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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 27 septembre 2024, n° 21/14955

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Orange (SA)

Défendeur :

Consommation, Logement et Cadre de Vie (CLCV)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Ardisson

Conseillers :

Mme L'eleu de la Simone, Mme Guillemain

Avocats :

Me Boccon Gibod, Me Sauphanor, Me Pachalis, Me Nasry

TJ Paris, du 27 juill. 2021, n° 20/13248

27 juillet 2021

FAITS ET PROCEDURE

L'association Consommation, Logement et Cadre de Vie (CLCV) est une association de défense des consommateurs, agréée pour exercer sur le plan national les droits reconnus aux associations de consommateurs par le code de la consommation.

La SA Orange, anciennement France Télécom, exerce à titre principal, sous le contrôle de l'Autorité de Régulation des Communications Electroniques et des Postes (ARCEP) une activité de services de communications électroniques, dont elle est l'un des principaux opérateurs en France. Pour ce qui concerne la téléphonie mobile, elle fournit un accès très haut débit à l'internet mobile au moyen de la nouvelle technologie « 5G », via les forfaits mobiles « 4G » « compatibles 5G », connus sous la dénomination « 4G/5G », qu'elle commercialise depuis le 18 novembre 2020.

Imputant à la société Orange des pratiques commerciales trompeuses, dans le cadre de la commercialisation des forfaits « 4G/5G » depuis son site Internet « https://boutique.orange.fr », tenant notamment au caractère flou et confus de l'information relative la disponibilité géographique du réseau 5G, par acte d'huissier de justice du 24 décembre 2020, l'association CLCV l'a assignée à jour fixe devant le tribunal judiciaire de Paris en cessation de ces pratiques et en réparation du préjudice collectif des consommateurs.

Par jugement en date du 27 juillet 2021, le tribunal judiciaire de Paris a :

- Ordonné à la société Orange, à l'occasion de l'ensemble de sa politique de déploiement de la nouvelle technologie numérique de la communication « G5 » et de l'ensemble de ses offres contractuelles commerciales « Forfaits G4/G5 » qui s'y rattache, de cesser d'utiliser l'expression « Forfaits G4/G5 » sans permettre par un lien hypertexte l'accès immédiat, d'une part à une carte de couverture géographique de l'ensemble des zones où sont aménagés ou en projet d'aménagement les réseaux G7 (sic) nécessaires sur l'ensemble du territoire français, dans le strict respect de toutes les conditions énoncées dans la recommandation du 22 octobre 2020 de l'Autorité de Régulation des Communications Electroniques et des Postes (ARCEP), et d'autre part à l'ensemble de l'information nécessaire concernant les débits minimums autant que maximums ;

- Dit que l'injonction qui précède devra être exécutée dans un délai d'un mois à compter de la signification du jugement, sous astreinte provisoire de 10.000 € par jour de retard à l'expiration de ce délai, l'astreinte ne pouvant durer pendant plus de trois mois ;

- Condamné la société Orange à payer au profit de l'association CLCV la somme de 15.000 €, à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice occasionné à l'intérêt collectif des consommateurs du fait des agissements susmentionnés ;

- Condamné la société Orange à diffuser sur son site Internet « https://boutique.orange.fr » le communiqué de presse ci-après libellé :

« COMMUNIQUÉ JUDICIAIRE

Sur assignation de l'association CLCV, par jugement rendu le 27 juillet 2021, le tribunal judiciaire de Paris a condamné la société ORANGE pour avoir mis en 'uvre une pratique commerciale trompeuse, en l'occurrence pour avoir sciemment omis, dans le cadre de la commercialisation des forfaits « 4G/5G», de présenter dans des conditions satisfaisantes les restrictions d'usage apportées à ce service, en ce qui concerne d'une part la disponibilité effective du réseau 5G et d'autre part les débits minimums réellement disponibles.

Ce communiqué judiciaire est diffusé pour informer les consommateurs. » ;

- Dit que ce communiqué de presse devra être publié dans une taille de caractère qui ne soit pas inférieure à 12, l'intitulé devant apparaître en lettres majuscules et en caractères gras ;

- Dit que ce communiqué judiciaire devra être diffusé pendant un délai d'un mois sur le site Internet « https://boutique.orange.fr » de la société Orange, y être accessible par un lien hypertexte intitulé « Communiqué judiciaire » et situé sur toutes les premières pages d'accueil de ce site Internet diffusé sur les ordinateurs, tablettes et téléphones, ainsi que sur les pages d'accueil de ses réseaux sociaux (Facebook, Instagram, Twitter, LinkedIn), la mise en place de l'ensemble de ce dispositif devant intervenir dans un délai d'un mois à compter de la signification de la décision et sous astreinte provisoire de 10.000 € par jour de retard à l'expiration de ce délai, cette astreinte ne pouvant courir que pendant une durée maximale de trois mois ;

- Condamné la société Orange à payer au profit de l'association CLCV une indemnité de 5.000 €, en dédommagement de ses frais irrépétibles prévus à l'article 700 du code de procédure civile ;

- Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

- Rappelé en tant que de besoin que l'exécution provisoire était de droit ;

- Condamné la société Orange aux entiers dépens de l'instance, dont distraction en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Maître Erkia Nasry, avocat au barreau de Paris

La société Orange a formé appel du jugement, par déclaration du 29 juillet 2021.

Par conclusions transmises via le réseau privé virtuel des avocats, le 28 janvier 2022, l'association CLCV a interjeté un appel incident.

Saisi d'un incident, le conseiller de la mise en état a, dans une ordonnance rendue le 23 février 2023, rejeté la demande de radiation de l'association CLCV pour défaut d'exécution du jugement.

Dans ses dernières conclusions, transmises par voie électronique, le 19 octobre 2023, la SA Orange demande à la Cour, au visa des articles L. 121-1, L.121-2, L. 121-3, L. 224-27 et suivants et D. 224-58 du code de la consommation, de l'article 1240 du code civil ainsi que des articles 6, 9 et 12 du code de procédure civile, de :

« - DECLARER Orange recevable et bien fondé en son appel ;

- INFIRMER le Jugement du Tribunal judiciaire de Paris du 27 juillet 2021 en ce qu'il a statué par les chefs suivants ;

« ORDONNE à la S.A. ORANGE, à l'occasion de l'ensemble de sa politique de déploiement de la nouvelle technologie numérique de la communication « G5 » et de l'ensemble de ses offres contractuelles commerciales « Forfaits G4/G5 » qui s'y rattache, de cesser d'utiliser l'expression « Forfaits G4/G5 » sans permettre par un lien hypertexte l'accès immédiat, d'une part à une carte de couverture géographique de l'ensemble des zones où sont aménagés ou en projet d'aménagement les réseaux G7 nécessaires sur l'ensemble du territoire français, dans le strict respect de toutes les conditions énoncées dans la recommandation du 22 octobre 2020 de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des Postes (ARCEP), et d'autre part à l'ensemble de l'information nécessaires concernant les débits minimums autant que maximums » ;

« DIT que l'injonction qui précède devra être exécutée dans un délai d'un mois à compter de la signification de la présente décision et sous astreinte provisoire de 10.000 € par jour de retard à l'expiration de ce délai, l'astreinte ne pouvant durer pendant plus de trois mois » ;

« CONDAMNE la S.A. ORANGE à payer au profit de l'association CONSOMMATION, LOGEMENT ET CADRE DE VIE (CLCV) la somme de 15.000 €, à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice occasionné à l'intérêt collectif des consommateurs du fait des agissements susmentionnés » ;

« CONDAMNE la S.A. ORANGE à diffuser sur son site Internet https://boutique.orange.fr le communiqué de presse ci-après libellé :

« COMMUNIQUÉ JUDICIAIRE

Sur assignation de l'association CLCV, par jugement rendu le 27 juillet 2021, le tribunal judiciaire de Paris a condamné la société ORANGE pour avoir mis en oeuvre une pratique commerciale trompeuse, en l'occurrence pour avoir sciemment omis, dans le cadre de la commercialisation des forfaits « 4G/5G», de présenter dans des conditions satisfaisantes les restrictions d'usage apportées à ce service, en ce qui concerne d'une part la disponibilité effective du réseau 5G et d'autre part les débits minimum réellement disponibles.

Ce communiqué judiciaire est diffusé pour informer les consommateurs. » ;

« DIT que ce communiqué de presse devra être publié dans une taille de caractère qui ne soit pas inférieure à 12, l'intitulé devant apparaître en lettres majuscules et en caractères gras ;

« DIT que ce communiqué judiciaire devra être diffusé pendant un délai d'un mois sur le site Internet « https://boutique.orange.fr » de la S.A. ORANGE, y être accessible par un lien hypertexte intitulé « Communiqué judiciaire » et situé sur toutes les premières pages d'accueil de ce site Internet diffusé sur les ordinateurs, tablettes et téléphones, ainsi que sur les pages d'accueil de ses réseaux sociaux (Facebook, Instagram, Twitter, LinkedIn), la mise en place de l'ensemble de ce dispositif devant intervenir dans un délai d'un mois à compter de la signification de la présente décision et sous astreinte provisoire de 10.000 € par jour de retard à l'expiration de ce délai, cette astreinte ne pouvant courir que pendant une durée maximale de trois mois » ;

« CONDAMNE la S.A. ORANGE à payer au profit de l'association CLCV une indemnité de 5.000 €, en dédommagement de ses frais irrépétibles prévus à l'article 700 du code de procédure civile » ;

« DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires », mais uniquement lorsqu'il déboute la société ORANGE de ses demandes tendant à voir :

déclarer que l'action de la CLCV est mal-fondée ;

débouter la CLCV de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

condamner la CLCV à payer à la société Orange la somme de 50.000 euros au titre du préjudice subi par cette dernière du fait du dénigrement injustifié commis par la CLCV à l'encontre de l'offre commerciale d'Orange ;

ordonner la publication dans un délai d'un mois à compter de la publication du jugement à intervenir dans trois quotidiens nationaux, dans trois revues spécialisées au choix d'Orange et aux frais de la demanderesse et sur le réseau social Twitter via le compte officiel de la CLCV, pour un montant maximum de 10.000 euros H.T. par publication, d'un communiqué judiciaire qui pourrait être le suivant :

« COMMUNIQUE JUDICIAIRE :

Par jugement en date du [--], le tribunal judiciaire de Paris a ordonné la publication du présent communiqué, aux frais de l'association Consommation, Logement et Cadre de Vie (CLCV), afin d'informer le public que l'association Consommation, Logement et Cadre de Vie, dans le cadre d'une campagne de communication menée en 2020 et 2021 au sujet d'une action en justice qu'elle a intentée à l'encontre d'Orange, a accusé Orange de certains faits inexacts ' notamment en affirmant à tort qu'Orange n'aurait pas informé les consommateurs des conditions de disponibilité de son réseau 5G de façon appropriée » ;

ordonner également, dans le même délai et sous une astreinte de 5.000 euros par jour de retard, l'affichage pendant une durée de trente jours consécutifs de ce communiqué judiciaire, sur la page d'accueil du site internet de la CLCV, accessible à l'adresse « https://www.clcv.org » en caractères très apparents ;

condamner, la CLCV à payer à la société Orange la somme de 25.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner, la CLCV aux entiers dépens ;

« RAPPELLE en tant que de besoin que l'exécution provisoire de la présente décision est de droit » ;

« CONDAMNE la S.A. ORANGE aux entiers dépens de l'instance, dont distraction en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Maître Erkia Nasry, Avocat au barreau de Paris ».

Statuant à nouveau :

- DEBOUTER la CLCV de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- DEBOUTER la CLCV de son appel incident ;

- CONDAMNER, la CLCV à payer à la société Orange la somme de 50.000 euros au titre du préjudice subi par cette dernière du fait du dénigrement injustifié commis par la CLCV à l'encontre de l'offre commerciale d'Orange ;

- ORDONNER la publication dans un délai d'un mois à compter de la publication de l'arrêt à intervenir dans trois quotidiens nationaux, dans trois revues spécialisées au choix d'Orange et aux frais de la demanderesse et sur le réseau social Twitter via le compte officiel de la CLCV, pour un montant maximum de 10.000 euros H.T. par publication, d'un communiqué judiciaire qui pourrait être le suivant :

« COMMUNIQUE JUDICIAIRE :

Par arrêt en date du [--], la Cour d'appel de Paris a ordonné la publication du présent communiqué, aux frais de l'association Consommation, Logement et Cadre de Vie (CLCV), afin d'informer le public que la CLCV, dans le cadre d'une campagne de communication menée en 2020 et 2021 au sujet d'une action en justice qu'elle a intentée à l'encontre d'Orange, a accusé Orange à tort de pratiques commerciale trompeuse notamment en affirmant qu'Orange n'aurait pas informé les consommateurs des conditions de disponibilité de son réseau 5G de façon appropriée » ;

- ORDONNER également, dans le même délai et sous une astreinte de 5.000 euros par jour de retard, l'affichage pendant une durée de trente jours consécutifs de ce communiqué judiciaire, sur la page d'accueil du site internet de la CLCV, accessible à l'adresse https://www.clcv.org en caractères très apparents ;

CONDAMNER, la CLCV à payer à la société Orange la somme de 50.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

DIRE que ceux d'appel seront recouvrés par Maître Matthieu BOCCON GIBOD, SELARL LEXAVOUE PARIS VERSAILLES conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile. »

Dans ses dernières conclusions, communiquées par voie électronique, le 29 mars 2024, l'association Consommation, Logement et Cadre de Vie (CLCV) demande à la Cour, sur le fondement des articles L. 121-1 et suivants, L. 621-1 et suivants et L. 811-1 du code de la consommation, ainsi que de l'article 1240 du code civil, de :

« Déclarer l'association CONSOMMATION LOGEMENT ET CADRE DE VIE (CLCV) recevable et bien fondée en son appel incident et y faire droit,

En conséquence,

Confirmer le jugement du 21 juillet 2021 du Tribunal Judiciaire de PARIS en ce qu'il a

Ordonné à la S.A. ORANGE, à l'occasion de l'ensemble de sa politique de déploiement de la nouvelle technologie numérique de la communication « 5G » et de l'ensemble de ses offres contractuelles commerciales « Forfaits 4G/5G » qui s'y rattache, de cesser d'utiliser l'expression « Forfaits 4G/5G » sans permettre par un lien hypertexte l'accès immédiat, d'une part à une carte de couverture géographique de l'ensemble des zones où sont aménagés ou en projet d'aménagement les réseaux 5G nécessaires sur l'ensemble du territoire français, dans le strict respect de toutes les conditions énoncées dans la recommandation du 22 octobre 2020 de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des Postes (ARCEP), et d'autre part à l'ensemble de l'information nécessaires concernant les débits minimums autant que maximums ;

Dit que l'injonction qui précède devra être exécutée dans un délai d'un mois à compter de la signification de la présente décision et sous astreinte provisoire de 10.000 € par jour de retard à l'expiration de ce délai, l'astreinte ne pouvant durer pendant plus de trois mois ;

Condamné la S.A. ORANGE à diffuser sur son site Internet « https://boutique.orange.fr » le communiqué de presse ci-après libellé :

« COMMUNIQUÉ JUDICIAIRE

Sur assignation de l'association CLCV, par jugement rendu le 27 juillet 2021, le tribunal judiciaire de Paris a condamné la société ORANGE pour avoir mis en 'uvre une pratique commerciale trompeuse, en l'occurrence pour avoir sciemment omis, dans le cadre de la commercialisation des forfaits « 4G/5G», de présenter dans des conditions satisfaisantes les restrictions d'usage apportées à ce service, en ce qui concerne d'une part la disponibilité effective du réseau 5G et d'autre part les débits minimums réellement disponibles.

Ce communiqué judiciaire est diffusé pour informer les consommateurs. » ;

Dit que ce communiqué de presse devra être publié dans une taille de caractère qui ne soit pas inférieure à 12, l'intitulé devant apparaître en lettres majuscules et en caractères gras ;

Dit que ce communiqué judiciaire devra être diffusé pendant un délai d'un mois sur le site Internet « https://boutique.orange.fr » de la S.A. ORANGE, y être accessible par un lien hypertexte intitulé « Communiqué judiciaire » et situé sur toutes les premières pages d'accueil de ce site Internet diffusé sur les ordinateurs, tablettes et téléphones, ainsi que sur les pages d'accueil de ses réseaux sociaux (Facebook, Instagram, Twitter, LinkedIn), la mise en place de l'ensemble de ce dispositif devant intervenir dans un délai d'un mois à compter de la signification de la présente décision et sous astreinte provisoire de 10.000 € par jour de retard à l'expiration de ce délai, cette astreinte ne pouvant courir que pendant une durée maximale de trois mois ;

Condamné la S.A. ORANGE à payer au profit de l'association CLCV une indemnité de 5.000 €, en dédommagement de ses frais irrépétibles prévus à l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamné la S.A. ORANGE aux entiers dépens de l'instance, dont distraction en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Maître Erkia Nasry, Avocat au barreau de Paris

Infirmer le jugement du 21 juillet 2021 du Tribunal Judiciaire de PARIS pour le surplus,

Statuant à nouveau :

Condamner la société ORANGE à verser à l'Association CLCV la somme de 2.000.000 € en réparation du préjudice causé à l'intérêt collectif des consommateurs,

Débouter la société ORANGE de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions exposées tant en première instance qu'en cause d'appel,

Condamner la société ORANGE à verser à l'Association CLCV la somme de 20.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

Condamner la société ORANGE aux entiers dépens dont distraction, pour ceux le concernant, au profit de Maître Christophe Pachalis en application de l'article 699 du Code de Procédure Civile. »

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux écritures des parties susvisées quant à l'exposé détaillé de leurs prétentions et moyens respectifs.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 4 avril 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'existence de pratiques commerciales trompeuses

Enoncé des moyens

L'association CLCV prétend que la communication de la société Orange, relative aux abonnements dits « Forfaits 4G/5G » est constitutive de pratiques commerciales trompeuses, au sens des dispositions des articles L. 121-1 et suivants du code de la consommation. Elle fait valoir, plus précisément, que les mentions restrictives venant limiter la portée de l'engagement sur l'accessibilité à la technologie 5G ne figurent pas dans le même corps de texte que la présentation de l'offre elle-même, et que c'est seulement au moyen d'une mention restrictive, figurant en extrême fin de page du site présentant les forfaits mobiles, à laquelle n'est fait aucun renvoi, que l'opérateur fait état des restrictions non négligeables au service proposé. Elle soutient que l'information relative à la disponibilité du réseau 5G, accessible après le déroulé de l'équivalent de neuf pages, est volontairement floue, et ne permet pas au consommateur, qui souhaite souscrire un forfait « 4G/5G » de s'assurer de la disponibilité de ce réseau, dans les lieux d'utilisation les plus probables. Afin d'assurer son information, il aurait été nécessaire, selon elle, de prévoir un accès direct à la carte de couverture géographique du réseau 5G sur la page de présentation des offres, à proximité de leur canal de souscription. Elle en déduit que le consommateur n'est aucunement alerté de l'absence éventuelle d'accessibilité au réseau 5G, ni invité à vérifier sa disponibilité géographique dans la zone qui lui importe. Elle prétend, enfin, que les modifications du site, réalisées par la société Orange, en cours de procédure, notamment l'insertion d'une nouvelle carte de couverture du réseau, demeurent insuffisantes pour renseigner utilement le consommateur.

La société Orange prétend, quant à elle, que les procès-verbaux d'huissier du 15 décembre 2020, produits par la partie adverse, ne sont pas probants, en ce qu'ils ne permettent pas d'établir l'absence de mise à la disposition d'une carte de couverture du réseau 5G, non plus que son irrégularité, l'huissier ayant notamment omis de cliquer sur certains liens hypertextes. Elle ajoute qu'aucune norme n'impose aux opérateurs de faire état, dans leur communication publicitaire, des débits minimums garantis ce qui est, selon elle, techniquement impossible ; elle souligne, à cet égard, que l'arrêté du 16 mars 2006 relatif aux contrats de services de communication électronique s'applique uniquement aux contrats, et que ce texte a, de toute façon, était abrogé avant même l'introduction de l'instance. Elle soutient que la carte de couverture accessible depuis la boutique en ligne de son site internet respecte, par ailleurs, les recommandations de l'ARCEP, en soulignant que celle-ci fait apparaître nettement les villes d'ores et déjà couvertes par le réseau 5G ou en voie de l'être prochainement, de même que la nécessité de disposer d'un terminal compatible est précisée. Elle rappelle que les dispositions du code de la consommation relatives aux pratiques commerciales trompeuses sont d'interprétation stricte, en raison de leur nature répressive, tout en faisant valoir que les recommandations de l'ARCEP n'ont elles-mêmes aucune valeur normative. Elle ajoute que l'accès à la technologie 5G ne fait, par ailleurs, l'objet d'aucune facturation dans le cadre de la commercialisation des forfaits 4G/5G, dont le tarif plus élevé que les forfaits 4G est justifié au vu d'options et de services supplémentaires. Elle explique qu'elle a, en outre, complété les informations figurant sur le site internet, depuis l'introduction de la procédure. Elle estime, en conséquence, que son offre commerciale ne présente aucun caractère trompeur et qu'en tout état de cause, celle-ci n'est pas susceptible d'altérer de façon substantielle le comportement économique du consommateur. Elle considère, enfin, que le caractère intentionnel de l'infraction de pratiques commerciales trompeuses n'est pas caractérisé.

Réponse de la Cour

L'article L. 121-1 du code de la consommation, dans sa version issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, applicable aux faits de la cause dispose :

« Les pratiques commerciales déloyales sont interdites.

Une pratique commerciale est déloyale lorsqu'elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu'elle altère ou est susceptible d'altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l'égard d'un bien ou d'un service.

Le caractère déloyal d'une pratique commerciale visant une catégorie particulière de consommateurs ou un groupe de consommateurs vulnérables en raison d'une infirmité mentale ou physique, de leur âge ou de leur crédulité s'apprécie au regard de la capacité moyenne de discernement de la catégorie ou du groupe.

Constituent, en particulier, des pratiques commerciales déloyales les pratiques commerciales trompeuses définies aux articles L. 121-2 à L. 121-4 et les pratiques commerciales agressives définies aux articles L. 121-6 et L. 121-7. »

Selon l'article L. 121-2 du code de la consommation, issu de la même version, « Une pratique commerciale est trompeuse si elle est commise dans l'une des circonstances suivantes :

1° Lorsqu'elle crée une confusion avec un autre bien ou service, une marque, un nom commercial ou un autre signe distinctif d'un concurrent ;

2° Lorsqu'elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l'un ou plusieurs des éléments suivants :

a) L'existence, la disponibilité ou la nature du bien ou du service ;

b) Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, à savoir : ses qualités substantielles, sa composition, ses accessoires, son origine, sa quantité, son mode et sa date de fabrication, les conditions de son utilisation et son aptitude à l'usage, ses propriétés et les résultats attendus de son utilisation, ainsi que les résultats et les principales caractéristiques des tests et contrôles effectués sur le bien ou le service ;

c) Le prix ou le mode de calcul du prix, le caractère promotionnel du prix et les conditions de vente, de paiement et de livraison du bien ou du service ;

d) Le service après-vente, la nécessité d'un service, d'une pièce détachée, d'un remplacement ou d'une réparation ;

e) La portée des engagements de l'annonceur, la nature, le procédé ou le motif de la vente ou de la prestation de services ;

f) L'identité, les qualités, les aptitudes et les droits du professionnel ;

g) Le traitement des réclamations et les droits du consommateur ;

3° Lorsque la personne pour le compte de laquelle elle est mise en 'uvre n'est pas clairement identifiable. »

L'article L. 121-3, tel que modifié par la loi n° 2017-203 du 21 février 2017, prévoit que :

« Une pratique commerciale est également trompeuse si, compte tenu des limites propres au moyen de communication utilisé et des circonstances qui l'entourent, elle omet, dissimule ou fournit de façon inintelligible, ambiguë ou à contretemps une information substantielle ou lorsqu'elle n'indique pas sa véritable intention commerciale dès lors que celle-ci ne ressort pas déjà du contexte.

Lorsque le moyen de communication utilisé impose des limites d'espace ou de temps, il y a lieu, pour apprécier si des informations substantielles ont été omises, de tenir compte de ces limites ainsi que de toute mesure prise par le professionnel pour mettre ces informations à la disposition du consommateur par d'autres moyens.

Dans toute communication commerciale constituant une invitation à l'achat et destinée au consommateur mentionnant le prix et les caractéristiques du bien ou du service proposé, sont considérées comme substantielles les informations suivantes :

1° Les caractéristiques principales du bien ou du service ;

2° L'adresse et l'identité du professionnel ;

3° Le prix toutes taxes comprises et les frais de livraison à la charge du consommateur, ou leur mode de calcul, s'ils ne peuvent être établis à l'avance ;

4° Les modalités de paiement, de livraison, d'exécution et de traitement des réclamations des consommateurs, dès lors qu'elles sont différentes de celles habituellement pratiquées dans le domaine d'activité professionnelle concerné ;

5° L'existence d'un droit de rétractation, si ce dernier est prévu par la loi. »

La loi distingue ainsi les pratiques commerciales trompeuses par action et par omission.

Ces dispositions, qui sont pénalement sanctionnées par les articles L. 132-1 et suivants du code de la consommation, sont d'interprétation stricte. Les pratiques, qui ne sont pas réputées trompeuses, ne sont interdites qu'autant qu'elles sont susceptibles d'altérer de manière substantielle le comportement économique d'un consommateur, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé.

Il appartient à la partie poursuivante de rapporter la preuve des faits qu'elle allègue, conformément aux articles 6 et 9 du code de procédure civile.

En l'occurrence, au mois de décembre 2020, la société Orange commercialisait depuis son site Internet « https://boutique.orange.fr », au moyen d'une publicité diffusée au plan national, des forfaits mobile 4G 7Go avec un abonnement mensuel de 19,99 € aux côtés de forfaits mobile dits « 4G/5G » 70Go au prix d'un abonnement mensuel de 24,99 €, ces abonnements incluant, l'un et l'autre, une durée d'engagement obligatoire de douze mois.

Il est constant que l'accès au réseau 5G constitue une caractéristique essentielle de l'offre d'abonnement des forfaits mobile dits « 4G/5G ». En effet, comme l'a relevé le tribunal, le nouveau réseau 5G, qui entend se substituer au réseau 4G, a pour objectif d'offrir des débits encore plus élevés, ainsi que de nouveaux usages.

L'utilisation de cette nouvelle technologie apparaît ainsi déterminante de la décision du consommateur de souscrire un forfait 4G/5G, quand bien même celui-ci inclurait des services supplémentaires, justifiant son prix plus élevé, sans que l'accès au réseau 5G soit facturé. Le moyen tiré de l'absence de surcoût des forfaits 4G/5G, invoqué par la société Orange, apparaît dès lors inopérant.

Il y a lieu d'estimer que les explications figurant sur le site internet de l'opérateur permettent effectivement au consommateur de distinguer les technologies 4G et 5G, ce qui n'est pas remis en cause, non plus que la qualité de ses réseaux.

L'association CLCV impute, pour autant, à la société Orange un manque de transparence quant aux modalités d'accès au réseau 5G.

Cette dernière ne conteste pas qu'au moment des faits dénoncés, le réseau 5G ne couvrait pas toute l'étendue du territoire national, mais uniquement certaines villes, étant précisé que ce réseau avait alors vocation à être progressivement déployé. Par hypothèse, le réseau 4G était donc le seul réseau accessible dans certaines localités, à moins pour le consommateur de se déplacer dans une ville couverte par la 5G.

L'association CLCV produit deux constats d'huissier en date du 15 décembre 2020, établis à partir de captures d'écran, avant l'introduction de l'instance, dont il résulte qu'aucune information précise portant sur les restrictions de la couverture géographique de l'accès au réseau 5G ne figure sur la page du site présentant les forfaits mobiles.

Cette page comprend uniquement une mention relative à la 5G, libellée dans les termes suivants « Accessible en France métropolitaine avec offre et équipement compatible, uniquement dans les zones déployées (+ de 160 communes couvertes à fin décembre). Débit maximum théorique de connexion en réception jusqu'à 2,1 Gbit/s dans les zones couvertes en 3,5 Ghz avec agrégation des quatre bandes de fréquence 4G et jusqu'à 615 Mbit/s pour les zones couvertes par la bande 2100 Mhz utilisée pour la 4G. Couverture détaillée sur reseaux.orange.fr ».

Cette mention restrictive figure tout au bas de la page d'accès, en petits caractères, de sorte qu'elle est difficilement visible, pour un consommateur normalement attentif.

En outre, l'information qu'elle comporte est incomplète, en ce qu'elle ne permet pas au consommateur de s'assurer de l'accessibilité du réseau dans un lieu d'utilisation donné, faute de précision quant aux communes couvertes. Comme le souligne l'association CLCV, la mention « dans les zones déployées (+ de 160 communes couvertes à fin décembre) » ne présente ainsi aucune utilité.

La mention restrictive renvoie, pour plus de précisions, à la page internet reseaux.orange.fr., supposée être accessible depuis un lien hypertexte situé dans paragraphe relatif à la 4G+ et la 4G, au-dessus du paragraphe associé à la 5G.

Or, il résulte des constatations de l'huissier qu'au jour de l'établissement de son procès-verbal, ce lien hypertexte reseaux.orange.fr renvoyait à une page d'erreur (« 404 ), de sorte que l'information était inaccessible. Ce point n'est, d'ailleurs, pas contesté.

En dépit de ce que soutient la société Orange, l'examen de la capture d'écran permet de vérifier que le paragraphe consacré à la 5G n'inclut lui-même aucun lien hypertexte « reseaux.orange.fr », surligné, ce qui explique que l'huissier n'ait pas tenté de l'ouvrir. A supposer qu'il ait été malgré tout fonctionnel, ce lien n'était, de toute façon, pas suffisamment apparent pour inciter le consommateur à l'utiliser.

Il est, en réalité, nécessaire de revenir à la page d'accueil « https:/boutique.orange.fr/mobile », pour avoir accès, tout en bas de cette page, à un lien intitulé « 5G » qui, une fois ouvert, donne accès à un dossier d'information sur l'utilisation de cette technologie. Il y est précisé que celle-ci est soumise à trois conditions restrictives : la souscription d'un forfait « 5G », la possession d'un téléphone compatible et l'existence d'un réseau 5G. Les informations relatives au réseau 5G figurent elles-mêmes uniquement dans une Foire aux questions (FAQ), présentée sur la même page, au sein d'une rubrique intitulée « Comment se fera le déploiement de la 5G Orange en France ' ». Or, cette rubrique indique tout au plus, de façon générale, que « Le déploiement de la 5G Orange est réalisé progressivement sur toute la France, à l'image de ce qui a été réalisé pour la 3G et la 4G. Il est priorisé dans les zones où la 4G est très utilisée. Le site reseaux.orange.fr et le site de l'ARCEP permettent de connaître la couverture du réseau 5G. ». Le lien hypertexte reseaux.orange.fr permet, à son tour, d'ouvrir une page de présentation des services Orange, avant de pouvoir accéder à un troisième lien « Couverture réseaux », donnant accès à un quatrième lien « Consulter la carte de couverture 5G ». La carte qui apparaît est alors surmontée d'une mention indiquant que le déploiement de la 5G Orange se fera progressivement, mais ne permet pas, pour autant, d'identifier clairement les réseaux existants et les réseaux en cours de construction ; un encart figure ainsi au-dessous de la carte, contenant uniquement les précisions suivantes : « *[Localité 5] : sur la base des antennes ayant servi aux expérimentations dans le quartier Opéra et certains quartiers du quart nord-ouest. Nous poursuivons nos discussions avec la municipalité pour compléter la couverture de [Localité 5]. Débits max théorique en réception jusqu'à 2,1 Gbit/s en zones couvertes en 3,5 GHz ou 615 Mbit/s en zones couvertes par la bande 2,1 GHz utilisée pour la 4G. 5G accessible avec offre et terminal compatibles ».

Aucune liste détaillée des villes ou des régions couvertes par le réseau 5G ne figure ainsi sur le site de l'opérateur.

L'examen des procès-verbaux établis le 15 décembre 2020, qui comportent respectivement cinquante et une et trente-deux pages, permet de vérifier que l'huissier a procédé à un examen approfondi du site internet, dont il a reproduit toutes les pages, de façon parfaitement lisible, et qu'il a effectivement actionné tous les liens hypertextes apparents, notamment le lien « 5G », sous réserve d'une seule exception. A cet égard, l'huissier ne précise pas avoir cliqué sur le lien général « Tout savoir sur la 5G » accessible depuis l'encart titré « Profitez dès maintenant de la 5G ». Il résulte, néanmoins, du constat du 31 décembre 2020, produit par la société Orange, que ce dernier lien donnait, en réalité, accès à des pages identiques que le lien « 5G ».

La valeur probante des procès-verbaux du 15 décembre 2020, comparé au constat du 31 décembre 2020, ne saurait ainsi être valablement remise en cause.

Il se déduit de ces constatations que le consommateur, qui souhaite souscrire un forfait « 4G/5G », n'est nullement invité à vérifier la couverture effective du réseau, dans la zone qui lui importe, alors que l'accessibilité à la technologie 5G est une caractéristique essentielle de l'offre de l'opérateur.

De surcroît, même si le consommateur souhaite procéder à une vérification, il n'apparaît pas en mesure, au vu des mentions figurant sur le site, d'identifier les communes couvertes par le réseau et les délais de future mise en service.

Les publicités télévisuelles et « physiques » diffusées par la société Orange, notamment pour commercialiser des téléphones, ne permettent pas de compenser ce manque d'information dans le cadre de la communication liée à l'achat d'un forfait, étant souligné que ces publicités ne contiennent, de toute façon, aucune précision supplémentaire.

Il s'ensuit que la portée de l'engagement de l'opérateur apparaît, dans les faits, limitée, sans que le consommateur en soit dûment averti. Ce défaut d'information lui est, d'ailleurs, d'autant plus préjudiciable que le forfait 4G/5G, qui inclut un engagement d'une durée minimum de douze mois, ne pourrait être résilié librement au profit d'un forfait mieux adapté et moins onéreux, dans l'hypothèse où l'utilisateur s'apercevrait a posteriori qu'il n'a pas accès au réseau 5G.

La Cour dira, en conséquence, que la société Orange a délivré au consommateur une information de nature à l'induire en erreur quant à la disponibilité du service, dont elle a également omis de préciser les caractéristiques principales, ce déficit d'information étant susceptible d'altérer de manière substantielle son comportement économique, et qu'elle s'est ainsi rendue responsable de pratiques commerciales trompeuses au sens des articles L. 121-2, 2°, a), et L. 121-3, 1°, du code de la consommation.

C'est à juste titre que les premiers juges ont ainsi estimé que la société Orange aurait dû communiquer, via un lien hypertexte, une liste ou une carte périodiquement actualisées de chacune des communes bénéficiant de manière complète et dûment finalisée de la couverture de la technologie 5G.

Il est exact qu'au cours de la procédure de première instance, la société Orange a ajouté un lien hypertexte en direction d'une nouvelle carte de couverture du réseau, ce qui résulte de deux procès-verbaux d'huissier établis respectivement le 1er avril 2021, à la demande de l'opérateur, et le 3 mai 2021, à l'initiative de l'association CLCV.

Il n'en demeure pas moins qu'une telle mise en conformité n'est pas susceptible de faire disparaître le délit commis avant l'introduction de l'instance, qui était d'ores et déjà consommé à la date du 15 décembre 2020, à raison de la commercialisation en cours du forfait litigieux.

Au reste, comme l'ont relevé les premiers juges, lors de son insertion, aucun lien de renvoi explicite et direct à cette nouvelle carte ne figurait sur le site, à proximité immédiate des forfaits commercialisés. La carte interactive de couverture 5G était, en effet, uniquement accessible depuis un document intitulé « Récapitulatif contractuel », devant être préalablement téléchargé, une « Foire aux questions », ou depuis un encart intitulé « Mentions ». Or, chacune de ces rubriques incluait des renseignements nombreux et variés, sans qu'il soit possible, pour un consommateur normalement averti, de discerner qu'elles intégraient également des informations essentielles au regard de la disponibilité et de l'accessibilité au réseau 5G. Les mentions d'information figurant ailleurs sur le site, que ce soit dans la fiche d'information standardisée ou dans le dossier d'information sur la thématique de la 5G, apparaissent elles-mêmes insuffisantes, faute de précisions concrètes sur la disponibilité du réseau concernant les zones de couverture susceptibles d'intéresser, plus particulièrement, le consommateur. Enfin, le rajout d'un astérisque placé à proximité de l'icône 4G/5G et de la référence au réseau 5G, qui renvoie vers la mention 5G figurant au sein de l'encart « Mentions », ne permet pas non plus d'attirer suffisamment l'attention du consommateur.

A cela s'ajoute que la nouvelle carte ne respecte pas totalement les recommandations de l'ARCEP, émises dans un communiqué du 22 octobre 2020, en vue du « Lancement commercial de la 5G », qui, si elles n'ont pas de force normative, ne constituent pas moins des critères de référence légitimes, concernant les informations qui doivent être communiquées aux consommateurs, à savoir :

1. Elaborer et publier des cartes de disponibilité du service 5G

2. Faire apparaître un titre est une légende

3. Être transparent sur la méthodologie utilisée pour élaborer la carte : préciser qu'il s'agit d'une carte de couverture simulée par ordinateur à partir de la localisation des sites 5G activés à date (ou jusqu'à xx/202x, le cas échéant), de la topographie, etc. 4. Rappeler la nécessité en marge de la carte pour accéder à un service 5G, de disposer d'un terminal compatible 5G

5. Si volonté d'afficher une carte de couverture prévisionnelle, afficher la temporalité de cette carte (« carte de couverture à x mois ») et afficher également une carte de couverture à l'instant T

6. Indiquer comme couvertes uniquement les zones où une partie du débit est effectivement portée par la 5G (ce qui implique que lesdites zones soient couvertes avec la fréquence d'ancrage)

7. Faire des cartes de couverture permettant de refléter le niveau de qualité de service accessible avec un terminal et un forfait 5G. Ne répondrait pas à cette exigence une carte 5G qui mêlerait des bandes de fréquences très différentes comme la 3,5 GHz d'une part et les autres fréquences d'autre part, sauf à dégager de manière pertinente pour l'utilisateur au moins deux niveaux de service sur la carte (par exemple des niveaux de débits).

La société Orange fait valoir à juste titre que l'information selon laquelle il est nécessaire de disposer d'un terminal compatible 5G se situe immédiatement au-dessous de la carte.

La mention suivant laquelle « Les informations sur les communes à ouvrir prochainement sont délivrées à titre indicatif et n'ont pas de valeur contractuelle », qui figure dans la rubrique informative (fenêtre « I » en bas à droite de la carte) correspond, par ailleurs, au libellé du message devant apparaître sur la page internet de l'opérateur, tel qu'il a été fixé par une décision précédente de l'ARCEP, en date du 6 décembre 2016. Il y a lieu de considérer, dans ce prolongement, que la méthodologie utilisée pour élaborer la carte a été suffisamment explicitée.

Contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, l'insertion de la nouvelle carte est donc conforme aux recommandations de l'ARCEP sur ces deux derniers points.

En revanche, s'il est exact que la mention des dates de référence n'est pas imposée par l'ARCEP, celle-ci recommande, en cas de volonté de faire apparaître une carte de couverture prévisionnelle, d'afficher la temporalité de cette carte (point n° 5). Or, la carte, mise en ligne à la date du constat réalisé le 3 mai 2021, fait état de communes « à ouvrir prochainement », dans des bulles blanches, sans prévision de date. A cet égard, la société Orange établit seulement, au vu d'un procès-verbal d'huissier du 21 décembre 2021, avoir inséré une carte de couverture prévisionnelle, après que le jugement a été rendu. La société appelante ne peut donc légitimement prétendre avoir respecté cette recommandation. Si celle-ci est dénuée de caractère normatif, il n'en demeure pas moins que le consommateur a été privé de facto de l'accès à une information substantielle, concernant la date de couverture future du réseau aux communes concernées.

C'est par de justes motifs que le tribunal a, par ailleurs, estimé qu'il convenait de faire apparaître l'ensemble des informations afférentes aux débits minimums garantis, l'indication d'un « débit maximum théorique » étant elle-même insuffisante.

Selon l'article 1 de l'arrêté du 16 mars 2006 relatif aux contrats de services de communications électroniques, le « niveau de qualité minimum garanti » sur le débit attendu constitue, en effet, une caractéristique essentielle, qui doit figurer sur le contrat. Cet arrêté a été pris en application du code de la consommation, notamment son article L. 121-83, remplacé ultérieurement par l'article L. 234-30, lequel était toujours en vigueur lors de l'introduction de l'instance. L'article L. 234-30 a été modifié, à son tour, par l'ordonnance n° 2021-650 du 26 mai 2021, qui lui a substitué l'article L. 224-27-1. Ce dernier texte est désormais complété par l'article D.224-58, issu du décret n° 2023-295 du 19 avril 2023, qui prévoit que, préalablement à la conclusion du contrat, les fournisseurs de communications électroniques communiquent : « Pour chaque service fourni, les éventuels niveaux minimaux de qualité de service pour autant qu'il en soit proposé et, pour les services autres que les services d'accès à l'internet, les indicateurs spécifiques assurés en matière de qualité » et que « Lorsqu'aucun niveau minimal de qualité de service n'est proposé, mention doit en être faite. ».

Enfin, l'article 4.1, d, du Règlement UE 2015/2120 du Parlement européen et du conseil du 25 novembre 2015 prévoit que « Les fournisseurs de services d'accès à l'internet veillent à ce que tout contrat incluant des services d'accès à l'internet contienne, au moins (...) une explication claire et compréhensible, pour les réseaux fixes, en ce qui concerne le débit minimal, normalement disponible, maximal et annoncé pour le téléchargement descendant et ascendant des services d'accès à l'internet ou, dans le cas des réseaux mobiles, le débit maximal estimé et annoncé pour le téléchargement descendant et ascendant des services d'accès à l'internet, ainsi que la manière dont des écarts significatifs par rapport aux débits annoncés de téléchargement descendant et ascendant peuvent avoir une incidence sur l'exercice des droits des utilisateurs finals énoncés à l'article 3, paragraphe 1 ».

L'article 4 .3 de ce Règlement précise que ces exigences n'empêchent pas les Etats membres de maintenir ou d'instaurer des exigences supplémentaires, en matière de surveillance, d'information et de transparence, y compris celles qui concernent le contenu, la forme et la méthode de publication des informations.

Les dispositions de droit national, quoiqu'elles imposent des exigences supplémentaires en matière d'information aux fournisseurs de communications électroniques, sont dès lors conformes au Règlement UE. Aussi, c'est en vain que la société Orange prétend que l'arrêté du 16 mars 2006 aurait été abrogé, avant l'introduction de l'instance.

Comme l'ont relevé les premiers juges, l'indication des débits minimums garantis participe d'une obligation générale visant à garantir la qualité des services. Il s'évince, en effet, de l'ensemble des dispositions du code de la consommation susvisées qu'une telle information est essentielle pour le consommateur, afin que celui-ci soit en mesure d'appréhender le niveau de performance du service, quant au niveau de débit attendu, dans le cadre de son abonnement.

Le moyen tiré de l'absence de norme juridique contraignante applicable en matière de communication publicitaire, par opposition aux mentions obligatoires devant figurer dans le contrat, est, par voie de conséquence, inopérant.

Pour le reste, la société Orange ne démontre pas être dans l'impossibilité technique de préciser les débits minimums garantis, en tenant compte d'une marge d'erreur et du nombre potentiel d'utilisateurs susceptibles de se connecter.

Le caractère trompeur de l'information étant établi, la violation en connaissance de cause des dispositions légales susvisées suffit à caractériser l'élément intentionnel des pratiques commerciales trompeuses, sans que la société Orange puisse alléguer utilement une quelconque défaillance technique, qu'elle ne démontre pas, ou l'absence de tentative de règlement amiable du litige l'opposant à l'association CLCV.

Le jugement sera ainsi confirmé en ce qu'il a ordonné à la société Orange de cesser, sous astreinte, d'utiliser l'expression « Forfaits 4G/5G », à moins de permettre l'accès à une carte de couverture géographique des réseaux concernés, dans le respect des conditions énoncées dans la recommandation du 22 octobre 2020 de l'ARCEP, ainsi qu'à l'ensemble des informations nécessaires concernant les débits minimums autant que maximums, et ordonné l'insertion d'un communiqué judiciaire afférent à la condamnation prononcée à l'encontre de l'opérateur de téléphonie.

Par suite, la demande d'indemnisation de la société Orange, à raison de prétendus actes de dénigrement, n'apparaît pas fondée. Le jugement sera donc également confirmé de ce chef de rejet. La société appelante sera, dans ce prolongement, déboutée de sa demande portant sur la diffusion d'un communiqué judiciaire rectificatif.

Pour le reste, il y a lieu de rappeler que la Cour n'a pas à statuer sur l'exécution des termes du jugement du 27 juillet 2021, qui relève de la compétence exclusive du juge de l'exécution.

Sur le préjudice causé à l'intérêt collectif des consommateurs

Il sera relevé que les pratiques commerciales trompeuses imputables à la société Orange ont eu un impact au niveau national, dans le cadre d'une communication publicitaire sur son site internet de vente en ligne. L'opérateur de téléphonie a, certes, pris l'initiative d'apporter certains correctifs, au cours de la procédure de première instance, mais cette régularisation est demeurée imparfaite.

Le préjudice causé à l'intérêt collectif des consommateurs sera estimé, dans ces conditions, à la somme de 15.000 €. Ce chef de condamnation à l'encontre de la société Orange sera ainsi également confirmé.

Sur les autres demandes

La société Orange succombant au recours, le jugement sera confirmé en ce qu'il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles.

Statuant de ces chefs en cause d'appel, la Cour la condamnera aux dépens, dont distraction au profit de maître Christophe Pachalis ainsi qu'à payer à l'association CLCV une indemnité de 10.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

CONFIRME le jugement en ses dispositions soumises à la cour,

Y AJOUTANT,

REJETTE les demandes de la SA Orange,

CONDAMNE la SA Orange aux dépens de l'appel, dont distraction au profit de maître Christophe Pachalis,

CONDAMNE la SA Orange à payer à l'association Consommation, Logement et Cadre de Vie (CLCV) la somme de 10.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.