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Décisions

Cass. 2e civ., 3 octobre 2024, n° 21-24.852

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Défendeur :

Les Espaciers (SCI), Renov immo (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Martinel

Rapporteur :

Mme Latreille

Avocat général :

Mme Trassoudaine-Verger

Avocat :

SARL Cabinet François Pinet

Nîmes, 4e ch. com., du 10 févr. 2021

10 février 2021

Faits et procédure

1. Dans un litige opposant M. [Y] à la SCI Les Espassiers (la SCI), une cour d'appel a, par un arrêt du 5 juillet 2018, dit que le bail est résilié depuis le 6 mars 2014 et condamné la SCI à payer à M. [Y] la somme de 5 000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice de jouissance résultant de l'indécence du logement.

2. M. [Y] a fait pratiquer le 20 décembre 2019 une saisie-attribution à l'encontre de la SCI pour obtenir le recouvrement de cette somme.

3. Saisi d'une contestation par la SCI, un juge de l'exécution a, par un jugement du 4 septembre 2020, condamné, après compensation, M. [Y] à payer à la SCI une certaine somme au titre de l'indemnité d'occupation due du 6 mars 2014 jusqu'à son départ des lieux et ordonné la mainlevée de la procédure de saisie-attribution du 20 décembre 2019.

4. M. [Y] a relevé appel de cette décision.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. M. [Y] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses demandes à l'encontre de M. [S] et de la société Renov immo, alors « que constitue une fin de non-recevoir le moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande pour défaut de droit d'agir tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée ; qu'en retenant, pour déclarer irrecevables les demandes de M. [Y] dirigées contre M. [S] et la société Renov immo, qu'en vertu de l'article L. 213-6, le juge de l'exécution ne connaît que des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit à moins qu'elles n'échappent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire, et sous la même réserve des demandes en réparation fondées sur l'exécution ou l'inexécution dommageables des mesures d'exécution forcée ou des mesures conservatoires, la cour d'appel, qui aurait dû relever que ce moyen constituait une exception d'incompétence et non une fin de non-recevoir, a violé l'article 73 du code de procédure civile, ensemble l'article 122 du même code. 

Réponse de la Cour

6. Ayant rappelé que le juge de l'exécution ne connaît que des difficultés, contestations et demandes qui procèdent ou résultent de la mesure d'exécution forcée, constaté que la mesure d'exécution forcée constituant l'objet de l'instance, comme le titre exécutoire sur lequel elle se fonde, n'ont pour parties que M. [Y] et la SCI et énoncé que toutes les demandes qui sont dirigées à l'encontre de tierces personnes et n'ayant aucun lien avec la saisie diligentée, mais se fondant sur des créances existantes ou supposées à l'égard de ces tiers et reposent sur des litiges annexes, ne pouvaient qu'être écartées dans le cadre de la présente instance, c'est sans encourir le grief du moyen que la cour d'appel a déclaré irrecevables les demandes de M. [Y] à l'encontre de M. [S] et de la société Renov immo.

7. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Mais sur le moyen relevé d'office

8. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire :

9. Il résulte de ce texte qu'il n'entre pas dans les pouvoirs du juge de l'exécution, sauf exception prévue par la loi, de fixer une créance afin d'ordonner une compensation judiciaire avec une autre créance fondée sur un titre exécutoire.

10. Pour ordonner la compensation avec une indemnité d'occupation qu'il fixe et en conséquence condamner M. [Y] à payer une certaine somme à la SCI, l'arrêt retient que la SCI est créancière d'une indemnité d'occupation pour la période où M. [Y] n'était plus locataire du fait de la résiliation, fixée au 6 mars 2014 par arrêt du 5 juillet 2018, et jusqu'à la libération des lieux - figée à la date du procès-verbal d'expulsion dressé le 19 octobre 2015.

11. Elle relève que, quand bien même elle n'aurait pas été fixée à ce jour par aucune juridiction et quand bien même son montant ne serait, de ce fait, pas encore liquide et exigible, cette créance a une existence certaine, est fondée en son principe et son quantum peut être déterminé.

12. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquence de la cassation

13. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt relatifs à la fixation de l'indemnité d'occupation dont est redevable M. [Y] envers la SCI Les Espassiers à hauteur de 7 821,73 euros et à sa compensation entraîne la cassation, par voie de conséquence, des chefs de dispositif qui prononcent la condamnation de M. [Y] à payer à la SCI Les Espassiers la somme de 4 321,73 euros et ordonnent la mainlevée de la procédure de saisie-attribution diligentée le 20 décembre 2019, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a confirmé le jugement déféré en ce qu'il a déclaré irrecevable les demandes de M. [Y] à l'encontre de M. [S] et de la société Renov immo, l'arrêt rendu le 10 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse.