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Décisions

CA Pau, 1re ch., 1 octobre 2024, n° 23/03289

PAU

Arrêt

Autre

CA Pau n° 23/03289

1 octobre 2024

CF/LCC

Numéro 24/02947

COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre

ARRÊT DU 01/10/2024

Dossier : N° RG 23/03289

N° Portalis DBVV-V-B7H-IWYV

Nature affaire :

Demande en réparation des dommages causés par une nuisance de l'environnement

Affaire :

[W] [P], [D] [S], S.C.I. MAROU 20

C/

[X] [Z],

[N] [B] épouse [X] [Z], COMMUNE D'[Localité 13]

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 1er Octobre 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 18 Juin 2024, devant :

Madame FAURE, Présidente, magistrate chargée du rapport conformément à l'article 785 du code de procédure civile

Madame DE FRAMOND, Conseillère

Madame BLANCHARD, Conseillère

assistées de Madame HAUGUEL, Greffière, présente à l'appel des causes.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTS :

Monsieur [W] [P]

né le [Date naissance 4] 1956 à [Localité 18]

[Adresse 12]

[Localité 14]

reprsenté et assisté de Me Valentin BERGUE, avocat au barreau de PAU

Madame [D] [S]

née le [Date naissance 3] 1969 à [Localité 19]

[Adresse 12]

[Localité 13]

représentée et assistée de Me Valentin BERGUE, avocat au barreau de PAU

S.C.I. MAROU 20

[Adresse 10]

[Localité 9]

représentée et assistée de Me Valentin BERGUE, avocat au barreau de PAU

INTIMES :

Monsieur [X] [Z]

né le [Date naissance 5] 1978 à [Localité 15]

de nationalité Française

[Adresse 8]

[Localité 1]

représenté et assisté de Me Christophe MIRANDA de la SELARL ETCHE AVOCATS, avocat au barreau de BAYONNE

Madame [N] [B] épouse [X] [Z]

née le [Date naissance 2] 1986 à [Localité 16] (Canada)

de nationalité Canadienne

[Adresse 8]

[Localité 1]

représentée et assistée de Me Christophe MIRANDA de la SELARL ETCHE AVOCATS, avocat au barreau de BAYONNE

COMMUNE D'[Localité 13] représentée par son Maire en exercice domicilié ès qualités à l'Hôtel de Ville

[Adresse 17]

[Localité 13]

représentée par Me Salomé DUTERTRE, avocat au barreau de PAU et assistée par Me Clotilde GAUCI de la SCP CGCB & ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX

sur appel de la décision

en date du 05 DECEMBRE 2023

rendue par le TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BAYONNE

RG numéro : 23/000316

EXPOSE DU LITIGE

Suivant permis de construire du 25 novembre 2021, Monsieur [X] [Z] et son épouse, Madame [N] [B], ont entrepris la construction d'une maison d'habitation sur les parcelles cadastrées AI[Cadastre 6] et AI[Cadastre 7], situées à [Localité 13] (64), voisines de la parcelle appartenant à la SCI Marou 20.

Par requête du 08 avril 2022, la SCI Marou 20, et ses associés Monsieur [W] [P] et Madame [D] [S], ont saisi le tribunal administratif de Pau aux fins de voir annuler le permis de construire du 25 novembre 2021 et la décision de rejet de leur recours gracieux contre ce permis du 09 février 2022.

Suivant procès-verbal de constat de commissaire de justice du 27 avril 2023, M. [P] et Mme [S] ont fait constater le début des travaux par les époux [Z], notamment d'arrachages d'arbres et de décaissement et d'arasage des sols.

Par actes de commissaire de justice des 10 et 11 juillet 2023, M. [P], Mme [S] et la SCI Marou 20 ont a fait assigner les époux [Z] et la commune d'[Localité 13] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Bayonne aux fins de voir ordonner la suspension des travaux et de les voir condamner à la remise en état des parcelles AI210 et AI211.

Par ordonnance contradictoire du 05 décembre 2023 (RG n°23/00316), le juge des référés a :

- déclaré irrecevables les demandes de M. [P], de Mme [S] et de la SCI Marou 20,

- condamné in solidum M. [P], Mme [S] et la SCI Marou 20 à payer à la commune d'[Localité 13] la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum M. [P], Mme [S] et la SCI Marou 20 à payer aux époux [Z] la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- condamné in solidum M. [P], Mme [S] et la SCI Marou 20 aux dépens.

Le juge a retenu :

- que M. [P] et Mme [S] justifient être associés de la SCI Marou 20 mais ne justifient pas être résidents ou propriétaires, par l'intermédiaire de la SCI Marou 20, de la parcelle qui serait voisine de celles appartenant aux époux [Z],

- qu'ils ne justifient pas que l'objet social de la SCI Marou 20 serait d'oeuvrer pour la défense de l'environnement, ni avoir un intérêt personnel à agir,

- que la demande de provision des époux [Z] à valoir sur leurs préjudices résultés du harcèlement judiciaire des consorts [P], et des coûts supportés du fait du retard dans l'avancement de leur chantier ne saurait aboutir en ce que l'appréciation des éventuelles fautes imputables aux demandeurs et le préjudice éventuel en découlant se heurte à une contestation sérieuse en son principe et en son montant, et relève en conséquence de la compétence du juge du fond.

Par déclaration du 18 décembre 2023 (RG n°23/03289), M. [P], Mme [S] et la SCI Marou 20 ont relevé appel nullité , critiquant l'ordonnance en toutes ses dispositions.

Suivant avis de fixation adressé par le greffe de la cour, l'affaire a été fixée selon les modalités prévues aux articles 905 et suivants du code de procédure civile.

Aux termes de leurs dernières conclusions du 15 juin 2024, M. [W] [P], Mme [D] [S] et la SCI Marou 20, appelants, entendent voir la cour:

A titre principal, sur la remise en état :

- annuler l'ordonnance,

- ordonner aux époux [Z] et à la commune d'[Localité 13], au titre des mesures conservatoires, de suspendre toutes les opérations de travaux sur les parcelles cadastrées AI [Cadastre 6] et AI [Cadastre 7] sises à [Localité 13],

- ordonner la remise en état des parcelles AI [Cadastre 6] et AI [Cadastre 7] par les époux [Z] et la commune d'[Localité 13] :

- ordonner le retrait de tous les éléments artificiels apportés par les opérations de travaux de travaux depuis le 27 avril 2023,

- ordonner la remise en état des sols après la réaffectation de terres sur les sols arasés et le retrait du conteneur situé sur la parcelle,

- ordonner la remise en état de l'habitat naturel par la replantation des pins maritimes et des arbousiers arrachés,

- ordonner, à compter de la signification de l'ordonnance de référé, d'exécuter la remise en état des parcelles et de cesser toutes opérations de travaux, sous astreinte d'un montant de 1.000 euros par jour courant 6 mois, en réservant à votre juridiction le pouvoir de liquider cette astreinte,

A titre subsidiaire, sur la demande d'expertise,

- ordonner une expertise des parcelles cadastrées AI[Cadastre 6] et AI[Cadastre 7] sises [Adresse 11] à [Localité 13], ce au contradictoire des époux [Z] et de la commune d'[Localité 13],

- désigner tout expert qu'il lui plaira avec la mission suivante :

- se faire communiquer, par toute personne, tous documents, pièces et informations qu'il estimera utile à l'accomplissement de sa mission,

- se rendre sur les lieux au [Adresse 11] à [Localité 13], après y avoir régulièrement convoqué les parties et leurs conseils,

- caractériser le biotope des parcelles visées et ses usages habituels,

- recenser la faune et la flore qui sont présentes sur ces parcelles,

- mesurer la distance entre le point le plus proche du rivage des parcelles et le point la limite du rivage,

- constater les opérations de travaux menées sur les parcelles,

- évaluer les atteintes à l'environnement des travaux,

- évaluer les préjudices liés au trouble anormal de voisinage subi par Mme [S] et M. [P] au titre du préjudice personnel et du préjudice environnemental,

- évaluer les préjudices liés au trouble anormal de voisinage pour la perte de valeur de l'immeuble détenu par la SCI Marou 20,

- fournir tous éléments de nature à permettre à la juridiction éventuellement saisie de déterminer les responsabilités encourues,

- en cas d'urgence reconnue par l'expert, l'expert enjoindra l'exécution aux frais de la commune d'[Localité 13] et des époux [Z], et pour le compte de qui il appartiendra, les prestations estimées indispensables par l'expert pour préserver l'état environnemental des parcelles, ces prestations étant exécutées par des entreprises qualifiées de son choix, sous le constat de bonne fin de l'expert, lequel, dans ce cas, déposera un pré-rapport précisant la nature et l'importance de ces prestations,

- entendre les parties en leurs explications ainsi que tous sachants, recueillir les dires écrits des parties et y répondre,

- fournir, compte tenu de la spécificité technique de l'espèce, toutes observations, tous renseignements permettant de statuer sur le litige opposant les parties,

- ordonner que l'expert puisse se faire assister par tout spécialiste de son choix, à charge de préciser dans son rapport la nature des actes dont il aura sollicité l'exécution et l'identité du spécialiste consulté,

- ordonner que l'expert soit mis en 'uvre et accomplira sa mission conformément aux dispositions des articles 263 du code de procédure civile et qu'il devra dresser un rapport écrit de ses travaux comprenant toutes annexes explicatives utiles à déposer au greffe dans le délai de trois mois à compter de la date figurant sur l'avis de consignation de la provision, sauf prorogation demandée au juge chargé du contrôle des expertises,

- ordonner qu'en cas de refus ou d'empêchement de l'expert commis, il sera pourvu à son remplacement, d'office ou sur simple requête de la partie la plus diligente, par ordonnance du magistrat chargé du contrôle des expertises,

- ordonner, à titre conservatoire jusqu'au dépôt définitif du rapport d'expert, sauf à ce qu'il prescrive une suspension des travaux jusqu'au jugement au fond, et pour la bonne tenue de l'expertise, la suspension de toutes les opérations menées sur les parcelles cadastrées A210 et A211 sises au [Adresse 11] à [Localité 13],

- fixer la provision à consigner au greffe à titre d'avance sur les honoraires de l'expert dans le délai qui sera imparti par l'ordonnance à intervenir,

En tout état de cause,

- rejeter la demande reconventionnelle de provision des époux [Z]

- rejeter l'ensemble des demandes, fins et conclusions de Mme [B] [N], M. [Z] [X] et la Mairie d'[Localité 13]

- condamner solidairement Mme [B] [N], M. [Z] [X] et la commune d'[Localité 13] à verser la somme de 4.000 euros à M. [P] et Mme [S],

- les condamner solidairement au paiement des entiers dépens.

Au soutien de leurs prétentions, ils font valoir, au visa des articles au visa des articles 145 et 835 du code de procédure civile :

- que le tribunal administratif a annulé le 21 mai 2024 le permis de construir du maire d'[Localité 13] du 25 novembre 2021 et la décision du 9 février 2022 du maire qui rejetait le recours gracieux, en déclarant que le terrain possède un intérêt écologique à la fois intrinsèque mais aussi en ce qu'il se situe dans un environnement considéré comme une rupture d'urbanisation à préserver,

- que le tribunal administratif ayant annulé le permis de contruire, la cour doit désormais réparer les conséquences des travaux qui ont été exécutés de manière précoce en exécution de cette autorisation d'urbanisme,

- que la réparation du préjudice écologique causée par les travaux doit être ordonnée en raison du jugement Tribunal administratif de PAU, afin de prévenir tout dommage écologique et de restaurer l'environnement détruit par l'effet du permis de construire irrégulier,

- qu'il doit donc être ordonné la remise en état des parcelles AI [Cadastre 6] et AI [Cadastre 7] par M. [X] [Z], Mme [N] [B] et la Mairie d'[Localité 13] par :

- Le retrait de tous les éléments artificielles apportés par les opérations de travaux du 27 avril 2023 ;

- La remise en état des sols par la réaffectation des terres sableuses retirées aux sols arasés ;

- La replantation des pins maritimes et des arbousiers arrachés.

- que M. [P] et Mme [S] ont un intérêt légitime et direct à agir en leur qualité d'associés de la SCI Marou 20, dès lors que toute action impactant la valeur des biens de leur société affecte leurs intérêts financiers et patrimoniaux ; qu'ils ont un intérêt moral et personnel à la préservation de leur environnement local,

- que l'omission de statuer doit être réparée puisqu'il n'a pas été répondu sur la demande de remise en état sur le fondement du trouble anormal de voisinage, et la cour doit faire usage de son pouvoir dévolutif pour apprécier l'appel contre l'ordonnance qui comporte une omission de statuer,

- que toutes modifications environnementales de la parcelle voisine entraînent des répercussions sur la parcelle appartenant à la SCI Marou 20,

- que l'atteinte à l'environnement relève d'un intérêt général dont peuvent se saisir toutes les personnes intéressées,

- que les parcelles litigieuses bénéficient d'un écosystème remarquable et protégé, sont situées à proximité d'une zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique (littoral), et du parc écologique d'Izadia, et sont classées en site naturel remarquable, ce qui implique le recours à un régime juridique exceptionnel en droit de l'urbanisme, particulièrement protecteur,

- que l'atteinte grave à l'environnement par les travaux opérés sur les parcelles des époux [Z] est caractérisée par les constats de commissaire de justice des 27 avril et 4 juillet 2023, et est constituée par la destruction irrémédiable de la flore présente sur les parcelles du fait de l'arasement et du défrichement des sols, et du forage en sous-sol,

- que l'installation d'un conteneur sur le chantier confirme la volonté de mener rapidement les travaux, et rend imminents les dommages qu'ils impliquent,

- que les travaux déjà réalisés et ceux envisagés constituent un préjudice écologique pur et caractérisent un trouble manifestement illicite et l'existence de dommages imminents s'ils se poursuivent, en ce qu'ils altèrent le paysage protégé et l'écosystème exceptionnel, et portent atteinte aux bénéfices tirés par l'homme de l'environnement,

- que les atteintes irréparables à l'environnement, la perte de vue, la création d'un vis à vis, et la perte de valeur de leur bien que les travaux impliquent sont constitutifs d'un trouble anormal de voisinage,

- que le trouble est anormal en ce que les travaux sont opérés sur le fondement d'un acte administratif soumis à un risque d'illégalité, et sont contraires aux règles de protection du littoral et des sites classés,

- que l'astreinte doit avoir un rôle coercitif pour faire cesser les travaux et doit être corrélée aux moyens financiers importants des époux [Z] et de la commune d'[Localité 13],

- que les travaux de remise en état doivent être effectués en raison de l'annulation du permis de construire, sous astreinte,

subsidiairement :

- qu'ils justifient d'un motif légitime de voir ordonner une expertise judiciaire aux fins de déterminer les responsabilités dans le trouble anormal de voisinage et le préjudice environnemental, et de déterminer les mesures conservatoires propres à garantir les intérêts environnementaux.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 30 janvier 2024, M. [X] [Z] et Mme [N] [B], intimés et appelants incident, demandent à la cour de :

- déclarer irrecevable l'appel formé par M. [P], Mme [S] et la SCI Marou 20,

A titre subsidiaire,

- confirmer la décision dont appel en ce qu'elle a :

- déclaré irrecevables les demandes de M. [P], de Mme [S] et de la SCI Marou 20,

- condamné in solidum M. [P], Mme [S] et la SCI Marou 20 aux dépens,

- la réformer pour le surplus,

Et, statuant à nouveau,

- rejeter l'ensemble des demandes, fins et conclusions de M. [P], Mme [S] et la SCI Marou 20,

- les condamner in solidum à leur verser une provision d'un montant de 486.844 euros,

- les condamner in solidum à leur verser la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamner in solidum aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de Maître Miranda au visa de l'article 699 du code de procédure civile.

Au soutien de leurs demandes, ils font valoir, au visa des articles 542 du code de procédure civile et 1246 et suivants du code civil :

- que les conditions de recevabilité de l'appel-nullité ne sont pas remplies,

- que seule la SCI Marou 20 est propriétaire de la parcelle voisine des leurs,

- que M. [P] et Mme [S] ne justifient d'aucun droit à agir dans la présente procédure, leur qualité d'associés de la SCI Marou 20 étant insuffisante pour ester en justice à leur encontre,

- que les appelants ne sont pas recevables à agir sur le fondement du préjudice écologique, qui ne peut être invoqué que de manière restrictive par les personnes qui oeuvrent pour la défense de l'environnement,

- que l'action fondée sur le trouble anormal du voisinage est irrecevable comme étant prématurée, leur maison n'étant pas construite,

- que le préjudice écologique et le trouble anormal du voisinage invoqués ne sont pas démontrés dès lors que la zone de leur projet n'est pas identifiée comme un site à protéger,

- que leur projet a un faible impact sur les vues de leurs voisins,

- que les actions répétées des consorts [P]/[S] à leur encontre ont entraîné un retard de leur projet, générant un préjudice financier, non contesté par les appelants, du fait de l'augmentation des coûts de construction et de la hausse des taux des crédits immobiliers.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 17 juin 2024, la commune d'[Localité 13], intimée, demande à la cour de :

- confirmer l'ordonnance en toutes ses dispositions,

- déclarer irrecevables l'intégralité des demandes formulées par M. [P], Mme [S] et la SCI Marou 20,

A titre subsidiaire,

- déclarer irrecevables l'intégralité des demandes formulées par M. [P], Mme [S] et la SCI Marou 20,

- les débouter de l'intégralité de leurs demandes, fins et prétentions formulées à son encontre,

En tout état de cause,

- condamner in solidum M. [P], Mme [S] et la SCI Marou 20 à lui verser la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens, dont distraction au profit de la SCP CGCB & Associés en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Au soutien de ces demandes, elle fait valoir :

- que M. [P], Mme [S] et la SCI Marou 20 ne démontrent pas un intérêt à agir justifiant qu'ils obtiennent réparation d'un préjudice, dès lors qu'en tant que particuliers, l'action en réparation du préjudice écologique ne leur est pas ouverte ; qu'ils ne sont donc pas fondés à agir sur le fondement du trouble anormal du voisinage qui serait constitué par l'existence d'un préjudice écologique, et ne justifient pas d'un motif légitime à ce que soit ordonnée une expertise judiciaire en ce que leur action est en conséquence vouée à l'échec,

- qu'ils ne justifient pas être résidents ou propriétaires de la parcelle voisine de celle des époux [Z], et que leur qualité d'associés de la SCI Marou 20 n'est pas suffisante pour ester en justice,

- l'omission de statuer n'existe pas et en tout état de cause la demande ne figure pas dans la déclaration d'appel,

- que les classements des parcelles litigieuses évoqués par les appelants ne sont pas avérés, les parcelles n'étant pas incluses dans le périmètre de la zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique, ni dans le parc écologique Izadia, mais dans un secteur urbanisé d'[Localité 13], au sein d'un lotissement,

- que les arrachages d'arbres, dont il n'est pas démontré qu'il s'agit d'espèces protégées, les décaissements et l'arasage des sols qu'ils invoquent et qui constitueraient une atteinte grave à l'environnement ne sont pas établis, de sorte qu'aucune atteinte grave aux éléments ou aux fonctions des écosystèmes ou aux bénéfices collectifs tirés par l'homme de l'environnement n'a été causée par la commune ou par les titulaires du permis de construire,

- que les travaux s'effectuent en conformité avec le permis qui a été délivré et qui est exécutoire, les appelants n'ayant pas sollicité sa suspension devant le juge administratif,

- le jugement du tribunal administratif du 21 mai 2024 qui a annulé le permis de construire n'est pas définitif dès lors qu'un recours devant le conseil d'Etat va être formé,

- que le rapport de voisinage n'est pas démontré par les appelants,

- que le trouble anormal de voisinage n'est pas caractérisé dès lors que les appelants ne sont pas recevables à agir sur le fondement du préjudice écologique qui n'est au demeurant pas établi, et qui n'est pas susceptible de constituer un trouble anormal du voisinage, que l'existence d'un préjudice de vue n'est pas démontrée, et qu'il n'est pas établi que les travaux en eux-mêmes excéderont les inconvénients normaux du voisinage,

- qu'aucun lien de causalité entre la construction projetée et les prétendus troubles n'est établi,

- que la situation des époux [Z] est régulière en ce que les parcelles litigieuses ne se situent pas dans la bande littorale de 100 mètres et que l'architecte des bâtiments de France a été consulté, mais qu'il ne relève en tout état de cause pas de l'office du juge judiciaire de se prononcer sur la légalité du permis de construire,

- que les pétitionnaires n'ont réalisé aucuns travaux sur les parcelles en cause, dans l'attente du jugement du tribunal administratif de Pau. Ils se sont bornés à installer un container de chantier en vue d'entreposer du matériel et ont légèrement débroussaillé le terrain. Les actions réalisées sur la parcelle ne rentrent pas dans le champ du permis de construire délivré, ni dans le champ d'application d'une quelconque autorisation d'urbanisme : il s'agit d'actions qui ne sont pas soumises à la délivrance d'une autorisation d'urbanisme; que la Commune n'a réalisé aucun travaux et ne dispose d'aucun titre pour ce faire de sorte qu'elle ne saurait être condamnée à leur suspension et à la remise en état des terrains, notamment sous une astreinte disproportionnée.

- qu'il n'existe aucun motif légitime de voir ordonner une expertise judiciaire dès lors que les appelants ne peuvent pas se prévaloir d'un préjudice écologique, et qu'ils ne démontrent pas qu'il existerait un biotope particulier entraînant la présence potentielle d'espèces protégées sur les parcelles en cause ; que le jugement du tribunal administratif de Pau du 21 mai 2024 portant annulation du permis de construire n'est pas de nature à remettre en cause l'absence de motif légitime justifiant qu'il soit fait droit à la demande d'expertise.

Par jugement du 21 mai 2024, le tribunal administratif de Pau a annulé l'arrêté municipal du 25 novembre 2021 et la décision de rejet du recours gracieux du 09 février 2021.

L'affaire a été retenue à l'audience du 18 juin 2024 pour y être plaidée.

MOTIFS

En vertu de l'article 901 du code de procédure civile dans sa version issue des dispositions du décret du 25 février 2022, la déclaration d'appel est faite par acte, comportant le cas échéant une annexe, contenant, outre les mentions prescrites par les 2° et 3° de l'article 54 et par le cinquième alinéa de l'article 57, et à peine de nullité :

1° La constitution de l'avocat de l'appelant ;

2° L'indication de la décision attaquée ;

3° L'indication de la cour devant laquelle l'appel est porté ;

4° Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité,

sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est

indivisible.

L'article 562 du code de procédure civile dans sa version du décret du 06 mai 2017 prévoit que l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent.

La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

En l'espèce, la déclaration d'appel est expressément formulée 'appel nullité pour l'ensemble des chefs de jugement suivants' et s'ensuit la liste des chefs de jugement attaqués.

Or d'une part, dès lors qu'il s'agit de l'annulation du jugement , cette liste n'est pas obligatoire dans la déclaration d'appel.

D'autre part, il existe deux notions d'appel nullité : l'appel nullité et l'appel annulation de droit commun.

L'appel-nullité est une création jurisprudentielle qui permet de demander à la cour d'appel d'annuler une décision, alors même que la voie de l'appel n'existe pas ;il s'agit alors d'une exception à l'interdiction légale d'exercer un recours, admise de longue date par la jurisprudence dans des circonstances exceptionnelles.

L'appel-nullité peut être dirigé non seulement contre une décision qui est entachée d'excès de pouvoir, mais aussi contre une décision qui consacre un excès de pouvoir (Com., 22 mai 2012, n 11-12.015 ; Com., 19 juin 2012, n 11- 20.066).

Si la difficulté réside dans la question de savoir si la mesure prise par le juge entre ou non dans le champ de ses attributions, il s'agit bien du domaine de l'excès de pouvoir . En revanche, si la difficulté réside dans la question de savoir si le juge, étant resté dans les limites de ses attributions, a correctement ou non mis en oeuvre les règles qu'il devait appliquer, il s'agit non plus du domaine de l'excès de pouvoir, mais de celui de l'erreur de droit.

En l'espèce, les appelants reprochent à l'ordonnance du juge de la mise en état qui a statué sur leur qualité à agir de les avoir déclaré irrecevables en leur action.

Les conditions de l'appel nullité ne sont pas réunies puisque d'une part, l'ordonnance du juge de la mise en état attaquée est susceptible d'un appel immédiat en vertu de l'article 795 du code de procédure civile puisqu'elle a statué sur une fin de non-recevoir et d'autre part, il est reproché une erreur de droit sur l'irrecevabilité des demandes de M. [P], Mme [S] et la SCI Marou 20.

Pas plus , les conditions de l'appel en annulation de droit commun ne sont réunies dès lors que ne sont pas en cause les formalités du jugement prescrites par les articles 447 , 451 , 454 et suivants du code de procédure civile, ni une violation du principe du contradictoire ou la partialité des membres de la composition de jugement.

Aussi, l'erreur de droit qui est invoquée constitue un motif de réformation laquelle n'est pas demandée dans les premières conclusions et dans la déclaration d'appel, il est expressément demandé la nullité du jugement.

En conséquence, l'appel diligenté doit donc être déclaré irrecevable.

La présente cour n'étant pas régulièrement saisie, elle ne peut statuer sur l'omission de statuer invoquée dans les conclusions.

L'équité ne commande pas l'allocation en cause d'appel d'une indemnité aux parties sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile .

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

DECLARE l'appel interjeté par M. [W] [P], Mme [D] [S], la SCI Marou 20 irrecevable,

y ajoutant,

DIT n'y avoir lieu à une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE in solidum M. [W] [P], Mme [D] [S], la SCI Marou 20 aux dépens.

Le présent arrêt a été signé par Mme FAURE, Présidente, et par M. CHARRASSIER-CAHOURS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,

Ludovic CHARRASSIER-CAHOURS Caroline FAURE