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Décisions

CA Pau, 1re ch., 1 octobre 2024, n° 23/01563

PAU

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Yn Car (SASU), Gan Assurances (SA)

Défendeur :

Manufacture Française du Cycle (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Faure

Conseillers :

Mme De Framond, Mme Blanchard

Avocats :

Me Garreta, Me Marguiraut, Me Corbineau, Me Barnaba

TJ [Localité 9], du 2 mai 2023, n° 23/00…

2 mai 2023

EXPOSE DU LITIGE

Le 25 mars 2022, Mme [W] [Y] a acquis un vélo neuf à assistance électrique modèle City 28E-Roll 80 7V auprès de la SASU YN CAR [Localité 11], exerçant sous l'enseigne commerciale Feu Vert.

Le 16 mai 2022, Mme [W] [Y] a été victime d'un accident de vélo alors qu'elle descendait une forte pente.

Par acte du 21 décembre 2022, Mme [W] [Y] a fait assigner la SAS YN CAR BIDART et la CPAM de [Localité 9] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Bayonne aux fins que soient notamment ordonnés une mesure d'expertise médicale sur sa personne et l'octroi d'une provision.

La SA GAN ASSURANCES, assureur de la SASU YN CAR [Localité 11], est intervenue volontairement à l'instance.

Par acte du 14 février 2023, la SAS YN CAR [Localité 11] et la SA GAN ASSURANCES ont fait appeler à la cause la SAS MANUFACTURE FRANÇAISE DU CYCLE, en sa qualité de fabriquant du vélo litigieux.

Par ordonnance réputée contradictoire du 2 mai 2023 (RG n°23/00053), le juge des référés a :

- reçu l'intervention volontaire de la SA GAN ASSURANCES ès qualités d'assureur de la SAS YN CAR [Localité 11],

- ordonné une expertise médicale, et fixé ses modalités techniques,

- commis pour y procéder M. [T] [X],

- déclaré sans objet la demande d'expertise commune et d'opposabilité de la décision envers la CPAM de [Localité 9],

- dit que les opérations d'expertise ne se feront pas au contradictoire de la SAS MANUFACTURE FRANÇAISE DU CYCLE,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- laissé les dépens à la charge de Mme [W] [Y].

Le juge a retenu :

- qu'il est justifié que la SA GAN ASSURANCES est l'assureur de la SASU YN CAR [Localité 11] et qu'elle a à ce titre intérêt à agir,

- que l'accident subi par Mme [W] [Y], et ses conséquences telles que décrites dans l'avis d'intervention du SAMU, dans le compte rendu opératoire, et dans les certificats médicaux, justifient l'organisation d'une expertise médicale,

- que le motif légitime de voir ordonner une expertise du vélo n'est pas caractérisé en l'absence d'établissement formel de sa date d'achat et de sa provenance,

- que la demande de déclaration des opérations d'expertise communes et opposables à la CPAM de [Localité 9] est sans objet, dès lors que celle-ci a été assignée dans le cadre de l'instance,

- qu'il n'est pas établi que le vélo de Mme [W] [Y] provenait d'un achat par la SASU YN CAR [Localité 11] auprès de la SAS MANUFACTURE FRANÇAISE DU CYCLE et qu'il ait été fabriqué par celle-ci,

- que le principe des responsabilités et le montant de la provision se heurtent à une contestation sérieuse.

Par déclaration du 2 juin 2023 (RG n°23/01563), la SASU YN CAR [Localité 11] a relevé appel, critiquant l'ordonnance en ce qu'elle a :

- ordonné une expertise médicale, et fixé ses modalités techniques,

- commis pour y procéder M. [T] [X],

- déclaré sans objet la demande d'expertise commune et d'opposabilité de la décision envers la CPAM de [Localité 9],

- dit que les opérations d'expertise ne se feront pas au contradictoire de la SAS MANUFACTURE FRANÇAISE DU CYCLE,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes.

Suivant avis de fixation adressé par le greffe de la cour, l'affaire a été fixée selon les modalités prévues aux articles 905 et suivants du code de procédure civile.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 08 août 2023, la SASU YN CAR [Localité 11] et la SA GAN ASSURANCES , appelantes, demandent à la cour de :

- déclarer recevable et bien fondé leur appel,

- réformer la décision en ce qu'elle a :

- ordonné une expertise médicale, et fixé ses modalités techniques,

- commis pour y procéder M. [T] [X],

- déclaré sans objet la demande d'expertise commune et d'opposabilité de la décision envers la CPAM de [Localité 9],

- dit que les opérations d'expertise ne se feront pas au contradictoire de la SAS MANUFACTURE FRANÇAISE DU CYCLE,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

Et , statuant de nouveau :

- débouter Mme [W] [Y] de sa demande d'expertise médicale, et plus généralement de l'ensemble de ses demandes,

- la condamner aux dépens,

- la débouter des fins de son appel,

A titre subsidiaire,

- déclarer recevable et bien fondé l'appel en cause de la SAS MANUFACTURE FRANÇAISE DU CYCLE,

- leur donner acte de leurs plus expresses protestations et réserves d'usage, notamment concernant les responsabilités,

- confirmer la décision en ce qu'elle a confié à l'expert désigné une mission dite Dintilhac,

- ordonner une mesure d'expertise technique du vélo à assistance électrique EROLL80 acquis par Mme [W] [Y] le 25 mars 2022, avec la mission suivante :

* examiner le vélo et décrire son fonctionnement;

* rechercher et décrire les dysfonctionnements qui auraient pu entraîner la chute alléguée par Mme [W] [Y],

* dire si les dégâts constatés sur le vélo sont compatibles avec la chute alléguée,

* déterminer, dans la mesure du possible, quelle était la vitesse du vélo au moment de l'accident allégué,

* dire si un tiers a pu intervenir sur le système de freinage entre l'achat du vélo et l'accident allégué,

* donner tout élément technique permettant au tribunal de déterminer si le vélo a présenté un défaut, et notamment n'a pas offert la sécurité à laquelle on peut s'attendre en tenant compte de toutes les circonstances et notamment de l'usage qui peut être raisonnablement attendu,

* déterminer plus généralement l'origine du sinistre allégué,

- mettre à la charge de Mme [W] [Y] les frais de consignation de l'expertise technique et de l'expertise médicale, ou, à tout le moins à la charge de l'Etat en cas de décision d'aide juridictionnelle,

- déclarer communes et opposables à la SAS MANUFACTURE FRANÇAISE DU CYCLE et à la CPAM de [Localité 9] la décision et les expertises à venir,

- en cas d'allocation d'une quelconque provision à la victime, condamner la SAS MANUFACTURE DU CYCLE à relever et garantir les concluantes de toutes condamnations qui seraient prononcées,

- débouter Mme [W] [Y] de son appel incident, sauf s'agissant de la demande d'opposabilité de l'expertise à la CPAM de [Localité 9], et de la participation de la SAS MANUFACTURE FRANÇAISE DU CYCLE aux opérations d'expertise,

En toutes hypothèses,

- confirmer la décision en ce qu'elle a :

- accueilli l'intervention volontaire de la SA GAN ASSURANCES en sa qualité d'assureur de la SASU YN CAR [Localité 11],

- débouté Mme [W] [Y] de sa demande provisionnelle,

- dit n'y avoir lieu à indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile et laissé les dépens à la charge de Mme [Y],

- débouter les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles en appel,

- à tout le moins, les voir réduits à de plus raisonnables proportions,

- laisser les dépens de la procédure d'appel à la charge de Mme [W] [Y].

Au soutien de leurs prétentions, la SASU YN CAR [Localité 11] et la Société GAN ASSURANCES font valoir, au visa des articles 145, 835 et 325 et suivants du code de procédure civile 1245 et suivants du Code civil :

- que les éléments produits n'établissement pas suffisamment et de manière évidente la responsabilité du vendeur dans la survenance de l'accident, alors que les conclusions médicales produites par Mme [W] [Y] n'ont pas été établies de manière contradictoire et ne leur sont pas opposables,

- que le quantum de la provision demandée par Mme [W] [Y] est discutable alors qu'elle ne sollicite aucune aide spécifique qui justifierait qu'un taux horaire de 20 € soit retenu au titre de la tierce personne temporaire, qu'elle ne justifie pas des frais divers restés à sa charge, et que le DFT et les souffrances endurées ne sont définis à ce stade que par l'expertise privée,

- que la matérialité de l'accident n'est pas établie dès lors que la chute a eu lieu sans témoin, et que ses circonstances sont indéterminées, l'accident pouvant avoir diverses causes, et n'étant pas nécessairement en lien exclusif avec un système de freinage défectueux, qui au demeurant a pu être manipulé par un tiers, entre l'achat du vélo et la chute, d'autant que Mme [W] [Y] avait déjà utilisé son vélo sur 333km avant la chute, et que rien n'indique qu'elle aurait respecté la notice relative à la vérification des freins,

- qu'il n'y a pas de motif légitime de voir ordonner une expertise à leur encontre dès lors que le fabricant du vélo ayant été identifié et attrait à la procédure, la responsabilité relevant d'un défaut de sécurité d'un vélo défectueux est exclusive de la responsabilité du vendeur, la SASU YN CAR [Localité 11],

- que seule une expertise judiciaire du vélo au contradictoire des parties pourrait déterminer la réalité du dysfonctionnement et son origine , le juge ne pouvant se fonder exclusivement sur la seule expertise privée produite par Mme [W] [Y] menée unilatéralement en l'absence d'autre élément s'agissant des causes de l'accident et des éventuelles responsabilités,

- qu'il est établi avec certitude par la facture et le bon de livraison et la référence notée dans l'expertise amiable que le vélo litigieux avait bien été acheté par la SASU YN CAR [Localité 11] à la SAS MANUFACTURE FRANÇAISE DU CYCLE,

- que la faute contractuelle de la SASU YN CAR [Localité 11] n'est pas établie, notamment au regard des obligations imprécises de l'article 6 du décret du 29 mars 2016 obligeant le vendeur de bicyclette à monter et régler l'engin,

- qu'il est essentiel que le fabricant du vélo participe à l'expertise médicale et à l'expertise technique dès lors que le rapport privé produit par Mme [W] [Y] a retenu que le vélo présentait une dangerosité intrinsèque liée à son système de freinage,

- que l'opposabilité des opérations d'expertise à la CPAM de [Localité 9] ne peut être présumée.

Par conclusions notifiées le 11 juillet 2023, Mme [W] [Y], intimée et appelante incident, demande à la cour de :

- confirmer la décision en ce qu'elle a :

- reçu l'intervention volontaire de la SA GAN ASSURANCES ès qualités d'assureur de la SASU YN CAR [Localité 11] ;

- ordonné une expertise médicale,

- commis pour y procéder M. [T] [X],

- dispensé Mme [W] [Y] de toute consignation,

- dit que les frais seront pris en charge au titre de l'aide juridictionnelle,

- réformer la décision en ce qu'elle a :

- déclaré sans objet la demande d'expertise commune et d'opposabilité de la décision envers la CPAM de [Localité 9],

- dit que les opérations d'expertise médicales ne se feront pas au contradictoire de la SAS MANUFACTURE FRANÇAISE DU CYCLE,

En conséquence, statuant à nouveau,

- ordonner que la décision à intervenir soit opposable à l'organisme tiers payeur, afin qu'il participe aux opérations d'expertise, le cas échéant,

- ordonner que les opérations d'expertise se fassent au contradictoire de la SAS MANUFACTURE FRANÇAISE DU CYCLE,

- réformer partiellement la décision en ce qu'elle a débouté les parties du surplus de leurs demandes,

En conséquence,

- confirmer partiellement, à titre principal, ce chef de décision en ce qu'il a rejeté la demande d'expertise technique du vélo,

- réformer partiellement, à titre subsidiaire, ce chef de décision,

Statuant à nouveau :

- ordonner une mesure d'expertise technique du vélo aux frais avancés de la SAS YN CAR [Localité 11] et de la SA GAN ASSURANCES, demanderesses à ladite mesure,

- réformer partiellement la décision en ce qu'elle a rejeté sa demande de provision indemnitaire à hauteur de 8 000 €, formulée par Mme [W] [Y] ;

Statuant à nouveau :

- condamner la SASU YN CAR [Localité 11] à lui payer, pour le compte de qui il appartiendra, la somme de 8 000 € à titre de provision indemnitaire sur ses préjudices corporels,

- réformer partiellement la décision en ce qu'elle a rejeté sa demande de condamnation de la SASU YN CAR [Localité 11] à hauteur de 1 500 € au titre de l'article 700 alinéa 2 du code de procédure civile et des dépens indemnitaires,Statuant à nouveau,

- condamner la SASU YN CAR [Localité 11] à lui payer la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 alinéa 2 du code de procédure civile, outre les entiers dépens,

Y ajoutant,

- condamner solidairement la SASU YN CAR [Localité 11], la SA GAN ASSURANCES et la SAS MANUFACTURE FRANÇAISE DU CYCLE à lui payer en cause d'appel la somme de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 alinéa 2 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Au soutien de ses demandes, Mme [Y] fait valoir, au visa des articles 145, 489 et 835 alinéa 2 du code de procédure civile, 1245-3 alinéa premier et 1641 du code civil, et L. 421-3 du code de la consommation :

- que la matérialité de l'accident et ses circonstances sont établies par le compte rendu du SAMU et le rapport d'expertise technique privée du vélo réalisée par le cabinet ACE qui mentionne l'impossibilité de freiner correctement en descente, non utilement contesté par les défendeurs,

- que la décision doit être opposable à la CPAM de [Localité 9] afin qu'elle participe aux opérations d'expertise,

- que les informations sur les factures produites en appel sont concordantes sur l'identité du fabricant du vélo litigieux, comme étant la SAS MANUFACTURE FRANÇAISE DU CYCLE,

- que la demande de provision ne souffre d'aucune contestation sérieuse dès lors que la dangerosité du produit est établie et que les responsabilités entre le vendeur et le fabricant seront tranchées au fond,

- que son préjudice a été détaillé et objectivé par une expertise médicale privée, qui permet de définir précisément le quantum de la provision,

- qu'elle a été contrainte de saisir le juge dès lors que le vendeur et le fabricant du vélo n'ont pas donné suite à ses sollicitations amiables, la plaçant dans une détresse corporelle, psychologique et financière justifiant sa demande de provision.

Dans ses conclusions notifiées le 27 juillet 2023, la SAS MANUFACTURE FRANÇAISE DU CYCLE, intimée et appelante incident, sollicite de la cour qu'elle confirme l'ordonnance, sauf en ce qu'elle a ordonné une mesure d'expertise médicale de Mme [W] [Y],

Et, statuant à nouveau,

- rejette la demande d'expertise médicale de Mme [W] [Y],

Y ajoutant,

- condamne toute partie succombante à lui payer la somme de 5 000 € au titre des frais irrépétibles outre les entiers dépens de la procédure d'appel,

Dans l'hypothèse où la Cour confirmerait le prononcé d'une mesure d'expertise judiciaire,

- confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a dit que les opérations d'expertise médicale ne se feraient pas au contradictoire de la SAS MANUFACTURE FRANÇAISE DU CYCLE,

- condamner toute partie succombante à lui payer la somme de 5 000 € au titre des frais irrépétibles, outre les entiers dépens,

A titre subsidiaire,

- prendre acte de ses protestations et réserves d'usage quant à l'expertise médicale, notamment sur les dommages dénoncés et leur imputabilité,

- mettre à la charge de Mme [W] [Y] les frais de consignation, ou à tout le moins à la charge de l'Etat compte tenu de la décision d'aide juridictionnelle,

- prendre acte de ses protestations et réserves d'usage quant à l'expertise technique du vélo, notamment sur les désordres dénoncés et leur imputabilité,

- juger que les frais de consignation seront à la charge des demandeurs à l'expertise, la SASU YN CAR [Localité 11] et son assureur la SA GAN ASSURANCES.

Au soutien de ses prétentions, la MANUFACTURE FRANÇAISE DU CYCLE fait valoir, au visa des articles 145 et 835 du code de procédure civile :

- qu'aucun élément ne permet d'établir la matérialité de la chute qui serait survenue, ni ses circonstances, alors qu'un défaut de maîtrise du vélo ou toute autre cause ne peut être écarté,

- que l'expertise technique produite est insuffisante à établir la défaillance du vélo et sa responsabilité alors qu'est retenu un défaut de réglage du vélo, qui ne saurait résulter que d'une faute contractuelle de la SASU YN CAR [Localité 11], puisque le réglage des différents éléments du vélo incombe au vendeur en vertu de l'article 6 du décret du 19 mars 2016, la demande de mise en de cause de celle-ci doit être rejetée

- que le rapport d'expertise amiable du vélo, non contradictoire, ne peut fonder à lui seul une condamnation provisionnelle, au surplus en présence de contestations sérieuses,

- qu'une expertise judiciaire du vélo ne saurait être ordonnée dès lors qu'il n'est pas établi que le vélo litigieux ait été conservé, que ses conditions de conservation ne sont pas connues, et qu'il n'est pas exclu que des interventions postérieures aient été réalisées sur le vélo, celui-ci ayant été manipulé pour les besoins de l'expertise amiable, réalisée non contradictoirement.

- la demande de provision se heurte à une contestation sérieuse, les frais d'expertise doivent être laissés à la charge du demandeur à celle-ci, à savoir Mme [W] [Y] pour l'expertise médicale et la SASU YN CAR [Localité 11] et la Société GAN ASSURANCES pour l'expertise du vélo

Dans ses conclusions notifiées le 21 juillet 2023, la CPAM de [Localité 9], intimée, entend voir la cour :

- statuer ce que de droit quant à la recevabilité de l'appel,

- rejeter l'ensemble des demandes des appelantes,

- confirmer l'ordonnance en toutes ses dispositions,

- dire qu'elle formule toutes protestations et réserves d'usage sur la mesure d'expertise,

- condamner in solidum la SASU YN CAR [Localité 11] et la SA GAN ASSURANCES à lui payer l'indemnité forfaitaire, d'un montant de 1 162 €, cette indemnité étant recouvrée selon les dispositions prévues par le code de la sécurité sociale,

- condamner les mêmes in solidum à payer à la CPAM la somme de 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les mêmes in solidum aux entiers dépens de première instance et d'appel, et autoriser Me BARNABA à procéder à leur recouvrement au visa de l'article 699 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, la CPAM fait valoir, au visa des articles L. 376-1 du code de la sécurité sociale et 145 du code de procédure civile, et s'agissant de la mesure d'expertise médicale ordonnée par le juge, que les préjudices de Mme [Y] doivent être évalués, afin de fixer ses débours qui s'élèvent provisoirement à la somme de 19.323,19€ au titre des dépenses de santé actuelles et de la perte des gains professionnels actuels.

L'affaire a été retenue à l'audience du 18 juin 2024 pour y être plaidée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur'la demande d'expertise médicale de Mme [W] [Y] :

L'article 145 du code de procédure civile dispose que s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

* Sur les circonstances de l'accident :

Mme [W] [Y] produit devant la cour la synthèse établie par le médecin du SAMU le 16 mai 2022 sur son intervention lors de l'accident de la voie publique le même jour subi par celle-ci.

Le médecin indique : « chute de vélo seule et trauma du coude droit. À l'arrivée coude déformé sans plaie, hyperalgie, coude en extension avec déformation [...].»

Par ailleurs, le rapport d'expertise privée réalisée le 1er juin 2022 par M. [J] sur le vélo accidenté mentionne une anomalie de freinage en ce que la course des leviers de frein est beaucoup trop importante ce qui ne permet pas d'appliquer un effort suffisant sur les patins de frein et donc de ralentir le vélo dans une descente.

L'accident s'est produit précisément dans une rue à forte pente, à l'arrivée sur un rond-point.

Il ressort ainsi de ces éléments déclarés immédiatement ou constatés très peu de temps après l'accident que Mme [W] [Y] a fait une chute de son vélo électrique en raison d'un problème de freins dans une rue très pentue, alors qu'elle avait acheté celui-ci moins de 2 mois auparavant, les 333 km affichés au compteur lors de l'accident ne démontrant pas qu'elle avait déjà utilisé le vélo et ses freins dans les mêmes conditions.

C'est donc à juste titre que le premier juge a ordonné l'expertise médicale judiciaire de Mme [W] [Y] au regard des blessures constatées initialement par le médecin du SAMU et par l'expertise privée du Dr. [N] du 23 septembre 2022.

Sur la demande de déclaration en jugement commun :

L'article 331 du code de procédure civile dispose qu'un tiers peut être mis en cause par la partie qui a intérêt afin de lui rendre commun le jugement.

Il en résulte que dès lors qu'une partie est appelée en intervention forcée dans une procédure, la décision rendue lui est opposable sans que le tribunal ou la cour n'ait besoin de le constater, puisque c'est un effet juridique attachée plein droit à l'intervention forcée et raison pour laquelle le premier juge a déclaré cette demande sans objet.

Ainsi, s'agissant de la CPAM , elle a été régulièrement mise en cause par Mme [W] [Y], le jugement lui est donc, de plein droit , opposable sans qu'il soit besoin de le préciser.

S'agissant de la MANUFACTURE FRANÇAISE DU CYCLE, appelée en intervention forcée par la SASU YN CAR [Localité 11] et la Société GAN ASSURANCES, le jugement lui est également opposable ainsi que la mesure d'expertise qui est ordonnée puisqu'elle est une partie, qui plus est constituée, dans la procédure de référé.

Pour écarter cette partie de l'expertise médicale, il convenait de la mettre hors de cause c'est-à-dire hors de la procédure.

Devant la cour d'appel, la MANUFACTURE FRANÇAISE DU CYCLE ne conteste plus être le fournisseur du vélo acquis par Mme [W] [Y] , la SASU YN CAR BIDART ayant produit la facture du 14 décembre 2020 de l'acquisition par FEU VERT auprès d'elle d'un vélo à assistance électrique E-ROLL 80 ALTUS avec un certificat de conformité du fournisseur pourtant la référence VAE CITY 28 E-ROLL 80 7V modèle YAFVW4, correspondant exactement au vélo électrique de Mme [W] [Y] acquis le 25 mars 2022 chez FEU VERT.

Sur la demande d'expertise technique du vélo :

Mme [W] [Y] verse au débat une expertise privée à laquelle ni la SASU YN CAR [Localité 11] ou la Société GAN ASSURANCES, ni la MANUFACTURE FRANÇAISE DU CYCLE n'ont été appelées à participer. Néanmoins, les conclusions du rapport ont été soumises au débat des parties dans le cadre de la procédure de référé.

M. [J] note : « les constatations ont permis de mettre en évidence une anomalie de freinage. En effet, la course des leviers de frein est beaucoup trop importante. Ceci ne permet pas d'appliquer un effort suffisant sur le patin de frein et donc de ralentir le vélo. Aucune trace d'écrasement sur le câble de frein n'est présente. Ceci indique qu'aucun réglage n'a été effectué sur la course des leviers depuis la livraison. » L'expert privé retient que le vélo a été livré avec des freins mal réglés, dangereux pour l' utilisateur.

Cependant, la SASU YN CAR [Localité 11] est légitime à solliciter une expertise judiciaire à son contradictoire et à celui du fournisseur du vélo, quant à une possible défectuosité des freins eux-mêmes.

Le juge du fond aura à trancher la responsabilité éventuelle du vendeur fondée sur les dispositions de l'article 1231-1 du Code civil relatives à sa responsabilité contractuelle pour ne pas avoir réglé les freins, ou celle le cas échéant fondée sur les dispositions de l'article 1245 du code civil relatives au produit défectueux (vice des freins, sécurité) qui est une responsabilité exclusive du fabricant.

Au stade de la procédure de référé, il n'y a donc pas lieu de mettre hors de cause la MANUFACTURE FRANÇAISE DU CYCLE , et avec la SASU YN CAR [Localité 11] et l'assureur de celle-ci , elles doivent être appelées à participer à l'expertise judiciaire médicale, mais en outre à l'expertise technique du vélo dont la demande doit également être accueillie.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a dit que l'expertise médicale ne se ferait pas au contradictoire de la MANUFACTURE FRANÇAISE DU CYCLE et en ce qu'il a rejeté la demande d'expertise technique du vélo.

Celle-ci sera ordonnée avec la mission comme dit au dispositif et aux frais avancés de la SASU YN CAR [Localité 11] et de la Société GAN ASSURANCES, puisqu'elles sont demanderesses à cette mesure d'instruction et y ont intérêt.

En vertu de l'article 964 -2 du code de procédure civile, la cour d'appel qui infirme une ordonnance de référé ayant refusé une mesure d'instruction peut confier le contrôle de la mesure d'instruction qu'elle ordonne au juge chargé de contrôler les mesures d'instruction de la juridiction dont émane l'ordonnance.

En vertu de ce texte, la cour confie donc le contrôle de la mesure d'expertise au juge chargé du contrôle des expertises au tribunal judiciaire de Bayonne .

Sur la demande de provision de Mme [W] [Y] :

Selon l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

La cour considère comme le premier juge que le principe de la responsabilité dans la survenance de l'accident se heurte à une contestation sérieuse et ne permet donc pas d'allouer à ce stade une provision à valoir sur le préjudice de Mme [W] [Y].

La cour confirme le jugement sur ce point.

Sur les mesures accessoires':

La cour confirme les dispositions relatives aux mesures de fin de jugement.

Y ajoutant,

La cour condamne in solidum la SASU YN CAR [Localité 11], la Société GAN ASSURANCES et MANUFACTURE FRANÇAISE DU CYCLE à payer à Mme [W] [Y] la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

La cour condamne également les mêmes in solidum aux dépens de la procédure d'appel.

La SASU YN CAR [Localité 11], la Société GAN ASSURANCES sont condamnées in solidum à payer à la CPAM la somme de 1 162 €, et la cour rejette la demande complémentaire d'indemnité présentée par la CPAM au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

La cour rejette également la demande de la MANUFACTURE FRANÇAISE DU CYCLE de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par mise à disposition, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme l'ordonnance rendue en ce qu'elle a :

- reçu l'intervention volontaire de la SA GAN ASSURANCES ès qualités d'assureur de la SASU YN CAR [Localité 11],

- ordonné une expertise médicale, et fixé ses modalités techniques,

- commis pour y procéder M. [T] [X],

- déclaré sans objet la demande d'expertise commune et d'opposabilité de la décision envers la CPAM de [Localité 9],

- débouté les parties de leurs demandes présentées au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- Laissé les dépens à la charge de Mme [W] [Y].

Infirme l'ordonnance pour le surplus ;

Statuant à nouveau :

- Rejette la demande de mise hors de cause de la MANUFACTURE FRANÇAISE DU CYCLE ;

- Ordonne une mesure d'expertise judiciaire technique du vélo de Mme [W] [Y] modèle VAE CITY 28 E-ROLL 80 7V type YAFVW4 immatriculé [Immatriculation 17] et désigne M. [U] [R] (1961) ;

[Adresse 4]

[Localité 12] Tél : [XXXXXXXX02] Fax : [XXXXXXXX01]

Port. : [XXXXXXXX03] Mèl : [Courriel 16]

avec pour mission :

Convoquer les parties,

Examiner le vélo à assistance électrique de Mme [W] [Y],

Rechercher et décrire les dysfonctionnements du vélo et déterminer s'ils ont pu être la cause ou l'origine de la chute de Mme [W] [Y] [Adresse 18] à [Localité 10],

dire si les dégâts constatés sur le vélo sont compatibles avec la chute décrite par Mme [W] [Y],

Déterminer, dans la mesure du possible, la vitesse du vélo au moment de l'accident allégué,

Rechercher si un tiers a pu intervenir sur le système de freinage entre l'achat du vélo et l'accident allégué,

Rechercher si le vélo présente un défaut de fabrication, de montage ou de réglage mettant en jeu la sécurité de l'usager,

Recueillir et consigner les explications des parties, prendre connaissance de tous documents de la cause, se faire remettre par les parties ou par des tiers tous documents utiles, notamment contractuels tels que les factures d'achats, la notice d'utilisation du vélo, le rapport de M. [J],

établir une note de synthèse et la communiquer aux parties et les inviter à formuler leurs dires et observations récapitulatifs dans un délai d'un mois pour ce faire, et répondre aux dires et observations formulés dans ce délai.

Fixe à la somme de 1 500 € la provision que la SASU YN CAR BIDART et la Société GAN ASSURANCES devront consigner entre les mains du régisseur du greffe du tribunal judiciaire de Bayonne dans le délai de deux mois, faute de quoi l'expertise pourra être déclarée caduque,

Dit que l'expert devra déposer son rapport en deux exemplaires au greffe du tribunal judiciaire, dans le délai de quatre mois suivant la date de la consignation,

Dit que le contrôle et le suivi de l'expertise seront assurés par le magistrat chargé du contrôle des expertises au tribunal judiciaire de Bayonne,

Condamne in solidum la SASU YN CAR [Localité 11], la Société GAN ASSURANCES et MANUFACTURE FRANÇAISE DU CYCLE à payer à Mme [W] [Y] la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Condamne in solidum la SASU YN CAR [Localité 11], la Société GAN ASSURANCES et MANUFACTURE FRANÇAISE DU CYCLE aux dépens de la procédure d'appel.

Condamne in solidum la SASU YN CAR [Localité 11] et la Société GAN ASSURANCES à payer à la CPAM la somme de 1 162 € au titre de ses frais.

Rejette la demande complémentaire d'indemnité présentée par la CPAM au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Rejette la demande de la MANUFACTURE FRANÇAISE DU CYCLE au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Mme FAURE, Présidente, et par Mme HAUGUEL, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.