CA Paris, Pôle 4 ch. 4, 1 octobre 2024, n° 23/11364
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Studiomatic (SAS)
Défendeur :
Badi (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Guillaume
Conseiller :
Mme Mongin
Avocats :
Me Regnier, Me Bons, Me Chevalier
EXPOSÉ DU LITIGE
Selon actes des 11 février, 12 avril et 7 mai 2021, intitulés 'contrat de prestation de service avec mise à disposition d'un studio', d'une durée de six mois renouvelable par tacite reconduction, la société Badi, a mis à disposition de la société Studiomatic respectivement les studios 12 et 13, le studio 11 et le studio 9, aménagés en studios de composition, dans un immeuble situé à [Adresse 1].
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 23 novembre 2021, la société Badi a déclaré mettre fin à ces contrats avec effet au 22 février 2022 (studios 12 et 13), 12 avril 2022 (studio 11) et 10 mai 2022 (studio 9), conformément aux contrats prévoyant la faculté pour chacune des parties d'y mettre fin au plus tard deux mois avant le terme.
La société Studiomatic, qui avait vainement sollicité l'octroi d'un délai supplémentaire de six mois pour libérer les locaux, a assigné la société Badi en requalification des contrats en baux commerciaux, en annulation de la lettre de résiliation du 23 novembre 2021 et en paiement d'une somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
A l'appui de ces demandes, elle a fait valoir qu'elle est immatriculée au registre du commerce et des sociétés, que les contrats litigieux, qui ont pour objet la mise à disposition de locaux qu'elle a dû aménager pour l'exercice de son activité, s'analysent en des contrats de bail et, qu'y exploitant un fonds de commerce, ils sont soumis aux dispositions de l'article L. 145-1 du code de commerce.
Par jugement du 31 mai 2023, le tribunal judiciaire de Bobigny a débouté la société Studiomatic de ses demandes et l'a condamnée à payer à la société Badi la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour statuer ainsi, le tribunal a retenu qu'il résulte de l'extrait Kbis produit par la société Studiomatic qu'elle est immatriculée au registre du commerce et des sociétés au titre d'un établissement secondaire situé à [Localité 7], [Adresse 2] depuis le 23 novembre 2021 mais qu'elle ne justifie pas d'une immatriculation complémentaire pour un établissement situé à l'adresse des locaux litigieux, de sorte que n'est pas réunie une des conditions prévues par l'article L. 145-1 du code de commerce pour l'application du statut des baux commerciaux.
La société Studiomatic a interjeté appel de ce jugement.
Elle fait d'abord valoir que les contrats intitulés 'prestation de services avec mise à disposition d'un studio' constituent en réalité des baux à loyer puisque les prestations de services, qui sont limitées aux parties communes de l'immeuble dans lequel sont situés les locaux, ne sont que l'accessoire de la mise à disposition des studios qui ont été loués 'insonorisés' et 'libre de toute occupation' et que c'est elle qui a procédé à leur aménagement intérieur et à leur équipement technique.
Elle indique que, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, elle est immatriculée au registre du commerce et des sociétés pour les locaux litigieux situés à [Localité 7], [Adresse 1], peu important que son siège social ne soit pas situé à cette adresse.
Elle soutient que la clause des contrats lui interdisant d'utiliser l'adresse des locaux comme siège social ou établissement ne peut déroger à l'obligation légale d'immatriculation prévue par les articles R. 123-40 et suivants du code de commerce ni faire échec à l'application des dispositions d'ordre public du statut des baux commerciaux ; qu'ainsi ce statut est applicable dès lors qu'elle exploite dans les locaux un fonds de commerce et qu'elle est immatriculée au registre du commerce et des sociétés au titre de cet établissement.
En l'absence de circonstances particulières caractérisant une cause objective de précarité, elle conteste l'argumentation de la société Badi qui prétend que les conventions litigieuses sont des conventions d'occupation précaire.
Elle ajoute que la prétendue modicité des loyers, qu'elle conteste en précisant qu'une partie du loyer était assis sur le chiffre d'affaires, et l'absence de charges récupérables sur le preneur ne sont pas exclusives de l'application du statut des baux commerciaux.
La société Studiomatic demande en conséquence à la cour d'infirmer le jugement et, statuant à nouveau, de requalifier les conventions litigieuses en baux commerciaux, de déclarer nulle la lettre de résiliation du 23 novembre 2021 et de condamner la société Badi à lui payer la somme de 9 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Badi conclut à la confirmation du jugement et à la condamnation de la société Studiomatic à lui payer la somme de 9 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient d'abord qu'en concluant les contrats litigieux prévoyant des prestations de services avec mise à disposition d'un studio, la société Studiomatic avait conscience que l'utilisation de ces locaux n'avait pas vocation à durer et que ces conventions ne lui accordaient qu'un droit à occupation précaire.
Elle ajoute que la société Studiomatic ne justifie pas d'une immatriculation au titre de son siège social pour les locaux litigieux, les contrats stipulant d'ailleurs qu'elle ne pourra 'jamais utiliser l'adresse du Studio comme siège social ou établissement'.
Elle fait également valoir que le contrat ne prévoit pas le paiement de charges, ce qui exclut la qualification de bail commercial puisque l'article L. 145-40-2 du code de commerce prévoit que tout bail commercial comporte un inventaire précis et limitatif des catégories de charges, impôts, taxes et redevances liés à ce bail ; qu'en outre, la modicité des conditions financières prévues par les contrats (795 euros HT pour le lot 12, 890 HT pour le lot 13, 830 euros HT pour le lot 11 et 700 euros HT pour le lot 9), justifiée par le caractère précaire de l'occupation des locaux à laquelle elle pouvait mettre fin à tout moment, apparaît incompatible avec l'application du statut des baux commerciaux alors qu'en outre, si une partie du loyer était variable, l'application de cette clause n'a pas été systématique.
MOTIFS DE L'ARRÊT
Considérant qu'aux termes de l'article 1709 du code civil, le louage de choses est un contrat par lequel l'une des parties s'oblige à faire jouir l'autre d'une chose pendant un certain temps, et moyennant un certain prix que celle-ci s'oblige de lui payer ;
Considérant qu'en l'espèce, les contrats litigieux prévoient la mise à disposition de locaux aménagés assortie de nombreuses prestations de services comprises dans le prix, ainsi décrites :
'un accès aux locaux et au studio 24 h/24h, 7 j /7 avec un gardien extérieur, un accès wifi via la fibre d'Orange, une vidéosurveillance au sein des locaux, le ménage des parties communes des locaux, la gestion des poubelles communes, un espace sanitaire commun, un espace de détente avec une machine à boissons chaudes, une machine à boissons fraîches et une machine à confiserie, un technicien joignable par téléphone de 8 h à 18 h en semaine et se rendant sur site en cas de nécessité, deux places de parking à usage ponctuel' ; que le prix convenu, fixé globalement, rémunérait indissociablement tant la mise à disposition des locaux que ces prestations ; qu'il en résulte que les conventions liant les parties ne peuvent être qualifiées de bail ; qu'il convient de confirmer le jugement ;
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Vu en application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Studiomatic et la condamne à payer à la société Badi la somme de 5000 euros ;
La condamne aux dépens.