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Décisions

CA Montpellier, 5e ch. civ., 1 octobre 2024, n° 21/06487

MONTPELLIER

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Mate Constructions (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Fillioux

Conseillers :

M. [D], Mme Strunk

Avocats :

Me Redon, Me Donneve, Me Garnier

TJ Perpignan, du 25 oct. 2021, n° 18/023…

25 octobre 2021

Faits, Procédure et Prétentions :

Mesdames [R], [H] et [A] [D] composant l'indivision [D] sont propriétaires pour en avoir hérité, de locaux situés [Adresse 3] à [Localité 8] (66) occupés par la SAS AM Constructions, qui se prévaut d'un bail conclu le 1er février 2014 avec Mme [L] [D], leur mère aujourd'hui décédée,

Par acte du 12 juin 2018, les consorts [D] ont assigné la SAS AM Constructions, devenue la SAS Mate Constructions, devant le tribunal de grande instance de Perpignan afin de voir prononcer la nullité du bail allégué, voir condamnée la SAS au paiement d'une somme de 45 000euros au titre de l'indemnité annuelle d'occupation et à titre subsidiaire, voir prononcer la résiliation du bail et voir condamnée la SAS au paiement de la somme de 45 000euros au titre de l'arriéré de loyer et voir ordonner son expulsion des lieux avec toutes les conséquences de droit.

Par jugement rendu le 25 octobre 2021 le tribunal judiciaire de Perpignan a déclaré recevable les conclusions de la SAS Mate Constructions déposées après l'ordonnance de clôture et irrecevable l'action en nullité des consorts [D] fondée sur l'existence d'un vice du consentement ainsi que le défaut de pouvoir de représentation du signataire du bail du 1er février 2014 pour le compte du preneur et a prononcé la résiliation du bail aux torts de la SAS Mate Constructions et ordonné son expulsion des lieux loués, sous astreinte de 200euros par jour de retard et l'a condamnée à payer à l'indivision [D] la somme de 22 500euros au titre de l'arriéré locatif, en fixant l'indemnité d'occupation mensuelle à 2 500euros à compter du 5 novembre 2022 et a condamné la SAS Mate Construction à verser la somme de 5 000euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La juridiction a estimé que la réception du paiement des loyers, tant par Mme [L] [D] qu'ensuite par l'indivision [D], constitue une exécution volontaire du contrat litigieux valant confirmation, que le bail conclu liant Mme [L] [D] à la société Maisons et Tradition du Midi a pris fin durant la procédure de liquidation dont a fait l'objet la locataire, procédure qui a été clôturée le 29 janvier 2014, de sorte que les lieux étaient libres de toute occupation lors de la conclusion du contrat du 1er février 2014.

La juridiction a retenu que le bail du 1er février 2014 a fixé le loyer à la somme de 2 500euros par mois, l'objet du bail étant un local de 180m² comportant un ensemble de bureaux situé au rez de chaussée et un étage de 250m², qu'il résulte d'un constat d'huissier du 27 février 2018 que la locataire occupe également un second hangar, non compris dans l'assiette du bail, que cette occupation litigieuse constitue une inexécution fautive justifiant le prononcé de la résiliation du bail, même s'il n'est pas établi que la locataire serait à l'origine du passage crée entre les deux hangars.

Le 8 novembre 2021, la SAS Mate Constructions a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions du 3 juin 2024, la SA Mate Constructions demande à la cour de :

Dire et juger qu'en prononçant la résiliation du bail pour un motif qui ne lui était pas demandé, le jugement est entaché de nullité.

- prononcé en conséquence la nullité du jugement,

Statuant à nouveau :

Dire et juger que l'occupation par le locataire d'un hangar considéré comme étant hors du champ contractuel du bail ne constitue pas une faute contractuelle.

Dire et juger en tout état de cause, si la cour considère que c'est une faute contractuelle, que celle-ci n'est pas suffisamment grave pour entraîner la résiliation du bail.

Réformer en conséquence en toutes ses dispositions le jugement attaqué,

Débouté les consorts [D] de leurs demandes comme étant mal fondées,

Les condamner à payer à la société AM CONSTRUCTIONS la somme de 3000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Elle soutient que le bail du 1er février 2014 porte sur des locaux comprenant un local de 181m² et un ensemble de bureaux et un étage de 250m² moyennant un loyer mensuel de 2 500euros TTC, que les époux [D] ont autorisé la SA AM Constructions à sous louer une partie des locaux, objet du bail, que le loyer a toujours été régulièrement payé.

Elle fait valoir que le juge de première instance a retenu une faute contractuelle tenant en l'occupation d'un second hangar qui n'entrerait pas dans l'assiette du bail, qu'en statuant ainsi la juridiction a statué 'ultra petita' puisque les bailleresses ne sollicitaient nullement la résiliation sur ce fondement, que le jugement doit être annulé.

De surcroît, elle soutient qu'elle n'occupe ce second hangar qu'avec l'accord des époux [D] qui n'ont jamais formulé aucune demande à ce titre et que la SAS Mate Constructions qui accepte de laisser ce local libre de toute occupation l'a restitué le 28 janvier 2022, ainsi qu'en atteste le constat dressé par Maître [S], huissier de justice, que l'occupation d'un local, qui n'est pas visé dans le bail, ne peut constituer une violation d'une clause contractuelle et de surcroît cette éventuelle faute ne revêt pas le caractère de gravité suffisante pour justifier le prononcé d'une résiliation, en l'absence de toute mise en demeure en ce sens émanant des bailleurs.

Elle nie avoir effectué des travaux dans les locaux litigieux et précise que l'absence d'état d'entrée dans les lieux ne constitue pas une faute de la part du locataire.

Par conclusions déposées le 3 juin 2024 à 16h 34, la société Mate Constructions réitère ses prétentions antérieures et affirme de surcroît que la cour n'a pas compétence pour statuer sur la recevabilité de l'appel et que par ordonnance du 18 avril 2023, le conseiller de la mise en état a rejeté la demande de nullité de la déclaration d'appel, faute de grief, que la cour a été valablement saisie par la déclaration d'appel conforme à l'article 901 du code de procédure civile en visant les chefs du jugement critiqués et que l'effet dévolutif a joué.

Elle fait valoir que la SA AM Constructions est valablement immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Perpignan depuis le 16 octobre 2013, qu'elle a régulièrement payé ses loyers ainsi qu'elle en justifie, que depuis 2018, les loyers sont adressés à l'avocat de la partie adverse, qu'elle a justifié d'une assurance locative, qu'elle n'a effectué aucun travaux dans les lieux, que la sous-location n'est nullement interdite et qu'elle exerce bien une activité dans les locaux.

Elle s'oppose à la demande de nullité du bail, en faisant valoir que le fait que le bail ait été signé par M. [U], père du dirigeant de la société Maté Constructions, n'est pas un motif de nullité que peuvent invoquer les bailleresses, sachant que la SA Maté Constructions ne conteste pas la validité, que la réalité du bail, dont seulement existe une copie, n'est pas contestable en raison du paiement régulier des loyers depuis le 4 avril 2014 et que les signatures figurant sur le bail sont bien celles des époux [D], sachant au demeurant qu'un écrit n'est pas une condition de l'existence d'un bail.

Elle s'oppose à l'action fondée sur l'absence de consentement éclairé du bailleur en faisant valoir que la preuve d'une diminution des capacités des époux [D] lors de la signature du bail n'est nullement rapportée, que l'immatriculation au registre du commerce et des sociétés n'est pas une condition de validité du bail commercial alors qu'aucune clause du bail souscrit n'exige cette immatriculation.

Par conclusions du 16 novembre 2023, Mesdames [D] [R], [H] et [A] demandent à la cour de :

Vu les articles 544, 1101 et suivants, 1178 et 1180 du code civil

Vu les articles 1708 et suivants, 1729 et suivants du Code civil

Vu les articles L.145-1 et suivants du code de commerce

Vu les articles 901, 4°, 562, 908, 916 et 954 du CPC

- Prononcer la caducité de la déclaration d'appel,

- Dire n'y avoir lieu à statuer sur l'appel de la société MATE CONSTRUCTIONS

- Déclarer l'appel irrecevable

- Confirmer le jugement

Dans le cas où la Cour estimerait avoir été saisie d'un appel et de demandes aux fins d'annulation du jugement :

- Débouter la société MATE CONSTRUCTIONS de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

Au cas de l'annulation du jugement :

PRONONCER la nullité, subsidiairement la résiliation du bail du 1er février 2014 aux torts exclusifs de la société MATE CONSTRUCTIONS.

Dans le cas où la Cour estimerait avoir été saisie d'un appel et de demandes aux fins de réformation partielle du jugement

- Débouter la société MATE CONSTRUCTIONS de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions

- Confirmer le jugement du chef de la résiliation du bail du 1er février 2014, des mesures d'expulsion, de déménagement, et des condamnations prononcées à l'encontre de la société MATE CONSTRUCTIONS

En toute hypothèse,

- ORDONNER l'expulsion de la société MATE CONSTRUCTIONS et de tous occupants de son chef, au besoin avec le concours d'un serrurier et de la force publique, à ses frais exclusifs,

- ORDONNER l'évacuation par la société MATE CONSTRUCTIONS de tous les biens lui appartenant qu'elle a entreposé dans le hangar mitoyen avec celui qu'elle louait à l'indivision [D] et ce, sous astreinte de 200 € par jour de retard durant trois mois à l'expiration d'un délai de quatre mois à compter de la mise à disposition de l'arrêt,

- AUTORISER l'huissier chargé de l'expulsion à recourir à tout déménageur et garde ' meuble de son choix afin d'évacuer et stocker les biens et mobiliers aux frais de la société MATE CONSTRUCTIONS, et à les faire jeter ou détruire à défaut d'être repris par elle dans le mois suivant l'expulsion,

- CONDAMNER la société MATE CONSTRUCTIONS à payer aux consorts [D] une indemnité d'occupation de 3.500 € par mois à compter du 5 novembre 2021 jusqu'à son complet départ des lieux ainsi que de tous occupants de son chef,

- AUTORISER les intimées, en cas d'annulation du bail, à conserver les sommes versées par la société MATE CONSTRUCTIONS jusqu'à ce jour à titre d'indemnisation de leur préjudice d'occupation de leurs biens.

- CONDAMNER la société MATE CONSTRUCTIONS à verser aux consorts [D] une somme de 16 500 € à titre d'arriéré d'indemnité d'occupation et subsidiairement d'arriéré locatif à la date des présentes conclusions.

- CONDAMNER la société MATE CONSTRUCTIONS à évacuer le second hangar, et à remettre en état primitif le mur séparant les hangars et le premier étage de bureaux du bâtiment principal, converti en habitation, à ses frais et sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé le délai d'un mois de la signification de l'arrêt.

- DÉBOUTER la société MATE CONSTRUCTIONS de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

- CONDAMNER la société MATE CONSTRUCTIONS à payer aux consorts [D] une somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

- CONDAMNER la société MATE CONSTRUCTIONS aux dépens de la première instance et d'appel, y compris frais de constat d'huissier du 27 février 2018, dont distraction au profit de Me Sylvain DONNEVE, avocat postulant.

Elles exposent qu'elles sont propriétaires d'un ensemble immobilier composé d'un bâtiment composé de bureaux au rez de chaussée et d'un étage de 250m² et de trois hangars de 180m² chacun, chacun disposant d'un accès extérieur, que le 21 octobre 2004, les locaux de bureaux ont été donnés à bail à la société Maisons et Tradition du Midi, représentée par M. [U] et par bail du 1er janvier 2009, le hangar, que M. [D] [P], leur père, est décédé le 25 décembre 2015 et Mme [D] [L], leur mère, le 30 septembre 2018, que la société Maisons et Tradition du Midi a été placée en procédure collective le 14 septembre 2011 puis en liquidation judiciaire clôturée le 29 janvier 2014, que néanmoins la société Maisons et Tradition du Midi s'est maintenue dans les lieux postérieurement à la procédure de liquidation qui a mis fin au bail, via de nouvelles sociétés, que les bureaux du 1er étage ont été convertis en logement par le gérant de la société Viegas Construction, que le second hangar a été annexé au premier également relié au bâtiment principal, situation qui n'a pas été autorisée par les bailleurs, que faute d'avoir été avisés de la liquidation judiciaire par le liquidateur, les bailleurs n'ont pu ni déclarer leur créance ni reprendre les locaux afin de conclure un nouveau bail avec un locataire de leur choix.

Elles font valoir que suite à leur visite des locaux en avril 2017, la société AM Constructions représentée par M. [U], leur a proposé par lettre du 19 mai 2017 de signer un nouveau bail démontrant qu'à cette date, il n'existait aucun bail entre les consorts [D] et la société AM Constructions, qu'en juillet puis en septembre 2017, elles se sont opposées à la situation de fait imposée par la SA AM Constructions en proposant un nouveau bail avec un loyer indexé par rapport à celui convenu en 2009.

Elles s'opposent au bail qu'aurait souscrit leur mère en 1er février 2014 en soulignant que le représentant de la société AM Constructions en ignorait l'existence en mai 2017, que ce contrat est signé au titre de la locataire par une personne dépourvue de pouvoir pour le faire, que le taux de TVA retenue ne correspond pas à celui fixé depuis le 1er janvier 2014, que ce contrat est dépourvu de clause résolutoire et de clause d'indexation et enfin que la vignette fait état d'un prix de 3,80euros qui était celui prévu de 2009 à 2011.

Elles soutiennent que l'huissier, qui s'est rendu sur place le 27 février 2018, a constaté la présence de sociétés occupantes exerçant des activités de marchands de biens et d'agents immobiliers, toutes représentées par des membres de la famille [U], la transformation des bureaux en logements, l'occupation du second hangar et enfin l'encombrement des espaces communs et voisins, que la société AM Construction a adressé le 22 mars 2018, un chèque de 32 500euros pour le solde locatif, puis en juin 2018, un de 12 500euros.

Elles tiennent pour faux le document excipé par la société AM Constructions devenue Maté Constructions qu'aurait rédigé Mme [D] le 1er février 2014 les autorisant à sous louer les locaux, contraire aux clauses du bail puisque ce document ne fait nullement allusion au bail rédigé le même jour qu'il contredit.

Elles concluent que la déclaration d'appel et le dispositif des conclusions de l'appelant ne répondent pas aux exigences des articles 901,908 et 954 du code de procédure civile, que l'effet dévolutif de l'appel n'a pas opéré, que l'appel est irrecevable, puisqu'en effet, cette déclaration d'un « appel total » n'est pas conforme à l'article 901,4° du CPC, imposant que l'appelant demande dans le dispositif de ses conclusions, l'infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l'anéantissement ou l'annulation du jugement, que de surcroît, la société MATE CONSTRUCTIONS n'a pas déclaré que son appel tendait à l'annulation du jugement, mais a limité l'appel « total » aux chefs attaqués et énoncés à cet effet, que par conséquent le jugement n'encourt pas la nullité et son annulation par la Cour, mais uniquement la réformation des chefs attaqués, qu'au stade des conclusions, l'appelante soutient que son appel tendrait finalement à l'annulation du jugement au visa de l'article 5 du CPC, que si tel était l'objet de son recours, elle devait le préciser dans la déclaration d'appel, que la cour ne pourra que prononcer la caducité de la déclaration d'appel, le dire irrecevable et confirmer le jugement.

Elles font valoir que le jugement a statué sur la demande de résiliation du bail et l'expulsion de la société MATE CONSTRUCTION conformément à la demande qui lui en était faite par les requérantes, que le jugement a statué sur la demande de résiliation du bail régulièrement formulée dans les conclusions des consorts [D] et a tranché dans les termes demandés, sans qu'il y ait lieu à critiquer l'appréciation faite par le Tribunal des fautes et manquements justifiant la résiliation du bail.

Sur la résiliation, elles soutiennent que le jugement ne peut qu'être confirmé en ce qu'il a résilié le bail, les manquements étant nombreux et avérés :

- La société MATE CONSTRUCTIONS n'est pas à jour des «loyers» et ne l'a jamais été, y compris par suite du commandement de payer notifié le 2 janvier 2020, les chèques qu'elle a adressés par son conseil n'ayant pas résorbé le retard et la situation se poursuit à ce jour, que la société MATE CONSTRUCTION prétend être à jour des « loyers » et indemnités d'occupation, ce qui ne peut qu'être inexact puisque selon elle le chèque de 32.500 euros ne concerne que l'année 2017 et les deux suivants, une partie de l'année 2018, alors que les insuffisances et arriérés de paiement de « loyer » non prescrits remontent à 2014 et que les paiements effectués, valant reconnaissance de dette et l'assignation délivrée le 12 juin 2018, ont interrompu la prescription de 5 ans de l'article 2224 du code civil qui ne s'était pas accomplie, le bail étant du 1er février 2014, que ces règlements ont donc été affectés aux dettes de « loyers ou indemnités d'occupation » les plus anciennes, de sorte la société MATE CONSTRUCTIONS reste en décalage de paiement et doit un arriéré de 16.500 euros encore à ce jour, que les sommes en souffrance remontent à fin 2014 (26.000 au lieu de 28.500 euros), puis en 2015 (27.000 au lieu de 30.000 euros), en 2016 (28.000 au lieu de 30.000), 0 euros vs 30.000 en 2017,

- La société AM CONSTRUCTIONS n'exploitait pas personnellement les lieux,

- La consistance et la disposition des lieux ont été modifiés sans autorisation et de façon illicite, que ce soit le 1er étage à usage du bureau, loué comme tel, converti en appartement ou les hangars où elle s'est étendue en ouvrant des accès à sa guise et à sa convenance,

- Elle s'est appropriée un hangar supplémentaire,

- La société AM CONSTRUCTIONS figure en tant que seule locataire au sein du bail et doit être assurée à cet effet, étant sa titulaire et donc responsable des lieux alors que son assureur précise qu'elle n'est que locataire partiel des lieux,

Sur la nullité du bail litigieux, elles soutiennent qu'elles sont fondées à agir en invoquant l'article 1178 du code civil puisque la nullité peut être invoquée par celui qui s'estime lésé par l'acte qu'on lui oppose en tant que cocontractant afin d'en déduire des droits contre lui, que le bail produit est une copie non corroborée par un original alors que des baux plus anciens ont été retrouvés, qu'il est souscrit par M. [U], qui n'est ni associé ni dirigeant de la société et qui ne peut donc l'engager, que de même Mme [D], seulement usufruitière, ne disposait pas de la qualité pour consentir des droits sur le bien, que les pages relatives à la clause résolutoire et la clause d'indexation sont manquantes.

Elles critiquent le jugement qui a retenu une acceptation du bail par encaissement des loyers en précisant que les loyers n'ont été encaissés que dans l'attente de la décision, ' sans reconnaissance de l'existence et de la validité du bail litigieux, à l'inverse contesté' .

Elles précisent que la copie du bail produite aux débats est entachées d'irrégularités : l'étiquette du prix d'achat du document est la même que celle figurant sur les anciens baux, que l'éditeur du formulaire est également le même alors qu'il a changé en 2014, Mme [D] est désignée comme seule bailleresse alors qu'elle ne l'était pas, que les mentions proviennent de copie d'anciens formulaires : le taux de TVA étant faux et le loyer fixé à la même somme que dans le bail de 2009.

Elles soulignent qu'en mai 2017, M. [U] ignorait l'existence de ce bail puisqu'il a sollicité un nouveau bail pour régulariser la situation, que la société AM Constructions ne disposait pas d'une immatriculation au registre du commerce et de sociétés lors de la souscription du bail ce qui lui interdit de revendiquer l'application du statut des baux commerciaux, que l'acte de donation du 30 août 2016 établi du vivant de Mme [D] ne fait pas mention de ce prétendu bail

L'ordonnance de clôture est intervenue le 24 juin 2024, après révocation avant les plaidoiries de l'ordonnance prise le 3 juin 2024 afin de faire respecter le principe du contradictoire.

Motifs :

1) Sur la recevabilité de l'appel et l'effet dévolutif

Le 8 novembre 2021, la société Mate Constructions a interjeté appel du jugement du 25 octobre 2021 en les termes suivants ' appel total du jugement en ce qu'il a prononcé la résiliation du bail du 1er février 2014 aux torts de la société Mate constructions, ordonné son expulsion des lieux loués et tous occupants de son chef...' . Par ordonnance du 18 avril 2023, le conseiller chargé de la mise en état a débouté les consorts [D] de leurs demandes en nullité et caducité de la déclaration d'appel en retenant que si la mention 'appel total ' était proscrit par les dispositions de l'article 901-4 du code de procédure civile, cette formulation était en l'espèce complétée par la mention des chefs du jugement critiqués, de sorte qu'aucune nullité n'était encourue de ce chef et qu'il en était de même de la caducité des conclusions de l'appelante déposée dans les délais de l'article 908 du code de procédure civile, conformes aux dispositions de l'article 954 du dit code. Cette décision n'a pas été déférée à la Cour dans les termes des dispositions de l'article 916 du code sus visé l'autorisant, ne peut pas être soumise à la critique de la cour statuant au fond, l'appréciation de l'irrecevabilité de l'appel ou sa caducité relevant de la compétence exclusive du conseiller de la mise en état.

Les consorts [D] soutiennent que nonobstant l'ordonnance du 18 avril 2023, il appartient à la cour de se prononcer sur l'effet dévolutif de la déclaration d'appel et qu'en l'espèce, le caractère confus et imprécis de la mention 'appel total' fait obstacle à toute dévolution.

Toutefois il convient de relever, contrairement aux affirmations des consorts [D], que la déclaration d'appel, si elle comporte une mention relative à un appel total, indique également les chefs du jugement expressément critiqués, formulés de façon précise et circonstanciée de telle sorte que l'acte d'appel a opéré la dévolution des chefs du jugement critiqués.

Néanmoins, la déclaration d'appel ne fait aucunement allusion à l'annulation du jugement, cette prétention étant pour la première fois énoncée dans les conclusions déposées le 2 février 2022

alors qu'en application des dispositions de l'article 562 du code de procédure civile, l'étendue de la saisine du juge d'appel est limitée par les énonciations de l'acte d'appel qui défère le jugement à la cour et ne peut être élargie aux conclusions subséquentes qui ne peuvent suppléer aux omissions relevées dans la déclaration d'appel.

En l'espèce, la cour constate n'être saisie d'aucune demande relative à la nullité du jugement qui n'est pas évoquée dans l'acte d'appel et sur laquelle la cour n'a pas à se prononcer, faute d'en être valablement saisie.

2) Sur la résiliation du bail :

La SA Mate Construction sollicite la réformation du jugement au motif que l'occupation du second hangar, hors du champ contractuel, ne peut constituer une faute contractuelle et qu'en tout état de cause, cette faute ne revêt pas le caractère de gravité suffisante pour justifier le prononcé de la résiliation du bail et conclut au débouté des bailleresses.

Les consorts [D] sollicitent la confirmation du jugement en soutenant à l'appui de leur demande de résiliation pour manquements du locataire à ses obligations contractuelles, l'existence d'un important et ancien arriéré locatif que la locataire n'a pas entièrement apuré.

Le délai de prescription en matière de loyers et charges, dans le cadre d'un contrat de location des articles 1728 et suivants du Code civil, est de 5 années en vertu des dispositions de l'article 2224 du Code civil. L'assignation ayant été délivrée le 12 janvier 2018, la demande en paiement des loyers échus à compter du 1er février 2014 n'encourt aucune prescription.

L'imputation des paiements doit se faire sur la dette échue et parmi celles ci, sur les dettes que le débiteur avait le plus intérêt à régler (C. civ. , art. 1342-10). Si l'intérêt n'est pas possible à déterminer, l'imputation se fait sur la dette la plus ancienne.

Le bail ayant été conclu avec effet au 1er février 2014 moyennant un loyer mensuel de 2 500euros, le loyer annuel pour l'année 2014 s'élève à la somme de 27 500euros et la SA Mate Construction reconnaît n'avoir versé que la somme de 22 500euros durant cette période d'où un solde restant à devoir de 5 000euros qui a été réglé par des versements effectués de janvier à mars 2015.

Le loyer dû au titre de l'année 2015 s'élève à 30 000euros et la locataire a versé à ce titre la somme de 23 750euros de janvier à décembre 2015, ainsi que cela résulte de la lecture de son Grand Livre comptable d'où un solde dû de 6 250 euros, apuré par des versements opérés de janvier à mars 2016.

Le loyer dû au titre de l'année 2016 s'élève à 30 000euros et la locataire a versé à ce titre de mars 2016 à décembre 2016 la somme de 22 500euros, ainsi que cela résulte de la lecture de son Grand Livre comptable d'où un solde de 7 500euros apuré par versements opérés pour 2 500euros en février 2017, 2 500euros en mars 2017 et 2 500euros en janvier 2018.

Le loyer au titre de l'année 2017 s'élève à 30 000euros, la locataire a versé à ce titre la somme de 2 500euros et 5 000euros en janvier 2018 et 32 500euros en septembre 2018 d'où un trop perçu de 10 000euros.

Le loyer au titre de l'année 2018 s'élève à 30 000euros d'où il convient de déduire la somme de 10 000euros versé en septembre 2018 et la locataire a versé la somme de 7 500euros en septembre 2018, 5 000euros en octobre 2018 et 2 500euros en décembre soit la somme totale de 25 000euros, d'où un solde de 5 000euros réglé par versements opérés en janvier 2019.

Le loyer au titre de l'année 2019 s'élève à 30 000euros et la locataire a versé la somme de 25 000euros durant la période d'avril à décembre 2019 d'où un solde de 5 000euros réglé par des versements opérés de février 2020 à mars 2020.

Le loyer au titre de l'année 2020 s'élève à 30 000euros et la locataire a versé la somme de 20 000euros de mars à décembre 2020 et 10 000euros de janvier 2021 à avril 2021.

Le loyer au titre de l'année 2021 s'élève à 30 000euros et la locataire a versé la somme de 20 000euros d'avril 2021 à décembre 2021 et la somme de 10 000euros de janvier 2022 à mars 2022.

Les indemnités d'occupation dues au titre de l'année 2022 s'élève à 30 000euros et la locataire a versé la somme de 22 500euros d'avril 2022 à décembre 2022 et la somme de 7 500euros de janvier à mars 2023.

Les indemnités d'occupation dues au titre de l'année 2023 s'élève à 30 000euros et la locataire a versé la somme 12 500euros d'où un solde restant à devoir de 17 500euros

Il n'est pas contesté ainsi que l'établissent les courriers officiels de Maître [I] que de février 2021 à août 2023 la somme mensuelle de 2 500euros a été versée aux bailleresses qui en font état dans leur décompte.

La société Mate Construction établit également avoir réglé les indemnités des mois de septembre à novembre 2023 soit la somme totale de 7 500euros, qui doit venir en déduction des sommes dues. Reste un solde au titre de l'année 2023 de 10 000euros

Même à reprendre l'attestation établie par Madame [T] expert comptable qui reprend les sommes versées annuellement par la locataire en contre partie de son occupation des lieux de 2014 à 2023, sans les affecter à une période, on obtient un versement total de 292 500euros alors que la somme de 297 500 est due à ce titre démontrant solde débiteur de 5 000euros diminué d'un trop versé de 2 500euros pour la période de 1er janvier 2024 au 3 juin 2024 qui n'est pas contesté par les consorts [D]. Reste dû au moins un solde de 2 500euros.

Le preneur est tenu, à titre d'obligation principale du contrat de bail, au paiement du loyer aux termes convenus et ce jusqu'à la restitution des lieux. Tout manquement à cette obligation offre au bailleur la possibilité de demander le prononcé de la résiliation du bail aux torts du preneur, l'assignation suffisant à mettre en demeure le preneur qui n'a pas rempli son engagement. Il appartient à la juridiction d'apprécier le caractère de gravité suffisante de l'inexécution partielle pour justifier le prononcé de la résiliation du contrat

En l'espèce, il est acquis que la locataire a payé de façon erratique et sporadique le montant du loyer mensuel et ce durant 10 ans, sans jamais mettre à jour son compte locatif et en rendant complexe et confus le décompte locatif, alors que le versement régulier et exact des sommes échues et dues en contrepartie de l'occupation des lieux est une obligation déterminante du contrat. L'inexécution invoquée revêt un caractère e gravité suffisante pour justifier le prononcé de la résolution du contrat.

Dès lors il convient de confirmer la décision de première instance sur ce point, sauf en ce que la dette locative doit être fixée à la somme de 2 500euros au 3 juin 2024 au regard de l'attestation établie le 3 juin 2024 par Mme [T] expert comptable, dont les consorts [D] ne contestent pas utilement les constatations.

L'indemnité d'occupation sera égale au loyer en cours ainsi que l'a fixée le juge de première instance.

3) Sur la remise en état :

Les consorts [D] sollicitent également la condamnation sous astreinte de la SA Mate Constructions à remettre en état les locaux et notamment le mur de séparation existant entre le hangar donné en location et le second hangar occupé par la locataire et les bureaux situés au premier étage transformés en locaux d'habitation.

La société Mate constructions nie avoir entrepris des travaux dans les lieux loués.

Le bail litigieux porte mention, au titre de la composition des locaux, d'un local de 180m² et d'un ensemble de bureaux au Rez-de-Chaussée et à l'étage sur une surface de 250m².

S'il est acquis, ainsi que cela résulte du procès verbal établi le 27 février 2018 par Maître [X], huissier de justice mandaté par les consorts [D], que la SAS Mate Constructions occupe les deux hangars présents sur le site 'séparé par une cloison montée en carreaux de plâtre dans laquelle se trouve une ouverture isophane cadre bois permettant la communication entre les deux hangars', alors que les plans établis en septembre 1971 ne comporte aucun passage entre les deux bâtiments, il n'est nullement établi que la SAS Mate Construction soit à l'origine d'une telle ouverture, en l'absence d'état d'entrée dans les lieux permettant de connaître leur état lors de la prise à bail.

En revanche, le constat d'huissier sus visé permet d'établir que les locaux situés au 1er étage donnés à bail à usage de bureaux ont été transformés en logement d'habitation ainsi que le reconnaît le représentant de la locataire devant Maître [X], alors qu'il ne justifie d'aucun accord des bailleurs à cette transformation de la destination des lieux. Il convient de condamner la locataire à remettre les lieux en leur état lors de la prise de possession des lieux.

Par ces motifs, la cour statuant par arrêt contradictoire :

Dit que la cour n'est pas saisie d'une demande de nullité du jugement de première instance,

Confirme le jugement rendu le 25 octobre 2021 par le tribunal judiciaire de Perpignan, sauf en ce qui concerne le montant du solde locatif dû,

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Condamne la SAS Mate Constructions à verser aux consorts [D] la somme de 2 500euros au titre de l'arriéré locatif dû au 3 juin 2024,

Condamne la SAS Mate Construction à remettre en état le premier étage de bureaux du bâtiment principal converti en logement à ses frais dans un délai de 3 mois à compter de la présente décision et ce sous astreinte, passé ce délai, de 150euros par jour de retard,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes

Condamne la SA Mate Constructions à payer aux consorts [D] la somme de 5 000euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SA Mate Constructions aux entiers dépens avec distraction au profit de Maître Donneve.