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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 27 septembre 2024, n° 22/10198

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Défendeur :

Edition Régie Impression (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Ardisson

Conseillers :

Mme L'Eleu de la Simone, Mme Guillemain

Avocats :

Me Baechlin, Me Bellichach

T. com. Paris, du 25 avr. 2022

25 avril 2022

FAITS ET PROCEDURE

La société Édition Régie Impression (ERI) exerce une activité de régie publicitaire de médias. Elle recherche pour le compte de ses clients des annonceurs sur les supports de communication qui lui sont confiés.

M. [N] [T] [M], professionnel de la vente d'espaces publicitaires depuis 2005, est un prestataire de la société ERI.

De 2005 à 2007, cette commercialisation a été effectuée par la société Global Publishing LTD Company dont M. [M] était salarié. A la suite de la dissolution de la société Global Publishing le 31 décembre 2007, un contrat de prestation de service a été régularisé le 23 mai 2008 entre M. [M] et la société ERI, pour une période de trois ans renouvelable par tacite reconduction.

En octobre 2019, la société ERI a demandé à M. [M] de cesser de prospecter à partir de l'annuaire professionnel de l'Association Technique Énergie et Environnement (A.T.E.E.), puis en novembre 2019 à partir de l'annuaire de la Société Française de Cosmétologie (S.F.C.), ce que M. [M] a interprété comme une rupture brutale de leur relation commerciale établie.

Suivant exploit du 29 janvier 2021, M. [M] a fait assigner la société ERI devant le tribunal de commerce de Paris afin d'obtenir des dommages et intérêts.

Par jugement du 25 avril 2022, le tribunal de commerce de Paris a :

- débouté M. [N] [T] [M] de sa demande de condamnation de la société ERI à lui payer des dommages et intérêts pour rupture brutale des relations commerciales,

- débouté la société ERI de sa demande de dommages-intérêts,

- condamné M. [N] [T] [M] à payer à la société ERI la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties de leurs demandes autres plus amples ou contraires,

- condamné M. [N] [T] [M] aux dépens.

M. [N] [T] [M] a formé appel du jugement par déclaration du 24 mai 2022 enregistrée le 15 juin 2022.

Suivant ses dernières conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 24 mai 2024, M. [N] [M] demande à la cour, au visa de l'article L. 442-1 II du code de commerce :

- d'infirmer le jugement en ce qu'il a :

* débouté M. [N] [M] de sa demande de condamnation de la société Edition Régie Impression à lui payer des dommages et intérêts pour rupture brutale des relations commerciales ;

* condamné M. [N] [M] à payer à la société Édition Régie Impression la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

- En conséquence, de le réformer de ces chefs :

* condamner la société Édition Régie Impression à verser à M. [N] [T] [M] la contrevaleur en euros, à la date du paiement, de la somme de 174.954,66 Nouveaux Shekels Israéliens (N.I.S.) à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice que lui a causé le caractère brutal de la rupture des relations commerciales, avec intérêt au taux légal à compter du 13 novembre 2019 ;

* débouter l'intimée de ses demandes, fins et conclusions.

* la condamner à lui verser la somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

* la condamner aux dépens.

Suivant ses dernières conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 22 mai 2024, la société Édition Régie Impression demande à la cour, au visa des articles 1103 et 1104 du code civil :

- de débouter Monsieur [N] [T] [M] de l'ensemble des demandes, fins et prétentions à l'encontre de la société ERI ;

- de confirmer le jugement entrepris ;

Et statuant à nouveau :

- de débouter Monsieur [N] [T] [M] de l'ensemble des demandes, fins et prétentions à l'encontre de la société ERI ;

- de condamner Monsieur [N] [T] [M] à la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts et infirmer en conséquence le jugement entrepris de ce chef en ce qu'il a débouté la société ERI de cette demande ;

- de condamner Monsieur [N] [T] [M] au paiement de la somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- de condamner Monsieur [N] [T] [M] aux entiers dépens.

* La clôture a été prononcée suivant ordonnance en date du 30 mai 2024.

SUR CE, LA COUR,

Sur la demande au titre d'une rupture brutale de la relation commerciale établie

M. [M] soutient que la société ERI a rompu unilatéralement et brutalement la relation commerciale qu'elle entretenait avec lui et ce sans préavis écrit tenant compte de la durée des relations commerciales. Il fait valoir que l'intimée a, le 17 octobre 2019, décidé de modifier le mot de passe de son adresse électronique professionnelle ce qui a eu pour conséquence d'effacer l'historique de son travail sur dix ans. Il soutient aussi que la société ERI a diminué peu à peu son champ d'intervention pour le réduire ensuite à néant, comme en témoigne l'érosion de son chiffre d'affaires entre 2017 et 2021. Il explique que la société ERI lui a d'abord demandé de cesser de travailler sur l'annuaire professionnel de l'ATEE alors qu'il s'agissait d'un client avec lequel il entretenait des relations d'affaires suivies depuis 2006. Elle a ensuite fait de même pour l'annuaire professionnel de la SFC (Société Française de Cosmétologie). Il en conclut qu'en cessant volontairement de mettre à sa disposition ses fichiers clients dans le but de l'asphyxier, ERI a brutalement rompu la relation commerciale établie entre eux alors qu'elle aurait dû respecter un délai de préavis de vingt-quatre mois.

La société ERI fait valoir que M. [M] a manqué à de nombreux reprises à ses obligations contractuelles à son égard, suscitant des difficultés importantes auprès de clients, dont l'ATEE. Elle précise n'avoir eu de cesse de lui rappeler le procédé de commercialisation à observer en guise de sérieux et de crédibilité à l'égard des annonceurs. Elle soutient également n'avoir jamais cessé de collaborer avec M. [M] et ce malgré les difficultés rencontrées. Elle indique en outre que M. [M] ne peut se plaindre d'une diminution du volume de son chiffre d'affaires qui résulte de la conjoncture économique mais aussi de son manque de sérieux dans ses méthodes de travail. La société ERI soutient enfin que la prétendue exclusivité dont se prévaut l'appelant n'est pas démontrée.

Aux termes de l'article L. 442-1 II du code de commerce, dans sa version en vigueur du 26 avril 2019 au 5 décembre 2020, soit à la date de la rupture alléguée :

« II. - Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, en l'absence d'un préavis écrit qui tienne compte notamment de la durée de la relation commerciale, en référence aux usages du commerce ou aux accords interprofessionnels.

En cas de litige entre les parties sur la durée du préavis, la responsabilité de l'auteur de la rupture ne peut être engagée du chef d'une durée insuffisante dès lors qu'il a respecté un préavis de dix-huit mois.

Les dispositions du présent II ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure. ».

Le champ d'application de ce texte est celui des relations commerciales établies, c'est-à-dire les cas où la relation commerciale entre les parties revêtait avant la rupture un caractère suivi, stable et habituel et où la partie victime de l'interruption pouvait raisonnablement anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaire avec son partenaire commercial.

Le texte précité vise à sanctionner, non la rupture elle-même, mais sa brutalité caractérisée par l'absence de préavis écrit ou l'insuffisance de préavis, lequel doit s'entendre du temps nécessaire à l'entreprise délaissée pour se réorganiser en fonction de la durée, de la nature et des spécificités de la relation commerciale établie, du produit ou du service concerné.

La cour doit procéder à une appréciation in concreto des conditions de déroulement et de la spécificité de la relation.

Au soutien de l'existence d'une relation commerciale établie, M. [M] verse aux débats le contrat d'embauche personnelle conclu 14 novembre 2005 entre Global Publishing LTD Company et lui-même, le contrat de prestation de service du 23 mai 2008 entre M. [N] [M] et ERI et un courriel d'envoi du 14 février 2013 de l'exemplaire signé et tamponné.

La société ERI ne discute pas l'existence d'une relation commerciale établie avec M. [M], se contentant de soutenir un début des relations au 23 mai 2008 alors que M. [M] évoque ses prestations par le biais de la société Global Publishing Company dès 2005. Au moment de la rupture alléguée, la durée de la relation était donc de onze années.

L'article 1er du contrat du 23 mai 2008 précise :

« Le présent contrat est un contrat de prestation de service ayant pour objet la vente d'espaces publicitaires :

[T] [M] devra mettre en 'uvre les taches suivantes :

la prospection de nos fichiers clients,

la proposition commerciale

la négociation

la prise de commande. »

En vertu de l'article 4 du contrat, M. [M] « s'engage à mettre en 'uvre tous les moyens nécessaires pour prospecter la totalité des fichiers qui lui sont confiés, et à commercialiser les espaces publicitaires conformément aux règles de l'art et aux indications qui lui seront données par la société ERI ».

La société ERI démontre avoir mis en garde M. [M] sur ses méthodes utilisées auprès de l'ATEE et les répercussions de ses démarches auprès des clients dans un courriel du 20 août 2018, évoquant une conversation du 29 mars, et un courriel du 12 avril 2019 rappelant à M. [M] ses consignes en ces termes :

« Tu trouveras ci-dessous 2 emails que je t'ai envoyé les 29 mars 2018 et 20 août 2018 concernant l'ATEE et plus généralement pour l'ensemble des supports que tu traites.

Comme je te l'ai expliqué longuement et pour des raisons de crédibilité, je te demande à nouveau de n'utiliser que l'adresse [Courriel 5].

Par ailleurs je t'ai demandé également d'utiliser le modèle de signature que je t'ai envoyé en changeant le nom du support en fonction des campagnes que tu effectues.

Voici maintenant + d'un an que je t'ai fait cette demande et je constate que malgré nos échanges tu ne sembles pas en tenir compte.

Nous fonctionnons ensemble sur une relation de confiance aussi je te confirme qu'il est indispensable de fonctionner de la sorte suite aux différentes remarques de nos clients.

Les messages de ton ancienne adresse arrivent dans ta boîte eri-editions.com.

Je compte absolument sur toi. »

Déjà dans un courriel du 23 mars 2018, Mme [P] [I] du Groupe Total critiquait les méthodes de M. [M] sur le support de l'ATEE : « Effectivement le mail de « [T] » est des + douteux, pas d'adresse ATEE, pas de signature...et pas de nom ».

La société ERI, pour preuve des manquements de M. [M], produit également un courriel du 16 octobre 2019 de l'ATEE à ERI dénonçant les procédés de M. [M] et leur impact sur les adhérents « Je vous contacte pour vous signaler que nous avons eu un échange avec M. [T] [M] ce matin (...). En effet, ce nouveau Club de l'ATEE a fait l'objet d'un communiqué de presse annonçant sa dissolution en tant qu'association et son intégration au sein de l'ATEE. Le lancement officiel aura lieu le 6 novembre. A la lecture de ce communiqué, M. [M] a pris l'initiative de contacter via Linkedin (son profil est très obscur et n'indique absolument aucun lien avec ERI) une personne de GRTGaz en proposant ses services pour l'annuaire ATEE tout en citant le Club « Gazeification » - et non Pyrogazeification (ce qui est très différent). Le message de M. [M] a généré des réactions très violentes ce matin de la part des adhérents du Club envers la nouvelle déléguée générale [L] [C]. (') l'apparition d'interlocuteurs non identifiés et qui plus est dans une démarche commerciale peut rapidement créer une ambiance délétère tout à fait néfaste à l'ATEE et à la bonne conduite de ce projet. Enfin, j'attire votre attention sur le fait que ce n'est pas la première fois que M. [M] envoie des messages sans signature, mal présentés et reçus de façon intrusive et suspicieuse par nos adhérents. Il me semble important et urgent que nous fassions un point et que les méthodes de M. [M] soient auditées/recadrées au plus vite. ».

L'appelant montre pour sa part que le 17 octobre 2019, qu'après avoir été destinataire d'un message en ce sens de la part d'Orange, il a découvert que M. [D] avait changé son mot de passe, ce que ce dernier lui a confirmé en ces termes « Oui j'ai changé le mot de passe tu reçois les emails en suivi sur ta boîte [Courriel 5] Mais tu n'envoies plus de mail de cette boîte ». M. [M] lui a alors répondu : « Pour ton information, je n'ai plus accès à mon historique de près de 10 ans de travail. Ni adresse mail ni coordonnées d'assistance ni précédentes réponses des prospects et clients... ».

Ce même jour, un échange de courriels a eu lieu entre les parties sur l'annuaire ATEE :

M. [M] « J'ai arrêté depuis hier comme tu me l'as demandé de travailler sur l'annuaire professionnel de l'ATEE après ton appel. Je vais certainement recevoir cependant comme évoqué des ordres et des appels relatifs à ce support. J'ai noté pour CPE, merci. »

M. [D] « Je te demande de ne faire aucun appel de ton côté même pour une relance. Merci » et « Comme précisé à de nombreuses reprises hier lors de notre longue conversation, je te demande de ne pas appeler sur le support ATEE ni en relance ni en prospection aucun contact. Pour le moment concentre toi sur FIM et ENSCP et CPE si il te reste des dossiers en cours : nous partons en impression pour CPE fin de mois certainement. Merci de me confirmer que tu as bien pris en compte cette directive, car nous ne devons maintenant commettre aucun faux pas. »

La société ERI a donc été destinataire de messages faisant état de l'insatisfaction de ses clients et en a averti M. [M] puis a fait le choix de réduire les supports de travail de ce dernier.

La cour relève cependant que si les doléances des clients de la société ERI sont caractérisées, elle n'a pas jugé utile de mettre en demeure M. [M], par lettre recommandée avec accusé de réception, de se conformer à ses directives, mais l'en a informé par un appel téléphonique puis des courriels.

Pour preuve de l'arrêt des relations ou de la diminution drastique de leur flux d'affaires, M. [M] produit un courriel qu'il a adressé à M. [D] le 13 novembre 2019 à propos de l'annuaire ATEE :

« Suite à ton appel téléphonique d'hier donc 12/11/2019, je te prie de me confirmer que tu ne souhaites plus que je continue ma campagne commerciale pour l'annuaire professionnel de l'ATEE (Association Technique Énergie et Environnement) ni appel ni relance et aussi le retrait de ce support sur lequel je travaille depuis 2006.

Je te remercie de me confirmer que je ne pourrai plus mener campagne pour l'annuaire professionnel de la SFC (Société Française de Cosmétologie) également et sur lequel je travaille depuis 2006. ».

Par lettre recommandée avec accusé de réception doublée d'un courriel du 6 décembre 2019, M. [M] a rappelé à M. [D] de la société ERI son implication durable et exclusive dans sa société depuis de nombreuses années puis le retrait progressif de ses principaux supports de travail à l'initiative de la société ERI.

La société ERI ne conteste pas avoir retiré, en l'en informant par appel téléphonique et courriel, à M. [D] les deux annuaires sur lesquels il travaillait depuis le début de leur relation, en octobre et novembre 2019. Elle n'a pour cette modification substantielle des conditions de travail de M. [M] observé aucun préavis, alors que cette suppression était susceptible de réduire de façon importante son champ d'intervention.

Cependant si M. [M] soutient que « sans la moindre explication, ni le moindre écrit, ERI a purement et simplement cessé toute collaboration » avec lui ce qui l'a contraint à saisir le tribunal de commerce étant « ainsi privé de toute activité », les courriels échangés traduisent à l'inverse la poursuite des relations entre les parties :

le 4 mai 2020, M. [M] écrit à ERI (en la personne de M. [H] [D]) : « Nous avons commencé la campagne 2019 pour l'annuaire professionnel de l'E.N.S.C.P. PARISTECH le 13/02/2019. Dois-je commencer la campagne 2020 ' Merci de me répondre. »

le 6 mai 2020, M. [D] répond : « Concernant ENSCP tu peux attaquer la campagne. Nous sortons de confinement lundi mais pour info beaucoup vont encore travailler en télétravail. Concernant Mecasphere, ils ont dénoncé le contrat et nous pouvons vendre jusqu'au mois de juin même sur les numéros suivants. Mais à partir de juin nous n'avons plus l'autorisation de vendre. As-tu des contrats chauds concernant ce dossier ' Dans l'attente de ton retour. »

le 6 mai 2020 M. [M] répond « J'ai de nombreux dossiers ouverts pour le numéro de Juin 2020 mais aucun véritablement « chauds » au regard de la situation essentiellement. »

le 30 mars 2021 M. [D] écrit à M. [M] « (') je viens d'avoir confirmation que, cette année encore, nous ne ferons pas de catalogue pour l'EMRS qui se tiendra virtuellement compte tenu de la crise sanitaire. Par contre tu peux commencer les campagnes ENSCP 2021 et CPE 2021. N'hésite pas à revenir vers moi si tu as besoin d'éléments pour commencer ta campagne. ».

le même jour M. [M] répond « Au regard de ma procédure en cours à savoir l'assignation devant le tribunal de commerce de Paris, je ne donnerai pas suite à votre requête. »

Il en résulte que M. [M] a poursuivi ses prestations pour la société ERI en 2020 mais a refusé de répondre à ses sollicitations pour l'année 2021 en objectant avoir délivré une assignation et en décidant ainsi de cesser toute relation.

Mettant en avant l'érosion de son chiffre d'affaires entre 2017 et 2021 par la production d'une attestation de son expert-comptable datée du 9 mai 2022, M. [M] en déduit que cette diminution est la résultante de la modification de son champ d'intervention. Les données comptables sont les suivantes :

- en 2017, son chiffre d'affaires global, dont la totalité est réalisée avec ERI, est de 150.294 NIS (environ 37.776 euros), soit 94.341 NIS de marge brute globale,

- en 2018, son chiffre d'affaires global, dont la totalité est réalisée avec ERI, est de 111.911 NIS (environ 28.129 euros), soit 59.070 NIS de marge brute globale,

- en 2019, son chiffre d'affaires global est de 162.167 NIS, dont 158.261 NIS (environ 39.779 euros) sont réalisés avec ERI, soit 109.021 NIS de marge brute globale dont 106.395 NIS avec ERI,

- en 2020, son chiffre d'affaires global est de 100.355 NIS dont 27.716 NIS (environ 6.967 euros) sont réalisés avec ERI, soit 75.619 NIS de marge brute globale dont 20.884 NIS avec ERI.

- en 2021, son chiffre d'affaires global est de 78.804 NIS.

M. [M] précise qu'en 2021 il ne réalise plus aucun chiffre d'affaires avec la société ERI.

Il s'évince de ces chiffres une concomitance entre la suppression des annuaires ATEE et SFC et la réduction très importante du chiffre d'affaires réalisé par M. [M] avec la société ERI.

Ainsi, si les relations entre les parties ont perduré au-delà de l'année 2019 et que M. [M] a décidé d'y mettre fin en totalité en 2021, la suppression sans préavis des deux principaux supports de travail de l'appelant caractérise une rupture partielle de la relation commerciale établie entre les parties depuis le 23 mai 2008. La société ERI ne démontre pas que les reproches qu'elle a formulés à l'égard des méthodes de travail de M. [M] constituaient des inexécutions suffisamment graves justifiant l'absence de tout préavis.

Compte tenu de la durée de la relation et de la forte dépendance économique de M. [M] vis-à-vis de la société ERI qui ressort des données comptables produites, sachant que l'appelant n'était cependant contraint à aucune exclusivité, la cour considère que ce dernier aurait dû bénéficier d'un délai de préavis de trois mois. La moyenne annuelle de la marge brute sur 2017, 2018 et 2019 est de 262.432 / 3 = 87.477,33 NIS. La somme dont M. [M] a été privé durant le délai de préavis non effectué est de 21.869,33 NIS soit la somme de 5.285,58 euros.

Le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu'il a débouté M. [M] de sa demande de dommages et intérêts et la société ERI sera condamnée à lui payer la somme de 5.285,58 euros avec intérêts au taux légal à compter du 29 janvier 2021, date de l'assignation.

Sur la demande de dommages-intérêts de la société ERI

La société ERI soutient que l'attitude procédurale de M. [M] à son égard traduit une volonté de lui nuire et une grande mauvaise foi. Elle estime que ce comportement est constitutif d'une faute justifiant l'octroi de dommages et intérêts.

Elle ne démontre cependant pas que M. [M], prestataire de la société ERI, aurait commis une faute en l'assignant puis en interjetant appel, son droit d'ester en justice pour faire valoir ses droits n'ayant pas ici dégénéré en abus.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de ce chef.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

La société ERI succombant à l'action, il convient d'infirmer le jugement en ce qu'il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles. La société ERI sera donc condamnée aux dépens de première instance et d'appel. Il apparaît en outre équitable de la condamner à payer à M. [M] la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

INFIRME le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté la société ERI de sa demande de dommages et intérêts ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

CONDAMNE la société Édition Régie Impression ' ERI à payer à M. [N] [M] la somme de 5.285,58 euros avec intérêts au taux légal à compter du 29 janvier 2021 ;

CONDAMNE la société Édition Régie Impression aux dépens de première instance et d'appel ;

CONDAMNE la société Édition Régie Impression ' ERI à payer à M. [N] [M] la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.