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Décisions

CA Pau, 2e ch - sect. 1, 30 septembre 2024, n° 20/00183

PAU

Arrêt

Autre

CA Pau n° 20/00183

30 septembre 2024

PhD/ND

Numéro 24/2925

COUR D'APPEL DE PAU....

2ème CH - Section 1

ARRET DU 30/09/2024

Dossier : N° RG 20/00183 - N° Portalis DBVV-V-B7E-HPAK

Nature affaire :

Demande de fixation du prix du bail révisé ou renouvelé

Affaire :

SCI EVE

C/

SARL L'AVENUE '5TH AVENUE'

................................

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 30 septembre 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le.17 Juin 2024, devant :

Monsieur Philippe DARRACQ, magistrat chargé du rapport,

assisté de Madame Nathalène DENIS, Greffière présente à l'appel des causes,

Philippe DARRACQ, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Laurence BAYLAUCQ et en a rendu compte à la Cour composée de :

Monsieur Philippe DARRACQ, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Laurence BAYLAUCQ, Conseillère

Madame Joëlle GUIROY, Conseillère

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

SCI EVE

immatriculée au RCS de Bordeaux sous le n° D 482 867 223, agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Guillaume FRANCOIS de la SELARL AQUI'LEX, avocat au barreau de Mont-de-Marsan

Assistée de Me Marie Anne BLATT (selarl Caporale - Maillot - Blatt - Labeyrie), avocat au barreau de Bordeaux

INTIMEE :

SARL L'AVENUE '5TH AVENUE'

immatriculée au RCS de Mont-de-Marsan sous le n° 387 607 245.agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Sophie CREPIN de la SELARL LX PAU-TOULOUSE, avocat au barreau de Pau

Assistée de Me Emmanuel BARAST (SELARL Garonne Avocats), avocat au barreau de Bordeaux

sur appel de la décision

en date du 28 NOVEMBRE 2019

rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONT DE MARSAN

RG : 18/2

FAITS - PROCEDURE - PRETENTIONS et MOYENS DES PARTIES

La société à responsabilité limitée l'Avenue « 5th avenue » est locataire de divers locaux à usage de bar-restaurant, à Biscarrosse, appartenant à la société civile immobilière Eve, en vertu d'un bail commercial notarié initial des 18 février et 10 mars 1987, renouvelé pour une durée de neuf années à compter du 1er juin 2006 moyennant un loyer annuel de 19.700 euros correspondant à la valeur locative fixée par un arrêt confirmatif de la cour d'appel de Pau du 12 juillet 2011.

Par acte d'huissier du 24 novembre 2014, le bailleur a donné congé avec offre de renouvellement à compter du 1er juin 2015 moyennant un nouveau loyer annuel de 48.000 euros, toutes autres clauses et conditions du bail expiré demeurant inchangées.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 28 octobre 2016, le bailleur a notifié son mémoire aux fins de fixation du prix du bail renouvelé.

Suivant exploit du 25 octobre 2018, la SCI Eve a fait assigner la société l'Avenue « 5th avenue ».par devant le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de Mont-de-Marsan aux fins de voir fixer le prix du bail renouvelé à la somme annuelle de 48.000 euros HT, outre les charges et taxes prévues au bail.

Par jugement du 28 novembre 2019, le juge des loyers commerciaux a :

- constaté que la demande de sursis à statuer est sans objet

- rejeté les moyens tirés de l'incompétence du juge des loyers commerciaux

- fixé le prix annuel du bail renouvelé à la somme de 22.846 euros, hors charges à compter du 1er juin 2015

- dit que les intérêts au taux légal courront sur la différence entre les loyers versés et les loyers renouvelés dus depuis le 1er juin 2015 à compter de la présente décision

- ordonné la capitalisation des intérêts dus pour une année entière

- dit que les parties devront dresser un nouveau bail tenant compte de la présente décision dans le délai d'un mois à compter de la signification de la décision définitive et qu'à défaut la présente décision fixant le prix du bail vaudra bail

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile

- fait masse des dépens et condamné les parties à en régler la moitié chacune

- ordonné l'exécution provisoire du jugement.

Par déclaration faite au greffe de la cour le 16 janvier 2020, la SCI Eve a relevé appel de ce jugement.

Par arrêt mixte du 7 septembre 2021, la cour de céans a :

- dit que les travaux réalisés par la société l'Avenue « 5th avenue » au cours du bail expiré le 30 mai 2005 ont apporté une amélioration notable aux locaux loués

- dit que le prix du bail renouvelé le 1er juin 2015 doit correspondre à la valeur locative,

- ordonné une expertise confiée à Mme [X] [C], expert près la cour d'appel de Pau afin de rechercher la valeur locative des locaux loués à la date du renouvellement du bail,

- sursis à statuer sur la fixation du prix du bail renouvelé

- renvoyé l'affaire à la mise en état

- réservé les dépens.

Le rapport d'expertise judiciaire a été clôturé le 30 septembre 2022.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 22 mai 2024.

A l'ouverture des débats, et par mention au dossier, la cour a révoqué l'ordonnance de clôture et fixé la clôture de l'instruction de l'affaire au 17 juin 2024 à la demande conjointe des parties, l'intimée n'entendant pas répliquer aux dernières conclusions de l'appelante.

***

Vu les dernières conclusions valant mémoire notifiées le 11 juin 2024 par la SCI Eve qui a demandé à la cour de réformer le jugement entrepris, et, statuant à nouveau, de :

- fixer le montant du loyer du bail renouvelé à la somme annuelle de 46.730 euros hors taxes et hors charges, à compter du 1er juin 2015

- condamner la société l'Avenue « 5th avenue » au paiement des intérêts dus en vertu de l'article 1155 du code civil.

- ordonner la capitalisation des dits intérêts en vertu des dispositions de l'article 1154 du code civil.

- rejeter toutes les demandes et argumentation de la société locataire

- condamner la société l'Avenue « 5th avenue » au paiement d'une somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens en ce compris les frais d'expertise judiciaire.

* Vu les dernières conclusions valant mémoire notifiées le 21 mai 2024 par la société l'Avenue « 5th avenue » qui a demandé à la cour de :

- fixer le montant du loyer du bail renouvelé au 1er juin 2015 à la somme annuelle de 33.100 euros hors taxes et hors charges

- débouter la SCI Eve de ses plus amples demandees

- condamner la SCI Eve au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

MOTIFS

Le rapport d'expertise judiciaire propose de fixer la valeur locative des locaux loués au 1er juin 2015, soit, à la somme de 46.730 euros hors taxes et hors charges, soit à la somme de 44.297 euros hors taxes et hors charges en tenant compte du chiffre d'affaires.

L'intimée conteste ces conclusions en faisant valoir que :

- la méthode de calcul selon le chiffre d'affaires doit être écartée dès lors que le bail ne comprend pas de clause de calcul du loyer selon le chiffre d'affaires du locataire

- le rapport d'expertise judiciaire retient une surface utile pondérée de 182,13 m² là où le rapport d'expertise judiciaire [P] d'avril 2008, et le rapport unilatéral [U] de décembre 2015, retiennent 171 et 172 m², les discordances provenant des surfaces prises en compte pour la cour et pour la répartition de la salle de restaurant dont la zone située devant les sanitaires a été affublée d'un coefficient de 0,5 excessif quand cette zone est à usage exclusif de circulation devant être considérée comme un couloir, dégagement, de sorte qu'il y a lieu de prendre en compte une SUP de 171,5 m² correspondant à la moyenne des deux premières valeurs

- le rapport d'expertise judiciaire a retenu un prix moyen de 258 euros/m² HT après avoir écarté, sans motif légitime, le loyer moyen de 193/m² HT retenu dans la côte de valeur vénale publiée par les éditions Callon 2015 pour des emplacements sur la commune de [Localité 4]

- le prix du bail renouvelé doit être fixé à 171,5 m² x 193 euros = 33.100 euros HT conforme aux prix pratiqués dans le voisinage.

Cela posé, il est constant que, en l'espèce, le prix du bail renouvelé doit correspondre à la valeur locative déterminée d'après les critères définis à l'article L. 145-33 du code de commerce.

Concernant la surface des locaux, il est exact que le rapport [P] est entaché d'une erreur sur la superficie de la salle de restaurant (121,7 m² au lieu de 150,84 m² mesuré par un géomètre en 2008) et ce n'est que par le jeu de coefficients de pondération appliqués de façon différente sur les parties des locaux que les rapports [P] et [U] dégagent, fortuitement, une surface utile pondéré (SUP) similaire.

En réalité, le rapport [P] retient une surface utile, hors pondération, de 298,56 m² quand les rapports [U] et [C] retiennent respectivement une surface de 314,66 et 314,65 m², ce qui démontre encore l'erreur du rapport [P].

S'agissant plus spécialement de l'usage de la pièce dite « arrière salle » de 28,97 m², le rapport [C] a justement appliqué un coefficient de 0,5 rapporté à une superficie de 22,17 m² tenant compte des qualités d'aménagement et de la superficie de cette pièce, à usage mixte de salle de jeu et de circulation, et un coefficient de 0,3 rapporté au 6,80 m² restant, à usage de réserve.

Il y a donc lieu de retenir la surface pondérée de 182,13 m² telle que proposée par le rapport [C].

Concernant les termes de comparaison, le rapport [C] souligne à juste titre que les locaux jouissent d'un emplacement privilégié dans la rue la plus commerçante de [Localité 4]-plage avec une activité de bar-restaurant très attractive pour un commerce situé dans un tel emplacement, et bénéficiant d'une terrasse couverte et d'une terrasse non-couverte privative essentielles pour ce type d'activité, l'expert judiciaire relevant que les locaux du Cosy, situés en façe, sont loués 55.200 euros.

Par ailleurs, il a été constaté que deux locaux sont loués à plus de 45.000 euros sur les 10 termes de comparaison obtenus alors que la surface totale des présents locaux est plus importante et l'emplacement plus attractif que la majorité des commerces retenus.

C'est donc à juste titre, et sans qu'il soit même nécessaire d'examiner la méthode de calcul selon le chiffre d'affaires, que le rapport [C] n'a pas retenu comme référence la valeur vénale moyenne de la côte Callon 2015.

Le rapport [C] a retenu 6 termes de comparaison pertinents dont la moyenne fait ressortir un prix moyen/m² de :

- 176,74 euros/m² SUP = 45.892,31 euros

- 258,22 euros/m² SUP = 47.029,61 euros

dont la moyenne fait ressortir un prix de bail renouvelé de 46.730 euros.

Il convient donc, infirmant le jugement en toutes ses dispositions, de fixer le prix du bail renouvelé à la somme de 46.730 euros.

La cour rappelle que la société l'Avenue « 5th avenue » bénéficie de plein droit du lissage de l'augmentation du loyer prévu à l'article L. 145-34 dernier alinéa du code de commerce.

Et, la cour rappelle encore que la fixation par la juridiction des baux commerciaux du loyer, et des intérêts de retard en découlant, est exclusive du prononcé de toute condamnation.

Et, en l'absence de convention contraire sur les intérêts, les intérêts dus sur la différence entre le loyer du bail renouvelé et le loyer en cours ou provisionnel courent à compter de la délivrance de l'assignation introductive d'instance en fixation du prix, lorsque le bailleur est à l'origine de la procédure et à compter des dates des échéances postérieures.

En l'espèce, il sera donc dit que la société l'Avenue « 5th avenue » devra régler les intérêts de retard à compter du 25 octobre 2018 pour les loyers échus avant cette date et à compter de la date d'exigibilité des loyers postérieurs, courus sur la différence entre les loyers dus et les loyers payés, et que ces intérêts échus pour une année pourront être capitalisés.

Il sera fait masse des dépens de première instance et d'appel, en ce compris le coût de l'expertise judiciaire, et il sera dit qu'ils seront partagés par moitié entre les parties.

Les parties seront déboutées de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

la cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

INFIRME en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

et, statuant à nouveau,

FIXE le prix du bail renouvelé le 1er juin 2015 entre les parties à la somme de 46.730 euros hors taxes et hors charges,

DIT que la société l'Avenue « 5th avenue » devra régler les intérêts de retard à compter du 25 octobre 2018 pour les loyers échus avant cette date et à compter de la date d'exigibilité des loyers postérieurs, courus sur la différence entre les loyers dus et les loyers payés,

DIT que les intérêts échus pour une année pourront être capitalisés,

FAIT masse des dépens de première instance et d'appel,

DEBOUTE les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,

DIT n'y avoir lieu à autoriser la selarl Aquilex, avocat, à procéder au recouvrement direct des dépens d'appel, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé.par Monsieur Philippe DARRACQ, conseiller faisant fonction de Président et par.Madame Nathalène DENIS, greffière suivant les dispositions de l'article 456 du Code de Procédure Civile.

La Greffière, Le Président,