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Décisions

CA Bordeaux, 4e ch. com., 2 octobre 2024, n° 22/02900

BORDEAUX

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Elm Autos (SAS), Act II (SARL), Vitrage Auto (SAS), Lens Vitrage Express (SAS), Vitrages (SAS), Vitrages (SAS)

Défendeur :

Sos Pare Brise (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Franco

Conseillers :

Mme Goumilloux, Mme Masson

Avocats :

Me Meyer, Me Forget, Me Girerd, Me Thevenot

T. com. Bordeaux, du 20 mai 2022, n° 202…

20 mai 2022

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

La société à responsabilité limitée SOS Pare-Brise, qui exploite un concept sous l'enseigne 'SOS Pare-Brise +', a conclu un contrat de partenariat avec la société ELM autos le 23 octobre 2017, avec la société Vitrage Auto [Localité 8] le 19 novembre 2017 et avec la société [Localité 10] Vitrages le 30 novembre 2017, en vertu duquel, contre paiement de droits divers et d'une redevance annuelle, elle met ce concept et ses éléments distinctifs à la disposition des sociétés partenaires.

Le 29 novembre 2018, par courrier recommandé avec accusé de réception, la société SOS Pare-Brise a résilié unilatéralement chacun des trois contrats et mis en demeure les sociétés ELM Autos, Vitrage Auto [Localité 8] et [Localité 10] Vitrages de lui régler respectivement les sommes de 18.664,39 euros, 3.947,11 euros, 4.475,83 euros.

Les 21 et 26 mars 2019, la société SOS Pare-Brise a fait assigner à bref délai les sociétés ELM Autos, Act II, Vitrage Auto Lille, Lens Vitrage Express, Tourcoing Vitrages et Melun Vitrages, exploitant une activité commerciale sous l'enseigne 'France Glass', devant le tribunal de commerce de Toulouse.

Par jugement du 18 janvier 2021, le tribunal de commerce de Toulouse, devant lequel trois des défenderesses ont invoqué l'application des dispositions de l'article L.442-6 I 5° du code de commerce, a statué ainsi qu'il suit :

- dit ne pas avoir le pouvoir juridictionnel de se prononcer sur les demandes présentées et invite les parties à mieux se pourvoir ;

- réserve les dépens.

La société SOS Pare-Brise a alors saisi, par acte du 10 juin 2021, le tribunal de commerce de Bordeaux.

Par jugement prononcé le 20 mai 2022, le tribunal de commerce a statué ainsi qu'il suit :

- se déclare compétent ;

- condamne les sociétés ELM Autos, Vitrage Auto [Localité 8] et [Localité 10] Vitrages à verser in solidum la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts à la société SOS Pare-Brise ;

- dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire ;

- prononce la résiliation du contrat et condamne les sociétés ELM Autos, Vitrage Auto [Localité 8] et [Localité 10] Vitrages à verser à la société SOS Pare-Brise les sommes de 18.664,39 euros, de 3.947,11 euros et de 4.475,83 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 29 novembre 2018 ;

- condamne les sociétés Act II, Lens Vitrage Express et [Localité 9] Vitrages à verser in solidum la somme de 21.000 euros à la société SOS Pare-Brise ;

- dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire ;

- déboute les sociétés ELM Autos, Act II, Vitrage Auto [Localité 8], Lens Vitrage Express, [Localité 10] Vitrages et [Localité 9] Vitrages de toutes leurs demandes ;

- déboute la société SOS Pare-Brise du surplus de ses demandes ;

- condamne les sociétés ELM Autos, Act II, Vitrage Auto [Localité 8], Lens Vitrage Express, [Localité 10] Vitrages et [Localité 9] Vitrages à payer chacune la somme de 3.000 euros à la société SOS Pare-Brise sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamne les sociétés ELM Autos, Act II, Vitrage Auto [Localité 8], Lens Vitrage Express, [Localité 10] Vitrages et [Localité 9] Vitrages au paiement des dépens.

Les sociétés ELM Autos, Act II, Vitrage Auto [Localité 8], Lens Vitrage Express, [Localité 10] Vitrages et [Localité 9] Vitrages ont relevé appel de cette décision par déclaration au greffe du 15 juin 2022.

***

Par dernières conclusions notifiées le 3 avril 2023, les sociétés ELM Autos, Act II, Vitrage Auto [Localité 8], Lens Vitrage Express, [Localité 10] Vitrages et [Localité 9] Vitrages demandent à la cour de :

Vu l'article 858 du code de procédure civile

Vu les articles 1240, 1231-5 du code civil,

Vu l'article L711-2 du code de la propriété intellectuelle,

- recevoir les sociétés ELM auto, Vitrage auto [Localité 8] , Lens vitrage express, [Localité 10] vitrages , Act II et [Localité 9] vitrages en leur appel et les déclarer bien fondées ;

- infirmer le jugement entrepris sur les chefs suivants :

« - se déclare compétent ;

- condamne les sociétés ELM Autos, Vitrage Auto [Localité 8] et [Localité 10] Vitrages à verser in solidum la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts à la société SOS Pare-Brise ;

- dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire ;

- prononce la résiliation du contrat et condamne les sociétés ELM Autos, Vitrage Auto [Localité 8] et [Localité 10] Vitrages à verser à la société SOS Pare-Brise les sommes de 18.664,39 euros, de 3.947,11 euros et de 4.475,83 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 29 novembre 2018 ;

- condamne les sociétés Act II, Lens Vitrage Express et [Localité 9] Vitrages à verser in solidum la somme de 21.000 euros à la société SOS Pare-Brise ;

- dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire ;

- déboute les sociétés ELM Autos, Act II, Vitrage Auto [Localité 8], Lens Vitrage Express, [Localité 10] Vitrages et [Localité 9] Vitrages de toutes leurs demandes ;

déboute la société SOS Pare-Brise du surplus de ses demandes ;

- condamne les sociétés ELM Autos, Act II, Vitrage Auto [Localité 8], Lens Vitrage Express, [Localité 10] Vitrages et [Localité 9] Vitrages à payer chacune la somme de 3.000 euros à la société SOS Pare-Brise sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamne les sociétés ELM Autos, Act II, Vitrage Auto [Localité 8], Lens Vitrage Express, [Localité 10] Vitrages et [Localité 9] Vitrages au paiement des dépens »

Et statuant à nouveau,

A titre principal,

- déclarer la cour d'appel de Bordeaux incompétente pour statuer sur les demandes de la société SOS Pare-Brise au profit de la cour d'appel de Toulouse et du tribunal de commerce de Toulouse , s'agissant des sociétés ELM Autos, Vitrage Auto Lille et Tourcoing Vitrages ;

- déclarer la cour d'appel de Bordeaux incompétente pour statuer sur les demandes de la société SOS Pare-Brise au profit du tribunal de commerce d'Evry, s'agissant de la société Act II ;

- déclarer la cour d'appel de Bordeaux incompétente pour statuer sur les demandes de la société SOS Pare-Brise au profit du tribunal de commerce de Lens, s'agissant de la société Lens Vitrage Express ;

- déclarer la cour d'appel de Bordeaux incompétente pour statuer sur les demandes de la société SOS Pare-Brise au profit du tribunal de commerce Melun, s'agissant de la société [Localité 9] Vitrage ;

- débouter la société SOS Pare-Brise de toutes ses demandes, les déclarer mal fondées ;

A titre subsidiaire,

Si la cour décide de condamner les sociétés ELM Autos, Act II, Vitrage Auto [Localité 8], Lens Vitrage Express, [Localité 10] Vitrages et [Localité 9] Vitrages,

- juger que les sociétés ELM Auto, Vitrage Auto [Localité 8] et [Localité 10] Vitrages sont tenues envers la société SOS Pare-Brise par une clause de non-concurrence et une clause pénale d'un montant de 3.000 euros ;

En conséquence,

- condamner les sociétés ELM Autos, Vitrage Auto [Localité 8] et [Localité 10] Vitrage au paiement d'indemnités titre d'actes de parasitisme et de concurrence déloyale dans la limite de 3.000 euros ;

- juger que la société SOS Pare-Brise s'est rendu responsable de fautes contractuelles préjudiciables aux sociétés ELM Autos, Vitrage Auto [Localité 8] et [Localité 10] Vitrage ;

En conséquence,

- condamner la société SOS Pare-Brise à réparer le préjudice subi par les sociétés ELM Autos, Vitrage Auto [Localité 8] et [Localité 10] Vitrage à hauteur de 10.000 euros chacune ;

- juger que les contrats conclus par les sociétés ELM Autos, Vitrage Auto [Localité 8] et [Localité 10] Vitrage dont la société SOS Pare-Brise demande la résiliation stipulent une clause pénale en cas de résiliation pour faute, d'un montant de 3.000 euros multiplié par 3 années d'exécution restant à échoir ;

En conséquence,

- condamner les sociétés ELM Autos, Vitrage Auto [Localité 8] et [Localité 10] Vitrage au titre de la résiliation pour faute dans la limite de 9.000 euros ;

- confirmer le jugement entrepris pour le surplus ;

Y ajoutant,

- condamner la société SOS Pare-Brise à la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société SOS Pare-Brise aux dépens de l'instance.

***

Par dernières écritures notifiées le 4 juin 2024, la société SOS Pare-Brise demande à la cour de :

Vu l'article 81 du code de procédure civile,

Vu les articles 1194, 1231-1 et 1240 et suivants du code civil,

Vu l'article L 441-6 § 6 du code de commerce,

- infirmer la décision déférée en ce qu'elle a :

- condamné les sociétés ELM Autos, Vitrage Auto [Localité 8] et [Localité 10] Vitrages à verser in solidum la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts à la société SOS Pare-Brise,

- condamné les sociétés Act II, Lens Vitrage Express et [Localité 9] Vitrages à verser in solidum la somme de 21.000 euros à la société SOS Pare-Brise,

Alors que la société SOS Pare-Brise sollicitait la condamnation in solidum de ELM auto, Vitrage auto [Localité 8], [Localité 10] vitrages, Act II, Lens vitrage express et [Localité 9] vitrages à lui payer une somme globale de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

- débouté la société SOS Pare-Brise du surplus de ses demandes,

Alors que la société SOS Pare-Brise sollicitait également la condamnation des sociétés ELM Autos, Vitrage Auto [Localité 8] et [Localité 10] Vitrage à lui payer la somme de 5.000 euros du fait de la désorganisation de son réseau ;

- condamné les sociétés ELM Autos, Act II, Vitrage Auto [Localité 8], Lens Vitrage Express, [Localité 10] Vitrages et [Localité 9] Vitrages à payer chacune la somme de 3.000 euros à la société SOS Pare-Brise sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Alors que la société SOS Pare-Brise sollicitait leur condamnation au paiement de la somme de 5.000 euros chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Et statuant à nouveau,

- condamner in solidum les sociétés ELM Autos, Vitrage Auto [Localité 8], Act II, Lens Vitrage Express, [Localité 10] Vitrages et [Localité 9] Vitrages à verser à la société SOS Pare-Brise la somme de 50.000 euros à titre d'indemnisation du préjudice qu'elle a subi ;

- condamner les sociétés ELM Autos, Vitrage Auto [Localité 8] et [Localité 10] Vitrage à verser, chacune, à la société SOS Pare-Brise la somme de 5.000 euros en réparation des préjudices subis du fait de la désorganisation engendrée ;

- condamner les sociétés ELM Auto, Vitrage Auto [Localité 8], [Localité 10] Vitrages, Act II, Lens Vitrage Express et [Localité 9] Vitrages à payer chacune, en cause d'appel, à la société SOS Pare-Brise la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens d'appel ;

- confirmer la décision pour le surplus.

***

L'ordonnance de clôture est intervenue le 12 juin 2024.

Pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il est, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, expressément renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions écrites déposées.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1. Sur l'exception d'incompétence territoriale

1. L'article 42 du code de procédure civile dispose :

« La juridiction territorialement compétente est, sauf disposition contraire, celle du lieu où demeure le défendeur.

S'il y a plusieurs défendeurs, le demandeur saisit, à son choix, la juridiction du lieu où demeure l'un d'eux.

Si le défendeur n'a ni domicile ni résidence connus, le demandeur peut saisir la juridiction du lieu où il demeure ou celle de son choix s'il demeure à l'étranger.»

L'article 43 du même code précise que le lieu où demeure le défendeur s'entend :

- s'il s'agit d'une personne physique, du lieu où celle-ci a son domicile ou, à défaut, sa résidence ;

- s'il s'agit d'une personne morale, du lieu où celle-ci est établie.

2. Au visa de ces textes, les sociétés ELM Autos, Act II, Vitrage Auto Lille, Lens Vitrage Express, Tourcoing Vitrages et Melun Vitrages font grief au tribunal de commerce d'avoir retenu sa compétence.

Les appelantes expliquent que, en ce qui concerne les sociétés ELM Autos, Vitrage Auto Lille et Tourcoing Vitrages, la clause attributive de compétence du contrat conclu avec la société SOS Pare-Brise désigne le tribunal de commerce de Toulouse pour connaître de leurs différends.

Elles ajoutent que les sociétés Act II, Lens Vitrage Express et [Localité 9] Vitrages n'ont jamais été liées contractuellement avec l'intimée, de sorte que la clause attributive de compétence figurant dans le contrat de partenariat ne leur est pas opposable.

Les sociétés ELM Autos, Act II, Vitrage Auto Lille, Lens Vitrage Express, Tourcoing Vitrages et Melun Vitrages font valoir que la question de l'irrecevabilité de leur demande relative à l'indemnisation de la rupture brutale des relations commerciales a été purgée par leur désistement, qui a été accepté par la société SOS Pare-Brise, de sorte que le tribunal de commerce de Toulouse est de nouveau compétent, conformément au contrat.

Elles soutiennent que l'intimée ne peut arguer de l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du tribunal de commerce de Toulouse du 18 janvier 2021 dans la mesure où il n'y a pas, en l'espèce, identité d'objet du litige puisqu'aucune demande n'est présentée au titre de la rupture brutale des relations commerciales.

3. La société SOS Pare-Brise répond que la question de la compétence des juridictions bordelaises a autorité de la chose jugée depuis le jugement rendu par le tribunal de commerce de Toulouse le 18 janvier 2021 et que retenir le contraire aboutirait à un déni de justice au sens de l'article 4 du code civil.

L'intimée fait valoir que la juridiction commerciale toulousaine n'a eu d'autre choix que de juger qu'il était dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice de laisser à un seul tribunal la gestion du dossier dans la mesure où les autres demandes des appelantes étaient étroitement liées à celles fondées sur l'article L. 442-6 du code de commerce et résultaient d'un même litige ; que c'est dans ce cadre et afin que la totalité de l'affaire puisse être étudiée par un seul tribunal ayant le pouvoir de connaître de la demande spéciale des appelantes que la société SOS Pare-Brise a assigné devant la juridiction bordelaise ; que la question du défaut de pouvoir juridictionnel de la juridiction toulousaine a donc été définitivement tranchée.

La société SOS Pare-Brise soutient que c'est par pure déloyauté procédurale que les appelantes n'ont plus formulé devant le tribunal de commerce de Bordeaux de demande indemnitaire fondée sur l'article L. 442-6 du code de commerce, et ce afin de prétendre désormais que la juridiction de Bordeaux n'était pas territorialement compétente.

Elle conclut que, si les appelantes estimaient le tribunal de commerce de Toulouse compétent, il leur appartenait de relever appel du jugement du 18 janvier 2021.

Sur ce,

4. En vertu de l'article 480 du code de procédure civile, le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal, ou celui qui statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident a, dès son prononcé, l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche.

Par application de l'article 500 du même code, a force de chose jugée le jugement qui n'est susceptible d'aucun recours suspensif d'exécution.

Le jugement susceptible d'un tel recours acquiert la même force à l'expiration du délai du recours si ce dernier n'a pas été exercé dans le délai.

5. Il est constant qu'il n'a pas été formé de recours contre le jugement prononcé le 18 janvier 2021 par le tribunal de commerce de Toulouse, de sorte que cette décision a force de chose jugée. Dès lors, la juridiction commerciale toulousaine ne peut plus être saisie du litige puisqu'elle a jugé, aujourd'hui irrévocablement, qu'elle n'avait pas le pouvoir juridictionnel de se prononcer sur la totalité des demandes qui lui étaient présentées, en ce compris les demandes qui ne relevaient pas de l'article L.442-6 I.5° du code de commerce dans sa version alors applicable.

6. La société SOS Pare-Brise était dès lors fondée, faisant application de l'article D.442-3 du code de commerce et de son annexe 4-2-1, à saisir le tribunal de commerce de Bordeaux.

7. L'exception d'incompétence territoriale sera en conséquence rejetée.

2. Sur la demande principale

8. L'article 1240 du code civil dispose :

« Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.»

9. Au visa de ce texte, les sociétés appelantes font grief au tribunal de commerce d'avoir retenu les agissements parasitaires des sociétés ELM Autos, Vitrage Auto Lille et Tourcoing Vitrages et les actes parasitaires et la concurrence déloyale des sociétés Act II, Lens Vitrage Express et Melun Vitrages.

Elles font valoir que, s'il existe en effet des similarités importantes entre leurs sites internet et celui de l'intimée, il y a lieu de relativiser cette faute à plusieurs égards : ni la marque 'SOS Pare-Brise + Ici 0€ Franchise' ni la marque 'SOS Pare-Brise +' ne sont reproduites de quelque manière que ce soit ; les termes « 0€ de franchise » ne peuvent faire seuls l'objet d'un monopole et sont d'ailleurs repris par l'ensemble de la profession ; le contenu de la page « A propos de SOS Pare Brise + » n'est pas distinctif ; elles n'ont jamais eu l'intention de parasiter l'intimée.

10. L'intimée répond que les constatations réalisées par Maître [T] [N] établissent de manière absolument incontestable les agissements parasitaires et de concurrence déloyale dont se sont rendues coupables les appelantes ; qu'il est ainsi établi que les appelantes ont purement et simplement reproduit le contenu existant sur la page 'A propos de SOS Pare Brise +' qui présente l'ensemble des éléments propres à la distinguer des sociétés concurrentes ; qu'il est indéniable que la reproduction scrupuleuse de ces données par les sociétés appelantes les conduit à s'immiscer dans le sillage de la société SOS Pare-Brise afin de tirer profit, sans rien dépenser, de la notoriété acquise ou des investissements consentis ; qu'une telle identité de contenu ne peut être le fruit du hasard, mais bien la conséquence d'une volonté délibérée de copier son site bénéficiant d'une diffusion antérieure sur internet et d'une notoriété acquise.

La société SOS Pare-Brise ajoute qu'un tel 'copié collé' est de nature à créer un risque important de confusion dans l'esprit du public et à faire croire aux internautes que les sociétés sont toutes liées économiquement avec la société SOS Pare-Brise ou qu'elles ont un intérêt économique commun ; que le préjudice subi est égal à la perte de chance d'avoir pu capter la clientèle interceptée par les sociétés appelantes en reproduisant des éléments de communication lui appartenant ; que ces agissements ont également nécessairement causé un préjudice à la société SOS Pare-Brise en ce qu'ils ont affaibli, dilué, le pouvoir distinctif de sa marque et de ses éléments distinctifs sur internet, banalisant son site internet et le contenu s'y trouvant. Sur ce,

11. Cinq des six sociétés appelantes sont gérées ou présidées par le même gérant, Monsieur [F] [E] [G] et la sixième, [Localité 9] Vitrages, est présidée par Monsieur [O] [R] [D]. Elles exercent toutes une activité dans le domaine automobile (commerce de détail d'équipement, achat et vente de véhicules légers) sous l'enseigne France Glass.

Il est donc établi qu'elles sont concurrentes de la société SOS Pare-Brise, qui exerce une activité d'animation et d'organisation d'un réseau de partenaires professionnels indépendants spécialisés dans l'automobile et plus particulièrement dans les vitrages automobiles, ainsi que le négoce, l'achat, la vente, l'import-export de pièces détachées, de pièces de rechange, de fournitures et d'accessoires automobiles, de pare-brises, de services après-ventes et de tous véhicules automobiles.

12. Les sociétés ELM Autos, Vitrage Auto [Localité 8] et [Localité 10] Vitrages ont conclu un contrat de partenariat avec la société SOS Pare-Brise respectivement le 23 octobre 2017 et les 19 et 30 novembre 2017, qui ont tous été résiliés le 29 novembre 2018 par courrier recommandé adressé à chacune des trois sociétés par l'intimée.

L'article 8 de ces contrats de partenariat stipule :

« De façon générale, le partenaire s'engage, à la fin du contrat non renouvelé ou résilié par anticipation à :

- ne pas porter d'atteintes à l'image de marque, à la notoriété, au renom du réseau et de la société SOS Pare-Brise ;

- tout mettre en 'uvre pour qu'il n'y ait ni doute ni confusion entre sa nouvelle activité et son activité passée au sein du réseau SOS Pare-Brise ;

- ne pas employer (ou faire employer), ne pas utiliser (ou faire utiliser) tout ce qui se rapporte de près ou de loin au réseau SOS Pare-Brise, à savoir l'ensemble des éléments de propriété intellectuelle dont l'usage lui a été autorisé par application du présent contrat de partenariat, de manière non exhaustive : couleurs spécifiques, logos, marques, enseignes, modèles, sigles et également les éléments propres ainsi que les méthodes appartenant à SOS Pare-Brise (...)»

13. Or il résulte des mentions du procès-verbal de constat extrêmement rigoureux dans sa procédure et très détaillé de Maître [T] [N], réalisé le 20 décembre 2018, que les sites des sociétés appelantes, qui exercent leur activité sous l'enseigne 'France Glass', reproduisent sans modification les énoncés très spécifiques de la page ''qui sommes-nous' du site internet de la société SOS Pare-Brise.

14. C'est d'ailleurs par des motifs pertinents, qui ne sont pas remis en cause par les débats en appel et que la cour adopte, que le tribunal de commerce a relevé que des paragraphes entiers du site internet de l'intimée sont copiés servilement et que cette faute a généré un trouble commercial dans la mesure où la société SOS Pare-Brise ne pouvait déterminer la clientèle ainsi interceptée par les sociétés Act II, Lens Vitrage Express, Melun Vitrages, non contractantes et poursuivies sur le fondement de l'article 1240 du code civil, ainsi que par les sociétés ELM Autos, Vitrage Auto Lille et Tourcoing Vitrages, poursuivies sur le fondement des articles 1194 et 1231-1 du code civil.

15. Il doit être ajouté que la copie d'une page entière du site de la société SOS Pare-Brise qui expose la démarche et le concept de l'intervention commerciale de cette entreprise caractérise une rupture de l'égalité dans les moyens de la concurrence puisque les appelantes s'approprient le fruit du travail de l'intimée et faussent ainsi le bon fonctionnement du marché et la loyauté de la compétition économique.

Cette copie servile se traduit en particulier par le fait que la date de création de l'entreprise -1991- est reproduite par les six sites des appelantes alors qu'il résulte des mentions du registre du commerce que ces sociétés ont été constituées en 2017, à l'exception de la société Act II, immatriculée en 2010.

De surcroît, cette affirmation inexacte est de nature à tromper le public sur l'ancienneté et donc l'expérience de la société considérée, dans le sillage de la société SOS Pare-Brise, ce qui caractérise un comportement parasitaire.

16. Enfin, en considération de la nature et de l'étendue de la faute -pour les sociétés Act II, Lens Vitrage Express, [Localité 9] Vitrages- et du manquement contractuel -pour les sociétés ELM Autos, Vitrage Auto [Localité 8] et [Localité 10] Vitrages-, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné les premières au paiement in solidum d'une somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts et les secondes au paiement in solidum de 21.000 euros à titre de dommages et intérêts.

A cet égard, les sociétés ELM Autos, Vitrage Auto [Localité 8] et [Localité 10] Vitrages ne sont pas fondées à exciper de l'avant-dernier paragraphe de l'article 8 de leur contrat de partenariat.

En effet, la limitation des dommages et intérêts à une somme de 3.000 euros qui y est prévue est en réalité la sanction -proportionnée- de l'interdiction, énoncée au paragraphe immédiatement précédent, de s'établir pendant une durée d'une année dans un rayon de 5 kilomètres du lieu où le partenaire exploitait son activité sous l'enseigne SOS Pare-Brise, les interdictions stipulées au premier paragraphe de cet article 8, telles que citées supra, ne pouvant évidemment faire l'objet d'une limitation temporelle ou spatiale puisqu'elles sont relatives au parasitisme et à la concurrence déloyale.

17. Le jugement déféré sera également confirmé en ce qu'il a débouté la société SOS Pare-Brise de sa demande en indemnisation des préjudices subis du fait de la désorganisation du réseau, faute pour l'intimée de rapporter la preuve, en cause d'appel, qui faisait défaut en première instance du principe de cette désorganisation et de ses effets économiques.

3. Sur la résiliation des contrats de partenariat

18. Les sociétés ELM Autos, Vitrage Auto [Localité 8] et [Localité 10] Vitrages poursuivent les manquements contractuels de la société SOS Pare-Brise qui seraient constitués par le fait de les avoir contraintes à se conformer aux campagnes publicitaires 'Google Adwords' du réseau, alors que d'autres partenaires ne s'y sont pas conformées et ont ainsi empiété sur leur territoire d'exploitation commerciale.

Toutefois, il s'agit d'affirmations qui ne sont étayées par aucun élément, notamment aucune interpellation de leur partenaire à ce titre.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

19. Par ailleurs, si ces trois sociétés appelantes tendent à l'infirmation de la totalité du jugement du 20 mai 2022, y compris en ce qu'il déboute leur adversaire de l'une de ses demandes, elles ne développent aucun moyen ou aucune argumentation s'agissant de leur condamnation à payer leurs redevances et frais de participation aux campagnes de publicité respectifs.

Cette demande est étayée par l'article 5 des contrats de partenariat en date des 23 octobre 2017, 19 novembre 2017 et 30 novembre 2017, qui stipule un droit d'entrée mais également le paiement de redevances forfaitaires annuelles progressives calculées sur le chiffre d'affaires hors taxes du partenaire ; elle est également détaillée -et non discutée en son montant- dans chacune des trois mises en demeure en date du 29 novembre 2018.

20. Le jugement déféré sera dès lors confirmé à ce titre, ainsi qu'en ses chefs de dispositif relatifs aux frais irrépétibles des parties et à la charge des dépens de première instance.

Y ajoutant, la cour condamnera les appelantes à payer les dépens et à verser à l'intimée une somme globale de 6.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire en dernier ressort,

Confirme le jugement prononcé le 20 mai 2022 par le tribunal de commerce de Bordeaux.

Y ajoutant,

Condamne les sociétés ELM Autos, Act II, Vitrage Auto [Localité 8], Lens Vitrage Express, [Localité 10] Vitrages et [Localité 9] Vitrages à payer in solidum à la société SOS Pare-Brise la somme globale de 6.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne les sociétés ELM Autos, Act II, Vitrage Auto [Localité 8], Lens Vitrage Express, [Localité 10] Vitrages et [Localité 9] Vitrages à payer in solidum les dépens de l'appel.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jean-Pierre FRANCO, président, et par Monsieur Hervé GOUDOT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.