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Décisions

CA Colmar, 1re ch. A, 25 septembre 2024, n° 23/01327

COLMAR

Arrêt

Autre

PARTIES

Défendeur :

Mareva (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Walgenwitz

Conseillers :

M. Roublot, Mme Rhode

Avocats :

Me Chevallier-Gaschy, Me Auer, Me Fritsch, Me Ludot

TJ Strasbourg, du 3 mars 2023, n° 23/013…

3 mars 2023

ARRET :

- Contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par M. Franck WALGENWITZ, président et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu l'assignation délivrée le 18 mai 2022, par laquelle M. [W] [X] et Mme [L] [X], née [I], ci-après également 'les époux [X]', ont fait citer Me [O] [R], prise en son nom personnel et en sa qualité de liquidateur de la SAS Mareva, devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Strasbourg,

Vu l'ordonnance rendue le 3 mars 2023, à laquelle il sera renvoyé pour le surplus de l'exposé des faits, ainsi que des prétentions et moyens des parties en première instance, et par laquelle le juge des référés du tribunal judiciaire de Strasbourg a statué comme suit :

'Au principal, RENVOYONS les parties à se pourvoir, mais dès à présent,

DÉCLARONS les demandes de Mme [W] [X] et Mme [L] [X] recevables ;

CONSTATONS la résiliation du bail liant Mme [W] [X] et Mme [L] [X] et la société Mareva représentée par Me [R] es qualité de liquidateur judiciaire de la société Mareva, avec effet au 19 avril 2021 ;

ORDONNONS en conséquence l'expulsion de la société Maréva représentée par Me [R] es qualité de liquidateur judiciaire de la société Maréva et de tout occupant de son chef des locaux loués, occupés sans droit ;

DISONS que le sort des objets mobiliers restant dans les lieux sera soumis aux dispositions des articles L. 433-1 et suivants et R. 433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;

DISONS n'y avoir lieu à référé pour le surplus des demandes des parties ;

REJETONS les demandes tendant à la condamnation de Me [R] à titre personnel à évacuer les locaux et à remettre les clés du local commercial objet du contrat de bail ;

CONDAMNONS Mme [L] [X] et M. [W] [X] à payer à Me [R] à titre personnel la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

REJETONS les demandes faites par Mme [L] [X] et M. [W] [X] et la société Mareva représentée par Me [R] es qualité de liquidateur judiciaire de la société Mareva et au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNONS Mme [L] [X] et M. [W] [X] aux entiers frais et dépens;

RAPPELONS que la présente décision est exécutoire de droit par provision.'

Vu la déclaration d'appel formée par M. [W] [X] et Mme [L] [X], née [I], contre cette ordonnance et déposée le 28 mars 2023,

Vu la constitution d'intimée de Me [O] [R], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Mareva en date du 11 avril 2023,

Vu les dernières conclusions en date du 19 avril 2024, auxquelles est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, et par lesquelles Mme [L] [I], épouse [X], demande à la cour de :

'A. Sur l'appel principal

Sur la recevabilité de l'appel principal :

Déclarer l'appel recevable et bien fondé

Au fond :

Infirmer l'ordonnance rendue en date du 03 mars 2023 (RG 22/00789) par M. le Président du TJ de Strasbourg en ce que l'ordonnance précité a dit n'y avoir lieu à référé pour le surplus des demandes formées pour les consorts [X], les a renvoyés à mieux se pourvoir, a rejeté les demandes de Madame [L] [X] et de Monsieur [W] [X] au titre des dispositions de l'article 700 et les a condamné aux entiers frais et dépens ;

Statuant à nouveau

Partant, déclarer l'appel bien fondé,

* sur appel principal, condamner Me [R] ès-qualité de liquidateur judiciaire de la SAS MAREVA à payer aux parties demanderesses et appelantes à titre de provision sur les arriérés de loyer et/ou indemnités d'occupation pour les mois de novembre 2020 à novembre 2022 le montant de 72.489,75 € ;

Condamner la partie adverse à tous les frais et dépens de la première instance, ainsi qu'à payer une somme de l.500 € au titre de l'article 700 du CPC ;

Sur demande additionnelle

Condamner Me [R] ès-qualité de liquidateur judiciaire de la SAS MAREVA à payer aux parties demanderesses et appelantes à titre de provision sur les indemnités d'occupation pour les mois de décembre 2022 au 16 mai 2023, le montant de 15.889,06 € ;

débouter la partie adverse de toutes ses fins et conclusions ;

B. Sur l'appel incident

Déclarer l'appel incident de la partie adverse irrecevable sinon non fondée ;

Débouter l'intimée de toutes ses fins et conclusions ;

C. En tout état de cause

Condamner la partie adverse à payer la somme de 5.000,00 € sur base de l'article 700 du CPC aux parties appelantes ;

Condamner la partie adverse à tous les frais et dépens de la présente instance, ainsi que de première instance',

et ce, en invoquant, notamment :

- une demande de provision tendant bien à la condamnation de Me [R], ès qualités, s'agissant de créances d'arriérés de loyers et d'indemnités d'occupation nées postérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective, dans un contexte de refus non justifié, à la fois de restitution des clés et de règlement du loyer, les concluants contestant avoir fait échec à la reprise du fonds, tout en relevant la mauvaise foi de la partie adverse, qui agirait au détriment du bailleur, lequel disposerait pourtant de créances certaines, liquides et exigibles,

- la recevabilité de ses demandes en première instance, les concluants, tous deux vivants, ayant tous deux la qualité de bailleur, en l'absence, par ailleurs, d'autorité de chose jugée d'une décision n'ayant pas statué au fond, tandis que les formalités de notification aux créanciers inscrits, sanctionnées uniquement par l'inopposabilité de la résiliation auxdits créanciers, seraient étrangères au rapport entre bailleur et locataire, sans incidence, également, d'une situation d'état d'urgence sanitaire qui n'est, en outre, plus en vigueur,

- l'absence de faute commise par les bailleurs, qui contestent tout empêchement de la cession du fonds de commerce, qu'ils n'étaient pas en mesure d'opérer et entendent au contraire incriminer l'impéritie de la partie adverse, qui ne justifierait, par ailleurs, d'aucun préjudice, pour son maintien injustifié dans les lieux et l'absence d'aboutissement des propositions de reprise, ainsi que l'absence de suites données aux courriers qui lui ont été adressés et au commandement de payer ;

Vu les dernières conclusions en date du 17 mai 2024, auxquelles est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, et par lesquelles Me [O] [R], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Maréva, demande à la cour de :

'Sur l'appel principal,

- DECLARER Mme [L] [X] et M. [W] [X] mal fondés en leur appel,

- Les en DEBOUTER,

En conséquence,

- CONFIRMER l'Ordonnance en ce qu'elle a :

o Dit n'y avoir lieu à référé pour la demande d'autoriser le propriétaire lors de l'expulsion des lieux, à faire procéder, s'il y a lieu, à l'ouverture des portes avec l'assistance de la force publique ;

o Dit n'y avoir lieu à référé pour la demande de faire constater et estimer les réparations locatives par un huissier de justice qui sera commis à cet effet, assisté, s'il l'estime utile, d'un technicien ;

o Dit n'y avoir lieu à référé pour la demande de séquestrer les effets mobiliers qui en sont susceptibles pour sûreté des loyers échus et des charges locatives ;

o Dit n'y avoir lieu à référé pour la demande de dire et juger qu'il sera substitué au loyer une indemnité d'occupation mensuelle d'un montant double de celle du montant des loyers et de condamner le liquidateur judiciaire à payer ledit montant ;

o Dit n'y avoir lieu à référé pour la demande de dire que le montant du dépôt de garantie sera acquis de plein droit au propriétaire des lieux ;

o Dit n'y avoir lieu à référé pour la demande de dire que les sommes dues porteront intérêt au taux légal à compter de leur date d'exigibilité ;

o Dit n'y avoir lieu à référé pour la demande de condamnation du liquidateur judiciaire à payer une quelconque somme au titre des arriérés de loyers et indemnités d'occupation ;

o Rejeté les demandes tendant à la condamnation de Maître [R] à titre personnel à évacuer les locaux et à remettre les clés du local commercial objet du contrat de bail ;

o Condamné Mme [L] [X] et Monsieur [W] [X] à payer à Maître [R] à titre personnel la somme de 1.500,-€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

o Rejeté les demandes faites par Mme [L] [X] et M. [W] [X] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

o Condamné Mme [L] [X] et M. [W] [X] aux entiers frais et dépens ;

Sur l'appel incident,

- DECLARER la société MAREVA représentée par Maître [R] ès-qualités de Liquidateur judiciaire de la société MAREVA recevable et bien fondée en son appel incident,

En conséquence,

- INFIRMER l'Ordonnance en ce qu'elle a :

o Déclaré les demandes de Mme [L] [X] et M. [W] [X] recevables ;

o Rejeté la demande faite par la société MAREVA représentée par Maître [R] ès-qualités de Liquidateur judiciaire de la société MAREVA au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Et, statuant à nouveau :

- DÉCLARER nulles ou, à tout le moins, irrecevables les demandes formulées par [W] [X] et [L] [X] ;

- CONDAMNER Madame [L] [X] à verser une provision de 155.595,47 € à Maître [O] [R] ès-qualités de Liquidateur Judiciaire de la société MAREVA ;

- CONDAMNER les consorts [X] à verser la somme de 5.000,-€ à Maître [R], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société MAREVA au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers frais et dépens au titre de la première instance ;

- CONDAMNER les consorts [X] à verser la somme de 5.000,-€ à Maître [R], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société MAREVA au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers frais et dépens au titre de la procédure d'appel principal et incident,

- DÉBOUTER Monsieur [W] [X] et Madame [L] [X] de l'intégralité de leurs demandes, fins et prétentions,'

et ce, en invoquant, notamment :

- sur appel incident, l'irrecevabilité des demandes des consorts [X], en vertu du décès de M. [W] [X], constaté par un aveu judiciaire irrévocable, et en vertu du principe de l'estoppel, lié à la contradiction du demandeur sur cette circonstance, mais également, s'agissant de Mme [X], du fait de l'autorité de chose jugée attachée à la décision de référé l'ayant déclarée irrecevable à agir en résiliation de bail, s'agissant de demandes identiques, reposant sur la même cause, mais également du fait de l'application des règles afférentes à la résiliation d'un bail commercial, comme d'ailleurs retenu par cette décision, et en tout cas de qualité à agir seule de Mme [X], mais encore en l'absence de notification de la demande de résiliation aux créanciers antérieurement inscrits, et en application des règles relatives à l'état d'urgence sanitaire, la société exerçant une activité affectée par les mesures de police administrative, ce qui n'autorisait l'engagement d'une action en résolution du bail commercial, qui n'est autre qu'une sanction pour retard ou non-paiement des loyers, qu'à compter de l'expiration d'un délai de deux mois à compter du 9 juin 2021,

- sur appel incident également, l'indemnisation du préjudice subi du fait du comportement de Mme [X] qui aurait tout mis en oeuvre pour s'opposer, abusivement, à la cession du fonds de commerce alors qu'elle souhaitait acquérir les éléments corporels du fonds à une valeur dérisoire,

- sur l'appel principal, le mal fondé de la demande adverse en paiement de loyers et/ou indemnités d'occupation, comme visant des sommes contestables concernant une période durant laquelle la société était dans l'impossibilité d'exploiter son activité, la force majeure étant subsidiairement invoquée, outre que les créances litigieuses, même postérieures à l'ouverture de la procédure collective, ne seraient pas méritantes, ne justifiant pas que le créancier échappe à la discipline collective,

- sur l'appel principal également, le mal fondé des demandes adverses au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre l'impossibilité de faire application de cette disposition envers un débiteur en procédure collective,

- la réfutation des écritures de la partie adverse, à laquelle il est, notamment, fait grief de se référer à des échanges confidentiels entre avocats, ou de critiquer les conditions de fonctionnement de l'étude de la concluante.

Vu le renvoi de l'affaire lors de l'audience du 29 novembre 2023,

Vu les débats à l'audience du 27 mai 2024,

Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l'article 455 du code de procédure civile, pour l'exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS :

Il convient, au préalable, de relever que les conclusions déposées pour le compte de Me [R], par voie électronique en date du 17 mai 2024, sont les conclusions en date du 23 novembre 2023, déjà déposées précédemment, de sorte que la cour n'est pas saisie, à la date des débats, d'autres écritures de la partie intimée, bien que des écritures en date du 17 mai 2024 aient été visées, en version imprimée, par le greffe en date du 24 mai 2024.

En outre, si la partie appelante entend voir infirmer l'ordonnance entreprise, en ce qu'elle a 'rejeté les demandes de Madame [L] [X] et de Monsieur [W] [X] au titre des dispositions de l'article 700', cette demande ne peut être interprétée que comme incluant la condamnation prononcée par le premier juge à l'encontre des époux [X] au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, dont le sort apparaît indissociable de celui du chef de demande expressément déféré à la cour au titre de ces dispositions.

Sur la validité et la recevabilité des demandes des époux [X], dorénavant de Mme [X] :

L'article 122 du code de procédure civile dispose que, constitue une fin de non-recevoir, tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Sur l'irrégularité de fond et l'irrecevabilité affectant les demandes formulées par M. [X] :

L'article 117 du code précité énonce que, constitue une irrégularité de fond affectant la validité de l'acte, le défaut de capacité d'ester en justice.

Par ailleurs, en vertu du principe de l'estoppel, une partie ne peut se prévaloir d'une position contraire à celle qu'elle a prise antérieurement lorsque ce changement se produit au détriment d'un tiers.

Et en application des articles 1383 et 1383-2 du code civil, l'aveu, qu'il soit judiciaire ou extrajudiciaire, exige de la part de son auteur une manifestation non équivoque de sa volonté de reconnaître pour vrai un fait de nature à produire contre lui des conséquences juridiques.

Par ailleurs, l'article 1383-2 précité dispose que l'aveu judiciaire est irrévocable 'sauf en cas d'erreur de fait'.

En l'espèce, il est établi que M. [W] [X] est décédé le 3 janvier 2024, l'attestation de notaire, établie le 25 janvier 2024, mentionnant que Mme [X] est devenue seule et unique propriétaire de la totalité des biens et droits mobiliers et immobiliers ayant dépendu de la communauté de biens ayant existé entre les époux.

M. [X] était donc bien vivant au moment de l'introduction de l'instance devant le juge des référés, en date du 18 mai 2022, comme de l'instance d'appel, introduite par déclaration en date du 28 mars 2023.

La mention, dans le corps de l'assignation précitée, de la circonstance que Mme [X] serait veuve, qui constitue manifestement une erreur de fait, dont aucune conséquence juridique n'est, du reste, tirée, puisqu'il est uniquement précisé, à ce titre, que cette circonstance rendait la situation particulièrement pénible à supporter, ne saurait donc relever de l'aveu judiciaire, qui serait, en tout état de cause, révocable, ni de l'application du principe de l'estoppel, le premier juge ayant, à ce titre, justement relevé que cette affirmation étant sans incidence sur les prétentions formulées, dans le cours de la procédure, à l'encontre de Me [R], ès qualités.

Par conséquent, aucune nullité ou irrecevabilité n'entache les demandes formées par M. [X], aux droits duquel vient dorénavant Mme [X], la décision entreprise devant, ainsi, être confirmée de ce chef.

Sur l'autorité de chose jugée :

En vertu de l'article 1355 du code civile, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.

Par ailleurs, selon l'article 488 du code de procédure civile, l'ordonnance de référé n'a pas, au principal, l'autorité de chose jugée, et qu'elle ne peut être modifiée ou rapportée en référé qu'en cas de circonstances nouvelles.

En l'espèce, par ordonnance du 15 mars 2022, les demandes de Mme [L] [X], lesquelles tendaient, notamment, à voir condamner Me [R], ès qualités, au paiement des arriérés de loyers et indemnités d'occupation, ont été déclarées irrecevables, dès lors, notamment, qu'elles relevaient d'un acte d'administration nécessitant le consentement des indivisaires titulaires d'au moins 2/3 des droits indivis.

Or, il convient de relever que la présente instance en référé ayant été introduite par M. [W] [X] et Mme [L] [X], l'absence d'identité de parties fait en tout état de cause obstacle au jeu de l'autorité de chose jugée, aucune irrecevabilité ne pouvant, dès lors, être encourue de ce chef, d'autant que les demandes correspondantes ont bien été introduites par les deux copropriétaires indivisaires du bien immobilier en cause.

Sur la recevabilité tirée de l'application des règles afférentes à la résiliation d'un bail commercial :

Me [R], ès qualités, invoque, à ce titre, l'article 1425 du code civil, aux termes duquel 'les époux ne peuvent, l'un sans l'autre, donner à bail un fonds rural ou un immeuble à usage commercial, industriel ou artisanal dépendant de la communauté', reprochant à Mme [X] d'agir seule en résiliation du contrat de bail, tout mandat ayant été révoqué du fait du décès de M. [X].

Cela étant, dans la mesure où, d'une part, les époux [X] ont introduit ensemble l'instance devant le juge des référés, où il a été indiqué que cette action n'était pas irrecevable au titre de l'autorité de chose jugée, et où, à la suite du décès, en cours de procédure, de M. [X], Mme [X] se trouve ayant droit de ce dernier, il convient d'écarter cette fin de non-recevoir.

Sur la recevabilité au titre de l'absence de notification de la demande de résiliation aux créanciers antérieurement inscrits :

Selon l'article L. 143-2 du code de commerce, le propriétaire qui poursuit la résiliation du bail de l'immeuble dans lequel s'exploite un fonds de commerce grevé d'inscriptions doit notifier sa demande aux créanciers antérieurement inscrits, au domicile élu par eux dans leurs inscriptions. Le jugement ne peut intervenir qu'après un mois écoulé depuis la notification.

Ainsi que l'a relevé le premier juge, les bailleurs n'ont pas notifié la demande de résiliation du bail à la SA BNP Paribas, laquelle avait pourtant inscrit, aux termes même de l'état des créances qu'ils produisent, une créance sur le fonds de commerce de la société Maréva d'un montant de 202 473,92 euros.

Pour autant, ce défaut de notification, en vertu de dispositions étrangères au rapport entre le bailleur et le preneur, ne fait pas obstacle à la recevabilité de la demande de résiliation du bail, sur le fondement de l'application de la clause résolutoire (3ème Civ., 20 mai 1992, Bull. 1992, III, n° 155), la seule sanction du défaut de notification étant l'inopposabilité au créancier inscrit de la résiliation du bail, lequel pourrait, le cas échéant, comme rappelé dans l'ordonnance entreprise, former tierce opposition à la résiliation du bail, poursuivre la vente forcée du fonds de commerce ou obtenir la condamnation du bailleur à des dommages-intérêts.

Dès lors, c'est à bon droit que le juge des référés a écarté cette fin de non-recevoir, la cour confirmant, par conséquent, l'ordonnance entreprise, également sur ce point.

Sur la recevabilité liée à la date d'introduction de l'instance en raison de l'application des règles liées à l'état d'urgence sanitaire :

En vertu de l'article 14 de la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 :

'I. - Le présent article est applicable aux personnes physiques et morales de droit privé exerçant une activité économique affectée par une mesure de police administrative prise en application des 2° ou 3° du I de l'article 1er de la loi n° 2020-856 du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l'état d'urgence sanitaire ou du 5° du I de l'article L. 3131-15 du code de la santé publique, y compris lorsqu'elle est prise par le représentant de l'Etat dans le département en application du second alinéa du I de l'article L. 3131-17 du même code. Les critères d'éligibilité sont précisés par décret, lequel détermine les seuils d'effectifs et de chiffre d'affaires des personnes concernées ainsi que le seuil de perte de chiffre d'affaires constatée du fait de la mesure de police administrative.

II. - Jusqu'à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle leur activité cesse d'être affectée par une mesure de police mentionnée au I, les personnes mentionnées au même I ne peuvent encourir d'intérêts, de pénalités ou toute mesure financière ou encourir toute action, sanction ou voie d'exécution forcée à leur encontre pour retard ou non-paiement des loyers ou charges locatives afférents aux locaux professionnels ou commerciaux où leur activité est ou était ainsi affectée.

Pendant cette même période, les sûretés réelles et personnelles garantissant le paiement des loyers et charges locatives concernés ne peuvent être mises en oeuvre et le bailleur ne peut pas pratiquer de mesures conservatoires.

Toute stipulation contraire, notamment toute clause résolutoire ou prévoyant une déchéance en raison du non-paiement ou retard de paiement de loyers ou charges, est réputée non écrite.'

La partie intimée entend, ainsi, faire valoir que 'le propriétaire des murs ne pouvait engager d'action en résolution du bail commercial, qui n'est autre qu'une sanction pour retard ou non-paiement des loyers, qu'à compter de l'expiration d'un délai de deux mois à compter du 9 juin 2021, soit à compter du 9 août 2021.'

Elle entend, à ce titre, préciser que la société Maréva était bien concernée par les mesures de police administrative visant la fermeture des restaurants, en vertu de l'article 40 du décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020, sans pouvoir rouvrir à compter du 19 mai 2021, à défaut de disposer d'une terrasse extérieure, seule l'application du décret n°2021-699 du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire permettant une réouverture à compter du 9 juin 2021.

Cela étant, ainsi que l'a retenu le premier juge, ce n'est pas en date du 8 juillet 2021 mais par assignation délivrée le 18 mai 2022, qu'a été introduite l'instance.

Ainsi, l'assignation en référé délivrée par Mme [X], seule, en date du 8 juillet 2021, enregistrée sous le n° RG 21/00630, a fait l'objet d'une radiation en date du 14 septembre 2021 par le juge des référés, puis d'un acte de reprise d'instance, sous le n° RG 21/00849 en date du 20 septembre 2021, avant de faire l'objet d'une décision d'irrecevabilité, pour autre cause, en vertu de l'ordonnance précitée du 15 mars 2022.

Aussi, s'agissant d'une instance distincte, la présente demande n'est, en tout état de cause, pas entachée d'irrecevabilité de ce chef, sans même qu'il ne soit, dès lors, nécessaire d'examiner à cette fin l'incidence de la cessation immédiate d'activité ordonnée par la chambre des procédures collectives du tribunal judiciaire de Strasbourg dans son jugement du 23 novembre 2020 prononçant la liquidation judiciaire de la société Maréva.

L'ordonnance entreprise sera donc également confirmée à ce titre.

Au regard des conclusions auxquelles elle est parvenue, sous l'angle de l'examen de la recevabilité des demandes des époux [X], qui seule fait l'objet - si l'on met à part les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile - d'un appel incident de la part de Me [R], ès qualités, la cour, qui relève que Me [R] ne formule, sur le fond, aucune contestation quant aux chefs de demande ayant constaté la résiliation du bail, ordonné l'expulsion de la locataire et statué sur le sort des objets mobiliers, ainsi que des clés et de l'occupation des locaux par Me [R] en personne, confirmera l'ordonnance entreprise sur ce point.

Sur les demandes de Mme [X] :

Sur la demande à titre de provision sur les arriérés de loyer et/ou indemnités d'occupation pour les mois de novembre 2020 à novembre 2022 :

Il convient de rappeler que, sur ce point, le premier juge a dit n'y avoir lieu à référé, retenant que 's'agissant de la demande de provision, qu'elle concerne les loyers ou les indemnités d'occupation dues à compter de la résiliation du contrat de bail, il y a lieu de faire application de l'article L622-20 du code de commerce qui interdit au juge des référés de fixer une créance au passif de la procédure en raison de la compétence du juge commissaire appelé à se prononcer sur la déclaration de créances. En effet, seules les actions au fond peuvent tendre à fixer une créance au passif et à figurer sur l'état des créances.'

La partie appelante entend contester cette appréciation, soutenant que, s'agissant de créances nées postérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective, plus précisément du redressement judiciaire, en date du 29 septembre 2020, une demande de condamnation serait possible au titre des créances suivant de plus de deux mois ce jugement.

À ce titre, il est fait grief au liquidateur d'avoir 'refusé de restituer les clés du local commercial tout en refusant de payer le loyer, postérieurement à la liquidation judiciaire pour de mauvais prétextes', notamment tirés de la cessation de l'activité de la société, ainsi que de l'échec mis par la concluante à la possibilité de reprise du fonds de commerce en délivrant un commandement de payer, ce à quoi la concluante oppose au liquidateur l'absence de diligence pour trouver un repreneur.

Elle invoque également le caractère certain, liquide et exigible des dettes de loyer, ajoutant que la partie adverse ne ferait valoir aucun argument de fait ou de droit qui justifierait que l'occupation d'un local commercial postérieurement à un jugement de conversion du redressement judiciaire en liquidation judiciaire devrait être de nature gratuite.

En réplique, la partie intimée invoque :

- l'existence d'une contestation sérieuse pour les loyers de novembre 2020 à mars 2021, liée à l'impossibilité d'exploiter, assimilable à la perte de la chose, et subsidiairement de la force majeure,

- une autre contestation sérieuse tirée de l'absence d'application du régime des créances méritantes aux créances de loyer et d'indemnités d'occupation.

Cela étant, sur le premier point, la cour considère que l'effet de la mesure gouvernementale d'interdiction de recevoir du public, générale et temporaire et sans lien direct avec la destination contractuelle du local loué, ne peut être, d'une part, imputable aux bailleurs, de sorte qu'il ne peut leur être reproché un manquement à leur obligation de délivrance, d'autre part, assimilé à la perte de la chose, au sens de l'article 1722 du code civil (voir 3e Civ., 30 juin 2022, pourvoi n° 21-20.127, publié), de sorte qu'il y a, à tout le moins contestation sérieuse sur ce point, tout comme sur l'application de la force majeure au débiteur d'une obligation contractuelle de somme d'argent inexécutée (3ème Civ., 15 juin 2023, pourvoi n° 21-10.119).

Sur le second point, la cour rappelle qu'en vertu de l'article L. 622-21 du code de commerce, le jugement d'ouverture d'une procédure collective, et notamment, en application de l'article L. 641-3 du même code, d'une liquidation judiciaire, interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent.

L'article L. 622-17 I du code précité dispose que les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation, ou en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant cette période, sont payées à leur échéance.

À ce titre, l'article L. 641-13 du même code, énonce que :

'I.-Sont payées à leur échéance les créances nées régulièrement après le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire :

- si elles sont nées pour les besoins du déroulement de la procédure ou du maintien provisoire de l'activité autorisé en application de l'article L. 641-10 ;

- si elles sont nées en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant le maintien de l'activité ou en exécution d'un contrat en cours régulièrement décidée après le jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, s'il y a lieu, et après le jugement d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire ;

- si elles sont nées pour assurer la mise en sécurité des installations classées pour la protection de l'environnement en application des articles L. 512-6-1, L. 512-7-6 ou L. 512-12-1 du code de l'environnement ;

- ou si elles sont nées des besoins de la vie courante du débiteur, personne physique.

En cas de prononcé de la liquidation judiciaire, sont également payées à leur échéance, les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire mentionnées au I de l'article L. 622-17.

II.- Lorsqu'elles ne sont pas payées à l'échéance, ces créances sont payées par privilège conformément à l'ordre prévu par l'article L. 643-8.

III.- A l'exception des frais et dépens de la procédure, les créances impayées perdent le privilège que leur confère le II du présent article si elles n'ont pas été portées à la connaissance du mandataire judiciaire, de l'administrateur lorsqu'il en est désigné ou du liquidateur au plus tard, dans le délai de six mois à compter de la publication du jugement ouvrant ou prononçant la liquidation ou, à défaut, dans le délai d'un an à compter de celle du jugement arrêtant le plan de cession. Lorsque cette information porte sur une créance déclarée pour le compte du créancier en application de l'article L. 622-24, elle rend caduque cette déclaration si le juge n'a pas statué sur l'admission de la créance.'

À ce titre, la cour observe que les créances de loyer, puis d'indemnité d'occupation dues à compter du 29 septembre 2020, date du jugement prononçant le redressement judiciaire, sont des créances postérieures à l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire.

Mais, dans la mesure où, comme les parties s'accordent à le reconnaître, le jugement d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire en date du 23 novembre 2020 ordonne la cessation immédiate de l'activité de la société, dont la partie appelante reconnaît même qu'elle aurait cessé, dans les faits, dès le mois de septembre 2020, il existe une contestation sérieuse quant à la destination de la créance, que ce soit au titre du maintien provisoire de l'activité autorisé ou de la contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant le maintien de l'activité, s'agissant d'une créance ne répondant pas au besoin du déroulement de la procédure.

Dès lors, il n'y a lieu à référé concernant les demandes de provision au titre des loyers et indemnités d'occupation, l'ordonnance entreprise devant ainsi être confirmée sur ce point.

Sur la demande à titre de provision sur les indemnités d'occupation pour les mois de décembre 2022 au 16 mai 2023 :

Compte tenu des conclusions auxquelles est parvenue la cour sur le point précédent, il n'y a davantage lieu à référé sur cette demande.

Sur la demande de provision formée par Me [R], ès qualités :

La partie intimée sollicite, sur ce point, l'infirmation de la décision entreprise aux fins d'obtenir la condamnation de Mme [X] à lui verser une provision d'un montant de 155 595,47 euros, lui reprochant de s'être abusivement opposée à la cession du fonds de commerce et du droit au bail, en le dissuadant de former une offre décente, en prétextant que le bail commercial avait fait l'objet d'une résiliation, ainsi qu'en menant des pourparlers directement avec le potentiel acquéreur.

Cela étant, la cour, qui observe que Me [R], ès qualités, a majoré sa demande par rapport au quantum dont l'indemnisation était sollicitée en première instance devant le juge des référés, ne peut que rejoindre l'appréciation du juge de première instance en ce qu'il a retenu que la demande de provision formée par la partie désormais intimée relevait d'une nécessaire appréciation du comportement de Mme [X], impliquant d'en établir, le cas échéant, le caractère fautif, alors même que les parties débattent sur l'existence d'une offre ferme, sur la valeur du bien, l'incidence, à ce titre, de la délivrance d'un commandement de payer, et sur la portée du compromis proposé à la signature de M. [H]. Aussi il ne peut être tiré de simple conséquence du seul courriel de ce dernier en date du 18 juin 2021 faisant part de l'arrêt de toute négociation en indiquant que 'les retournements de situation à répétition concernant l'achat des murs nous laisse perplexe...'

Dans ces conditions, la cour confirmera la décision entreprise, en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé sur ce point.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

L'issue du litige justifie que chaque partie conserve la charge des dépens de l'appel qu'elle a exposés, par application de l'article 696 du code de procédure civile, outre confirmation de l'ordonnance déférée sur cette question.

L'équité commande de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre de l'une ou l'autre des parties à l'instance d'appel, tout en confirmant les dispositions de la décision déférée de ce chef.

P A R C E S M O T I F S

La Cour,

Confirme en toutes ses dispositions déférées à la cour l'ordonnance rendue le 3 mars 2023 par le juge des référés civils du tribunal judiciaire de Strasbourg,

Y ajoutant,

Déclare Mme [L] [X], née [I] recevable en sa demande additionnelle,

Dit n'y avoir lieu à référé concernant la demande additionnelle de provision au titre des indemnités d'occupation pour la période de décembre 2022 au 16 mai 2023,

Dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens de l'appel,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice tant de Me [O] [R], ès qualités de mandataire liquidateur de la SAS Maréva, que de Mme [L] [X], née [I].