CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 27 septembre 2024, n° 23/14084
PARIS
Arrêt
Autre
PARTIES
Demandeur :
Rdl Spirits (SAS)
Défendeur :
Institut National de la Propriété Industrielle (INPI)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Renard
Conseiller :
Mme Marcade
Avocats :
Me Boccon-Gibod, Me Guillet
La société RDL Spirits a déposé auprès de l'INPI le 22 novembre 2022 une demande d'enregistrement de marque portant sur le signe verbal The Cognac Society destiné à distinguer notamment en classe 33 les produits et services suivants : ' Boissons alcoolisées (à l'exception des bières); vins ; vins à indication géographique protégée; vins d'appellation d'origine protégée ; services de bars'.
La déposante s'est vue notifier un refus provisoire d'enregistrement pour défaut de caractère distinctif s'agissant des ' Boissons alcoolisées (à l'exception des bières); services de bars' et pour atteinte à la protection des appellations d'origine et des indications géographiques, des mentions traditionnelles pour les vins et des spécialités traditionnelles garanties s'agissant des' Boissons alcoolisées (à l'exception des bières); vins ; vins à indication géographique protégée; vins d'appellation d'origine protégée ; services de bars'.
C'est dans ces conditions qu'elle effectué, le 16 mars 2023, une proposition de régularisation consistant à limiter la demande aux produits suivants de la classe 33: 'Eau-de-vie de vin bénéficiant de l'AOC Cognac'.
Un projet de décision de maintien du refus d'enregistrementa été notifié le 12 mai 2023 à la déposante, qui l'a contesté.
Le directeur général de l'INPI a statué, en conséquence,sur la demande d'enregistrement aux termes de la décision sus-visée, objet du recours, portant rejet total de cette demande.
Dans ses conclusions au soutien du recours, la société RDL Spirits fait valoir que le défaut de distinctivité retenu par le directeur général de l'INPI n'est pas avéré car la formulationThe Cognac Society, composée du terme SOCIETY qui signifie en anglais non pas une société commerciale (se traduisant par 'company') mais une confrérie ou un club privéet associant, en tête de signe, le déterminant THE qui permetjustement de distinguer l'ensemble COGNAC SOCIETY, est apte à désigner l'origine commerciale des produits.
Cependant, force est de rappeler que la fonction de la marque est, selon les dispositions de l'article L. 711-1 du code de la propriété intellectuelle, de servir'à distinguer les produits ou services d'une personne physique ou morale de ceux d'autres personnes physiques ou morales'.
En ce sens, l'article L. 711-2 du même code,vient préciser que 'ne peuvent être valablement enregistrées 2° Une marque dépourvue de caractère distinctif ; 3° Une marque composée exclusivement d'éléments ou d'indications pouvant servir à désigner, dans le commerce, une caractéristique du produit ou du service, et notamment l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique, l'époque de la production du bien ou de la prestation du service'.
L'article L. 712-7 du même code prévoit enfin que la demande d'enregistrement est rejetée en totalité ou en partie si le signe déposé ne peut constituer une marque par application des articles précités.
En l'espèce, il n'est pas discuté par la société requérante que le public pertinent, auquel s'adressent les produits visés dans la demande d'enregistrement, n'est pas seulement le public averti des connaisseurs de Cognac mais un public plus large de consommateurs moyens normalement informés et raisonnablement attentifs et avisés.
Or, ainsi qu'il a été pertinemment observé par le directeur général de l'INPI, le public pertinent, tel que précédemment défini, ne percevra pas d'emblée le terme SOCIETY comme définissant une confrérie ou un club privé de même qu'il ne saura pas nécessairement qu'une société commerciale se traduit en anglais par COMPANY. Dès lors que le mot SOCIETY estquasiment identique au mot français SOCIETE, les deux termes seront inéluctablement rapprochés dans l'esprit du consommateur moyen qui appréhendera le premier commepourvu de la même signification que le second.
Par ailleurs, ce même public, muni d'une connaissance rudimentaire de l'anglais,comprendra aisément l'élément THE comme correspondant dans la langue française aux articles LE/LA / LES . Cet élément introduit l'ensemble nominatif COGNAC SOCIETY et s'y intègre selon une syntaxe habituelle sans apporter de caractère distinctif audit ensemble.
Quant au terme COGNAC, qui est issu de la langue française, et qui désigne l'eau-de-vie de vin bénéficiant de l'appellation d'origine contrôlée de même nom, il sera nécessairement compris comme tel.
Il s'ensuit que le directeur général de l'INPI a retenu, à juste raison, que le signe de la demande d'enregistrement, pris sans son ensemble, sera perçu sans autre réflexion comme désignant une société qui produit ou commercialise du Cognac.
Au surplus, le signe The Cognac Society ne comprend aucune modification inhabituelle d'ordre syntaxique mais obéit auxrègles de la syntaxe anglaise et conserve ainsi la signification première et usuelle qui découle des éléments qui le composent, désignant ainsi un établissement commercial spécialisé dans le Cognac.
Dans ces conditions, le public concerné regardera le signe de la demande d'enregistrement comme la simple indication d'une société commerciale spécialisée dans le Cognac et non comme une indication de l'origine commerciale des produits.
Ce signe n'est donc pas apte à remplir la fonction de la marque et c'est à bon droit que le directeur général de l'INPI a refusé la demande d'enregistrement.
La décision attaquée n'est pas critiquable et le recours formé à son encontre sera dès lors rejeté.
La société requérante poursuit la condamnation du directeur général de l'INPI à lui verser la somme de 3.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Cependant, le directeur général de l'INPI n'est pas une partie à l'instance ouverte sur le recours formé à l'encontre de ses décisions et ne peut être condamné au titre des frais irrépétibles.
La demande concernant les dépens ne peut davantage prospérer, laprésente instance ne donnant pas lieu à condamnation aux dépens.
PAR CES MOTIFS, LA COUR :
Rejette le recours formé par la société RDL Spirits,
Rejette les demandes de cette dernière au titre des frais irrépétibles et des dépens,
Dit que le présent arrêt sera notifié par lettre recommandée avec avis de réception par les soins du greffier à la société requérante et au directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle.