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Décisions

CA Versailles, ch. com. 3-2, 1 octobre 2024, n° 24/01825

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Le Bon Coach (EURL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Guerlot

Vice-président :

M. Roth

Conseiller :

Mme Cougard

Avocats :

Me Zerhat, Me Sanchez, Me Boulan, Me Dontot, Me Pechenard

T. com. Nanterre, du 6 mars 2024, n° 202…

6 mars 2024

EXPOSE DU LITIGE

La société Le Bon Coach a pour gérant M. [A] [F]. Son capital est intégralement détenu par la société Sport Management, elle-même détenue par MM. [F] et [W].

Le 21 avril 2023, le conseil des prud'hommes de Boulogne Billancourt, statuant en référé, a condamné par provision la société Le Bon Coach à payer à M. [X] la somme de 2 959, 38 euros en principal, outre les intérêts au taux légal et la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 3 janvier 2024, M. [X] a assigné la société Le Bon Coach, afin de voir ouvrir à son égard une procédure collective, devant le tribunal de commerce de Nanterre lequel, par jugement réputé contradictoire du 6 mars 2024, a notamment :

- ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société Le Bon Coach ;

- désigné la société [P] [M] en qualité de liquidateur ;

- fixé provisoirement au 7 septembre 2022 la date de cessation des paiements compte tenu de l'ancienneté de la dette salariale.

Le 15 mars 2024, la société Le Bon Coach a interjeté appel de ce jugement en tous ses chefs de disposition.

Par dernières conclusions du 22 mai 2024, elle demande à la cour de :

- infirmer en toutes ses dispositions ;

A titre subsidiaire,

- infirmer le jugement ;

- ordonner l'ouverture d'une période d'observation en application de l'alinéa 3 de l'article L.631-1 du code de commerce, à l'issue de laquelle un plan de redressement sera arrêté ;

- désigner la société [M] en qualité de mandataire judiciaire de la société EURL Le Bon Coach ;

- ordonner toutes les conséquences de droit attachées à l'ouverture du plan de redressement ;

- juger qu'il n'y a lieu à l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonner que les dépens restent à sa charge.

Par dernières conclusions du 17 juin 2024, M. [X] demande à la cour de :

- prendre acte que l'ordonnance de référé rendue par le conseil des prud'hommes de Boulogne-Billancourt le 21 avril 2023 a été intégralement exécutée par la société [P] [M] et qu'il est désormais rempli de ses droits ;

En conséquence,

- prendre acte qu'il s'en rapporte à justice quant à la demande de la société Le Bon Coach de voir, à titre principal, infirmer le jugement et à titre subsidiaire, d'ordonner l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire, d'ordonner l'ouverture d'une période d'observation à l'issue de laquelle un plan de redressement sera arrêté, d'ordonner toutes les conséquences de droit attachées à l'ouverture du plan de redressement et de désigner la société [M] en qualité de mandataire judiciaire de la société ;

- condamner la société Le Bon Coach à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Le Bon Coach aux entiers dépens conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions du 19 juin 2024, la société [P] [M], ès qualités, demande à la cour de :

- déclarer la société Le Bon Coach mal fondée en toutes ses demandes, fins et conclusions et l'en débouter purement et simplement ;

En conséquence,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement ;

- ordonner l'emploi des dépens en frais privilégiés de la procédure collective ;

Dans l'hypothèse où la cour infirmerait le jugement en toutes ses dispositions et dirait n'y avoir lieu à l'ouverture d'une procédure collective ;

- condamner la société Le Bon Coach aux entiers dépens, dont distraction au profit de maître Oriane Dontot, JRF & Associés, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

- condamner la société Le Bon Coach à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Le Bon Coach à payer les frais de justice, en ce compris les frais de greffe et le montant de l'émolument fixe dû à la société [P] [M] en application des articles R. 663-19 et A. 663-19 du code de commerce.

Le ministère public a rendu son avis le 26 mars 2024.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 26 août 2024.

Pour un plus ample exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

1- Sur l'état de cessation des paiements

La société Le bon coach soutient qu'elle n'était pas en état de cessation des paiements au jour où le tribunal a statué. Elle expose que la créance salariale de M. [X] à l'origine de la procédure collective est relativement modeste par rapport à son chiffre d'affaires.

Elle explique que sa charge principale, qui est constituée par un emprunt consenti par la société Caisse d'épargne de 115 000 euros et dont 68 704,28 euros restent à payer, a toujours été payée régulièrement. Elle fait valoir que cet emprunt figure désormais à son passif exigible car elle s'est retrouvée dans l'impossibilité de payer la dernière échéance à la suite de l'ouverture de la procédure collective. Elle soutient qu'elle ne serait pas en état de cessation des paiements si l'échéancier du prêt s'était normalement appliqué.

S'agissant de ses actifs, elle précise qu'elle a trouvé des investisseurs pour développer son activité. A cet égard, elle fait valoir que MM. [W] et [F] ont confirmé leur intention d'investir chacun 7 000 euros et qu'une société partenaire, la société Movn Ltd, s'est engagée à investir 50 000 euros pour soutenir sa relance et son développement. Elle en déduit que, nonobstant le fait qu'elle n'ait pas réglé sa dette à l'égard de M. [X], elle n'est pas en état de cessation des paiements.

M. [X] fait valoir que l'appelante a été condamné à lui payer diverses sommes à titre provisionnel. Il souligne que ses tentatives d'exécution ont été vaines et que ces circonstances ont conduit le tribunal à placer l'appelante en liquidation judiciaire. Il admet avoir reçu la somme de 3 311,82 euros du liquidateur correspondant au montant des condamnations prononcées à son profit par le conseil de prud'hommes de sorte qu'il est désormais rempli de ses droits.

Le liquidateur soutient que l'appelante ne démontre pas ne pas être en état de cessation des paiements. Il fait valoir que M. [X] n'a été rempli de ses droits qu'en raison de l'avance faite par l'AGS à hauteur de la somme de 3 311,82 euros.

Il ajoute que les deux apprentis employés par l'appelante ont dû être licenciés dans le cadre de la procédure collective et que l'AGS a également pris en charge leurs créances salariales.

Il observe que les promesses d'investissement ne constituent pas des actifs disponibles.

Il fait valoir que le passif déclaré s'élève à 131 667,05 euros et que l'AGS a avancé la somme totale de 55 078,79 euros et souligne que la créance de l'AGS constitue un passif exigible.

Réponse de la cour

L'article L. 631-1, alinéa 1er, du code de commerce prévoit :

" Il est institué une procédure de redressement judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné aux articles L. 631-2 ou L. 631-3 qui, dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, est en cessation des paiements. Le débiteur qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible n'est pas en cessation des paiements. "

La cour d'appel, saisie de l'appel du jugement d'ouverture de la procédure collective, doit apprécier si les conditions de la cessation des paiements sont réunies, non au jour du jugement, mais au jour où elle statue (Com., 26 octobre 1999, n°96-12.946) ; elle n'a pas à prendre en considération le passif rendu exigible par l'effet de l'ouverture de la liquidation judiciaire.

Selon la liste des créances établie par le liquidateur (pièce 1) et le décompte de la CGEA Ile de France (AGS) du 15 mai 2024 (pièce 2), le passif de la société Le bon Coach est composé ainsi qu'il suit :

- 3 880,32 euros au titre du solde débiteur échu du compte ouvert dans les livres de la Caisse d'épargne ;

- 68 704,28 euros au titre du solde du prêt consenti par la Caisse d'épargne le 24 juin 2021 ;

- 9 553 euros échu, 41 794,27 euros échus et 2 444,38 euros au titre des créances de l'AGS,

Soit un total échu de 126 376,25 euros.

Sont également versés aux débats plusieurs relevés des créances salariales du 12 avril 2024 vérifiées par le liquidateur respectivement d'un montant de 46 798,72 euros et de 3 311,82 euros ainsi que des demandes d'avances faites pour Mme [V] (16 552,89 euros), pour Mme [I] (30 245,83 euros), pour M. [K] (4 968,25 euros) et pour M. [X] (3 311,82 euros).

Les parties ne discutent pas que le prêt est devenu exigible par l'effet du jugement de liquidation. L'appelante verse aux débats deux relevés de comptes Caisse d'épargne établissant que les échéances de novembre et décembre 2023 ont été régulièrement payées.

Mais il n'est pas démontré que le prêt est devenu exigible avant le jugement d'ouverture, de sorte que la somme de 68 704,28 euros ne sera pas retenue à titre de passif exigible.

Le passif exigible à retenir se monte ainsi à 57 671,97 euros (131 667,05 - 68 704,28).

Le liquidateur fait valoir de manière pertinente que les investissements promis par les associés, MM. [W] et [F] et la société Movn Ldt ne constituent pas, au sens de l'article L. 631-1 précité, un actif disponible. Les attestations de ces derniers produites en ce sens par l'appelante (pièces 6,7 et 8) ne sont pas étayées par aucun versement et le plan de financement sur trois ans annexé à l'attestation du représentant de la société Movn Ldt n'est pas certifié par l'expert-comptable de l'appelante.

L'appelante ne justifie donc pas d'actifs immédiatement disponibles.

Il se déduit de ces éléments que l'état de cessation des paiements de la société Le bon Coach est caractérisé au 7 septembre 2022, comme l'a retenu le tribunal. Il est suffisamment établi que la société demeure à ce jour en état de cessation des paiements.

Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

2- Sur la possibilité d'un redressement

A titre subsidiaire, l'appelante soutient au visa de l'article L. 631-1 du code de commerce que son redressement est manifestement envisageable et que son passif pourrait être apuré. Elle fait valoir à cet égard que sa dette de 2 959,38 euros est relativement faible, que ses charges sont faibles, que depuis mars 2021, elle a remboursé son emprunt sans incident, que son activité lui permet de perdurer et qu'elle bénéficie d'investissement de ses associés et la société Movn Ldt, qui lui permettrait d'apurer sa dette.

Le liquidateur soutient qu'en l'état des éléments fournis par l'appelante ne permettent pas d'envisager un redressement.

Le ministère public est d'avis de confirmer le jugement, sauf en ce que l'appelante, démontre par la production d'un compte prévisionnel de trésorerie sur quatre mois certifié par son expert-comptable, soit qu'un redressement judiciaire serait envisageable, soit qu'elle n'est pas en état de cessation de paiements au jour de l'audience devant la Cour, ce qui justifierait une décision de n'y a lieu.

Réponse de la cour

L'article L. 640-1, alinéa 1er, du code de commerce dispose :

" Il est institué une procédure de liquidation judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné à l'article L. 640-2 en cessation des paiements et dont le redressement est manifestement impossible. "

La cour relève que le passif exigible excède la seule créance de M. [X] aux droits duquel vient l'AGS.

Si l'appelante produit deux relevés bancaires montrant que les échéances de novembre et décembre 2023 de son prêt ont été réglées, étant observé que le relevé de décembre 2023 fait état d'un solde débiteur d'environ 4 000 euros, elle ne démontre pas la réalité de ses capacités financières et ne justifie pas l'existence d'un actif disponible lui permettant de poursuivre son activité et d'apurer son passif.

L'appelante ne communique aucun élément sur son chiffre d'affaires.

Comme indiqué ci-dessus, n'étant pas étayées par des versements, les promesses d'investissement ne constituent pas des actifs disponibles.

En outre, le plan de financement qui prévoit notamment une augmentation significative des cotisations des adhérents et du chiffre d'affaires, n'est pas certifié par un expert-comptable ou étayé par des éléments concrets.

La société débitrice ne démontre pas non plus avoir apuré une partie du passif exigible.

Il se déduit de ces éléments que le redressement de la société Le bon Caoch est manifestement impossible. Il convient, en conséquence, de confirmer le jugement.

3- Sur les demandes accessoires

Il ne peut pas y avoir recouvrement direct des dépens par l'avocat de la société [M] compte tenu de l'ouverture de la procédure collective.

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par le liquidateur et M. [X].

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure collective.