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Décisions

CA Bordeaux, 4e ch. com., 30 septembre 2024, n° 22/02487

BORDEAUX

Arrêt

Autre

CA Bordeaux n° 22/02487

30 septembre 2024

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE

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ARRÊT DU : 30 SEPTEMBRE 2024

N° RG 22/02487 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-MWZ6

S.A.S. PRIMA HOLDING

c/

Monsieur [H] [K] [S]

SAS MANAGEMENT & SYSTEMES

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 05 mai 2022 (R.G. 2021F00405) par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 23 mai 2022

APPELANTE :

S.A.S. PRIMA HOLDING prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège [Adresse 2] - [Localité 3]

Représentée par Maître Caroline PECHIER de la SELARL JURICA, avocat au barreau de CHARENTE

INTIMÉS :

Monsieur [H] [K] [S] né le [Date naissance 1] 1957 à [Localité 8]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 6] - [Localité 5]

SAS MANAGEMENT & SYSTEMES immatriculée au RCS de BORDEAUX sous le n° 434 094 603, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 7] - [Localité 4]

Représentés par Maître Claire LE BARAZER de la SELARL AUSONE AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX assistés par Maître Patrick ESPAIGNET du Cabinet Fidal avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 19 juin 2024 en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président,

Madame Marie GOUMILLOUX, Conseiller,

Madame Sophie MASSON, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

Par deux actes reçus le 30 mars 2018 et le 28 octobre 2018 par Maître [E], notaire à [Localité 9], la société à responsabilité limitée Management & Systèmes et Monsieur [H] [S] ont cédé à la société par actions simplifiée Prima Holding la totalité des actions qu'ils détenaient dans le capital social de la société par actions simplifiée 'Electronique Technologie - ETSA' (ci-après ETSA), réparti en 1340 actions pour la société Management & Systèmes et 6 actions pour M. [S].

L'acte authentique du 30 mars 2018 stipulait un prix provisoire de 1.700.000 euros, qui a été ramené au prix définitif de 1.454.805,94 euros dans l'acte du 28 octobre suivant.

Par acte du 31 mars 2021, la société Prima Holding a fait assigner la société Management & Systèmes et M. [S] devant le tribunal de commerce de Bordeaux principalement en indemnisation du dol subi lors de la cession de l'entreprise.

Par jugement prononcé le 5 mai 2022, le tribunal de commerce a statué ainsi qu'il suit :

- déboute la société Prima Holding de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

- déboute la société Management & Systèmes et son dirigeant, Monsieur [H] [S], de leurs demandes indemnitaires au titre d'un préjudice moral ;

- condamne la société Prima Holding à payer à la société Management & Systèmes et son dirigeant, M. [S], chacun, la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamne la société Prima Holding aux dépens de l'instance.

La société Prima Holding a relevé appel de cette décision par déclaration au greffe du 23 mai 2022, intimant la société Management & Systèmes et M. [S].

***

Par dernières conclusions notifiées le 4 juin 2024, la société Prima Holding demande à la cour de :

Vu les dispositions des articles 1103 et suivants du code civil,

- rejeter l'ensemble des demandes, fins et prétentions formées par M. [S] et la société Management & Systèmes ;

- réformer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Bordeaux le 5 mai 2022 dans toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a rejeté les demandes formées par la société Management & Systèmes et M. [S] ;

Statuant à nouveau,

- rejeter les demandes, fins et prétentions soulevées par M. [S] et la société Management & Systèmes ;

- condamner M. [S] et la société Management & Systèmes solidairement à payer à la société Prima Holding la somme de 948.985,53 euros en réparation du dol dont elle a été victime ;

- subsidiairement si besoin, ordonner une expertise judiciaire financière ;

- condamner M. [S] et la société Management & Systèmes solidairement à payer à la société Prima Holding la somme 16.293,53 euros au titre de l'erreur de comptabilisation ;

- condamner M. [S] et la société Management & Systèmes solidairement à payer à la société Prima Holding la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes de condamnation formées par M. [S] et la société Management & Systèmes ;

Y ajoutant,

- condamner M. [S] et la société Management & Systèmes solidairement à payer à la société Prima Holding la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens relatifs à la procédure d'appel.

Par dernières écritures notifiées le 4 juin 2024, la société Management & Systèmes et Monsieur [H] [S] demandent à la cour de :

- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Bordeaux du 5 mai 2022 hormis en ce qu'il a débouté la société Management & Systèmes et M. [S] de leurs demandes indemnitaires au titre du préjudice moral ;

- débouter la société Prima Holding de ses demandes, fins et conclusions ;

- infirmer le jugement du tribunal de commerce de Bordeaux du 5 mai 2022 en ce qu'il a débouté la société Management & Systèmes et M. [S] de leurs demandes indemnitaires au titre du préjudice moral ;

Statuant à nouveau sur ce point,

- condamner la société Prima Holding à payer à la société Management & Systèmes et à M. [S] chacun une somme de 20.000 euros au titre de l'indemnisation de leur préjudice moral ;

- condamner la société Prima Holding à payer à la société Management & Systèmes et à M. [S] chacun une somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Prima Holding aux entiers dépens.

***

L'ordonnance de clôture est intervenue le 5 juin 2024.

Pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il est, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, expressément renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions écrites déposées.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1. Sur la demande principale

1. L'article 1112-1 du code civil dispose :

« Celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant.

Néanmoins, ce devoir d'information ne porte pas sur l'estimation de la valeur de la prestation.

Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties.

Il incombe à celui qui prétend qu'une information lui était due de prouver que l'autre partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu'elle l'a fournie.

Les parties ne peuvent ni limiter, ni exclure ce devoir.

Outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d'information peut entraîner l'annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants.»

En vertu des articles 1130, 1137 et 1138 du code civil, le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des man'uvres ou des mensonges ; constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie ; néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation.

Le dol vicie le consentement lorsqu'il est de telle nature que, sans lui, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes ; son caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné ; il est une cause de nullité relative du contrat.

2. Au visa de ces textes, la société Prima Holding fait grief au jugement déféré d'avoir rejeté ses demandes en indemnisation des préjudices subis en conséquence des manquements de la société Management & Systèmes lors de la cession des actions de la société Electronique Technologie - ETSA (ci-après ETSA).

L'appelante fait valoir que l'acte de cession signé par les parties prévoit une garantie d'actif et de passif mais également des déclarations des cédants sur la situation financière de la société cédée ainsi que sur l'état de son actif et de son passif ; que ces déclarations étaient d'autant plus importantes et déterminantes que les cédants refusaient de transmettre les éléments d'information et documents qui leur étaient réclamés et ont également refusé la possibilité pour l'acquéreur de faire réaliser un audit juridique, commercial et financier.

La société Prima Holding soutient que de telles déclarations sont aujourd'hui reconnues comme de véritables engagements et non uniquement comme des stipulations informatives ; qu'elles constituent une garantie de conformité, complètement autonome, pouvant être mise en jeu indépendamment du mécanisme de garantie d'actif et de passif.

L'appelante indique que, dans leurs déclarations relatives à la situation de l'entreprise dont la cession était négociée, la société Management & Systèmes et M. [S] ont affirmé que, dans la conduite des affaires, aucun changement négatif n'était à signaler et que l'activité de la société n'avait pas été modifiée ; que, pourtant, la société ETSA a subi un changement défavorable dans sa situation financière à compter du 1er avril 2017.

Elle explique qu'il est apparu, dès l'exercice 2018, une chute du chiffre d'affaires de plus d'un million d'euros par rapport aux données des précédents exercices comptables sur la base desquelles avait été arrêté le prix provisoire de cession, cela en raison de l'effondrement des chiffres d'affaires réalisés avec les deux principaux clients de la société cédée, la société DCN devenue Naval Group et la société Zodiac devenue Safran.

La société prima Holding en conclut que les déclarations des cédants étaient donc inexactes et en totale contradiction avec la situation financière réelle de la société ETSA, ce que ceux-ci ne pouvaient ignorer le jour de la signature de l'acte de cession le 30 mars 2018 ; que ce comportement des intimés doit être qualifié de réticence dolosive directement à l'origine d'un préjudice fondé sur l'évaluation inexacte du prix de la société ETSA.

3. La société Management & Systèmes et M. [S] répondent que l'appelante avait une parfaite connaissance de la situation d'ETSA avant, pendant et après la cession ; que les dirigeants de Management & Systemes ont parfaitement collaboré avec la société Prima Holding, soit directement soit par l'intermédiaire de leurs conseils respectifs, avocats et experts comptables ; que, à aucun moment, à l'exception de son assignation délivrée trois années après la cession, l'acquéreur n'a invoqué l'absence d'information, la rétention d'information ou une quelconque réticence dolosive à l'égard d'informations qui ne lui auraient pas été fournies.

Les intimés font valoir que l'ensemble des informations transmises a permis à la société Prima Holding d'obtenir une réduction du prix de cession des titres de la société ETSA très significative puisque le prix de début de négociation à la fin du premier semestre 2017 s'établissait à

2.400.000 euros et a été réduit à un prix définitif de 1.454.805,94 euros ; que, lorsqu'elle a réalisé des audits en matière juridique, sociale, fiscale, financière et commerciale tout au long du mois d'avril 2018, la société Prima Holding n'a émis aucune objection sur les comptes d'ETSA clos le 31 mars 2017.

La société Management & Systèmes et M. [S] indiquent que l'acquéreur avait exigé que le directeur opérationnel de la société ETSA ne soit pas tenu informé de la cession de la société et qu'il ne soit plus dans les effectifs de la reprise le jour de la signature des actes définitifs, à charge pour les cédants de le faire partir ; qu'il était donc matériellement impossible d'organiser des audits sur les comptes 2017 avant la signature des actes de cession alors que le directeur opérationnel était encore présent dans l'entreprise ; que c'est la seule raison pour laquelle les compte d'ETSA pour l'exercice 2017 ont été audités par le cessionnaire postérieurement à la signature des actes définitifs.

Les intimés soutiennent que, par ailleurs, ont été transmis à la société Prima Holding dès le mois de juillet 2017 une trentaine de documents juridiques, comptables, bancaires, fiscaux et sociaux ; que le cabinet Ficosa, expert-comptable et conseil de l'appelante, a établi un dossier prévisionnel le 2 novembre 2017, soit 5 mois avant la cession, qui comporte clairement la mention de la baisse du chiffre d'affaires sur les 9 premiers mois de 2017 et intègre cette baisse dans son prévisionnel ; que la cessionnaire a arrêté contradictoirement avec les cédants les comptes 2018de la société ETSA après un audit réalisé par ses conseils au cours des mois d'août et deseptembre 2018 et que, à aucun moment à l'occasion de ces audits, la perte de chiffre d'affaires constatée sur l'exercice clos le 31 mars 2018 n'a donné lieu à une quelconque observation de la part de la société Prima Holding et de ses conseils.

Sur ce,

4. Il doit tout d'abord être relevé que, par message électronique du 26 mars 2018, M. [Y], dirigeant social de la société Prima Holding a accusé réception de 22 documents relatifs à la sitation sociale, juridique et fiscale de l'entreprise ainsi que le détail des comptes clients et fournisseurs de l'entreprise.

M. [Y] avait précédemment, par courriel du 14 février 2018, abordé la question de difficultés affectant les relations contractuelles de la société ETSA avec la société Zodiac, client jugé très important par le dirigeant social de la société Prima Holding, puisqu'il estime que Zodiac représente '35 %, voire 40 %' du chiffre d'affaires de l'exercice en cours. Ce message exprime la crainte de la perte de ce client 'dans les prochaines semaines'.

Egalement, le Cabinet Ficosa, dont il n'est pas discuté qu'il est l'expert comptable de la société Prima Holding, a réalisé le 2 novembre 2017 un dossier prévisionnel portant sur les trois exercices comptables à venir de la société ETSA. Ce professionnel du chiffre y mentionne, en préalable, que son étude a été construite par rapport aux éléments chiffrés des derniers exercices et à la tendance connue pour l'exercice en cours. Il précise : « Compte tenu de la tendance actuelle, il a été décidé d'allonger la durée de l'exercice en cours (') afin de permettre l'absorption de la baisse d'activité sur les neuf premiers mois de l'année 2017. »

Or les données comptables sur lesquelles s'est appuyé le Cabinet Ficosa pour mentionner une tendance au ralentissement de l'activité de la société ETSA provenaient nécessairement des informations préalablement données par les cédants.

Cette tendance a été confirmée par les éléments figurant à l'exercice comptable clos le 31 mars 2018, contradictoirement arrêté par les parties préalablement à la signature de l'avenant du 28 octobre 2018 abaissant le prix de vente de la société à la somme totale de 1.4454.805,94 euros.

A cet égard, le tribunal de commerce a souligné à juste titre que c'est donc en pleine connaissance de la dégradation de l'activité globale de la société ETSA que la société Prima Holding, qui ne pouvait manquer d'en attribuer la cause à la baisse de l'activité tournée vers les sociétés Zodiac et DCN, a signé cet avenant.

En effet, pour les données connues -puisque figurant au bilan arrêté contradictoirement- lors de la signature de l'acte dit 'définitif' du 28 octobre 2018, le chiffre d'affaires réalisé avec la société DCN est passé de 795.139,90 euros au 31 mars 2017 à 157.015,75 euros au 31 mars 2018 ; de même, le chiffre d'affaires réalisé avec la société Zodiac est passé, pour les mêmes exercices, de 623.340 euros à 340.680 euros.

5. Par ailleurs, l'acte de cession des titres de la société ETSA, reçu le 30 mars 2018 par Maître [E], notaire à [Localité 9], prévoit en page neuf un article 'audit fiscal, comptable, social' ainsi libellé :

« Le cessionnaire organisera des audits social et financier qui se dérouleront dans le délai d'un mois à compter de ce jour soit au plus tard le 30 avril 2018.

Le cessionnaire reviendra vers les cédants à l'issue d'un délai maximum de 15 jours après la fin de ces audits, soit au plus tard le 15 mai 2018, pour confirmer sa position définitive sur le prix provisoire.

À défaut de contestation sous le délai impératif de 15 jours, le prix provisoire de 1.700.000 euros sera réputée et définitivement validée par le cessionnaire.

Les audits en matière commerciale que le cessionnaire diligentera ne pourront pas donner lieu à une révision ou une contestation du prix provisoire et/ou du prix définitif.

(...)

Si le résultat des audits juridique, social et financier devait aboutir à une remise en cause de la situation au 31 mars 2007 et à une minoration supérieure à 200.000 euros, les parties tenteront de trouver un accord entre elles sous un délai de 15 jours. À défaut d'accord sous ce délai impératif, chacune des parties pourra renoncer soit à la cession en ce qui concerne les cédants soit à l'acquisition en ce qui concerne le cessionnaire soit enfin, en cas de position contraire des cédants ou du cessionnaire, constituer un tribunal arbitral qui tranchera le différend.

Si le tribunal arbitral devait confirmer la minoration supérieure à 200.000 euros, chacune des parties sera dans ce cas, à défaut d'accord définitif, replacée dans la situation initiale c'est-à-dire que les cédants devront reverser le prix provisoire et le cessionnaire devra restituer l'intégralité des actions de la société ETSA.»

Il doit être précisé que l'avenant du 28 octobre suivant mentionne expressément à ses articles 4 et 5 que la totalité des stipulations de l'acte du 30 mars 2018 restent en vigueur et que les deux actes sont indissociables.

Ainsi, même postérieurement à la cession litigieuse, était ménagée à la société Prima Holding une possibilité d'annuler cette cession dans l'hypothèse d'un désaccord persistant sur la valeur de l'entreprise objet de la cession.

6. Il résulte de ces éléments que la réticence dolosive de la société Management & Systèmes et de M. [S] n'est pas démontrée, les intimés rapportant la preuve de ce que l'appelante a été entièrement renseignée sur la situation de la société ETSA préalablement à la transaction, les termes de l'article 'audit fiscal, comptable, social' de l'acte authentique de vente étant au surplus la manifestation de la bonne foi des cédants puisqu'ils y acceptaient l'hypothèse d'une annulation postérieure de la vente dans l'hypothèse du constat d'une minoration de plus de 200.000 euros de la valeur de la société.

C'est de plus, par des motifs pertinents, que le premier juge a souligné que le prix de cession a été contradictoirement revu et approuvé par les parties selon un processus établi et respecté dans sa mise en oeuvre avec l'assentiment incontestable de la société cessionnaire.

7. Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande principale de la société Prima Holding au titre du dol.

8. La société Prima Holding a relevé appel du chef de dispositif du jugement du 5 mai 2022 qui la déboute de sa demande en indemnisation du préjudice moral résultant du dol.

Elle développe des arguments au soutien de cette réclamation dans le corps de ses écritures. Toutefois, cette demande ne figure pas au dispositif de ses dernières conclusions, qui seules saisissent la cour en vertu de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile.

Il ne sera donc pas statué sur cette demande.

2. Sur la demande accessoire au titre d'une erreur de comptabilité

9. La société Prima Holding fait grief au tribunal de commerce d'avoir rejeté sa demande en indemnisation d'une erreur de comptabilisation d'un acompte.

L'appelante explique que la société DCN, devenue Naval Group, a passé une commande le 6 janvier 2016 pour un montant de 513.005,01 euros et a versé un acompte de 76.268,25 euros HT ; que cet acompte aurait dû être constaté au passif du bilan au poste 'produit constaté d'avance' puisque les travaux n'étaient pas encore engagés ; qu'il a pourtant été comptabilisé en chiffre d'affaires sur l'exercice clos au 31 mars 2017, ce qui a faussé le résultat de l'entreprise et a créé un préjudice reposant sur le manque à gagner d'ETSA au titre de cette commande.

La société Prima Holding fonde cette demande sur l'exécution de la garantie contractuelle de passif.

10. Les intimés répondent que, pour cette commande de 513.005,01 euros passée le 6 janvier 2016, l'acompte de 76.268,25 euros perçu le 28 juin 2016 était manifestement devenu du chiff re

d'affaires au 31 mars 2017 du fait du début d'exécuti on de la commande passée un an plus

tôt.

Sur ce,

11. Au soutien de cette demande, l'appelante produit la copie d'un courrier qu'elle a adressé à ce titre le 10 février 2020 à ses cédants, ainsi que la copie de l'échange qui a suivi.

Il n'est cependant pas versé aux débats les observations du Cabinet Lassus, commissaire aux comptes de la société ETSA, dont il est soutenu qu'elles auraient alerté la cessionnaire.

Par ailleurs, si les dates de la commande litigieuse et du versement de l'acompte à valoir sur le paiement du solde ne sont pas discutées, il faut relever que la société Prima Holding ne produit aucun élément sur le début des travaux d'exécution de cette commande.

12. Enfin, c'est par des motifs pertinents que le tribunal de commerce a retenu que que les audits diligentés par la société cessionnaire avaient également pour objet de mettre en évidence les éventuels manquements et erreurs ou omissions comptables et que la société Prima Holding était mal fondée à réclamer une somme -qu'elle aurait dû identifier comme possiblement erronée en raison de son traitement comptabel- plus de trois ans après qu'une évaluation contradictoire a permis la détermination de la valeur définitive des titres.

Le jugement déféré sera donc confirmé de ce chef.

3. Sur l'appel incident des cédants

13. La société Management & Systèmes et M. [S] reprochent au premier juge de ne pas avoir accueilli leur demande en indemnisation de leur préjudice moral. Ils expliquent qu'ils ont été particulièrement choqués des demandes infondées de la société Prima Holding dont ils estiment qu'elles ne reposent sur aucun argument sérieux.

Toutefois, cet argument n'est pas suffisant à démontrer le préjudice moral que déplorent les intimés. Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef, ainsi qu'en ses chefs de dispositif relatifs aux frais irrépétibles des parties et à la charge des dépens de première instance.

14. La société Prima Holding, tenue au paiement des dépens de l'appel, sera condamnée à verser aux intimés la somme globale de 5.000 euros.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire en dernier ressort,

Confirme le jugement prononcé le 5 mai 2022 par le tribunal de commerce de Bordeaux.

Y ajoutant,

Condamne la société Prima Holding à payer à la société Management & Systèmes et Monsieur [H] [S] la somme globale de 5.000 euros.

Condamne la société Prima Holding à payer les dépens de l'appel.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jean-Pierre FRANCO, président, et par Monsieur Hervé GOUDOT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Magistrat