendre une décision commerciale en connaissance de cause.
En effet, s'agissant d'une installation à haut niveau de développement technologique destinée à produire de l'énergie, la marque, dont la fonction est de garantir l'origine d'un produit commercialisé, est une caractéristique essentielle pour le consommateur démarché qui doit pouvoir identifier le fabricant garant de la qualité, de la pérennité et de la sécurité de ses produits, et qui doit aussi pouvoir procéder utilement à des comparaisons de prix durant le délai de rétractation qui lui est ouvert par la loi.
En conséquence, pour ce motif et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens soulevés par Mme [P], le bon de commande litigieux encourt l'annulation.
La société BNP Paribas Personal finance fait, cependant, valoir que cette nullité a été couverte en raison de l'exécution volontaire du contrat par Mme [P].
Il est de règle que la nullité qui découle de l'irrégularité formelle du contrat au regard des dispositions régissant la vente hors établissement et dont la finalité est la protection du consommateur, est une nullité relative.
L'article 1182 du code civil, énonce que la confirmation est l'acte par lequel celui qui pourrait se prévaloir de la nullité y renonce. Cet acte mentionne l'objet de l'obligation et le vice affectant le contrat.
La confirmation ne peut intervenir qu'après la conclusion du contrat.
L'exécution volontaire du contrat, en connaissance de la cause de nullité, vaut confirmation. En cas de violence, la confirmation ne peut intervenir qu'après que la violence a cessé.
La confirmation emporte renonciation aux moyens et exceptions qui pouvaient être opposés, sans préjudice néanmoins des droits des tiers.
Il s'en déduit que la confirmation d'un acte nul impose, d'une part, la connaissance du vice l'ayant affecté et, d'autre part, l'intention de le réparer.
En l'espèce, la preuve de la connaissance des irrégularités n'est pas établie, la reproduction, dans les conditions générales figurant au verso du bon de commande, dont l'acquéreur avait déclaré avoir pris connaissance, des dispositions du code de la consommation étant insuffisante à révéler à l'acquéreur les vices affectant ce bon (Cass.1re Civ., 24 janvier 2024, pourvoi n° 21-20.691).
Le seul fait que Mme [P] ait laissé le contrat s'exécuter en acceptant la livraison, en signant l'attestation de réception des travaux, ne peut s'analyser en une confirmation tacite de l'obligation entachée de nullité, alors que ces faits ne démontrent pas qu'elle a eu connaissance des irrégularités affectant le bon de commande en litige et l'intention de les réparer.
Par suite, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a annulé le contrat de vente.
L'annulation du contrat de vente entraîne, ipso facto, celle du contrat de crédit affecté.
En effet, aux termes de l'article L. 312-55 du code de la consommation, le contrat de crédit affecté est résolu ou annulé de plein droit, lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé.
II) Sur la créance de restitution de la société BNP Paribas Personal Finance
Moyens des parties
Mme [P] expose à la cour que la banque doit être privée de son droit à restitution du capital emprunté en raison du principe d'effectivité- proportionnalité - caractère effectif de la sanction, prôné par la directive européenne 2008/48, et à tout le moins en considération du préjudice matériel qu'elle a subi et qui est en lien causal avec les fautes commises par la banque qui n'a pas contrôlé la régularité formelle de l'opération et a débloqué les fonds sur la base d'une attestation de fin de travaux imprécise et ambiguë qui ne lui permettait pas de le faire.
Elle précise que l'obligation pour le consommateur de devoir restituer le capital emprunté n'est ni dissuasive, ni proportionnée, ni effective et ne rétablit pas le consommateur dans la situation de fait d'origine, dans la mesure où le vendeur en liquidation judiciaire ne restitue pas les fonds versés par le prêteur, et que, par suite, la banque ne se trouve ni gagnante ni perdante dans une telle situation, puisqu'elle récupère la somme qu'elle a versée telle quelle, tandis que le consommateur se trouve débiteur de la totalité du capital emprunté. Elle soutient que les fautes commises par la banque lui ont causé un préjudice en lien causal avec ces fautes.
La banque, qui conclut au débouté de Mme [P] et sollicite sa condamnation à lui restituer le capital emprunté, ou, à tout le moins, une privation partielle de restitution, en proportion du préjudice subi par Mme [P], de répliquer en substance que :
- le vendeur n'a commis aucun manquement à ses obligations, l'installation ayant été mise en service et étant fonctionnelle,
- elle n'a commis aucune faute en ne vérifiant pas le bon de commande, alors qu'elle n'a aucune obligation légale de procéder à cette vérification, au regard du code de la consommation et du droit communautaire, ni en ne vérifiant pas la réalisation complète de la prestation financée, dès lors qu'il n'est pas contesté que la prestation était réalisée au moment du déblocage des fonds, et qu'elle n'a fait qu'exécuter l'ordre de paiement donné par son mandant conformément aux règles du mandat, que l'emprunteur a lui-même disposé des fonds en donnant l'ordre de paiement et qu'elle n'a versé les fonds qu'au vu d'un procès-verbal de réception, et qu'elle n'a débloqué les fonds que sur le fondement d'une attestation qui lui permettait de le faire,
- Mme [P] ne démontre l'existence d'aucun préjudice en lien avec les fautes qu'elle lui reproche, l'installation étant achevée et fonctionnelle,
- il n'existe aucun préjudice au regard de la non-obtention par l'acquéreur de la restitution du prix de vente du fait de la procédure collective dont le vendeur fait l'objet, dès lors que ce défaut de restitution a pour cause la procédure collective et non la faute commise par la banque et où le liquidateur judiciaire ne formant aucune demande de restitution, l'emprunteur va rester, de fait, en possession du matériel, ce qui limite son préjudice,
- à titre subsidiaire, si la cour devait estimer qu'un préjudice a été subi, la cour devra limiter la condamnation de la banque en proportion du préjudice effectivement subi,
- Mme [P] est mal fondée à se prévaloir de la directive 2008/48 sur le crédit à la consommation pour prétendre être exonérée d'avoir à restituer le capital emprunté, dès lors que le droit européen prévoit que les modalités du recours du consommateur contre l'établissement de crédit relèvent du droit interne et que les recours mis en place par le droit français qui ouvre un recours en nullité ou en résolution du contrat, sont conformes aux dispositions de la directive européenne et prévoient des sanctions effectives et proportionnées des établissements de crédit.
Réponse de la cour
Suite à l'annulation du contrat de crédit, les parties à ce contrat sont rétablies dans leur état antérieur, ce qui impose en principe à l'emprunteur de restituer le capital emprunté, même lorsque les fonds ont été directement versés entre les mains du vendeur.
L'emprunteur peut toutefois échapper à une telle restitution s'il parvient à démontrer que le prêteur a commis une faute en libérant les fonds, laquelle lui permet d'obtenir des dommages intérêts venant se compenser avec le capital emprunté.
Mme [P] reproche, en premier lieu, à la banque de ne pas avoir procédé, préalablement à la libération des fonds, aux vérifications qui lui auraient permis de constater que le contrat de vente et d'installation était affecté d'une cause de nullité.
Dans la logique de l'opération commerciale unique et afin de protéger le consommateur, le prêteur est, contrairement à ce qu'il soutient au cas d'espèce, tenu de vérifier la régularité formelle du contrat principal et d'informer l'emprunteur d'une éventuelle irrégularité afin que celui-ci puisse confirmer le contrat ou y renoncer. A défaut, le prêteur commet une faute susceptible d'engager sa responsabilité.
En ne vérifiant pas la régularité du bon de commande et en finançant une opération accessoire à un contrat de vente nul, la banque a donc, et contrairement à ce qu'elle soutient, commis une faute.
Mme [P] reproche, en deuxième lieu, à la banque d'avoir libéré hâtivement les fonds, sans s'être assurée au préalable de l'exécution complète du contrat principal.
Dans la logique de l'opération commerciale unique, l'emprunteur ne saurait être tenu d'un engagement financier qui n'aurait pas pour contrepartie la livraison d'un bien ou l'exécution d'une prestation de service. L'article L. 312-48 du code de la consommation prévoit du reste que les obligations de l'emprunteur ne prennent effet qu'à compter de la livraison du bien ou de la fourniture de la prestation. Il est donc justifié que le prêteur s'enquière de l'exécution complète du contrat principal et ne délivre les fonds qu'après une telle exécution, sous peine de commettre une faute, et sans pouvoir exciper des règles du mandat comme le fait, en l'espèce, la banque, pour soutenir qu'elle aurait été contrainte de procéder au versement des fonds, dès lors qu'elle en avait reçu l'ordre de son mandant.
L'emprunteur qui détermine l'établissement de crédit à libérer les fonds au vu d'une attestation de livraison n'est pas recevable à soutenir ensuite, au détriment du prêteur, que le bien ne lui a pas été livré (Cass.1ère Civ., 14 novembre 2001, pourvoi n° 99-15.690).
Il incombe donc au prêteur de vérifier que l'attestation de fin de travaux qui lui est adressée suffit à déterminer que la prestation promise a été entièrement achevée.
Au cas d'espèce, aux termes du document signé par la venderesse et Mme [P] le 16 juillet 2020, il est attesté de la livraison conformément au contrat de vente et la venderesse demande au prêteur de lui verser les fonds au titre du contrat de crédit (29 900 euros).
L'attestation signée par l'emprunteur, datée du 16 juillet 2020, si elle est de nature à identifier l'opération financée, n'est pourtant pas propre à caractériser l'exécution complète du contrat principal, dès lors que le bon de commande stipulait que le raccordement au réseau et les démarches administratives étaient comprises dans la commande.
La société BNP Paribas Personal Finance a donc et contrairement à ce qu'elle soutient, commis une faute en libérant les fonds sans s'assurer que la prestation financée avait été entièrement exécutée.
Mme [P] est mal fondée à soutenir qu'au regard des principes d'équivalence, d'effectivité et de proportionnalité de la sanction consacrés par le droit européen, sa condamnation à restituer à la banque le capital emprunté serait inique, en raison de la mise en liquidation de son vendeur qui l'oblige à restituer le capital emprunté alors même qu'elle se trouve privée de toute restitution du prix de vente, dès lors que les recours possibles -action en nullité ou en résolution des contrats - sont similaires aux recours de droit interne mis à disposition du consommateur et que l'application des règles du droit interne permettent d'indemniser le consommateur en fonction du préjudice en lien avec la faute de la banque qu'il a subi, assurent ainsi à la fois l'effectivité et la proportionnalité de la sanction.
Et c'est précisément la mise en liquidation du vendeur de Mme [P] qui lui permet d'établir, contrairement à ce que soutient la banque, l'existence d'un préjudice en lien avec les fautes commises par cette dernière.
En effet, il ressort de la jurisprudence la plus récente de la Cour de cassation (Civ. 1ère, 10 juillet 2024, n°22-24.754) que si, en principe, à la suite de l'annulation de la vente, l'emprunteur obtient du vendeur la restitution du prix, de sorte que l'obligation de restituer le capital à la banque ne constitue pas, en soi, un préjudice réparable, il en va différemment lorsque le vendeur est en liquidation judiciaire.
Dans une telle hypothèse, d'une part, compte tenu de l'annulation du contrat de vente, l'emprunteur n'est plus propriétaire de l'installation qu'il avait acquise, laquelle doit pouvoir être restituée au vendeur ou retirée pour éviter des frais d'entretien ou de réparation.
D'autre part, l'impossibilité pour l'emprunteur d'obtenir la restitution du prix est, selon le principe d'équivalence des conditions, une conséquence de la faute de la banque dans l'examen du contrat principal.
Par conséquent, il convient de retenir que lorsque la restitution du prix à laquelle le vendeur est condamné, par suite de l'annulation du contrat de vente ou de prestation de service, est devenue impossible du fait de l'insolvabilité du vendeur ou du prestataire, l'emprunteur, privé de la contrepartie de la restitution du bien vendu, justifie d'une perte subie équivalente au montant du crédit souscrit pour le financement du prix du contrat de vente ou de prestation de service annulé en lien de causalité avec la faute de la banque qui, avant de verser au vendeur le capital emprunté, n'a pas vérifié la régularité formelle du contrat principal.
Il s'ensuit que l'emprunteur a subi un préjudice, indépendamment de l'état de fonctionnement de l'installation, consistant à ne pas pouvoir obtenir, auprès d'un vendeur placé en liquidation judiciaire, la restitution du prix de vente d'un matériel dont il n'est plus propriétaire, préjudice qui n'aurait pas été subi sans la faute de la banque.
En conséquence, la banque sera déboutée de sa demande de remboursement du capital emprunté et condamnée à rembourser la totalité des échéances versées, sans qu'il y ait lieu de limiter le remboursement dû par la banque, Mme [P] justifiant d'une perte subie équivalente au montant du crédit souscrit pour le financement du prix du contrat de vente annulé.
III) Sur la demande visant à ce qu'il soit enjoint à Mme [P] de restituer à ses frais le matériel au liquidateur judiciaire de la société France Pac Environnement
Comme il a été dit précédemment, la banque, du fait de l'annulation du contrat de vente, n'est plus propriétaire de l'installation photovoltaïque, en sorte qu'elle n'a pas qualité pour demander la restitution du matériel dont elle n'est pas propriétaire.
Par suite, la demande de restitution du matériel ne pourra être accueillie.
IV) Sur la demande en dommages et intérêts de la banque
La société BNP Paribas Personal Finance demande, en cas de privation de sa créance de restitution, la condamnation de Mme [P] à lui payer des dommages et intérêts d'un montant de 29 900 euros en raison de sa faute consistant à avoir signé imprudemment l'attestation de fin de travaux et l'ordre de paiement donné, sans laquelle elle n'aurait jamais réglé les fonds au vendeur. Elle soutient qu'il a ainsi fait preuve d'une légèreté blâmable qui lui causerait préjudice dans la mesure où elle ne pourrait obtenir restitution des fonds prêtés. A tout le moins, elle demande qu'ils soient privés de leur créance de restitution au titre des sommes déjà réglées.
Mme [P] ne répond pas sur ce point.
Réponse de la cour
Si en versant les fonds au vendeur, alors que l' attestation dont elle disposait ne lui permettait manifestement pas de s'assurer de la bonne exécution de la prestation et de l'achèvement des travaux, la banque a commis une faute engageant sa responsabilité, il n'en va pas de même de Mme [P], qui est un consommateur profane.
La banque ne saurait, en effet, reprocher à l'emprunteur une légèreté blâmable laquelle consisterait, en fait, à ne pas avoir lui-même constaté le défaut d'exécution complète de la prestation dont il se prévaut aujourd'hui alors que, profane, il ne pouvait être tenu à la même obligation qu'elle-même, professionnelle du crédit, n'a pas remplie, ce qu'elle prétend d'ailleurs être non fautif.
Aussi la banque sera-t-elle déboutée de sa demande de dommages et intérêts.
V) Sur les dépens
La banque, qui succombe, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt réputé contradictoire mis à disposition au greffe
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau
Annule les contrats de vente et de crédit affecté passés le 1er juillet 2020 par Mme [H] [P] avec les sociétés France Pac Environnement et BNP Paribas Personal Finance ;
Déboute la société BNP Paribas Personal Finance de la totalité de ses demandes ;
Condamne la société BNP Paribas Personal Finance à rembourser à Mme [H] [P] la totalité des échéances acquittées en exécution du contrat de crédit affecté qui lui a été consenti le 1er juillet 2020 ;
Dit que Mme [H] [P] devra laisser les matériels acquis à la disposition de la liquidation judiciaire de la société France Pac Environnement pendant un délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt et qu'elle pourra, à l'issue de ce délai, procéder au démontage des matériels ;
Condamne la société BNP Paribas Personal Finance aux dépens de première instance et d'appel;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société BNP Paribas Personal Finance à payer à Mme [H] [P] une indemnité de 3 000 euros.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur Philippe JAVELAS, Président et par Madame Céline KOC, Greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.