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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 27 septembre 2024, n° 21/18614

PARIS

Arrêt

Autre

PARTIES

Défendeur :

Institut National de la Propriété Industrielle (EPA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Renard

Conseillers :

Mme Marcade, Mme Chokron

Avocats :

Me Vignes, Me Bidault, Me Abello

CA Paris n° 21/18614

26 septembre 2024

Vu les observations du parquet général en date du 9 octobre 2023,

Vu les observations du directeur général de l'INPI reçues au greffe le 12 octobre 2023,

Vu les observations de M. [S] remises au greffe par RPVA le 12 octobre 2023,

Vu l'arrêt du 27 octobre 2013 sollicitant l'avis de la Cour de cassation sur les questions susvisées et ordonnant un sursis à statuer sur l'ensemble dans demandes jusqu'à la réception de l'avis, ou à défaut jusqu'à l'expiration du délai prévu à l'article 1031-3 du code de procédure civile,

Vu l'avis de la Cour de cassation en date du 6 mars 2024,

Vu la constitution d'avocat de l'INPI pris en la personne de son directeur général en date du 19 mars 2024,

Vu la dénonciation le 21 mars 2024 par RPVA des conclusions du 22 juin 2022 de M. [S] à Me Abello, avocat de l'INPI pris en la personne de son directeur général,

Vu la dénonciation le 27 mars 2014 par RPVA de conclusions reprenant le mémoire du directeur général de l'INPI du 29 avril 2022 à l'avocat de M. [S],

Vu l'audience du 28 mars et le renvoi à celle du 30 mai 2014, M. [S] et l'INPI étant invités, par convocation du 16 avril 2024, à s'expliquer sur la recevabilité des conclusions de l'INPI,

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 15 mai 2024 par M. [S],

Vu les conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique par l'INPI le 24 avril et le 28 mai 2024,

Vu les observations du parquet général en date du 24 mai 2024, transmises par RPVA le 27 mai 2024,

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

SUR CE,

Il sera rappelé que M. [S] a déposé le 13 septembre 2018 auprès de l'INPI une demande de brevet ayant pour titre « Multiplicateur de force à manivelle et roue à masse ».

Le 17 décembre 2018, l'INPI l'a informé que sa demande était susceptible d'être rejetée en application des dispositions de l'article L. 612-12, 6° du code de la propriété intellectuelle. La notification lui impartissait un délai de deux mois pour régulariser sa demande en fournissant les pièces nécessaires, et l'informait qu'à défaut de régularisation, sa demande serait rejetée conformément à l'article R. 612-49 du code de la propriété intellectuelle.

Par courrier du 8 février 2019, le cabinet Vidon, conseil en propriété industrielle de M. [S], répondait que ce dernier réfutait les objections émises par l'INPI et qu'il maintenait que les revendications telles que déposées étaient conformes aux dispositions du code de la propriété intellectuelle.

Le 29 janvier 2020, l'INPI a notifié au cabinet Vidon un projet de décision de rejet de la demande de brevet d'invention n° 1858250, indiquant que la demande serait définitivement rejetée sauf s'il produisait dans les deux mois des éléments de nature à infléchir sa position.

Le 7 mars 2020, l'INPI informait M. [S] de la publication de sa demande de brevet au BOPI du 20 mars 2020 en application de l'article R. 612-39 du code de la propriété intellectuelle.

Le 17 mars 2021, M. [S] demandait à l'INPI, par l'intermédiaire de son avocat, de retirer cette publication au motif qu'elle lui causait un préjudice.

Le 8 avril 2021, l'INPI refusait de faire droit à cette demande expliquant que la publication de la demande de brevet était intervenue dans le respect des dispositions légales et qu'en tout état de cause, la 3ème annuité du brevet, venue à échéance le 30 septembre 2020, n'avait pas été réglée, le délai de grâce prévu à l'article L.612-19 du code de la propriété intellectuelle expirant quant à lui le 1er avril 2021.

Le 1er juin 2021, M. [S] déposait auprès de l'INPI, par l'intermédiaire de son avocat, « un recours indemnitaire préalable » et sollicitait une indemnisation de deux milliards d'euros en réparation du préjudice qu'il estimait avoir subi du fait de la publicité « indue » de son invention et de la perte d'exclusivité de toue exploitation commerciale sur celle-ci.

C'est dans ces circonstances que M. [S] a fait assigner l'INPI devant la cour d'appel de Paris en indemnisation de son préjudice subi du fait de la publication qu'il estime fautive de sa demande de brevet.

Sur la recevabilité du mémoire de l'INPI et de ses conclusions

Il a été dit que M. [S] a, selon acte d'huissier du 18 octobre 2021, fait assigner l'INPI en responsabilité pour obtenir une indemnisation du fait de la publication de sa demande de brevet n° 18 58250 du 13 septembre 2018 alors que l'INPI lui a notifié un projet de rejet de sa demande. Il sollicite, aux termes du dispositif de ses dernières écritures, la condamnation de l'INPI à lui verser la somme de 2 000 000 000 euros en réparation d'un préjudice correspondant à ses pertes financières du fait de cette publication de sa demande de brevet au BOPI ainsi que celle de 20 000 000 d'euros au titre d'un préjudice moral.

Cette action qui est portée devant la cour et qui vise à mettre en cause la responsabilité de l'INPI et obtenir sa condamnation au paiement de dommages intérêts n'est pas régie par les articles R. 411-19 et suivants du code de la propriété intellectuelle relatives aux recours exercés devant la cour d'appel contre les décisions du directeur général de l'INPI mais par les dispositions du code de procédure civile en conformité desquelles elles doivent en conséquence être formées, instruites et jugées.

Il s'ensuit que l'INPI, partie défenderesse à une telle action, est tenu de constituer avocat en application de l'article 899 du code de procédure civile et de respecter, à peine d'irrecevabilité de ses conclusions, le délai de trois mois prévu à l'article 909 du même code.

En conséquence, l'assignation ayant été délivrée le 18 octobre 2021, le mémoire déposé le 29 avril 2022 par l'INPI qui n'avait pas constitué avocat, ne peut être pris en considération par la cour, et les conclusions postérieures à la constitution de l'INPI du 19 mars 2024 doivent être déclarées irrecevables car hors délai.

Sur le responsabilité de l'INPI

Il résulte des pièces produites par M. [S] que l'INPI a informé le 17 décembre 2018 son conseil en propriété industrielle, le cabinet Vidon, que sa demande de brevet d'invention n°1858250 était susceptible d'être rejetée en application des dispositions de l'article L. 612-12, 6° du code de la propriété intellectuelle, puis lui a notifié le 29 janvier 2020 un projet de décision de rejet de la demande de brevet et l'a informé le 7 mars 2020 de la publication de sa demande de brevet au BOPI du 20 mars 2020 en application de l'article R. 612-39 du code de la propriété intellectuelle.

M. [S] reproche à l'INPI d'avoir publié sa demande de brevet et sollicite des dommages intérêts en réparation du préjudice subi consécutivement à cette publication qu'il estime fautive, faisant valoir que les conditions de la publication n'étaient pas réunies, ou du moins l'ont été à son insu, et que cette publication a eu pour conséquence de permettre à toutes personne de prendre connaissance du fonctionnement du dispositif faisant l'objet de la demande de brevet ainsi que de son potentiel d'exploitation commerciale. Il fait valoir que l'INPI « s'est opposé » à sa demande de brevet de sorte qu'en vertu des dispositions de l'article R. 612-39 du code de la propriété intellectuelle, il ne pouvait pas rendre publique sa demande, ajoutant n'avoir jamais reçu ni « décision officielle » de rejet de sa demande de brevet ni demande de paiement des annuités.

Ceci étant exposé, il convient de rappeler que conformément aux dispositions de l'article L. 612-21 du code de la propriété intellectuelle, l'INPI assure la publication du dossier de toute demande de brevet, par mention au BOPI, au terme d'un délai de dix-huit mois à compter de sa date de dépôt.

Selon l'article R. 612-39 du même code, :

« A l'expiration du délai de dix-huit mois prévu à l'article L. 612-21, ou à tout moment avant l'expiration de ce délai sur requête écrite du demandeur, mention est publiée au Bulletin officiel de la propriété industrielle que la demande de brevet est rendue publique (')

Toutefois, n'est pas rendue publique toute demande rejetée, retirée ou réputée retirée avant le début des préparatifs techniques entrepris en vue de la publication à moins qu'il ne s'agisse d'une demande ayant donné lieu à une division (') ».

Ainsi, la publication de la demande de brevet ne peut être empêchée qu'en cas de rejet ou de retrait de la demande de brevet en cause avant le début des préparatifs techniques entrepris en vue de la publication.

En l'espèce, dix-huit mois après la date de dépôt de la demande de M. [S] intervenu le 13 septembre 2018, l'INPI devait donc procéder à la publication conformément aux dispositions susvisées.

M. [S], qui était représenté devant l'INPI par un conseil en propriété industrielle, ne peut sérieusement soutenir qu' « il ne fait aucun doute que le courrier de l'INPI portant projet de décision de rejet de sa demande entend opposer effectivement une décision de rejet », tout en indiquant non sans une certaine contradiction, qu'il est toujours dans l'attente d'une « décision officielle » de rejet de sa demande de brevet. En effet, si aux termes de son courrier de notification du 17 décembre 2018, l'INPI informait M. [S] de l'impossibilité d'établir un rapport de recherche, il ne pouvait sur la base de ce seul constat, rejeter la demande de brevet sans avoir respecté la procédure contradictoire prévue à l'article R. 612-49 du code de la propriété intellectuelle. Ainsi, le 29 janvier 2020, au vu des observations en réponse de M. [S], un projet de décision de rejet de sa demande de brevet lui a été notifié lui indiquant qu'à défaut d'éléments nouveaux, une décision de rejet total de la demande lui serait notifiée, décision qui ne lui a pas été adressée avant l 'expiration du délai pour publier la demande de brevet.

Il en résulte qu'à la date de publication au BOPI, soit au 20 mars 2020, la demande de brevet de M. [S] n'était pas définitivement rejetée et qu'il appartenait à ce dernier d'empêcher la publication de sa demande s'il le souhaitait, en procédant à son retrait conformément aux dispositions de l'article R. 612-39 du code de la propriété intellectuelle précitées.

Enfin, s'agissant de l'absence de décision définitive de rejet de la part de l'INPI, que déplore M. [S], il suffit de constater que le courrier du 8 avril 2021 adressé à son avocat indique que la 3ème annuité du brevet venue à échéance le 30 septembre 2020 n'a pas été réglée, le délai de grâce prévu à l'article L 612-19 du code de la propriété intellectuelle expirant quant à lui le 1er avril 2021 et qu'une décision de déchéance du brevet prenant effet à la date de non-paiement de l'échéance de redevance, soit le 30 septembre 2020, lui sera notifiée.

M. [S] ne contestant pas avoir reçu cette notification de déchéance, celle-ci a donc emporté anéantissement du brevet et mis fin à la procédure de délivrance conformément à l'article R. 612-72 du code de la propriété intellectuelle, de sorte qu'il ne peut être reproché à l'INPI de ne pas avoir notifié à M. [S] une décision de rejet de la demande de brevet.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'aucune faute ne peut être reprochée à l'INPI quant à la publication de la demande de brevet d'invention n° 1858250 de M. [S] qui a ensuite été frappée de déchéance faute de règlement de la 3ème annuité.

En conséquence, ce dernier doit être débouté de l'ensemble de ses demandes indemnitaires.

Sur les autres demandes

M. [S] qui succombe gardera à sa charge les dépens de la présente procédure et ne peut voir prospérer sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Déclare irrecevables le mémoire déposé le 29 avril 2022 par l'INPI ainsi que les conclusions postérieures à sa constitution d'avocat comment étant tardives.

Déboute M. [S] de son action en responsabilité contre l'INPI et de ses demandes subséquentes en paiement de dommages intérêts.

Rejette la demande de M. [S] relative au remboursement de ses frais irrépétibles.

Laisse à M. [S] la charge des dépens de la présente procédure.