CA Versailles, ch. civ. 1-2, 1 octobre 2024, n° 23/01659
VERSAILLES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Franfinance (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Javelas
Conseillers :
M. Pinoy, Mme Thivellier
Avocats :
Me Lapalu, Me Bourree, Me Rouland
EXPOSE DU LITIGE
Le 23 août 2017, M. [Y] [H] a signé une offre initiale de prêt concernant le financement de l'installation de panneaux photovoltaïques, d'un chauffe-eau thermodynamique, la rénovation de la toiture et l'isolation de la sous-toiture, pour un montant de 24 600 euros au taux annuel effectif global de 4,80%, matériels commandés auprès de la société France Pac Environnement et installés par cette dernière.
M. [H] a réceptionné les biens objets du financement après leur installation le 12 septembre 2017 et autorisé la société Franfinance à régler le vendeur.
Il a réglé, en février 2018, la somme de 25 336,40 euros à la société Franfinance correspondant au montant du crédit à rembourser par anticipation.
Par courrier du 11 septembre 2017, la société France Pac Environnement s'est engagée à prendre en charge les frais et pénalités éventuelles d'un remboursement par anticipation qui interviendrait dans les six prochains mois.
Par courriel en date du 29 août 2018, M. [H] a fait état à la société France Pac Environnement de la réalité des aides dont il pouvait bénéficier (2 300 euros et au mieux 3 630 euros) remettant en cause les avantages qui auraient été prétendus lors la signature du bon de commande.
Suite au courrier de l'Union Fédérale des Consommateurs en date du 20 novembre 2018 adressé à la société France Pac Environnement, M. [H] a, par lettre recommandée avec avis de réception du 10 février 2019, mis en demeure le conseil de la société France Pac Environnement de lui communiquer les coordonnées du médiateur de la consommation en l'absence de réponse à sa proposition de solution amiable en date du 16 juillet 2018 et à sa demande d'indemnisation en date du 22 septembre 2018.
Par lettre recommandée avec avis de réception, la ville d'[Localité 5] a contesté la déclaration d'achèvement et la conformité des travaux réalisés avec la déclaration préalable qui avait été déposée le 8 septembre 2017 pour la pose des panneaux photovoltaïques au profit de M. [H], en ce que 4 panneaux ont été posés sur le pan avant de la toiture alors qu'il n'en était pas prévu et seulement 8 au lieu de 12 ont été posés sur le pan arrière ; elle a mis en demeure ce dernier de régulariser auprès du service d'urbanisme un dossier de déclaration préalable correspondant aux travaux réalisés ou de reprendre lesdits travaux pour les mettre en conformité avec l'autorisation délivrée.
Par assignations en date des 16 et 17 février 2022, M. [H] a fait citer devant le juge des contentieux de la protection de Montmorency la société S21Y, prise en la personne de Me [Z] en qualité de liquidateur de la société France Pac Environnement, et la société Franfinance afin de voir :
- prononcer la résolution ou l'annulation du contrat de vente et du contrat de crédit,
En conséquence,
- condamner la société Franfinance à restituer la somme de 25 336,40 euros à M. [H],
- déclarer que M. [H] devra tenir à la disposition de la société S21Y prise en la personne de Me [Z], l'intégralité des matériels installés par la société France Pac Environnement durant un délai de 2 mois à compter de la signification du jugement, et que passé ce délai M. [H] pourra procéder à leur démontage et les porter dans un centre de tri, à ses frais personnels,
- condamner la société Franfinance au paiement de la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens au profit de M. [H].
Par jugement réputé contradictoire du 17 janvier 2023, le juge des contentieux et de la protection du tribunal de proximité de Montmorency a :
- prononcé l'annulation du contrat de fournitures et d'installation conclu le 23 août 2017 entre la société France Pac Environnement et M. [H],
- constaté la nullité de plein droit du prêt affecté en date du 23 août 2017 souscrit par M. [H] avec la société Franfinance,
- dit que M. [H] devra tenir à la disposition de la société S21Y prise en la personne de Me [Z], l'intégralité des matériels installés par la société France Pac Environnement durant un délai de 2 mois à compter de la signification du jugement et, que passé ce délai, M. [H] pourra procéder à leur démontage et les porter dans un centre de tri, à ses frais personnels,
- dit que la société Franfinance a commis des fautes lors de la délivrance des fonds,
- condamné en conséquence la société Franfinance à restituer la somme de 25 336,40 euros à M. [H],
- condamné la société Franfinance au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement,
- condamné la société Franfinance aux dépens.
Par déclaration déposée au greffe le 15 mars 2023, la société Franfinance a relevé appel de ce jugement.
Par ordonnance d'incident en date du 18 janvier 2024, le conseiller de la mise en état a :
- constaté le désistement de M. [H] de son incident aux fins de radiation,
- constaté que la société Franfinance accepte ce désistement,
- dit que les dépens de l'incident suivront le sort de ceux de l'instance au fond.
Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 17 juillet 2023, la société Franfinance, appelante, demande à la cour de :
- la déclarer recevable et bien fondée en son appel,
Par conséquent,
- réformer le jugement rendu par le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Montmorency le 17 janvier 2023 :
* en ce qu'il a prononcé l'annulation du contrat de fournitures et d'installation conclu le 23 août 2017 entre la société France Pac Environnement et M. [H],
* en ce qu'il a constaté la nullité de plein droit du prêt affecté en date du 23 août 2017 souscrit par M. [H] avec elle,
* en ce qu'il a dit que M. [H] devra tenir à disposition de la SELARL S21Y prise en la personne de Me [Z], l'intégralité des matériels installés par la société France Pac Environnement durant un délai de 2 mois à compter de la signification du jugement et, que passé ce délai, M. [H] pourra accéder à leur démontage et les porter dans un centre de tri, à ses frais personnels,
* en ce qu'il a dit qu'elle a commis des fautes lors de la délivrance des fonds,
* en ce qu'il l'a condamnée en conséquence à restituer la somme de 25 336,40 euros à M. [H],
* en ce qu'il l'a condamnée au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
* en ce qu'il a ordonné l'exécution provisoire du présent jugement,
* en ce qu'il l'a condamnée aux dépens.
Et statuant à nouveau,
A titre principal,
- juger que le contrat conclu entre la société France Pac Environnement et M. [H] et subséquemment le contrat de crédit de M. [H] ne sont entachés d'aucune nullité,
A titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour faisait droit à la demande de nullité du contrat de vente et subséquemment du contrat de crédit de M. [H],
- constater son absence de faute,
A titre très subsidiaire, si par extraordinaire la cour reconnaissait la faute de la société Franfinance dans le cadre du déblocage des fonds,
- constater l'absence de préjudice subi par M. [H],
En tout état de cause,
- débouter M. [H] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- condamner M. [H] au paiement de la somme de 3 000 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [H] aux dépens de première instance et d'appel en application des articles 695 et suivants du code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 12 juin 2023, M. [H], intimé, demande à la cour de :
- débouter la société Franfinance de ses demandes, fins et conclusions,
- confirmer le jugement attaqué dans toutes ses dispositions,
- pour le surplus condamner la société Franfinance au paiement de la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens à son profit.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 14 mars 2024.
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.
MOTIFS DE LA DÉCISION
I) Sur la demande d'annulation des contrats de vente et de crédit affecté
Moyens des parties
La société Franfinance fait grief au premier juge d'avoir annulé les contrats de vente et de crédit affecté motifs pris de ce que :
- il n'est pas démontré que le vendeur n'aurait pas procédé à l'isolation de la toiture, et cette démonstration serait-elle administrée, que cette inexécution serait insuffisamment grave pour justifier l'annulation du contrat de vente et l'acquéreur échoue à démontrer que l'installation ne fonctionnerait pas ni que la non-conformité de l'installation - installation des panneaux sur les deux pans de la toiture au lieu d'un seul - nécessiterait des travaux de reprise, la mairie n'ayant sollicité que la régularisation de la déclaration de travaux,
- l'exemplaire du bon de commande produit par l'acquéreur, permet de constater que la date d'installation n'est pas mentionnée et a été complétée après coup par le vendeur et que le délai de livraison est prévu à six mois sans autre forme de précision, que le prix unitaire de chacun des composants de l'installation n'est pas mentionné, non plus que la surface de la toiture, la description précise des biens acquis, la possibilité de recourir au médiateur.
À l'appui de sa demande d'infirmation, la société Franfinance développe les moyens suivants :
- le bon de commande qu'elle a reçu du vendeur comporte l'ensemble des mentions exigées par le code de la consommation : marque et caractéristiques des produits, date de livraison ' avant le 23 février 2018",
- l'irrégularité tenant à l'absence des coordonnées du médiateur a été purgée par le fait que M. [H] indique avoir fait appel à un médiateur afin de trouver une solution amiable au litige,
- M. [H] est mal fondé à faire valoir que le bon de commande ne mentionne pas le point de départ du délai de rétractation, le bon de commande rappelant les articles du code de la consommation applicables,
- le fait que le bon de commande ne précise pas, en cas de non-conformité la possibilité de choisir entre la réparation et le remplacement du produit, ne peut entraîner la nullité du contrat, M. [H] ayant assigné en limite de prescription quinquennale soit après l'expiration de la garantie légale de deux ans,
- il en va de même de l'absence d'indication sur la garantie légale relative aux vices cachés, les mentions obligatoires pouvant, selon la jurisprudence de la Cour de cassation, être présentes, dans le bon de commande ou les documents qui lui sont annexés,
- les nullités ont été couvertes par l'exécution volontaire du contrat par M. [H], qui a accepté l'installation et la livraison de l'installation et en a fait usage durant de nombreuses années, et qui n'est pas un profane comme il le soutient, mais un responsable d'équipe conformité au sein de la société BNP Paribas, diplômé de l'école supérieure bancaire, et disposant à ce titre de connaissances juridiques le rendant capable de déceler les irrégularités affectant le bon de commande et, le cas échéant, de renoncer à s'en prévaloir.
M. [H] de répliquer que :
- le bon de commande comprend de multiples carences au regard des exigences du droit de la consommation : absence d'information sur le point de départ du délai de rétractation et les modalités de cette rétractation, absence d'information sur le délai d'exécution des travaux et des démarches administratives, informations erronées sur la garantie de bon fonctionnement, absence d'information sur l'existence et les modalités de mise en oeuvre des garanties légales relatives aux vices cachés, au numéro de TVA de la venderesse, aux coordonnées de l'assureur responsabilité civile du vendeur,
- les nullités relatives affectant le bon de commande n'ont pas été couvertes par l'exécution du contrat, M. [H], qui a une formation d'ingénieur et non de juriste et dont le métier consiste à s'assurer qu'il n'y a pas de transactions suspectes au sein de la société BNP Paribas Personal Finance, n'ayant jamais eu connaissances de ces irrégularités.
Réponse de la cour
Il n'est pas discuté que le contrat principal est soumis aux dispositions du code de la consommation relatives aux contrats conclus hors établissement.
L'article L. 221-9 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable au litige, dispose:
'Le professionnel fournit au consommateur un exemplaire daté du contrat conclu hors établissement, sur papier signé par les parties ou, avec l'accord du consommateur, sur un autre support durable, confirmant l'engagement exprès des parties.
Ce contrat comprend toutes les informations prévues à l'article L. 221-5.
Le contrat mentionne, le cas échéant, l'accord exprès du consommateur pour la fourniture d'un contenu numérique indépendant de tout support matériel avant l'expiration du délai de rétractation et, dans cette hypothèse, le renoncement de ce dernier à l'exercice de son droit de rétractation.
Le contrat est accompagné du formulaire type de rétractation mentionné au 2° de l'article L. 221-5".
L'article L. 242-1 du même code précise que les dispositions de l'article L. 221-9 sont prévues à peine de nullité du contrat conclu hors établissement.
L'article L. 221-5 du même code dispose :
' Préalablement à la conclusion d'un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :
1° Les informations prévues aux articles L. 111-1 et L. 111-2 ;
2° Lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d'exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu'il contient sont fixées par décret en Conseil d'Etat ;
3° Le cas échéant, le fait que le consommateur supporte les frais de renvoi du bien en cas de rétractation et, pour les contrats à distance, le coût de renvoi du bien lorsque celui-ci, en raison de sa nature, ne peut normalement être renvoyé par la poste ;
4° L'information sur l'obligation du consommateur de payer des frais lorsque celui-ci exerce son droit de rétractation d'un contrat de prestation de services, de distribution d'eau, de fourniture de gaz ou d'électricité et d'abonnement à un réseau de chauffage urbain dont il a demandé expressément l'exécution avant la fin du délai de rétractation ; ces frais sont calculés selon les modalités fixées à l'article L. 221-25 ;
5° Lorsque le droit de rétractation ne peut être exercé en application de l'article L. 221-28, l'information selon laquelle le consommateur ne bénéficie pas de ce droit ou, le cas échéant, les circonstances dans lesquelles le consommateur perd son droit de rétractation ;
6° Les informations relatives aux coordonnées du professionnel, le cas échéant aux coûts de l'utilisation de la technique de communication à distance, à l'existence de codes de bonne conduite, le cas échéant aux cautions et garanties, aux modalités de résiliation, aux modes de règlement des litiges et aux autres conditions contractuelles, dont la liste et le contenu sont fixés par décret en Conseil d'Etat.
Dans le cas d'une vente aux enchères publiques telle que définie par le premier alinéa de l'article L. 321-3 du code de commerce, les informations relatives à l'identité et aux coordonnées postales, téléphoniques et électroniques du professionnel prévues au 4° de l'article L. 111-1 peuvent être remplacées par celles du mandataire'.
L'article L.111-1 du même code dispose qu'avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :
1. Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné ;
2. Le prix du bien ou du service, en application des articles L. 112-1 à L. 112-4 ;
3. En l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service ;
4. Les informations relatives à son identité, à ses coordonnées postales, téléphoniques et électroniques et à ses activités, pour autant qu'elles ne ressortent pas du contexte ;
5. S'il y a lieu, les informations relatives aux garanties légales, aux fonctionnalités du contenu numérique et, le cas échéant, à son interopérabilité, à l'existence et aux modalités de mise en oeuvre des garanties et aux autres conditions contractuelles ;
6. La possibilité de recourir à un médiateur de la consommation dans les conditions prévues au titre Ier du livre VI.
La liste et le contenu précis de ces informations sont fixés à l'article R111-1 du même code.
En l'espèce, le bon de commande en litige signé le 23 août 2017 porte sur :
- la livraison et l'installation d'un chauffe-eau thermodynamique d'une capacité de 200 litres,
- la livraison et l'installation d'un kit photovoltaïque avec injection directe et revente du surplus d'énergie inutilisée composé de 12 panneaux photovoltaïques de 250WC chacun de marque Thomson, un kit d'intégration GSE, un coffret, accessoires et fournitures,
- l'exécution des démarches administratives auprès de la mairie, EDF et ERDF,
- la rénovation de la toiture au moyen de nouvelles tuiles,
- une isolation sous toiture.
Le bon de commande remis à M. [H] et produit par ce dernier en original ne prévoit aucune date d'installation, contrairement à celui versé aux débats par la banque, qui a fait l'objet d'ajouts postérieurs à sa délivrance et à sa signature par le consommateur acquéreur. Dès lors c'est à bon droit que le premier juge a pris en considération, pour apprécier la régularité du bon de commande litigieux au regard des exigences du droit de la consommation, l'exemplaire produit par M. [H].
Le défaut de mention dans le bon de commande remis au consommateur de toute date de livraison constitue une irrégularité au regard des exigences de l'article L. 111-1, 3° du code de la consommation, rappelées ci-avant, qui doit être sanctionnée par la nullité du contrat de vente, en application des articles L.221-9, L. 242-1, L. 221-5 et L. 111-1, 3° du code de la consommation pris ensemble, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens et fondements juridiques invoqués par les appelants au soutien de leur demande d'annulation.
La banque fait, cependant, valoir que cette nullité a été couverte en raison de l'exécution volontaire du contrat par M. [H].
Il est de règle que la nullité qui découle de l'irrégularité formelle du contrat au regard des dispositions régissant la vente hors établissement et dont la finalité est la protection du consommateur, est une nullité relative.
L'article 1182 du code civil, énonce que la confirmation est l'acte par lequel celui qui pourrait se prévaloir de la nullité y renonce. Cet acte mentionne l'objet de l'obligation et le vice affectant le contrat.
La confirmation ne peut intervenir qu'après la conclusion du contrat.
L'exécution volontaire du contrat, en connaissance de la cause de nullité, vaut confirmation. En cas de violence, la confirmation ne peut intervenir qu'après que la violence a cessé.
La confirmation emporte renonciation aux moyens et exceptions qui pouvaient être opposés, sans préjudice néanmoins des droits des tiers.
Il s'en déduit que la confirmation d'un acte nul impose, d'une part, la connaissance du vice l'ayant affecté et, d'autre part, l'intention de le réparer.
En l'espèce, la preuve de la connaissance des irrégularités n'est pas établie, la reproduction, dans les conditions générales figurant au verso du bon de commande, dont l'acquéreur avait déclaré avoir pris connaissance, des dispositions du code de la consommation étant insuffisante à révéler à l'acquéreur les vices affectant ce bon (Cass.1re Civ., 24 janvier 2024, pourvoi n° 21-20.691).
Le seul fait que M. [H] ait laissé le contrat s'exécuter en acceptant la livraison, en signant l'attestation de réception des travaux, ne peut s'analyser en une confirmation tacite de l'obligation entachée de nullité, alors que ces faits ne démontre pas qu'il a eu connaissance des irrégularités affectant le bon de commande en litige et l'intention de les réparer.
Par suite, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a annulé le contrat de vente.
L'annulation du contrat de vente entraîne, ipso facto, celle du contrat de crédit affecté.
En effet, aux termes de l'article L. 312-55 du code de la consommation, le contrat de crédit affecté est résolu ou annulé de plein droit, lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé.
II) Sur la créance de restitution de la société Franfinance
Moyens des parties
La société Franfinance fait grief au premier juge de l'avoir condamnée à restituer à M. [H] le capital emprunté, soit la somme de 25 336, 40 euros, motif pris de ce que la banque avait commis des fautes en débloquant hâtivement les fonds sans s'être assurée préalablement de la régularité du bon de commande et de l'exécution complète de sa prestation par la banque et que ces fautes étaient de nature à la priver de son droit à restitution.
Au soutien de sa demande d'infirmation, la banque soutient qu'elle n'a point commis de faute, dès lors que :
- le bon de commande reçu du vendeur satisfaisait aux exigences du droit de la consommation et il ne lui appartenait pas de se substituer au juge pour vérifier la régularité du bon de commande litigieux,
- M. [H] a signé l'attestation de livraison avec la mention ' bon pour accord' demandant le versement des fonds à la banque, et cette attestation a été doublée d'un courrier électronique par lequel M. [H] a confirmé en lettres capitales et en gras donner son accord pour le versement des fonds,
- la prestation de service de raccordement étant à la charge du vendeur, il ne peut être reproché à la banque d'avoir débloqué les fonds avant que ce raccordement n'intervienne, alors qu'il ne lui appartient pas de s'assurer de la mise en service de l'installation,
- il ne lui appartient pas d'assumer les conséquences du placement en liquidation judiciaire du vendeur et il incombe à M. [H] d'inscrire sa créance au passif de la liquidation judiciaire du vendeur,
- si la cour venait à considérer qu'elle a commis une faute dans l'exécution du contrat en débloquant hâtivement les fonds, elle ne saurait être privée de sa créance de restitution, en l'absence de tout préjudice pour M. [H] en lien avec la faute commise, dès lors que l'installation fonctionne parfaitement.
M. [H] de répliquer en substance que :
- la banque a commis des fautes en ne vérifiant pas la régularité du contrat de vente et en ne s'assurant de l'exécution complète par le vendeur de sa prestation avant de débloquer les fonds,
- les fautes de la banque lui ont causé un préjudice consistant dans le fait que le vendeur étant en faillite, il ne sera jamais remboursé des sommes qu'il lui a versées et n'ayant plus la propriété des matériels qu'il n'entend pas conserver, il devra les faire démonter et remettre sa toiture en l'état à ses frais.
Réponse de la cour
Suite à l'annulation du contrat de crédit, les parties à ce contrat sont rétablies dans leur état antérieur, ce qui impose en principe à l'emprunteur de restituer le capital emprunté, même lorsque les fonds ont été directement versés entre les mains du vendeur.
L'emprunteur peut toutefois échapper à une telle restitution s'il parvient à démontrer que le prêteur a commis une faute en libérant les fonds, laquelle lui permet d'obtenir des dommages intérêts venant se compenser avec le capital emprunté.
M. [H] reproche, en premier lieu, à la banque de ne pas avoir procédé, préalablement à la libération des fonds, aux vérifications qui lui auraient permis de constater que le contrat de vente et d'installation était affecté d'une cause de nullité.
Dans la logique de l'opération commerciale unique et afin de protéger le consommateur, le prêteur est tenu de vérifier la régularité formelle du contrat principal et d'informer l'emprunteur d'une éventuelle irrégularité afin que celui-ci puisse confirmer le contrat ou y renoncer. A défaut, le prêteur commet une faute susceptible d'engager sa responsabilité.
En l'espèce, il est constaté que l'exemplaire du bon de commande transmis à la banque par le vendeur, indique une date d'installation de la centrale photovoltaïque avant le 23 février 2018.
Cependant, cette seule indication ne suffit pas, en elle-même, à satisfaire aux prescriptions de l'article L. 111-1- 3e du code de la consommation et de la jurisprudence de la Cour de cassation qui exige que le bon de commande distingue entre le délai de pose des modules et celui de réalisation des prestations à caractère administratif et qu'un délai global ne permettant pas à l'acquéreur de déterminer de manière suffisamment précise le moment de l'exécution définitive de ses obligations par le vendeur (Cass. 1re civ., 15 juin 2022, n° 21-11.747)
En ne vérifiant pas la régularité du bon de commande et en finançant une opération accessoire à un contrat de vente nul, la banque a donc, et contrairement à ce qu'elle soutient, commis une faute.
M. [H] reproche, en outre, à la banque d' avoir libéré hâtivement les fonds, sans s'être assurée au préalable de l'exécution complète du contrat principal.
Dans la logique de l'opération commerciale unique, l'emprunteur ne saurait être tenu d'un engagement financier qui n'aurait pas pour contrepartie la livraison d'un bien ou l'exécution d'une prestation de service. L'article L. 312-48 du code de la consommation prévoit du reste que les obligations de l'emprunteur ne prennent effet qu'à compter de la livraison du bien ou de la fourniture de la prestation. Il est donc justifié que le prêteur s'enquière de l'exécution complète du contrat principal et ne délivre les fonds qu'après une telle exécution, sous peine de commettre une faute.
L'emprunteur qui détermine l'établissement de crédit à libérer les fonds au vu d'une attestation de livraison n'est pas recevable à soutenir ensuite, au détriment du prêteur, que le bien ne lui a pas été livré (Cass.1ère Civ., 14 novembre 2001, pourvoi n° 99-15.690).
Il incombe donc au prêteur de vérifier que l'attestation de fin de travaux qui lui est adressée suffit à déterminer que la prestation promise a été entièrement achevée.
Au cas d'espèce, aux termes du document signé par la venderesse et M. [H] le 12 septembre 2017, il est attesté de la livraison conformément au contrat de vente et la venderesse demande au prêteur de lui verser les fonds au titre du contrat de crédit (24 600 euros).
M. [H] a confirmé son acquiescement au déblocage des fonds par courrier électronique du 18 septembre 2017.
L'attestation signée par l'emprunteur, datée du 12 septembre 2017, si elle est de nature à identifier l'opération financée, n'est pourtant pas propre à caractériser l'exécution complète du contrat principal, dès lors que le bon de commande stipulait que le raccordement au réseau et les démarches administratives étaient comprises dans la commande.
La société Franfinance a donc commis une faute en libérant les fonds sans s'assurer que la prestation financée avait été entièrement exécutée.
M. [H] doit, après avoir démontré l'existence d'une faute commise par la banque, également rapporter la preuve qu'il en est résulté pour lui un préjudice en lien causal avec les fautes commises.
Il résulte du dernier état de la jurisprudence de la Cour de cassation, que lorsque le vendeur est placé dans une situation d'insolvabilité, le préjudice subi par l'emprunteur, qui consiste à ne pouvoir obtenir la restitution du prix de vente, est bien en lien avec la faute commise par la banque, motifs pris de ce que, dans une telle hypothèse, d'une part, compte tenu de l'anéantissement du contrat de vente, l'emprunteur n'est plus propriétaire de l'installation qu'il avait acquise, laquelle doit pouvoir être restituée au vendeur ou retirée pour éviter des frais d'entretien ou de réparation, et d'autre part, l'impossibilité pour l'emprunteur d'obtenir la restitution du prix est, selon le principe d'équivalence des conditions, une conséquence de la faute de la banque dans la délivrance des fonds (Civ. 1re, 10 juill.2024,n°22-24.754).
Au cas d'espèce, il est constant que la société France Pac Environnement est insolvable pour avoir été placée en liquidation judiciaire.
M. [H] démontrant, au vu de la jurisprudence précitée, l'existence d'un lien causal entre les fautes reprochées à la banque - financement d'un contrat nul et déblocage hâtif des fonds- et le préjudice qui en est effectivement résulté pour lui, contrairement à ce que soutient la société Franfinance, et consistant dans l'impossibilité de récupérer le prix acquitté, la cour ne peut que confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la banque à restituer à M. [H] le montant du capital emprunté et, subséquemment, débouter la société Franfinance de sa demande en restitution de ce capital.
Au cas d'espèce, il est constant que la société France Pac Environnement est insolvable pour avoir été placée en liquidation judiciaire.
M. [H] démontrant, au vu de la jurisprudence précitée, l'existence d'un lien causal entre les fautes reprochées à la banque - financement d'un contrat nul et déblocage hâtif des fonds- et le préjudice qui en est effectivement résulté pour lui, contrairement à ce que soutient la société Franfinance, et consistant dans l'impossibilité de récupérer le prix acquitté, la cour ne peut que confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la banque à restituer à M. [H] le montant du capital emprunté et, subséquemment, débouter la société Franfinance de sa demande en restitution de ce capital.
III ) Sur les dépens
La société Franfinance, qui succombe, sera condamnée aux dépens de la procédure d'appel, les dispositions du jugement déféré relatives aux dépens de première instance et aux frais irrépétibles non compris dans ces mêmes dépens étant par ailleurs, confirmées.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Déboute la société Franfinance de la totalité de ses demandes ;
Condamne la société Franfinance aux dépens de la procédure d'appel ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Franfinance à payer à M. [Y] [H] une indemnité de 3 000 euros.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur Philippe JAVELAS, Président, et par Madame Céline KOC, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.