Livv
Décisions

CA Versailles, ch. com. 3-1, 26 septembre 2024, n° 21/02131

VERSAILLES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Athanor.net (Sté)

Défendeur :

Blockchain Partner (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Dubois-Stevant

Conseillers :

Mme Gautron-Audic, Mme Meurant

Avocats :

Me Dontot, Me Charriere Bournazel

Versailles, ch. com. 3-1, du 15 sept. 20…

15 septembre 2022

La société Athanor.net soutient que sa demande en nullité aurait dû être considérée comme recevable. D'une part, en se fondant sur le « guide » de l'INPI, elle fait valoir que si l'INPI est saisi d'une demande de nullité fondée sur plusieurs motifs, il est compétent dès lors qu'un seul des motifs permet de procéder à l'examen de la demande, qu'elle a apporté, selon elle, lors de sa demande en nullité des pièces pertinentes et a justifié de l'existence de son droit antérieur. D'autre part, se fondant sur les articles L. 712-2 et L. 711-3 du code de la propriété intellectuelle, la société Athanor.net observe qu'après avoir renoncé à ses demandes qui ne rentrent pas dans la compétence de l'INPI, l'Institut doit étudier sa demande tendant à voir reconnaitre son droit.

Le Directeur de l'INPI fait observer qu'en application du II de l'article L. 716-5 du code de la propriété intellectuelle, lorsqu'une seule des demandes soumises à l'INPI relève de sa compétence, l'ensemble des demandes relèvent de la compétence des tribunaux judiciaires et qu'en l'espèce, la société Athanor.net a, outre sa demande en nullité d'une marque, formulé plusieurs demandes connexes ne relevant manifestement pas de la compétence de l'INPI.

Selon l'article L. 716-5 du code de la propriété intellectuelle, les demandes en nullité exclusivement fondées sur un ou plusieurs des motifs énumérés à l'article L. 711-2, aux 1° à 5°, 9° et 10° du I de l'article L. 711-3, au III du même article ainsi qu'aux articles L. 715-4 et L. 715-9 ne peuvent être formées que devant l'INPI et les autres actions civiles et les autres demandes relatives aux marques, y compris lorsqu'elles portent également sur une question connexe de concurrence déloyale, sont exclusivement portées devant des tribunaux judiciaires déterminés par voie réglementaire. Ces mêmes tribunaux sont en outre exclusivement compétents lorsque les demandes relevant de la compétence de l'INPI sont formées par les parties de façon connexe à toute autre demande relevant de la compétence du tribunal.

Le guide de procédure publié sur le site internet de l'INPI indique explicitement, en page 21, que la demande a un seul et unique objet, soit la nullité ou la déchéance de la marque contestée, et, qu'elle peut être fondée sur un ou plusieurs motifs sans qu'elle ne puisse être étendue à d'autres motifs que ceux invoqués dans la demande initiale.

En l'espèce, le 19 novembre 2020, la société Athanor.net a formé une demande en nullité contre la marque BLOCKCHAIN FRANCE et des demandes tendant à l'interdiction d'utiliser sous quelque forme et à quelque titre que ce soit la dénomination Blockchain sous astreinte de 10.000 euros à compter de la signification du « jugement » à intervenir et à la condamnation pécuniaire en réparation des préjudices subis et frais irrépétibles.

Or, ces deux dernières demandes ne relèvent pas de la compétence de l'INPI et, en réponse à la lettre de l'INPI du 16 décembre 2020 faisant état de l'irrecevabilité de la demande en nullité pour ce motif, la société Athanor.net a renoncé à ses seuls « motifs relatifs aux demandes de condamnation pécuniaire en réparation des préjudices subis et frais irrépétibles » sans renoncer à sa demande en réparation ni, en toute hypothèse, renoncer à sa demande d'interdiction sous astreinte de l'emploi de la dénomination Blockchain.

Il s'ensuit que c'est à juste titre que l'INPI a déclaré irrecevable la demande en nullité formée par la société Athanor.net.

Toutefois, devant la cour, la société Athanor.net, renonçant à ses autres demandes, forme une seule demande en nullité de la marque BLOKCHAIN FRANCE de sorte que, la cause d'irrecevabilité de la demande ayant disparu avant que la cour ne statue, il convient d'infirmer la décision de l'INPI et de statuer sur le fond.

Sur le fond :

Au soutien de sa demande fondée sur l'article L. 711-3, I, 1°, b), du code de la propriété intellectuelle, la société Athanor.net invoque l'atteinte à ses droits antérieurs sur la marque de l'Union européenne BLOCKCHAIN n°15469166 déposée le 24 mai 2016 bénéficiant de la priorité de la marque française BLOCKCHAIN n° 154228856 déposée le 26 novembre 2015, le fait que la marque critiquée est identique ou similaire à la marque antérieure dont elle est titulaire et que les produits ou les services que la marque critiquée désigne sont identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque antérieure est protégée, un risque de confusion existant dans l'esprit du public.

Elle fait valoir qu'elle a été la première à détenir la dénomination « Blockchain » et qu'il est démontré que la marque BLOCKCHAIN FRANCE a été enregistrée postérieurement à la marque BLOCKCHAIN , que les deux marques partagent les classifications de [Localité 6] 35, 36, 38 et 42 et, ainsi, la majorité de ses produits et services, que, dès lors que les classes dans lesquelles a été déposée la marque critiquée sont les mêmes que celle lui appartenant, il n'est pas nécessaire de démontrer l'utilisation faite par le déposant d'une marque contrefaisante, un risque de confusion entre les produits étant suffisant, que les inscriptions des marques qui lui appartiennent ont été enregistrées au sein du répertoire TMCH, dont la marque BLOCKCHAIN dès 2017, que la marque BLOCKCHAIN est régulièrement exploitée, que sa renommée est acquise au niveau national et international, que la marque BLOCKCHAIN FRANCE ne respecte pas cette antériorité et utilise la marque à des fins similaires.

Le Directeur de l'INPI observe que la demande en nullité n'est pas correctement étayée dans la mesure où la société Athanor.net ne met pas en relation les libellés des marques afin de démontrer que les produits et services en cause seraient identiques ou similaires et qu'elle ne présente pas d'éléments sur la proximité des signes, que la classification de [Localité 6] relative aux produits et services n'a pas de valeur juridique et n'emporte aucune présomption d'identité ou de similarité entre les libellés expressément enregistrés.

L'article L. 711-3 du code de la propriété intellectuelle dispose que :

« I. Ne peut être valablement enregistrée et, si elle est enregistrée, est susceptible d'être déclarée nulle une marque portant atteinte à des droits antérieurs ayant effet en France, notamment :

1° Une marque antérieure :

(')

b) lorsqu'elle est identique ou similaire à la marque antérieure et que les produits ou les services qu'elle désigne sont identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque antérieure est protégée, s'il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d'association avec la marque antérieure; (') ».

L'antériorité de la marque verbale BLOCKCHAIN n'est pas discutée.

Il appartient à la société Athanor.net de démontrer que la marque critiquée BLOCKCHAIN FRANCE est identique ou similaire à la marque BLOCKCHAIN, que les produits ou services que cette marque BLOCKCHAIN FRANCE désigne sont identiques ou similaires à ceux désignés par la marque dont elle est titulaire et, en cas de simple similarité, qu'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public incluant le risque d'association avec la marque BLOCKCHAIN.

La marque verbale critiquée n'est pas identique mais similaire à la marque verbale BLOCKCHAIN qui lui est antérieure. Le seul ajout du mot « France » qui l'en distingue confère cependant à cette similitude un degré très fort.

Il appartient à la société Anthanor.net de rapporter par ailleurs la preuve de l'identité des produits ou services désignés par les marques BLOCKCHAIN et BLOCKCHAIN FRANCE ou la présence d'une similitude entre les produits ou les services désignés et, dès lors que la marque verbale n'est pas identique, l'existence d'un risque de confusion dans l'esprit du public.

Or la société Athanor.net affirme, sans produire aucune pièce à l'appui de ses dires, que la société Blockchain France associés se fait connaître comme elle dans les domaines de l'audit et de la stratégie, des développements spécifiques, de l'expertise en « blockchain » et « smart contracts », de la cybersécurité. Dans ces conditions, la seule identité des classes de produits et services, issues de la classification de [Localité 6], indiquées dans les dépôts des marques BLOCKCHAIN et BLOCKCHAIN France, soit les classes 35, 36, 38 et 42, ne permet pas d'établir une identité ni même une similitude entre les produits ou les services désignés par ces marques.

Au surplus, la société Athanor.net ne rapporte pas non plus la preuve qui lui incombe, dès lors que l'identité des marques et des produits ou services désignés n'est pas établie, d'un risque de confusion dans l'esprit du public. La cour observe sur ce point que si les deux marques verbales en cause présentent un très fort degré de similitude, la marque antérieure BLOCKCHAIN est dépourvue de caractère distinctif et que la société Athanor.net manque également à établir la renommée de cette marque BLOCKCHAIN de sorte qu'en toute hypothèse le risque de confusion n'est pas non plus caractérisé.

Ainsi, malgré le très fort degré de similitude entre les deux marques verbales, la société Athanor.net est défaillante dans l'administration de la preuve de l'identité ou d'un degré de similitude suffisamment important des produits ou services que les deux marques désignent et de l'existence d'un risque de confusion.

Il s'ensuit que la demande en nullité sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt réputé contradictoire,

Infirme la décision déférée ;

Statuant à nouveau,

Déclare recevable la demande en nullité ;

La rejette ;

Y ajoutant,

Déboute la société Athanor.net de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Athanor.net aux dépens.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.