Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 2 octobre 2024, n° 22/12581

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Kaporal Groupe (SAS), SAS Les Mandataires (ès qual.)

Défendeur :

Montres Ambre (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Brun-Lallemand

Conseillers :

Mme Depelley, M. Richaud

Avocats :

Me Olivier, Me Gomez, Me Pelit-Jumel, Me Balestra

T. com. Marseille, du 8 juin 2022, n° 20…

8 juin 2022

FAITS ET PROCEDURE

La SAS Kaporal Groupe exerçait, jusqu'à sa liquidation judiciaire prononcée par jugement du tribunal de commerce de Marseille du 28 septembre 2023 ayant désigné Maître [B] [S] et la SAS Les Mandataires en qualité de liquidateurs judiciaires, une activité principale de conception et de commercialisation d'habillement et d'accessoires au sein du groupe Kaporal dont elle exploitait les différentes marques.

La SA Montres Ambre exploite un fonds de commerce de fabrication, de vente et de distribution d'articles d'horlogerie et de bijouterie, tels les montres.

La SAS Kaporal Groupe et la SA Montres Ambre sont entrées en relation à l'autonome 2019 par l'intermédiaire d'un apporteur d'affaires, la société J And J Company, pour définir un partenariat commercial portant sur la réalisation de montres de marque Kaporal. Après plusieurs réunions, elles concluaient le 18 février 2020 un contrat de licence de marques pour une durée de trois ans pour la France, les DOM-TOM, l'Union européenne et la Suisse. L'acte définissait en ses articles 4.2 à 4.4 le procès et le calendrier de développement de chaque produit, la SA Montres Ambre, soumise à la direction artistique de la SAS Kaporal Groupe, devant obtenir son accord avant toute création de nouveau produit et lui soumettre, à chaque étape du développement des modèles de montre les dessins, les échantillons de matières et les prototypes, à charge pour le concédant de notifier sa décision de refus dans un délai de 20 jours ouvrés à compter de la réception de ces derniers, son silence valant à défaut approbation.

En exécution de cette convention, les parties échangeaient en mars et avril 2020 sur la création des produits de la collection automne/hiver et la conception d'un coffret pour les fêtes de fin d'année. Elles se réunissaient ainsi le 30 juillet 2020 pour permettre à la SA Montres Ambre de présenter à la SAS Kaporal Groupe ses 337 prototypes et échantillons. Cette dernière adressait à la SA Montres Ambre le 3 août 2020 le logo « Kaporal Watches » à apposer sur les montres.

Estimant que la SAS Kaporal Groupe avait tacitement approuvé ses produits en demeurant silencieuse pendant plus de 20 jours à l'issue de cette rencontre, la SA Montres Ambre lançait la production. Ayant découvert la vente en ligne à prix réduits, sur le site exploité par la société Showroom Privé, de montres de marque Kaporal par son licencié, la SAS Kaporal Groupe, qui lui avait notifié par courriel du 4 septembre 2020 ses commentaires et désaccords sur les prototypes présentés le 30 juillet 2020, l'a, par courrier du 9 octobre 2020, mise en demeure de cesser toute fabrication, exploitation et commercialisation des montres sous marque Kaporal non préalablement validées. Par lettre du même jour, elle sommait la société Showroom Privé de cesser leur vente.

Le 14 octobre 2020, la SA Montres Ambre opposait à la SAS Kaporal Groupe sa validation des montres par son silence prolongé au sens de l'article 4.3 du contrat, la tardiveté de ses réserves du 4 septembre 2020 et la faculté d'une commercialisation par l'intermédiaire de la société Showroom Privé en vertu de l'annexe 2 de la convention. Puis, le 23 décembre 2020, elle la mettait en demeure de ne pas faire obstacle à la commercialisation des montres fabriquées dans le respect des termes de la réunion du 30 juillet 2020.

Entretemps, par lettre du 22 décembre 2020, la SAS Kaporal Groupe notifiait à la SA Montres Ambre la résiliation du contrat de licence à ses torts avec un préavis de 30 jours et sollicitait le paiement des minima garantis pour les années 2021 et 2022 à hauteur de 70 000 euros.

C'est dans ces circonstances que la SA Montres Ambre a, par acte d'huissier signifié le 8 janvier 2021, assigné la SAS Kaporal Groupe devant le tribunal de commerce de Marseille en résolution du contrat de licence et en indemnisation des préjudices en résultant.

Par jugement du 8 juin 2022, le tribunal de commerce de Marseille a :

- prononcé la résolution du contrat de licence de marque aux torts de la SAS Kaporal Groupe ;

- condamné la SAS Kaporal Groupe à payer à la SA Montres Ambre la somme de 133 388,62 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des conséquences de l'inexécution des clauses du contrat ainsi que la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté la SAS Kaporal Groupe de l'ensemble de ses demandes ;

- condamné la SAS Kaporal Groupe aux dépens.

Par déclaration reçue au greffe le 6 juillet 2022, la SAS Kaporal Groupe a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 21 juin 2024, la SAS Kaporal Groupe, prise en la personne de ses liquidateurs judiciaires, demande à la cour, au visa des articles 1103 et suivants du code civil, 32-1 et 700 du code de procédure civile et L 622-21, L 622-23 et L 641-4 du code de commerce :

- de recevoir Maître [B] [S] et la SAS Les Mandataires (prise en la personne de Maître [P] [I]) en leurs interventions volontairement en qualité de coliquidateurs judiciaires de la SAS Kaporal Groupe ;

- de réformer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Marseille en ce qu'il a :

* prononcé la résolution du contrat de licence de marque aux torts de la SAS Kaporal Groupe ;

* condamné la SAS Kaporal Groupe à payer à la SA Montres Ambre la somme de 133 388,62 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des conséquences de l'inexécution des clauses du contrat ainsi que la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

* débouté la SAS Kaporal Groupe de l'ensemble de ses demandes ;

* condamné la SAS Kaporal Groupe aux dépens ;

- en conséquence, et statuant à nouveau, de juger que la SAS Kaporal Groupe n'a commis aucun manquement contractuel et de rejeter l'intégralité des demandes de la SA Montres Ambre ;

- à titre reconventionnel, de :

* juger que la SA Montres Ambre est responsable des manquements contractuels allégués ;

* juger que la résiliation du contrat notifiée par la SAS Kaporal Groupe à la SA Montres Ambre le 22 décembre 2020 est régulière et bien fondée ;

* condamner la SA Montres Ambre à payer à la SAS Kaporal Groupe et ses coliquidateurs la somme de 70 000 euros au titre du minimum garanti annuel pour les années 2021 et 2022 ;

* condamner la SA Montres Ambre à payer à la SAS Kaporal Groupe et ses coliquidateurs la somme de 30 425 euros à titre de dommages et intérêts pour les coûts engagés en pure perte ;

* condamner la SA Montres Ambre à payer à la SAS Kaporal Groupe et ses coliquidateurs la somme de 50 000 euros au titre du préjudice moral et d'atteinte à l'image ;

* condamner la SA Montres Ambre à payer à la SAS Kaporal Groupe et ses coliquidateurs la somme de 136 500 euros au titre de la perte de chance ;

* condamner la SA Montres Ambre à payer à la SAS Kaporal Groupe et ses coliquidateurs la somme de 15 000 euros pour procédure abusive ;

- à titre infiniment subsidiaire, de juger le préjudice allégué par la SA Montres Ambre non justifié et au demeurant mal fondé et de rejeter l'ensemble de ses demandes ;

- en toute hypothèse, de :

* condamner la SA Montres Ambre à payer à la SAS Kaporal Groupe et ses coliquidateurs la somme de 25 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

* condamner la SA Montres Ambre au paiement des entiers frais et dépens de première instance et d'instance d'appel distraits au profit de la SCP Lagourgue & Olivier.

En réponse, dans ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 18 juin 2024, la SA Montres Ambre demande à la cour, au visa des articles 1217 et suivants du code civil, 514 et suivants du code de procédure civile et L 442-1 et L 442-4 du code de commerce, de :

- rejeter les interventions volontaires de Maître [B] [S] et de la SAS Les Mandataires pris en leur qualité de coliquidateurs judiciaires de la SAS Kaporal Groupe et les débouter de leur demande ;

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Marseille en ce qu'il a :

* prononcé la résolution du contrat de licence de marque aux torts de la SAS Kaporal Groupe ;

* condamné la SAS Kaporal Groupe à payer à la SA Montres Ambre la somme de 133 388,62 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des conséquences de l'inexécution des clauses du contrat ainsi que la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

* débouté la SAS Kaporal Groupe de l'ensemble de ses demandes ;

* condamné la SAS Kaporal Groupe aux dépens ;

- en l'état de la liquidation judiciaire de la SAS Kaporal Groupe intervenue le 28 septembre 2023 fixer la créance de la société montres ambre au passif de la SAS Kaporal Groupe à la somme de 133 388,62 euros, somme représentant les dommages-intérêts, en réparation des conséquences de l'inexécution des clauses du contrat, ainsi que la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- à titre incident, réformer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Marseille uniquement en ce qu'il déboute la SA Montres Ambre de ses demandes de dommages-intérêts en réparation des conséquences de l'inexécution des clauses du contrat et en application des dispositions combinées des articles L 442-1 et L 442-4 du code de commerce ;

- statuant à nouveau de ces chefs :

* condamner la SAS Kaporal Groupe à payer à la SA Montres Ambre la somme complémentaire de 25 000 euros à titre de dommages-intérêts, en réparation des conséquences de l'inexécution des clauses du contrat (facture Ambrex) ;

* condamner la SAS Kaporal Groupe à payer à la SA Montres Ambre la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts en application des dispositions combinées des articles L 442-1 et L 442-4 du code de commerce ;

* condamner la SAS Kaporal Groupe à payer à la SA Montres Ambre la somme de 25 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure ainsi que les entiers dépens de la présente procédure au profit de Maître Belgin Pelit Jumel sur son affirmation d'y avoir pourvu ;

* en l'état de la liquidation judiciaire de la SAS Kaporal Groupe intervenue le 28 septembre 2023 fixer la créance de la société montres ambre au passif de la SAS Kaporal Groupe à la somme de 100 439,62 euros, somme représentant les dommages-intérêts, en réparation des conséquences de l'inexécution des clauses du contrat ;

- y ajoutant, condamner la SAS Les Mandataires, prise en la personne de Maître [P] [I], ès qualités de coliquidateur judiciaire de la SAS Kaporal Groupe, et de Maître [B] [S], ès qualités de coliquidateur judiciaire de la SAS Kaporal Groupe, à payer à la SA Montres Ambre la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure ainsi que les entiers dépens de la présente procédure au profit de Maître Belgin Pelit Jumel sur son affirmation d'y avoir pourvu.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie à la décision entreprise et aux conclusions visées pour un exposé détaillé du litige et des moyens des parties.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 25 juin 2024. Les parties ayant régulièrement constitué avocat, l'arrêt sera contradictoire en application de l'article 467 du code de procédure civile.

MOTIVATION

1°) Sur l'intervention volontaire des organes de la procédure collective

Conformément aux articles L 622-21 et L 622-22 du code de commerce, auxquels renvoie l'article L 641-3 en matière de liquidation judiciaire :

- le jugement ouvrant la procédure de redressement judiciaire interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L 622-17 (qui dispose que les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation, ou en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant cette période, sont payées à leur échéance) et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ou à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent ;

- sous réserve des dispositions de l'article L 625-3 applicable aux seules instances prud'homales, les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance. Elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l'administrateur ou le commissaire à l'exécution du plan nommé en application de l'article L 626-25 dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant, le débiteur, partie à l'instance, informant le créancier poursuivant de l'ouverture de la procédure dans les dix jours de celle-ci.

Et, en vertu de l'article L 641-4 du code de commerce, le liquidateur, procède aux opérations de liquidation en même temps qu'à la vérification des créances et exerce les missions dévolues à l'administrateur et au mandataire judiciaire par les articles L 622-6, L 622-20, L 622-22, L 622-23, L 625-3, L 625-4 et L 625-8. Il peut introduire ou poursuivre les actions qui relèvent de la compétence du mandataire judiciaire.

Postérieurement à la déclaration d'appel dont la régularité est constante, le tribunal de commerce de Marseille a, par jugement du 28 septembre 2023 ouvert une mesure de liquidation judiciaire à l'encontre de la SAS Kaporal Groupe et désigné les organes de la procédure. Aussi, l'instance d'appel, interrompue par l'effet de ce jugement d'ouverture, ne pouvait être régulièrement reprise que par les liquidateurs judiciaires de la SAS Kaporal Groupe après déclaration de créance du créancier poursuivant opérée par courrier du 27 avril 2023 pour un montant de 100 439,62 euros (pièce 38 de l'intimée).

Or, si la SA Montres Ambre sollicite le « rejet des interventions volontaires » des liquidateurs, après avoir évoqué leur irrecevabilité en corps de ses écritures (page 18), elle ne développe aucun moyen spécifique de fait ou de droit au soutien de cette prétention qui s'analyse en réalité, non en une critique des interventions volontaires régulières indispensables à la reprise de l'instance, mais en un moyen de défense au fond opposé aux demandes adverses en ce qu'elles sont désormais portées par les liquidateurs ès qualités. Aussi, ce moyen sera examiné au stade de l'analyse des prétentions de la SAS Kaporal Groupe conformément aux articles 12 et 16 du code de procédure civile.

2°) Sur l'exécution et la résolution du contrat de licence

Moyens des parties

Au soutien de son appel, la SAS Kaporal Groupe, prise en la personne de ses liquidateurs judiciaires, explique que les articles 4.2 à 4.4 du contrat de licence, qui sont destinés à garantir la cohérence « du style Kaporal » et participent de la nécessité de l'associer étroitement à la conception et au développement des montres, définissent clairement un processus de développement et de validation préalable des produits qui impose son autorisation à chaque étape, la SA Montres Ambre étant en outre tenue, conformément à l'article 6 de cet acte, de soumettre à son approbation son plan marketing. Elle ajoute que l'article 4.3 ne s'applique pas à la totalité de la collection de produits finis mais uniquement aux échantillons, dessins et prototypes remis au concédant à l'issue de ces phases de développement. Elle précise que la SA Montres Ambre, qui n'a pas respecté le strict calendrier contractuel, n'a pas obtenu sa validation à chacune des étapes que sont la mise au point du concept et du design de chaque produit, l'élaboration de son packaging et la détermination de son nom ainsi que le conditionnement des échantillons et la conception du matériel publicitaire et promotionnel. Soutenant que la réunion du 30 juillet 2020 ne portait pas sur des produits finis, elle prétend que son silence n'a pu valoir approbation, et ce d'autant moins que l'article 4.3 ne concerne pas la collection définitive mais les échantillons et les prototypes et que le délai de 20 jours qu'il stipule n'a pu commencer à courir faute de présentation exhaustive des échantillons lors de cette entrevue. Elle indique que cette clause ménage une exception quand le licencié est, durant cette période, « en situation de réparation d'un manquement d'une quelconque de ses obligations, manquement encore non réparé » et en déduit que la SA Montres Ambre, qui aurait dû présenter la collection complète le 30 juin 2020, était alors en situation d'inexécution contractuelle. Elle déduit de la chronologie des faits le lancement de la commercialisation par la SA Montres Ambre dès le mois de juin 2020 sans égard pour sa validation.

Reconventionnellement, la SAS Kaporal Groupe oppose à la SA Montres Ambre les manquements contractuels suivants qui fondent la résolution du contrat à ses torts :

- la commercialisation des montres sans son autorisation ;

- l'organisation d'une vente à « prix barrés » illicite au sens de l'article L 121-1 du code de la consommation, la SA Montres Ambre ne pouvant justifier, lors de cette première vente faussement promotionnelle sur le site de la société Showroom Privé, d'un prix de référence ;

- la violation de l'obligation de confidentialité stipulée à l'article 21 caractérisée par la communication du contrat de licence à la société Showroom Privé.

Elle estime en conséquence être créancière du minimum annuel garanti pour les années 2020 et 2021 en application des articles 8.2 et 16.2 du contrat (70 000 euros). Elle souligne l'absence de déséquilibre significatif généré par le second de ces textes, qui « vise à réparer forfaitairement un préjudice subi en raison de manquement ayant entrainé la résiliation du contrat », faute de preuve d'une soumission et d'un déséquilibre quelconque. Elle ajoute subir un préjudice résidant dans les coûts supportés en pure perte (frais d'intermédiation à hauteur de 10 000 euros et coût des ressources internes affectées au projet pour 20 425 euros) ainsi qu'un préjudice moral né de l'atteinte à son image auprès de ses partenaires, revendeurs et clients (50 000 euros). Elle expose enfin subir un préjudice consistant en la perte de chance de percevoir la redevance minimale prévue par le contrat, soit 97 500 euros avec un taux de perte de chance de 100 % faute d'aléa, ainsi que de poursuivre la relation pendant trois années supplémentaires, soit 39 000 euros, avec un taux de perte de chance de 40 %.

Subsidiairement, elle conteste la réalité et la mesure du préjudice allégué par la SA Montres Ambre en précisant que les factures produites sont antérieures à la réunion du 30 juillet 2020 et, partant, à l'expiration du délai de 20 jours qu'elle était tenue de respecter avant de lancer la production et la commercialisation, que l'inexécution des promesses de livraison ne lui a causé aucun dommage et que le remboursement du minimum garanti payé lors de la conclusion du contrat et des frais d'intermédiation n'est pas causé par la faute qui lui est imputée.

En réponse, la SA Montres Ambre expose que le refus des échantillons proposés le 30 juillet 2020 n'a été notifié par la SAS Kaporal Groupe que le 4 septembre 2020, soit après l'expiration du délai de 20 jours prévu par l'article 4.3, et en déduit qu'elle était libre, à raison de cette validation tacite, de commercialiser les montres sous la marque Kaporal, aucune clause ne distinguant la collection définitive des échantillons et prototypes. Elle ajoute avoir respecté scrupuleusement le calendrier contractuel et avoir obtenu la validation de son concédant à chaque étape. Elle soutient que la résiliation fautive du contrat par la SAS Kaporal Groupe lui a causé des préjudices résidant dans :

- le coût des deux salariés affectés à la création des échantillons pendant 6 mois (25 000 euros) ;

- le montant de la facture d'intermédiation (8 400 euros) ;

- le coût des échantillons commandés (53 517 euros) ;

- le montant des commandes de ses clients annulées (26 953,44 euros pour la société Tempka, 13 635 euros pour la société Diamantor et 10 883,18 euros pour la société Montres Diffusion) ;

- le minimum garanti de 20 000 euros versé lors de la conclusion du contrat.

Elle conteste les manquements qui lui sont imputés en soutenant avoir lancé la commercialisation à l'expiration du délai de 20 jours qui a commencé à courir à l'issue de la réunion du 30 juillet 2020 qui portait sur des produits finis. Elle ajoute que la pratique d'une vente à prix barrés n'est pas illicite et que rien ne prouve l'absence de commercialisation antérieure à prix normal. Elle nie par ailleurs avoir communiqué le contrat de licence à un tiers. Elle estime que, faute de prévoir une faculté réciproque, l'article 16.2 du contrat, qui constitue une clause pénale que la cour devrait modérer si elle l'appliquait, génère un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au sens de l'article L 442-1 I 2° du code de commerce, prévision lui causant un préjudice (50 000 euros). Subsidiairement, elle précise que, en l'absence d'exécution forcée, l'indemnisation sollicitée en cas de rupture du contrat ne peut correspondre au gain attendu de son exécution. Elle explique enfin que les autres préjudices allégués par la SAS Kaporal Groupe, qui ne prouve par ailleurs aucun ternissement de son image auprès des tiers, ne sont démontrés ni en leur principe ni en leur mesure, la perte de chance opposée étant inexistante.

Réponse de la cour

Conformément aux articles 1103 et 1194 du code civil (anciennement 1134), les conventions légalement formées, qui tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou pour les causes que la loi autorise, doivent être exécutées de bonne foi. Et, en vertu des dispositions des articles 1231-1 à 4 (anciennement 1147, 1149 et 1150) du code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure, les dommages et intérêts dus au créancier étant, en général, de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été privé et le débiteur n'étant tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qu'on a pu prévoir lors du contrat, sauf lorsque l'inexécution est due à une faute lourde ou dolosive, les dommages et intérêts ne comprenant quoi qu'il en soit que ce qui est une suite immédiate et directe de l'inexécution.

En outre, en vertu de l'article 1217 du code civil, la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation, poursuivre l'exécution forcée en nature de l'obligation, obtenir une réduction du prix, provoquer la résolution du contrat et demander réparation des conséquences de l'inexécution, les sanctions qui ne sont pas incompatibles pouvant être cumulées et des dommages et intérêts pouvant toujours s'y ajouter.

Dans ce cadre, en application des articles 1224 et 1227 à 1230 (anciennement 1184) du code civil, la résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice, le juge pouvant, selon les circonstances, constater ou prononcer la résolution ou ordonner l'exécution du contrat, en accordant éventuellement un délai au débiteur, ou allouer seulement des dommages et intérêts. La résolution, qui met fin au contrat mais n'affecte ni les clauses relatives au règlement des différends, ni celles destinées à produire effet même en cas de résolution, telles les clauses de confidentialité et de non-concurrence, prend effet, selon les cas, soit dans les conditions prévues par la clause résolutoire, soit à la date de la réception par le débiteur de la notification faite par le créancier, soit à la date fixée par le juge ou, à défaut, au jour de l'assignation en justice.

a) Sur la réalité et l'imputabilité des inexécutions contractuelles

- Sur la commercialisation des produits marqués

Au sens des dispositions des articles 1188 et suivants (anciennement 1156 et suivants) du code civil, qui constituent non des normes juridiques s'imposant à elle, mais un guide d'interprétation des conventions à l'usage des parties et du juge, la cour interprète les stipulations manquant de clarté en recherchant la commune intention des parties contractantes sans s'arrêter au sens littéral des termes et en donnant à celles-ci le sens qui leur permet de produire un effet plutôt que celui qui les annihile en considération de la matière et de l'économie générale du contrat dont les clauses sont interdépendantes. L'intention des parties au jour de la conclusion peut être éclairée par leur comportement contemporain de la formation du contrat et adopté durant son exécution

Les articles 4.2 à 4.4 du contrat de licence conclu le 17 février 2020 entre la SAS Kaporal Groupe et la SA Montres Ambre, respectivement désignées comme « concédant » et « licencié », sont ainsi rédigés :

- article 4.2 « Process de développement Produit » : Le Licencié reconnaît avoir une bonne compréhension des marques de Kaporal (valeurs, ADN, positionnement, esprit, style...) et dès lors être tout fait en mesure de créer des Produits en cohérence avec les Marques Concédées.

Chaque saison, le Concédant définira la direction artistique de ses collections.

Le Licencié devra se conformer aux indications qui lui seront données par le Concédant.

La création des Produits et tout matériel marketing (dont les visuels publicitaires) relatif à ces Produits devront s'inscrire dans la cohérence du style de KAPORAL. Pour garantir cette cohérence, le Licencié s'engage à associer étroitement le Concédant à toutes les étapes de la création et du développement afin de lui permettre de faire son choix, de suggérer toute modification qui lui paraît appropriée, étant précisé que dans tous les cas les Parties feront leurs meilleurs efforts pour coopérer en vue d'aboutir ensemble à un projet commun.

Pour toute création de nouveau Produit ou ligne de Produits, le Licencié devra obtenir l'accord préalable du Concédant sur le projet aux principales étapes suivantes :

* Mise au point du concept Produit, rédaction de briefs destinés aux stylistes leur donnant une directive de travail,

* Mise au point du design des Produits,

* Développement et choix du packaging,

* Choix du nom du Produit,

* Les échantillons des Produits créés avec leur conditionnement avant le lancement de chaque Produit ou nouvelle ligne de Produits ;

- article 4.3 « Validation des dessins, des échantillons et des prototypes » : Afin de s'assurer de la conformité des dessins à l'image de la marque Kaporal, le Licencié soumettra tout au long du processus de développement des Produits, à l'approbation du Concédant, les dessins des modèles, les échantillons des matières et les prototypes pour chaque Produit, sous la forme que le Concédant considèrera convenir pour chaque soumission.

Le Concédant approuvera ou désapprouvera seul les dessins, les échantillons de matières et les prototypes soumis par le Licencié. En cas de refus, le Concédant s'engage à notifier sa décision au Licencié dans un délai de 20 jours ouvrés à compter de la réception par le Concédant de ses dessins, échantillons de matières et prototypes.

Sans réponse dans ce délai de 20 jours ouvrés, le Concédant sera présumé avoir approuvé les dessins, échantillons de tissus et prototypes présentés sauf si le Licencié est à cette même période en situation de réparation d'un manquement d'une quelconque de ses obligations, manquement non encore réparé ;

- 4.4 « Calendrier de développement des collections » : Dans le cadre du développement de ses collections, le Licencié s'engage à respecter le calendrier ci-dessous :

Pour les collections Printemps/Eté : Le Licencié s'engage à venir au siège du Concédant, au minimum une fois, selon les étapes suivantes :

* Le premier rendez-vous entre les mois de juin et juillet afin de définir les thèmes et tendances de la collection. Les premiers éléments graphiques et tendances auront été envoyés au Licencié. Lors de ce rendez-vous, le Licencié présentera ses premiers travaux dessins, planches tendances, directions couleurs et matières.

* Le second rendez-vous entre les mois de septembre et octobre le Licencié présentera au Concédant les premiers échantillons travaillés selon les directives évoquées au premier rendez-vous. Le Concédant analysera les Produits et apportera les modifications nécessaires.

* Le troisième rendez-vous entre les mois de novembre et décembre : le Licencié présentera la collection définitive à valider par le Concédant. Cette collection devra être conforme à toutes les demandes et modifications apportées lors des précédentes réunions.

Au mois de Janvier, le Licencié devra présenter sa collection définitive et validée, aux différentes équipes de Vente (agents et Distributeurs, acheteurs des magasins Retail et Franchises), ainsi que sur les salons professionnels où la Marque sera présente.

Pour les collections Automne/Hiver : Les mêmes étapes que pour la collection Printemps/Eté devront être suivies, selon les dates suivantes :

* Le premier rendez-vous en Décembre.

* Le second rendez-vous entre les mois de Janvier/Février.

* Le troisième rendez-vous entre les mois d'Avril/ Mai.

Les réunions commerciales se tenant au mois de Juin, le Licencié devra être en mesure de présenter une collection conforme et complète au 30 juin.

Il est entendu que ce calendrier ne présente que le nombre de rendez-vous minimum à respecter par saison. Il appartient aux deux Parties de faire la demande de réunions supplémentaires dans la mesure du possible.

Le Licencié s'engage à remettre au Concédant sans frais trois exemplaires de chaque Produit qu'il crée en janvier N-1 pour la collection Automne/ Hiver N et en juin N-1 pour la collection Printemps/Eté N pour archivage, pour les défilés, pour les shootings photo...

Dans le cas où la force de vente du Concédant prendrait en charge la commercialisation des Produits du Licencié, ce dernier s'engage à remettre à chaque commercial de la force de vente une collection conforme et complète en temps et en heure pour le début de sa tournée.

Ainsi, la SAS Kaporal Groupe assumant la direction artistique de la création des montres pour notamment garantir la cohérence de son identité de marque, maîtrise qui explique la nécessaire approbation du plan marketing de son licencié imposé par l'article 6, la SA Montres Ambre, dont l'action était encadrée par un strict calendrier, était contractuellement tenue d'obtenir son accord préalable pour tout projet de création d'un produit au stade de la mise au point de son concept et de son design, du développement et du choix de son packaging et de son nom ainsi que, antérieurement au lancement de la commercialisation, de son conditionnement. En outre, dans une logique d'étroite collaboration commandée par cette direction artistique, la SA Montres Ambre était tenue de soumettre à l'approbation de la SAS Kaporal Groupe les dessins des modèles, les échantillons des matières et les prototypes pour chaque produit, à charge pour cette dernière de notifier son approbation ou son refus dans un délai de 20 jours courant à compter de la présentation de ces différents éléments, le silence conservé pendant cette durée valant acceptation tacite sauf persistance pendant cette période d'un manquement du licencié.

Les articles 4.2 et 4.3, quoique logiquement liés, définissent des dispositifs distincts : le premier, qui précise les étapes de développement et donne corps à l'étroite collaboration voulue par les parties, impose un accord de la SAS Kaporal Groupe préalable à chacune d'elle ; le second prévoit un mécanisme, étendu à la collection définitive par l'article 4.4, de validation des seuls dessins, échantillons et prototypes par hypothèse antérieurement créés dans le respect des lignes définies à chaque stade du processus de développement. Ainsi, sauf à nier la différence entre autorisation préalable et validation ex post, l'acceptation tacite envisagée par l'article 4.3 ne concerne que les cas soumis à validation de la SAS Kaporal Groupe et non ceux requérant son autorisation préalable.

La correspondance électronique produite par les parties révèle que :

- la SAS Kaporal Groupe a adressé à la SA Montres Ambre le 20 décembre 2019 un échantillon de montres existantes illustrant ses préférences et les influences qu'elle souhaitait voir s'exprimer dans les créations de son licencié (pièce 3 de l'intimée). Le 24 janvier 2020 (pièce 4 de l'intimée), satisfaite du travail fourni par les équipes de la SA Montres Ambre, la SAS Kaporal Groupe validait une part de ses propositions en définissant, pour les collections homme et femme, « les axes à développer » (taille du cadran, logo et marque, protection contre l'eau, élaboration d'un modèle signature, bracelet'). Les échanges sur ces sujets techniques, artistiques puis tarifaires se poursuivaient et le partenariat s'étendait en mars 2020 à la création de deux coffrets de montres pour les fêtes de fin d'année (pièces 5 et 7 à 9 de l'intimée) ;

- le 26 mars 2020, la SA Montres Ambre annonçait avoir lancé les prototypes en dépit des perturbations générées par la crise sanitaire mais sollicitait néanmoins des éléments pour la « guider le plus rapidement possible sur quelques modèles » (pièces 10 à 12 de l'intimée), seul le projet de coffret étant validé le 30 mars 2020 (pièce 13 de l'intimée) ;

- le 8 avril 2020, la SA Montres Ambre adressait à la SAS Kaporal Groupe, qui n'avait validé que les dessins hommes, la totalité des dessins (pièces 14 et 15 de l'intimée) et indiquait être en phase de prototypage (sa pièce 16). Cette dernière l'interrogeait le 20 avril 2020 sur le planning à venir et les rencontres envisagées (même pièce) ;

- les parties échangeaient courant juin et juillet 2020 sur l'organisation d'une réunion de présentation des prototypes en cours de fabrication et de vérification, les photographies correspondantes n'étant toujours pas disponibles le 24 juillet 2020 (pièces 8 et 9 de l'appelante).

S'il est constant qu'une rencontre a été organisée le 30 juillet 2020 dans les locaux de la SAS Kaporal Groupe pour permettre à la SA Montres Ambre de lui présenter les différents prototypes tout juste assemblés, aucune pièce n'en précise la teneur. Néanmoins, dans son courriel du 4 septembre 2020, la SAS Kaporal Groupe dénonçait, sans être utilement démentie, l'absence de trois références (sa pièce 11). Par ailleurs, elle communiquait le 3 août 2020 le logo à apposer sur chaque montre (pièce 31 de l'intimée). Ces deux éléments suffisent, faute de preuve contraire, à établir que les prototypes présentés le 30 juillet 2020 étaient incomplets et, à défaut de comporter le logo choisi par le concédant transmis dans le délai de l'article 4.3, n'étaient pas validés par la SAS Kaporal Groupe, aucune collection définitive ne lui ayant quoi qu'il en soit été présentée.

Par ailleurs, à supposer ceux-là assimilables à celle-ci et tacitement validés faute de réserve émise avant le 20 août 2020 et en faisant abstraction du non-respect du calendrier de l'article 4.4 qui a été toléré par la SAS Kaporal Groupe, consciente des perturbations lourdes générées par la crise sanitaire, la SA Montres Ambre devait obtenir, avant le lancement de la commercialisation des produits, son accord : celui-ci était indispensable aux termes de l'article 4.3 pour débuter les phases de « développement et choix du packaging », de « choix du nom du produit » et de « conditionnement », préalables incontournables à toute offre de vente. Alors que la SA Montres Ambre ne produit aucun élément induisant une telle autorisation, la SAS Kaporal Groupe exigeait le 4 septembre 2020 une amélioration de la qualité de tous les produits en détaillant ses attentes (bracelets, fermoirs, boitiers et cadrans) (pièces 31 et 17 de l'intimée). Trop tardif pour faire efficacement obstacle à la validation des prototypes qui n'autorisait cependant pas à elle seule la mise en vente, ce courriel exprime nécessairement un refus de commercialisation en l'état par la SAS Kaporal Groupe, packaging, conditionnement et désignation des produits n'étant pas abordés.

Or, la SA Montres Ambre ne conteste pas qu'elle a, malgré l'absence de validation de la collection définitive et d'autorisation de lancement des phases finales préalables à la commercialisation (conditionnement, packaging et choix du nom, outre le plan marketing), offert à la vente des montres de marque Kaporal sur le site showroomprive.com le 28 septembre 2020, 208 références ayant été cédées au consommateur final à un prix compris entre 14 et 26 euros (pièces 13 à 21 de l'appelante), et avoir promis la fourniture de ces produits à trois distributeurs (Diamantor, Tempka et Montres Diffusion) dès le mois de juin 2020, soit avant la réunion destinée à la validation des prototypes d'ailleurs non encore réceptionnés et assemblés par la SA Montres Ambre à cette époque (pièces 22, 28 à 30 et 32 à 34 de l'appelante).

En procédant ainsi, la SA Montres Ambre a manqué à ses obligations contractuelles.

- Sur la vente à « prix barrés »

Conformément à l'article L 121-1 du code de la consommation, les pratiques commerciales déloyales sont interdites. Une pratique commerciale est déloyale lorsqu'elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu'elle altère ou est susceptible d'altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l'égard d'un bien ou d'un service. Le caractère déloyal d'une pratique commerciale visant une catégorie particulière de consommateurs ou un groupe de consommateurs vulnérables en raison d'une infirmité mentale ou physique, de leur âge ou de leur crédulité s'apprécie au regard de la capacité moyenne de discernement de la catégorie ou du groupe. Constituent, en particulier, des pratiques commerciales déloyales les pratiques commerciales trompeuses définies aux articles L 121-2 à L 121-4 et les pratiques commerciales agressives définies aux articles L 121-6 et L 121-7.

Et, aux termes de l'article L 121-2 2°c du même code dans sa version applicable aux faits, une pratique commerciale est trompeuse lorsqu'elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur le prix ou le mode de calcul du prix, le caractère promotionnel du prix et les conditions de vente, de paiement et de livraison du bien ou du service.

Si ces dispositions sont destinées à la protection du consommateur, elles sont invocables par la SAS Kaporal Groupe, le manquement à une obligation légale de nature à jeter le discrédit sur des produits porteurs de sa marque et, par association, sur son comportement à l'égard de la clientèle, pouvant caractériser une faute contractuelle opposable à la SA Montres Ambre. Par ailleurs, si l'article L 112-1-1 du code de la consommation, créé par l'ordonnance n° 2021-1734 du 22 décembre 2021 transposant la directive (UE) 2019/2161 du 27 novembre 2019 et entrant en vigueur le 28 mai 2022 conformément à son article 10, n'est pas applicable au litige, le comportement litigieux demeure susceptible de constituer une pratique commerciale trompeuse, et, partant, une faute contractuelle, dès lors qu'il remplit les conditions générales fixées par l'article L 121-2 2°c du code de la consommation.

A cet égard, en application des articles 1 et 2 de l'arrêté du 11 mars 2015 relatif aux annonces de réduction de prix à l'égard du consommateur, toute annonce de réduction de prix est licite sous réserve qu'elle ne constitue pas une pratique commerciale déloyale au sens de l'article L 120-1 du code de la consommation et qu'elle soit conforme aux exigences de ce texte qui dispose que, lorsqu'une annonce de réduction de prix est faite dans un établissement commercial, l'étiquetage, le marquage ou l'affichage des prix réalisés conformément aux dispositions en vigueur doivent préciser, outre le prix réduit annoncé, le prix de référence qui est déterminé par l'annonceur et à partir duquel la réduction de prix est annoncée. Au sens de ces dispositions, la réduction de prix est par principe licite, à charge pour le professionnel de justifier de la réalité et de la loyauté du prix de référence qui doit être analysée à la lumière de la directive 2005/29/CE du 11 mai 2005 transposée à l'ancien article L 121-1 du code de la consommation imposant notamment, pour une pratique qui n'est pas réputée trompeuse par la loi, la démonstration d'une altération substantielle, effective ou potentielle et appréciée in abstracto par référence à un consommateur moyen normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, compte tenu des facteurs sociaux, culturels et linguistiques (considérant 18 de la directive), du comportement économique du consommateur (exigence reprise par Com. 1er mars 2017, n° 15-15.448).

Or, la SAS Kaporal Groupe démontre que les montres offertes à la vente par la SA Montres Ambre sur le site showroomprive.com, agissant en qualité d'intermédiaire, étaient l'objet d'une réduction de prix de 70 % en moyenne (sa pièce 13 non contestée en sa teneur bien qu'elle ne soit qu'une impression d'écran) que la SA Montres Ambre ne prétend pas ne pas avoir décidée. Et, cette dernière, qui reconnaît le principe et la mesure de la réduction de prix annoncé et ne conteste que l'absence de mise en vente antérieure (page 29 de ses écritures), ne démontre aucune vente précédente susceptible d'asseoir un prix de référence. En effet, le courriel et l'attestation du distributeur Montres Diffusion évoquent, comme sa réponse à la sommation interpellative du 25 octobre 2021 (pièce 34 de l'appelante), une mise en vente à venir des montres litigieuses à un « prix de vente public conseillé » (pièce 32 et 33 de l'intimée) qui n'est pas précisé et qui ne figure pas dans les catalogues distributeurs versés au débat (pièces 22 et 28 à 30 de l'appelante). Aussi, rien ne permet d'identifier un prix de référence réel et conforme à celui fixé dans les annonces du site showroomprive.com. De ce seul fait, l'allégation d'une réduction de prix est par nature déloyale, peu important que la vente sur ce site internet soit expressément autorisée par l'article 2 de l'annexe 2 du contrat de licence.

Et, les produits litigieux étant aisément substituables sur un marché ouvert et très concurrentiel, les parties ne leur prêtant pas de spécificités esthétiques et techniques particulières, le prix est l'élément déterminant de l'acte d'achat, et ce d'autant plus que les réductions proposées sont de grande ampleur et induisent une illusoire montée en gamme des produits vendus. Celles-ci sont ainsi de nature à modifier substantiellement le comportement économique du consommateur moyen, trompé par l'espérance d'une économie significative en réalité inexistante et de l'acquisition d'un bien dont la qualité, induite par le prix de référence affiché, est à l'évidence très inférieure à celle attendue.

Cette pratique commerciale déloyale et trompeuse caractérise également une exécution de mauvaise foi du contrat de licence, qui par hypothèse n'autorise que des emplois licites de la marque, en ce que, par l'effet du partenariat voulu par les parties et concrétisé dans l'apposition sur les produits de la SA Montres Ambre de la marque de la SAS Kaporal Groupe, garantie d'origine commerciale, le consommateur associera directement la seconde aux fautes de la première.

- Sur la confidentialité

L'article 21 du contrat de licence est ainsi rédigé :

Pendant la durée du Contrat, les Parties ont reçu et vont recevoir des informations de toute nature, qu'il s'agisse d'informations commerciales, industrielles, techniques, financières qui sont considérées comme confidentielles. Les Parties s'engagent à garder la plus stricte confidentialité quant à ces informations et à ne pas les divulguer à des tiers, sauf accord préalable écrit de l'autre Partie. Cette obligation s'entend pour la durée du Contrat et 1 (un) an après son terme, quelle qu'en soit la cause.

Les Parties reconnaissent et acceptent que l'usage ou la révélation non autorisée de telles informations à caractère confidentiel constituent une violation du Contrat causant un tort irréparable à la Partie lésée. Chaque Partie reconnaît sa responsabilité pour les dommages causés à l'autre par un tel usage ou révélation non autorisée.

L'unique acte opposé par la SAS Kaporal Groupe à la SA Montres Ambre au titre de la violation de l'obligation de confidentialité stipulée à cet article réside dans la transmission du contrat de licence à la société éditrice du site showroomprive.com. Mais, le courrier du 21 décembre 2020 censé établir cette communication ne la mentionne pas, cette dernière précisant seulement que, à raison de la demande de cessation de commercialisation que lui avait adressée la SAS Kaporal Groupe le 9 octobre 2020 et comme elle le lui avait annoncé le 14 octobre suivant (pièces 17 et 18 de l'appelante), elle avait interrogé son fournisseur qui lui avait « indiqué » le contenu des stipulations relatives à l'autorisation de vente sur son site internet et à la validation préalable des prototypes (pièce 19 de l'appelante). Cette information circonscrite, indispensable à l'exercice de son droit de se défendre par la SA Montres Ambre et à la justification de ses droits prétendus, ne porte sur aucun élément confidentiel.

Cette faute n'est ainsi pas prouvée.

b) Sur la résolution et l'indemnisation

La faute imputée par la SA Montres Ambre à la SAS Kaporal Groupe pour fonder sa demande en résolution judiciaire réside dans la violation de l'article 4 du contrat, dont il est désormais acquis qu'il a été respecté par le concédant, et dans la rupture unilatérale consécutive notifiée le 22 décembre 2020 par la SAS Kaporal Groupe (sa pièce 23).

Quoique le courrier du 22 décembre 2020 ne vise pas explicitement l'article 16.2 du contrat ménageant une faculté de rupture unilatérale pour inexécution par le concédant de ses obligations et prévoyant une liste, introduite par l'adverbe « notamment » et de ce fait non limitative, de manquements caractérisant une cause automatique de résiliation, il en respecte strictement les termes en accordant le préavis de 30 jours qu'il fixe et en sollicitant le paiement des minima garantis auxquels il se réfère. En outre, la SAS Kaporal Groupe ne sollicite pas le prononcé de la résolution mais son constat ainsi que l'induit l'utilisation de la formule « juger que la résiliation ['] est régulière et bien fondée ». Aussi, le bienfondé de la rupture doit être examiné à l'aune de cette stipulation et non en application de l'article 1226 du code civil.

Les deux manquements contractuels imputables à la SA Montres Ambre sont graves, la commercialisation de produits marqués sans l'autorisation du concédant étant, en ce qu'elle touche aux obligations essentielles du licencié dont l'importance communément reconnue est rappelée à l'article 4 du contrat et en ce qu'elle affecte inéluctablement la confiance mutuelle qui préside à l'exécution de tout contrat de licence, suffisamment importante pour légitimer à elle seule la rupture anticipée de la relation au sens de l'article 16 .2 du contrat. Aussi, formellement régulière puisqu'elle suit une mise en demeure préalable du 9 octobre 2020 (pièce 16 de l'appelante), qui n'était pas conventionnellement imposée et que la production d'effets irrémédiables par la faute rendait en réalité inutile, cette rupture, encadrée par un préavis conforme aux stipulations contractuelles, est matériellement fondée et a produit ses effets à l'expiration du préavis conformément à l'article 16.2 du contrat et à l'article 1229 alinéa 2 du code civil.

Dès lors, en l'absence de toute faute ou d'inexécution contractuelle imputable à la SAS Kaporal Groupe, le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a prononcé la résolution judiciaire du contrat de licence aux torts de cette dernière et en ce qu'il l'a condamnée à verser des dommages et intérêts à la SA Montres Ambre. Aussi, les demandes en résolution et en indemnisation de la SA Montres Ambre seront intégralement rejetées. A cet égard, la Cour constate que la SA Montres Ambre fonde l'intégralité de ses demandes en paiement sur la responsabilité contractuelle de la SAS Kaporal Groupe et agit dans un cadre strictement indemnitaire (page 23 de ses écritures) sans solliciter la mise en 'uvre des restitutions réciproques, régies par les articles 1229 et 1352 à 1352-9 du code civil. Il sera néanmoins précisé sur ce point que :

- la seule prétention susceptible d'être qualifiée de demande de restitution est celle portant sur le minimum garanti de 20 000 euros pour l'année 2020 visé à l'article 8.2 du contrat et payé le 11 février 2020 (pièce 29 de l'intimée) ;

- depuis la réforme portée par l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, la résolution « met fin » au contrat selon la lettre de l'article 1229 du code civil : le régime des restitutions ne découle plus de la fiction juridique de la rétroactivité des effets de la résolution mais est fixé de manière autonome par le législateur. Or, aux termes de ce texte, ce n'est que si les prestations échangées ne pouvaient trouver leur utilité que par l'exécution complète du contrat résolu que les parties doivent restituer l'intégralité de ce qu'elles se sont procuré l'une à l'autre. En revanche, lorsque les prestations échangées ont trouvé leur utilité au fur et à mesure de l'exécution réciproque du contrat, ce qui est le cas pour le contrat de licence en débat qui prévoit une rémunération qui demeure causée par les prérogatives exclusives dont a effectivement joui le licencié, il n'y a pas lieu à restitution pour la période antérieure à la dernière prestation n'ayant pas reçu sa contrepartie, la résolution étant en ce cas qualifiée de résiliation. Et, conformément à l'alinéa 2 de l'article 1229 du code civil, la résolution prend effet dans les conditions prévues par la clause résolutoire, soit ici à l'expiration du délai de préavis : la rupture notifiée par la SAS Kaporal Groupe était ainsi une résiliation ne prenant effet que pour l'avenir et non une résolution. Aussi, même en admettant qu'elle soit saisie d'une demande en restitution, celle-ci est infondée. A cette analyse s'ajoute l'intégration du minimum versé en 2020 dans les pénalités prévues par l'article 16.2 dont l'application sera examinée infra.

En revanche, les fautes commises par la SA Montres Ambre ainsi que la rupture qu'elle a rendu nécessaire sont susceptibles de causer un préjudice à la SAS Kaporal Groupe.

- Sur les minima garantis

La SAS Kaporal Groupe fonde cette demande sur l'article 16.2 in fine du contrat de licence qui stipule que « nonobstant toute demande de dommages et intérêts, la résiliation du Contrat entrainera le versement de pénalités correspondant au Minimum Garanti annuel que le Licencié aurait dû payer jusqu'au terme prévu initialement au Contrat », ce dernier étant fixé à 30 000 euros en 2021 et à 40 000 euros en 2022 par l'article 8.2.

Sur la validité de la clause eu égard au déséquilibre significatif allégué

Aux termes de l'article L 442-1 I 2° du code de commerce dans sa version applicable aux faits litigieux, engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, dans le cadre de la négociation commerciale, de la conclusion ou de l'exécution d'un contrat, par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services de soumettre ou de tenter de soumettre l'autre partie à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parti.

La caractérisation de cette pratique restrictive suppose ainsi la réunion de deux éléments : d'une part la soumission à des obligations, ou sa tentative, et d'autre part l'existence d'obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.

La partie victime d'un déséquilibre significatif au sens de cet article est fondée à solliciter la nullité de la clause du contrat qui crée ce déséquilibre et qui méconnaît les dispositions d'ordre public de ce texte (en ce sens, Com. 30 septembre 2020, n° 18-11.644, solution conforme aux précisions apportées par Cons. Constit., n° 2011-126 du 13 mai 2011, identique à l'avis de la CEPC n° 14-02 du 23 janvier 2014 et impliquée par le Rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 qui souligne que la modification apportée sur ce point est destinée à lever une ambiguïté et non à modifier le droit existant).

La soumission, ou sa tentative, implique la démonstration par tous moyens par la SA Montres Ambre, conformément à l'article 9 du code de procédure civile, de l'absence de négociation effective, ou de sa possibilité, des clauses ou obligations incriminées. Celle-ci, qui peut notamment être caractérisée par l'usage de menaces ou de mesures de rétorsion visant à forcer l'acceptation, ne peut se déduire de la seule structure d'ensemble du marché, qui peut néanmoins constituer un indice de l'existence d'un rapport de forces déséquilibré se prêtant difficilement à des négociations véritables entre distributeurs et fournisseurs (en ce sens, Com. 20 novembre 2019, n° 18-12.823). L'appréciation de cette première condition est ainsi réalisée en considération du contexte matériel et économique de la conclusion proposée ou effective, l'insertion de clauses dans une convention type ou un contrat d'adhésion ou les conditions concrètes de souscription (en ce sens, Com. 6 avril 2022, n° 20-20.887) pouvant constituer des critères pertinents de la soumission ou de sa tentative. Si l'analyse de la contrepartie participe prioritairement de l'appréciation du déséquilibre significatif, celle de son existence, plutôt que de sa suffisance, demeure utile pour caractériser une éventuelle soumission ou tentative de soumission en ce que l'absence d'avantage attendu par le cocontractant ou de réciprocité des obligations est de nature à éclairer subjectivement, à raison de la dimension purement unilatérale de la démarche, une volonté d'assujettissement.

La SA Montres Ambre, qui ne sollicite pas dans le dispositif de ses écritures la nullité qu'elle évoque dans ses développements (page 34 de ses écritures), fonde sa demande indemnitaire sur le déséquilibre significatif qui découlerait de la seule unilatéralité de l'article 16.2. Ce faisant, elle n'explique pas et ne démontre pas en quoi elle n'aurait pas été en mesure de négocier cette clause au même titre que les autres qu'elle ne critique pas.

Ce seul constat commande le rejet de sa demande indemnitaire et la confirmation de la décision entreprise sur ce point.

Sur la qualification et la mise en 'uvre de la clause

En vertu de l'article 1231-5 du code civil, lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l'exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte ni moindre. Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Lorsque l'engagement a été exécuté en partie, la pénalité convenue peut être diminuée par le juge, même d'office, à proportion de l'intérêt que l'exécution partielle a procuré au créancier, sans préjudice de l'application de l'alinéa précédent. Toute stipulation contraire aux deux alinéas précédents est réputée non écrite. Sauf inexécution définitive, la pénalité n'est encourue que lorsque le débiteur est mis en demeure.

Pour exercer son pouvoir modérateur, le juge doit déterminer le caractère manifestement excessif (ou dérisoire) de la sanction au regard de la réalité du préjudice effectivement subi par le créancier de l'obligation inexécutée, la clause pénale étant, au sens de l'ancien article 1229 du code civil, la compensation des dommages et intérêts que le créancier souffre de l'inexécution de l'obligation principale, ce qui explique qu'il ne puisse demander en même temps le principal et la peine, à moins qu'elle n'ait été stipulée pour le simple retard. Ainsi, hors hypothèse d'une majoration de son montant commandée par son caractère dérisoire, soit son insignifiance, qu'il incombe au créancier de prouver, l'application de la clause pénale exclut par principe toute indemnité complémentaire réparant le préjudice qui en est l'objet, sauf si le créancier démontre qu'il subit un préjudice distinct de celui couvert par la clause. A l'inverse, il appartient au débiteur de démontrer le caractère excessif du montant stipulé pour obtenir sa minoration.

Une clause pénale s'entend de la stipulation qui prévoit par avance le montant de la somme allouée à titre de sanction de l'inexécution de l'une de ses obligations par l'une des parties : destinée à assurer l'exécution d'une convention ainsi que le précisait l'article 1226 du code civil, elle est l'évaluation conventionnelle anticipée des dommages et intérêts réparant le préjudice causé par un manquement contractuel quelconque, éventuel au jour de sa fixation, et réprimant le comportement du débiteur défaillant.

L'article 16.2 accorde au concédant une faculté de résiliation unilatérale à raison d'une inexécution contractuelle et prévoit le versement automatique d'une somme d'argent équivalente aux minima stipulés jusqu'au terme à titre de pénalités. Cette clause sanctionne ainsi une faute contractuelle par l'allocation d'une indemnisation déterminée préalablement et destinée à réparer le préjudice causé par la résiliation elle-même : elle remplit toutes les conditions requises pour être qualifiée de clause pénale.

Si l'article 1230 du code civil ne mentionne pas expressément les clauses pénales dans sa liste non limitative, celles-ci sont par nature destinées à produire effet même en cas de résolution, ce qui est spécialement le cas de l'article 16.2 qui érige la résiliation pour faute en fait générateur de la créance. Aussi, la résiliation notifiée le 22 décembre 2020 n'affecte pas la validité et l'efficacité de cette clause.

Le préjudice effectivement causé à la SAS Kaporal Groupe par les manquements de la SA Montres Ambre réside en particulier dans la perte des gains que l'exécution du contrat aurait procurés. Et, les minima garantis sont par définition certains en leur principe et leur montant et étaient dus par le seul effet du contrat jusqu'au terme stipulé conformément à l'article 1212 du code civil. Or, la SA Montres Ambre, à qui incombe la charge de la preuve de l'excès manifeste dont la caractérisation conditionne l'exercice par le juge de son pouvoir modérateur, n'explique pas en quoi il réside, carence qui commande l'application stricte de la clause pour la totalité de son montant.

En conséquence, le jugement sera infirmé en ce qu'il a rejeté la demande indemnitaire de la SAS Kaporal Groupe et la SA Montres Ambre sera condamnée à lui payer la somme de 70 000 euros à titre de clause pénale.

- Sur les redevances escomptées

La SAS Kaporal Groupe invoque une perte de chance de percevoir les redevances assises sur le chiffre d'affaires du licencié et prévues par l'article 8.5 du contrat. Celle-ci s'entend de la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable et suppose établie la preuve du sérieux de la chance perdue, son indemnisation, qui implique un calcul de probabilité de survenance de l'évènement irrémédiablement impossible, ne pouvant être égale au montant de la chance réalisée. Cette prétention est infondée pour deux motifs présentant chacun un caractère suffisant par lui-même :

- quoique la SA Montres Ambre ne le relève pas, la SAS Kaporal Groupe estime que son préjudice, causé par la résiliation (page 43 de ses écritures), réside dans la perte des bénéfices qu'elle aurait retirés de l'exécution du contrat. Or, celui-ci a déjà été réparé par l'allocation du forfait stipulé à titre de clause pénale par l'article 16.2 qui règle globalement les conséquences financières de la résiliation anticipée pour faute et ne se réfère aux minima garantis que pour fixer le montant des pénalités et non pour circonscrire l'assiette du préjudice réparé : tous les gains escomptés sont compris dans cette évaluation. Aussi, en l'absence de démonstration d'un préjudice distinct de celui réparé par la clause, la demande de la SAS Kaporal Groupe doit être rejetée ;

- l'engagement du licencié de respecter son business plan (article 8.1 du contrat) n'implique pas la certitude de sa réalisation, le contrat prévoyant d'ailleurs les conséquences attachées à sa défaillance qui n'est sanctionnable qu'en cas de « non atteinte de 80 % de l'objectif de chiffre d'affaires sur deux années consécutives ». Le gain perdu n'est ainsi pas assimilable aux minima garantis et le business plan, qui ne comprend que des objectifs et non une garantie de montant, ne peut servir d'assiette au calcul des redevances non perçues. Et, le contrat ayant pris fin précocement avant toute réelle commercialisation, seules 208 références ayant été effectivement vendues sur le site showroomprive.com, la Cour ne dispose d'aucun élément sérieux pour apprécier la réalité de la chance que la SAS Kaporal Groupe prétend avoir perdue, tant pour les trois années contractuellement prévues que pour l'éventuel renouvellement du contrat, purement hypothétique. Aussi, à supposer le préjudice allégué distinct de celui couvert par la clause pénale, la demande doit être rejetée faute de preuve de la réalité de la perte de chance invoquée.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande indemnitaire.

- Sur les coûts inutilement supportés

La SAS Kaporal Groupe sollicite le paiement des frais d'intermédiation d'un montant de 10 000 euros ainsi que celui des dépenses engagées en interne pour mener le projet, préjudices distincts par nature de ceux couverts par l'article 16.2.

Néanmoins, le premier poste, qui touche à la mise en relation des parties préalablement à la conclusion du contrat, n'est pas en lien direct avec les fautes commises par la SA Montres Ambre et la résiliation qu'elles ont fondée : le dommage allégué, en l'absence de lien de causalité prouvé, n'est pas réparable. Le second poste ne peut à son tour être retenu, les frais allégués étant consignés dans un tableau dont les conditions de constitution sont inconnues et qui n'est ni certifié par un expert-comptable ni accompagné de pièces justificatives des montants qu'il mentionne : le préjudice invoqué n'est pas démontré.

En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande indemnitaire.

- Sur le préjudice moral et d'atteinte à l'image de la SAS Kaporal Groupe

Outre le fait que les ventes réalisées sur le site showroomprive.com étaient de très faible ampleur et que rien ne prouve que les acheteurs aient su qu'ils étaient victimes d'une pratique commerciale trompeuse, la réputation de la SAS Kaporal Groupe n'ayant ainsi pas affecté dans l'esprit de sa clientèle, cette dernière ne démontre pas les tensions qu'elle évoque avec ses partenaires. Et, ces derniers n'ont eu connaissance que de l'existence d'un conflit opposant un concédant à son licencié, heurt classique en pareille matière qui n'implique pas à lui seul un ternissement de l'image de l'un ou de l'autre.

En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande indemnitaire de la SAS Kaporal Groupe au titre de son préjudice moral et d'image, inexistant.

3°) Sur la procédure abusive

En vertu des dispositions des articles 1240 et 1241 (anciennement 1382 et 1383) du code civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, chacun étant responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.

Au sens de ces textes, l'exercice d'une action en justice constitue par principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur équipollente au dol.

La SAS Kaporal Groupe ne prouve pas que la SA Montres Ambre, qui pouvait se méprendre sur les conséquences de son comportement, a agi avec une légèreté blâmable et que l'exercice de son droit a dégénéré en abus. En outre, elle ne démontre pas le principe et la mesure du préjudice qu'elle allègue ni qu'il soit distinct de celui né de la nécessité de se défendre en justice qui est exclusivement réparé par l'allocation d'une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté sa demande indemnitaire à ce titre.

4°) Sur les frais irrépétibles et les dépens

Le jugement entrepris sera infirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.

Succombant, la SA Montres Ambre, dont la demande au titre des frais irrépétibles sera rejetée, sera condamnée à supporter les entiers dépens d'appel, qui seront recouvrés directement par la SCP Lagourgue & Olivier conformément à l'article 699 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer à la SAS Kaporal Groupe, prise en la personne de ses liquidateurs judiciaires, la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions soumises à la Cour, sauf en ce qu'il a rejeté :

- les demandes indemnitaires de la SAS Kaporal Groupe au titre des redevances espérées, des coûts inutilement supportés, de son préjudice moral et d'image et de la procédure abusive ;

- la demande de la SA Montres Ambre au titre du déséquilibre significatif ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Dit que la SAS Kaporal Groupe a légitimement résilié par anticipation le contrat de licence pour faute de la SA Montres Ambre en application de son article 16.2 ;

Condamne la SA Montres Ambre à payer à la SAS Kaporal Groupe, prise en la personne de ses liquidateurs judiciaires, la somme de 70 000 euros au titre de la clause pénale stipulée à l'article 16.2 du contrat de licence ;

Rejette l'intégralité des demandes de la SA Montres Ambre ;

Y ajoutant,

Rejette la demande de la SA Montres Ambre au titre des frais irrépétibles ;

Condamne la SA Montres Ambre à payer à la SAS Kaporal Groupe, prise en la personne de ses liquidateurs judiciaires, la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SA Montres Ambre à supporter les entiers dépens d'appel qui seront recouvrés directement par la SCP Lagourgue & Olivier conformément à l'article 699 du code de procédure civile.