Décisions
CA Paris, Pôle 4 - ch. 9 - a, 26 septembre 2024, n° 23/03856
PARIS
Arrêt
Autre
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 9 - A
ARRÊT DU 26 SEPTEMBRE 2024
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/03856 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHF57
Décision déférée à la Cour : Jugement du 6 janvier 2023 - Juge des contentieux de la protection de MELUN - RG n° 21/05127
APPELANT
Monsieur [P] [D]
né le [Date naissance 1] 1949 à [Localité 7] (77)
[Adresse 2]
[Localité 5]
représenté par Me Laurent MORET de la SELARL LM AVOCATS, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : 427
INTIMÉE
La société FINANCO, société anonyme à directoire et conseil de surveillance agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité
N° SIRET : 338 138 795 00467
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par Me Olivier HASCOET de la SELARL HKH AVOCATS, avocat au barreau de l'ESSONNE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 juin 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre
Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère
Mme Sophie COULIBEUF, Conseillère
Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Marylène BOGAERS
, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par acte du 8 novembre 2021, la société Financo a fait assigner Mme [L] [M] épouse [D] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Melun, en résiliation de contrat et en paiement des sommes restant dues au titre d'une offre de crédit acceptée électroniquement le 8 janvier 2020, destinée à l'achat d'un véhicule de marque Renault Kadjar au prix de 26 110,76 euros, le crédit étant remboursable par 48 mensualités de 610,82 euros chacune hors assurance au taux annuel effectif global de 5,71 %.
Par acte du 11 avril 2022, la société Financo a fait assigner M. [P] [D] en demandant, à titre subsidiaire, si la juridiction devait estimer que Mme [D] n'était pas signataire du contrat, sa condamnation à la même somme que Mme [D] soit 29 949,21 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1240 du code civil.
Par jugement contradictoire du 6 janvier 2023 auquel il convient de se reporter, le juge a :
- déclaré la société Financo recevable en son action en paiement et en sa demande de dommages et intérêts dirigée contre M. [D],
- débouté la société Financo de ses demandes dirigées contre Mme [D] tenant à la déchéance du terme du contrat, à la résiliation du contrat et à sa condamnation au paiement de la somme de 29 949,21 euros outre à la restitution du véhicule,
- déclaré que M. [D] a commis une faute engageant sa responsabilité vis-à-vis de la société Financo en imitant la signature de son épouse sur le contrat de crédit,
- condamné en conséquence M. [D] à verser une somme de 7 500 euros à titre de dommages et intérêts, à la société Financo,
- débouté M. [D] de sa demande de dommages et intérêts,
- condamné M. [D] à payer à la société Financo une somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,
- débouté les parties des autres demandes de frais irrépétibles.
Après avoir contrôlé la recevabilité de la demande en paiement au regard de la forclusion, le premier juge a déclaré la banque recevable en sa demande de dommages et intérêts formée à l'encontre de M. [D], entrepreneur individuel en liquidation judiciaire, nonobstant les dispositions des articles L. 622-17 et L. 622-21 du code de commerce, car la demande était fondée sur le droit commun de la responsabilité civile et non sur un contrat.
Pour débouter la banque de sa demande à l'encontre de Mme [D], le juge a relevé que Mme [D] contestait sa signature sur le contrat et a considéré, en présence d'une signature électronique, qu'il n'y avait pas sur l'offre de prêt de numéro à côté de la signature électronique permettant de rattacher l'opération au fichier de preuve produit, qu'il n'y avait pas de preuve que l'organisme DocuSign ayant délivré le fichier de preuve était habilité pour ce faire de sorte que la signature électronique de Mme [D] ne satisfaisait pas aux exigences légales, en observant que les fichiers de preuve pour elle et son mari renvoyaient à la même adresse email appartenant à M. [D]. Il a estimé qu'au vu des éléments du dossier, il était manifeste que M. [D] avait signé électroniquement l'offre de prêt à la fois en son nom personnel et à la place de son épouse, ce qui engageait sa responsabilité, sans que la preuve d'une faute de la banque ne soit rapportée. Il a évalué le préjudice de la banque à la somme de 7 500 euros.
Par déclaration réalisée par voie électronique le 21 février 2023, M. [D] a interjeté appel de cette décision uniquement à l'encontre de la société Financo.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées par voie électronique le 19 janvier 2024, M. [D] demande à la cour :
- d'infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré recevables l'action en paiement de la société Financo et sa demande de dommages-intérêts, déclaré qu'il avait commis une faute au sens de l'article 1240 du code civil engageant sa responsabilité vis-à-vis de la société Financo en imitant la signature de son épouse sur le contrat de crédit et en ce qu'il l'a condamné à lui verser la somme de 7 500 euros à titre de dommages-intérêts, en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages-intérêts et de sa demande de frais irrépétibles, et en ce qu'il l'a condamné à verser la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,
- statuant à nouveau,
- à titre principal, de déclarer irrecevables les demandes de la société Financo formées tant en appel qu'en première instance à son encontre,
- à titre subsidiaire, de débouter la société Financo de toutes ses demandes et prétentions,
- en tout état de cause, de dire que la société Financo a commis une faute à son préjudice et la condamner à lui payer la somme de 26 110,76 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi outre la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Il expose que la demande de dommages et intérêts formée en première instance par la société Financo est liée à la souscription du contrat de crédit intervenue antérieurement au jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire du 7 septembre 2020, que la banque lui réclamait des dommages et intérêts correspondant au montant d'un crédit impayé souscrit antérieurement au prononcé de sa liquidation judiciaire. Il insiste sur le fait que la date du fait dommageable soit le crédit, est antérieure à l'ouverture de la procédure collective et que les textes interdisent toute action en justice tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ou à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.
Il considère la demande d'indemnisation infondée, soutenant n'avoir jamais imité la signature de son épouse puisque ce n'est pas une signature manuscrite mais électronique, que la seule signature électronique du contrat de crédit via l'envoi de deux codes à partir de son téléphone portable à la demande de l'organisme prêteur et de son intermédiaire ne peut, en soi, constituer une faute de sa part alors qu'il n'a fait qu'exécuter les instructions transmises par son cocontractant. Il soutient que le juge aurait dû déduire de ses propres constatations que la société Financo et/ou son mandataire ont été plus que négligents en ne s'étant pas assurés d'une signature électronique valable et se défend d'avoir commis une faute.
Il explique que la banque et son intermédiaire la société Renault [Localité 6] sont seules responsables des préjudices subis, que le commercial de la société Financo a établi l'offre de crédit sur l'ordinateur du garage puis a transmis deux fois les codes pour la signature de cette offre sur son téléphone personnel et qu'il n'a pas compris pourquoi il devait taper deux fois les codes sur son téléphone. Il indique qu'il n'avait pas pour habitude de signer électroniquement des contrats de crédit, que le commercial était présent pour lui montrer la marche à suivre, et que la société Financo a commis une faute et est responsable de ses propres préjudices en n'ayant pas adressé l'offre de prêt à son épouse et en ayant adressé uniquement à sa personne les codes permettant la signature électronique du contrat de crédit et que nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude.
Il soutient que la société Financo ne peut pas avoir subi un préjudice à hauteur de 29 949,21 euros ou même de 7 500 euros car même si Mme [D] avait signé le contrat, ce qui n'est manifestement pas le cas en l'espèce, la banque aurait été déchue de son droit aux intérêts pour ne pas avoir respecté les dispositions des articles L. 341-2, L. 312-14, L. 312-16 du code de la consommation en ne s'étant pas assurée de la solvabilité du ou des emprunteurs, ce d'autant plus que l'intermédiaire connaissait parfaitement sa situation d'endettement pour lui avoir fait souscrire trois crédits pour l'achat de trois véhicules en un an, étant observé que la fiche de dialogue qui n'est pas signée n'aurait pas dû mentionner 0 euro à la ligne "autres prêts en cours". Il fait état d'une situation irrémédiablement compromise à la date de signature du contrat puisque la société qu'il dirigeait a été placée en liquidation judiciaire en juin 2020 et qu'il a été personnellement placé en liquidation judiciaire en septembre 2020. Il note que la société Financo et son intermédiaire auraient dû remplir la fiche de dialogue en présence de son épouse puisque cette dernière devait être codébitrice et que c'est donc par leur propre faute et de parfaite mauvaise foi qu'ils lui ont abusivement octroyé un crédit de sorte que non seulement la société Financo doit être déchue de son droit aux intérêts, mais, en outre, elle ne peut pas engager sa responsabilité.
Il estime que la banque a commis plusieurs fautes en n'envoyant pas l'offre de crédit à sa femme et en n'adressant les codes de signature électronique qu'à M. [D], qu'elle a commis une fraude en envoyant l'offre qu'elle prétend destinée à madame sur son adresse mail et en adressant les codes permettant la signature électronique du contrat de prêt uniquement sur le téléphone portable de monsieur, prétendant ainsi qu'elle aurait été valablement signée par madame, qu'elle lui a octroyé un crédit alors qu'elle connaissait sa situation d'endettement, le fait que la fiche de dialogue ne mentionne pas les autres crédits en cours et qu'il s'agit d'un octroi abusif de crédit.
La société Financo a été déclarée irrecevable à conclure suivant ordonnance du conseiller de la mise en état du 9 janvier 2024. Elle a néanmoins fait parvenir un dossier de plaidoirie.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions de l'appelant, il est renvoyé aux écritures de celui-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 mai 2024 et l'affaire a été appelée à l'audience le 26 juin 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il résulte de l'article 954 dernier alinéa du code de procédure civile que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.
Il doit être constaté que M. [D] a dirigé son appel uniquement à l'encontre de la société Financo. Dès lors, ne sont pas remises en question les dispositions du jugement ayant débouté la société Financo de ses demandes dirigées contre Mme [D] tenant à la déchéance du terme du contrat, à la résiliation du contrat et à la condamnation au paiement de la somme de 29 949,21 euros outre à la restitution du véhicule.
Si M. [D] demande de voir infirmer le jugement en ce qu'il a reçu la société Financo en son action en paiement, cette action n'était dirigée que contre Mme [D] et la banque ne formulait à l'encontre de M. [D] qu'une demande subsidiaire d'indemnisation, de sorte qu'il n'y a pas lieu à infirmer cette disposition qui n'entre pas dans le champ de l'appel de M. [D].
Sur la fin de non-recevoir
M. [D] soutient que la demande de dommages et intérêts formée à son encontre par la société Financo sur le fondement de la responsabilité civile délictuelle est irrecevable car le fait dommageable correspond à la date de souscription du crédit le 8 janvier 2020, soit antérieurement à son placement en liquidation judiciaire le 7 septembre 2020.
En application des articles L. 622-21 et L. 641-3 du code de commerce, le jugement d'ouverture d'une liquidation judiciaire interrompt et interdit toute action en justice de la part des créanciers tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ou à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent. En vertu de l'article L. 622-22 du code de commerce, les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance. Elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l'administrateur ou le commissaire à l'exécution du plan nommé en application de l'article L. 626-25 dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant.
M. [D] communique aux débats un jugement rendu le 7 septembre 2020 par le tribunal de commerce de Melun aux termes duquel il fait l'objet à titre personnel en tant qu'entrepreneur individuel d'une liquidation judiciaire simplifiée. La demande formée à son encontre par la société Financo est une demande purement indemnitaire formée en application de l'article 1240 du code civil, et même si elle trouve son fondement dans un contrat de crédit souscrit le 8 janvier 2020, elle n'entre pas dans les prévisions des articles L. 622-21 et L. 641-3 du code de commerce. La société Financo qui a initié son action postérieurement au jugement de liquidation judiciaire a pris soin de déclarer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de M. [D] tel que cela résulte de la liste des créances établie par Maître [J], mandataire liquidateur désigné, le 17 décembres 2020 puisque l'état vise une créance détenue par la société Financo pour 29 979,05 euros retenue à titre chirographaire.
C'est donc à bon droit que le premier juge a retenu que la demande d'indemnisation formée par la société Financo était recevable.
Sur la demande de dommages et intérêts de la société Financo
Le premier juge a considéré qu'il était manifeste que M. [D] avait signé le contrat à la place de son épouse.
La cour constate que l'offre de prêt est revêtue de la signature électronique de M. [D] et de Mme [D], cette dernière en qualité de co-emprunteur.
M. [D] reconnaît dans ses écritures que la société Financo n'a adressé les exemplaires de l'offre de crédit qu'à lui-même sur sa propre adresse de messagerie électronique mais pas à son épouse, qu'il a reçu lui-même sur son téléphone portable les deux codes permettant la signature électronique du contrat de prêt et qu'il a validé ces codes à deux reprises.
Le fichier de preuve Protect and Sign communiqué permet de confirmer que les deux exemplaires de l'ensemble contractuel ont été adressés pour les deux co-emprunteurs à l'unique adresse de messagerie électronique de M. [D] ([Courriel 8]), que la signature a été validée concernant monsieur à 10 h 01 minutes 37 secondes et concernant madame à 10 h 03 minutes 35 secondes sans qu'il soit possible de dire si les codes d'activation ont été transmis sur le même numéro de téléphone portable.
Aucun élément ne permet de dire que Mme [D] ait consenti au contrat, M. [D] reconnaissant avoir 'uvré seul sans même prétendre avoir requis le consentement de son épouse. Pour autant, la société Financo qui met en avant la faute de M. [D] ne démontre à aucun moment s'être assurée de la fiabilité de la signature électronique attribuée à Mme [D], en prenant un certain nombre de précautions relatives aux adresses de messagerie électronique ou aux numéros de téléphone portables communiqués pour la réception des codes d'activation de sorte qu'elle est mal fondée à venir rechercher la responsabilité de M. [D] sur le fondement de l'article 1240 du code civil. La demande d'indemnisation doit par conséquent être rejetée.
Il convient donc d'infirmer le jugement ayant retenu une faute de M. [D] et l'ayant condamné à verser à la société Financo une somme de 7 500 euros à titre de dommages et intérêts.
Le jugement est en revanche confirmé en ce qu'il a débouté M. [D] de sa demande d'indemnisation formée contre la société Financo.
Sur les autres demandes
Le jugement doit être infirmé en ce qu'il a condamné M. [D] aux dépens de première instance, l'a condamné à verser à la société Financo une somme de 800 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile mais confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de M. [D] au titre de ses frais irrépétibles.
La société Financo qui succombe supportera les dépens de première instance et d'ap-pel et M. [D] conservera la charge de ses frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Infirme le jugement sauf en ce qu'il a déclaré la demande de dommages et intérêts de la société Financo recevable, a rejeté la demande d'indemnisation de M. [P] [D] et a rejeté la demande de M. [P] [D] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Statuant dans les limites de l'appel et y ajoutant,
Déboute la société Financo de sa demande de dommages et intérêts ;
Condamne la société Financo aux dépens de première instance et d'appel ;
Rejette toute demande plus ample ou contraire.
La greffière La présidente
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 9 - A
ARRÊT DU 26 SEPTEMBRE 2024
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/03856 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHF57
Décision déférée à la Cour : Jugement du 6 janvier 2023 - Juge des contentieux de la protection de MELUN - RG n° 21/05127
APPELANT
Monsieur [P] [D]
né le [Date naissance 1] 1949 à [Localité 7] (77)
[Adresse 2]
[Localité 5]
représenté par Me Laurent MORET de la SELARL LM AVOCATS, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : 427
INTIMÉE
La société FINANCO, société anonyme à directoire et conseil de surveillance agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité
N° SIRET : 338 138 795 00467
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par Me Olivier HASCOET de la SELARL HKH AVOCATS, avocat au barreau de l'ESSONNE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 juin 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre
Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère
Mme Sophie COULIBEUF, Conseillère
Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Marylène BOGAERS
, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par acte du 8 novembre 2021, la société Financo a fait assigner Mme [L] [M] épouse [D] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Melun, en résiliation de contrat et en paiement des sommes restant dues au titre d'une offre de crédit acceptée électroniquement le 8 janvier 2020, destinée à l'achat d'un véhicule de marque Renault Kadjar au prix de 26 110,76 euros, le crédit étant remboursable par 48 mensualités de 610,82 euros chacune hors assurance au taux annuel effectif global de 5,71 %.
Par acte du 11 avril 2022, la société Financo a fait assigner M. [P] [D] en demandant, à titre subsidiaire, si la juridiction devait estimer que Mme [D] n'était pas signataire du contrat, sa condamnation à la même somme que Mme [D] soit 29 949,21 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1240 du code civil.
Par jugement contradictoire du 6 janvier 2023 auquel il convient de se reporter, le juge a :
- déclaré la société Financo recevable en son action en paiement et en sa demande de dommages et intérêts dirigée contre M. [D],
- débouté la société Financo de ses demandes dirigées contre Mme [D] tenant à la déchéance du terme du contrat, à la résiliation du contrat et à sa condamnation au paiement de la somme de 29 949,21 euros outre à la restitution du véhicule,
- déclaré que M. [D] a commis une faute engageant sa responsabilité vis-à-vis de la société Financo en imitant la signature de son épouse sur le contrat de crédit,
- condamné en conséquence M. [D] à verser une somme de 7 500 euros à titre de dommages et intérêts, à la société Financo,
- débouté M. [D] de sa demande de dommages et intérêts,
- condamné M. [D] à payer à la société Financo une somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,
- débouté les parties des autres demandes de frais irrépétibles.
Après avoir contrôlé la recevabilité de la demande en paiement au regard de la forclusion, le premier juge a déclaré la banque recevable en sa demande de dommages et intérêts formée à l'encontre de M. [D], entrepreneur individuel en liquidation judiciaire, nonobstant les dispositions des articles L. 622-17 et L. 622-21 du code de commerce, car la demande était fondée sur le droit commun de la responsabilité civile et non sur un contrat.
Pour débouter la banque de sa demande à l'encontre de Mme [D], le juge a relevé que Mme [D] contestait sa signature sur le contrat et a considéré, en présence d'une signature électronique, qu'il n'y avait pas sur l'offre de prêt de numéro à côté de la signature électronique permettant de rattacher l'opération au fichier de preuve produit, qu'il n'y avait pas de preuve que l'organisme DocuSign ayant délivré le fichier de preuve était habilité pour ce faire de sorte que la signature électronique de Mme [D] ne satisfaisait pas aux exigences légales, en observant que les fichiers de preuve pour elle et son mari renvoyaient à la même adresse email appartenant à M. [D]. Il a estimé qu'au vu des éléments du dossier, il était manifeste que M. [D] avait signé électroniquement l'offre de prêt à la fois en son nom personnel et à la place de son épouse, ce qui engageait sa responsabilité, sans que la preuve d'une faute de la banque ne soit rapportée. Il a évalué le préjudice de la banque à la somme de 7 500 euros.
Par déclaration réalisée par voie électronique le 21 février 2023, M. [D] a interjeté appel de cette décision uniquement à l'encontre de la société Financo.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées par voie électronique le 19 janvier 2024, M. [D] demande à la cour :
- d'infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré recevables l'action en paiement de la société Financo et sa demande de dommages-intérêts, déclaré qu'il avait commis une faute au sens de l'article 1240 du code civil engageant sa responsabilité vis-à-vis de la société Financo en imitant la signature de son épouse sur le contrat de crédit et en ce qu'il l'a condamné à lui verser la somme de 7 500 euros à titre de dommages-intérêts, en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages-intérêts et de sa demande de frais irrépétibles, et en ce qu'il l'a condamné à verser la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,
- statuant à nouveau,
- à titre principal, de déclarer irrecevables les demandes de la société Financo formées tant en appel qu'en première instance à son encontre,
- à titre subsidiaire, de débouter la société Financo de toutes ses demandes et prétentions,
- en tout état de cause, de dire que la société Financo a commis une faute à son préjudice et la condamner à lui payer la somme de 26 110,76 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi outre la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Il expose que la demande de dommages et intérêts formée en première instance par la société Financo est liée à la souscription du contrat de crédit intervenue antérieurement au jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire du 7 septembre 2020, que la banque lui réclamait des dommages et intérêts correspondant au montant d'un crédit impayé souscrit antérieurement au prononcé de sa liquidation judiciaire. Il insiste sur le fait que la date du fait dommageable soit le crédit, est antérieure à l'ouverture de la procédure collective et que les textes interdisent toute action en justice tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ou à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.
Il considère la demande d'indemnisation infondée, soutenant n'avoir jamais imité la signature de son épouse puisque ce n'est pas une signature manuscrite mais électronique, que la seule signature électronique du contrat de crédit via l'envoi de deux codes à partir de son téléphone portable à la demande de l'organisme prêteur et de son intermédiaire ne peut, en soi, constituer une faute de sa part alors qu'il n'a fait qu'exécuter les instructions transmises par son cocontractant. Il soutient que le juge aurait dû déduire de ses propres constatations que la société Financo et/ou son mandataire ont été plus que négligents en ne s'étant pas assurés d'une signature électronique valable et se défend d'avoir commis une faute.
Il explique que la banque et son intermédiaire la société Renault [Localité 6] sont seules responsables des préjudices subis, que le commercial de la société Financo a établi l'offre de crédit sur l'ordinateur du garage puis a transmis deux fois les codes pour la signature de cette offre sur son téléphone personnel et qu'il n'a pas compris pourquoi il devait taper deux fois les codes sur son téléphone. Il indique qu'il n'avait pas pour habitude de signer électroniquement des contrats de crédit, que le commercial était présent pour lui montrer la marche à suivre, et que la société Financo a commis une faute et est responsable de ses propres préjudices en n'ayant pas adressé l'offre de prêt à son épouse et en ayant adressé uniquement à sa personne les codes permettant la signature électronique du contrat de crédit et que nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude.
Il soutient que la société Financo ne peut pas avoir subi un préjudice à hauteur de 29 949,21 euros ou même de 7 500 euros car même si Mme [D] avait signé le contrat, ce qui n'est manifestement pas le cas en l'espèce, la banque aurait été déchue de son droit aux intérêts pour ne pas avoir respecté les dispositions des articles L. 341-2, L. 312-14, L. 312-16 du code de la consommation en ne s'étant pas assurée de la solvabilité du ou des emprunteurs, ce d'autant plus que l'intermédiaire connaissait parfaitement sa situation d'endettement pour lui avoir fait souscrire trois crédits pour l'achat de trois véhicules en un an, étant observé que la fiche de dialogue qui n'est pas signée n'aurait pas dû mentionner 0 euro à la ligne "autres prêts en cours". Il fait état d'une situation irrémédiablement compromise à la date de signature du contrat puisque la société qu'il dirigeait a été placée en liquidation judiciaire en juin 2020 et qu'il a été personnellement placé en liquidation judiciaire en septembre 2020. Il note que la société Financo et son intermédiaire auraient dû remplir la fiche de dialogue en présence de son épouse puisque cette dernière devait être codébitrice et que c'est donc par leur propre faute et de parfaite mauvaise foi qu'ils lui ont abusivement octroyé un crédit de sorte que non seulement la société Financo doit être déchue de son droit aux intérêts, mais, en outre, elle ne peut pas engager sa responsabilité.
Il estime que la banque a commis plusieurs fautes en n'envoyant pas l'offre de crédit à sa femme et en n'adressant les codes de signature électronique qu'à M. [D], qu'elle a commis une fraude en envoyant l'offre qu'elle prétend destinée à madame sur son adresse mail et en adressant les codes permettant la signature électronique du contrat de prêt uniquement sur le téléphone portable de monsieur, prétendant ainsi qu'elle aurait été valablement signée par madame, qu'elle lui a octroyé un crédit alors qu'elle connaissait sa situation d'endettement, le fait que la fiche de dialogue ne mentionne pas les autres crédits en cours et qu'il s'agit d'un octroi abusif de crédit.
La société Financo a été déclarée irrecevable à conclure suivant ordonnance du conseiller de la mise en état du 9 janvier 2024. Elle a néanmoins fait parvenir un dossier de plaidoirie.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions de l'appelant, il est renvoyé aux écritures de celui-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 mai 2024 et l'affaire a été appelée à l'audience le 26 juin 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il résulte de l'article 954 dernier alinéa du code de procédure civile que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.
Il doit être constaté que M. [D] a dirigé son appel uniquement à l'encontre de la société Financo. Dès lors, ne sont pas remises en question les dispositions du jugement ayant débouté la société Financo de ses demandes dirigées contre Mme [D] tenant à la déchéance du terme du contrat, à la résiliation du contrat et à la condamnation au paiement de la somme de 29 949,21 euros outre à la restitution du véhicule.
Si M. [D] demande de voir infirmer le jugement en ce qu'il a reçu la société Financo en son action en paiement, cette action n'était dirigée que contre Mme [D] et la banque ne formulait à l'encontre de M. [D] qu'une demande subsidiaire d'indemnisation, de sorte qu'il n'y a pas lieu à infirmer cette disposition qui n'entre pas dans le champ de l'appel de M. [D].
Sur la fin de non-recevoir
M. [D] soutient que la demande de dommages et intérêts formée à son encontre par la société Financo sur le fondement de la responsabilité civile délictuelle est irrecevable car le fait dommageable correspond à la date de souscription du crédit le 8 janvier 2020, soit antérieurement à son placement en liquidation judiciaire le 7 septembre 2020.
En application des articles L. 622-21 et L. 641-3 du code de commerce, le jugement d'ouverture d'une liquidation judiciaire interrompt et interdit toute action en justice de la part des créanciers tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ou à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent. En vertu de l'article L. 622-22 du code de commerce, les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance. Elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l'administrateur ou le commissaire à l'exécution du plan nommé en application de l'article L. 626-25 dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant.
M. [D] communique aux débats un jugement rendu le 7 septembre 2020 par le tribunal de commerce de Melun aux termes duquel il fait l'objet à titre personnel en tant qu'entrepreneur individuel d'une liquidation judiciaire simplifiée. La demande formée à son encontre par la société Financo est une demande purement indemnitaire formée en application de l'article 1240 du code civil, et même si elle trouve son fondement dans un contrat de crédit souscrit le 8 janvier 2020, elle n'entre pas dans les prévisions des articles L. 622-21 et L. 641-3 du code de commerce. La société Financo qui a initié son action postérieurement au jugement de liquidation judiciaire a pris soin de déclarer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de M. [D] tel que cela résulte de la liste des créances établie par Maître [J], mandataire liquidateur désigné, le 17 décembres 2020 puisque l'état vise une créance détenue par la société Financo pour 29 979,05 euros retenue à titre chirographaire.
C'est donc à bon droit que le premier juge a retenu que la demande d'indemnisation formée par la société Financo était recevable.
Sur la demande de dommages et intérêts de la société Financo
Le premier juge a considéré qu'il était manifeste que M. [D] avait signé le contrat à la place de son épouse.
La cour constate que l'offre de prêt est revêtue de la signature électronique de M. [D] et de Mme [D], cette dernière en qualité de co-emprunteur.
M. [D] reconnaît dans ses écritures que la société Financo n'a adressé les exemplaires de l'offre de crédit qu'à lui-même sur sa propre adresse de messagerie électronique mais pas à son épouse, qu'il a reçu lui-même sur son téléphone portable les deux codes permettant la signature électronique du contrat de prêt et qu'il a validé ces codes à deux reprises.
Le fichier de preuve Protect and Sign communiqué permet de confirmer que les deux exemplaires de l'ensemble contractuel ont été adressés pour les deux co-emprunteurs à l'unique adresse de messagerie électronique de M. [D] ([Courriel 8]), que la signature a été validée concernant monsieur à 10 h 01 minutes 37 secondes et concernant madame à 10 h 03 minutes 35 secondes sans qu'il soit possible de dire si les codes d'activation ont été transmis sur le même numéro de téléphone portable.
Aucun élément ne permet de dire que Mme [D] ait consenti au contrat, M. [D] reconnaissant avoir 'uvré seul sans même prétendre avoir requis le consentement de son épouse. Pour autant, la société Financo qui met en avant la faute de M. [D] ne démontre à aucun moment s'être assurée de la fiabilité de la signature électronique attribuée à Mme [D], en prenant un certain nombre de précautions relatives aux adresses de messagerie électronique ou aux numéros de téléphone portables communiqués pour la réception des codes d'activation de sorte qu'elle est mal fondée à venir rechercher la responsabilité de M. [D] sur le fondement de l'article 1240 du code civil. La demande d'indemnisation doit par conséquent être rejetée.
Il convient donc d'infirmer le jugement ayant retenu une faute de M. [D] et l'ayant condamné à verser à la société Financo une somme de 7 500 euros à titre de dommages et intérêts.
Le jugement est en revanche confirmé en ce qu'il a débouté M. [D] de sa demande d'indemnisation formée contre la société Financo.
Sur les autres demandes
Le jugement doit être infirmé en ce qu'il a condamné M. [D] aux dépens de première instance, l'a condamné à verser à la société Financo une somme de 800 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile mais confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de M. [D] au titre de ses frais irrépétibles.
La société Financo qui succombe supportera les dépens de première instance et d'ap-pel et M. [D] conservera la charge de ses frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Infirme le jugement sauf en ce qu'il a déclaré la demande de dommages et intérêts de la société Financo recevable, a rejeté la demande d'indemnisation de M. [P] [D] et a rejeté la demande de M. [P] [D] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Statuant dans les limites de l'appel et y ajoutant,
Déboute la société Financo de sa demande de dommages et intérêts ;
Condamne la société Financo aux dépens de première instance et d'appel ;
Rejette toute demande plus ample ou contraire.
La greffière La présidente