CA Reims, ch. civ. sect. 1, 17 octobre 2023, n° 22/00222
REIMS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Ageclim (SAS)
Défendeur :
SRN Service (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mehl-Jungbluth
Conseillers :
Mme Mathieu, Mme Pilon
Avocats :
Me Six, Me Colomes
* * * * *
Suivant devis du 11 juillet 2019, la [Adresse 3] a confié à la SAS Application du Génie Climatique, Ageclim, la réfrigération de deux hangars avec production d'eau glacée et récupération de chaleur.
La SARL SRN Service est intervenue pour réaliser des travaux sur le chantier.
Invoquant la qualité de sous-traitant de la SARL SRN et se plaignant de divers désordres, notamment de fuites sur les travaux réalisés par celle-ci, la société Ageclim a fait assigner cette société le 21 avril 2021 devant le tribunal de commerce de Troyes afin d'être indemnisée de ses préjudices. La société SRN Service s'est opposée à cette demande et, à titre reconventionnel, a sollicité la condamnation de la société Ageclim à lui payer 7 980 euros correspondant à la somme de deux factures impayées.
Par jugement du 11 janvier 2022, le tribunal a :
reçu la SAS Ageclim en ses demandes mais l'a déclarée mal fondée et l'a déboutée de l'intégralité de ses demandes,
reçu la SARL SRN Service en ses demandes et l'a déclarée partiellement fondée,
condamné la SAS Ageclim à payer à la SARL SRN Service la somme de 7 980 euros au titre des factures du 29 novembre 2019,
condamné la SAS Ageclim à payer à la SARL SRN Service la somme de 1 000 euros au titre de l'indemnité sur le fondement de l' article 700 du code de procédure civile 06F69E203F9AA39626E4FE9E9D6A2B68,
ordonné l'exécution provisoire du jugement,
laissé les entiers dépens à la charge de la SAS Ageclim,
liquidé les dépens à recouvrer par le greffe à la somme de 69.59 euros dont 11.60 euros de TVA.
Il a retenu que la société Ageclim s'est vu confier par la société [Adresse 3] un marché de travaux qu'elle a sous-traité à SRN Service, que la société Ageclim fonde ses demandes sur un rapport d'expertise amiable qui ne s'est pas déroulée dans le respect du contradictoire et qu'aucune remarque, observation ou pièce de SRN Service n'a pu y être consignée. Il a alors décidé de faire application de l' arrêt du 14 mai 2020 de la troisième chambre civile de la cour de cassation , qui a jugé qu'en se fondant sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l'une des parties par un technicien de son choix, peu important que la partie adverse ait été régulièrement appelée, un tribunal a violé l' article 16 du code de procédure civile 98371A4958F9DF3E2ABC25BDA0175847.
Il a encore relevé que le procès-verbal de constat d'huissier du 19 octobre 2020 n'avait pas été établi au contradictoire de SRN Service et que l'huissier, sans avoir la compétence technique, ne pouvait imputer les désordres à cette dernière.
La SAS Ageclim a relevé appel de ce jugement par déclaration du 8 février 2022.
Par conclusions notifiées le 3 avril 2023, la SAS Ageclim demande à la cour d'infirmer le jugement et, statuant à nouveau, de :
condamner la société SRN Service à lui payer la somme de 59 269.20 euros TTC au titre du coût de la réparation de l'installation du réseau frigorifique effectuée par la société BPTEC avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure de payer en date du 30 mars 2021,
condamner la société SRN Service à lui payer la somme de 14 880 euros au titre du préjudice financier subi,
condamner la société SRN Service à lui payer la somme de 3 000 euros pour résistance abusive,
débouter la société SRN Service de toutes ses demandes,
condamner la société SRN Service à lui payer la somme de 4 000 euros sur le fondement de l' article 700 du code de procédure civile 06F69E203F9AA39626E4FE9E9D6A2B68, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Elle invoque l'existence d'un contrat de louage d'ouvrage conclu entre la [Adresse 3] et elle soutient qu'elle a sous-traité la réalisation de certains travaux à la société SRN Service, qui doit donc répondre de sa responsabilité.
Elle explique avoir fait réaliser les travaux de réparation par une société tierce et affirme que le sous-traitant est responsable vis-à-vis du maître d''uvre des travaux qui lui ont été confiés pour le compte du maître de l'ouvrage en fondant sa demande sur les articles 1792, 1792-6 et 1222 du code civil 9379CF874F3124A04D0444C96E1E4FC0 4799CBF43D8AB9BA88E4AC5AA065A464 60662CEC43739D8DF05CA300C041787F en ce qu'ils permettent au créancier de faire réaliser les travaux de réparation à la charge du débiteur ou de l'entrepreneur défaillant après simple mise en demeure.
Elle exclut l'application de l'article 1792-7 en rappelant que ce texte ne s'applique pas aux équipements dits mixtes, qui disposent d'une double fonction dans l'ouvrage : répondre aux besoins de fonctionnement de cet ouvrage et de l'activité professionnelle.
Pour faire la preuve des désordres, elle se prévaut du rapport d'expertise amiable, dont elle souligne qu'elle a été diligentée conjointement par les deux parties et leur assureur, après avoir été initiée par l'assureur de protection juridique de la société SRN Service elle-même. Elle fait en outre valoir que ses demandes ne reposent pas uniquement sur ce rapport, mais aussi sur d'autres éléments de preuve.
La SAS Ageclim s'oppose à la demande en paiement de la société SRN Service au titre de l'exception d'inexécution, en soutenant que celle-ci a été défaillante dans l'exécution de ses obligations contractuelles.
Par conclusions transmises le 7 avril 2023, la SARL SRN Service sollicite la confirmation du jugement en toutes ses dispositions et demande à la cour de :
dire et juger la SAS Ageclim irrecevable et mal fondée en ses prétentions, moyens, fins et conclusions et, à tout le moins, mal fondée et l'en débouter,
dire et juger que le rapport d'expertise amiable du 8 juillet 2020 et le PV de constat d'huissier du 19 octobre 2020 lui sont inopposables, reconventionnellement, condamner la SAS Ageclim à lui payer la somme de 7 980 euros au titre de ses factures n° FC 19110073 d'un montant de 4 776 euros TTC et FC 19110074 d'un montant de 3 204 euros TTC, toutes les deux du 29 novembre 2019, avec intérêts au taux légal à compter du jugement du 11 janvier 2022,
à titre subsidiaire, constater l'absence de coût raisonnable des travaux exécutés par la société BPTEC, dont il est sollicité le remboursement,
à titre infiniment subsidiaire, ordonner la compensation entre les créances respectives de parties,
En tout état de cause,
la déclarer recevable et bien fondée en ses prétentions, moyens, fins et conclusions,
déclarer la SAS Ageclim irrecevable et, subsidiairement, mal fondée en l'ensemble de ses prétentions, moyens, fins et conclusions et l'en débouter,
condamner la SAS Ageclim à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l' article 700 du code de procédure civile 06F69E203F9AA39626E4FE9E9D6A2B68,
condamner la SAS Ageclim aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Elle fait valoir que les articles 1221, 1222 et 1792-6 du code civil 9379CF874F3124A04D0444C96E1E4FC0 60662CEC43739D8DF05CA300C041787FB96CD40C5D24D2A47738E8FC59108452 imposent une mise en demeure préalable du débiteur d'exécuter son obligation et affirme que le courrier du 17 novembre 2020 dont la société Ageclim se prévaut n'a pas été suivi d'effet parce qu'il lui est parvenu un an après l'achèvement des travaux en novembre 2019.
Elle conteste que la société Ageclim puisse se prévaloir d'un contrat de sous-traitance à son égard aux motifs qu'elle ne verse pas ledit contrat aux débats, qu'il est impossible de savoir ce à quoi elle s'est engagée, selon quelles conditions, quelles modalités et quel prix et que l'entreprise principale doit obligatoirement demander l'agrément du sous-traitant au maître d'ouvrage.
Elle conclut à l'inopposabilité du rapport d'expertise et du procès-verbal de constat produits par la société Ageclim en soutenant qu'ils n'ont pas été établis dans le respect du contradictoire.
Elle estime qu'aucune présomption de responsabilité ne peut lui être imputée dès lors que la société Ageclim n'est pas maître d'ouvrage, ni acquéreur de l'ouvrage et que l'installation en cause et ses accessoires ne sont pas considérés comme des éléments d'équipement au sens des articles 1792 et suivants du code civil 4799CBF43D8AB9BA88E4AC5AA065A464. Elle affirme par ailleurs qu'aucune faute n'est démontrée à son encontre, ni son imputabilité dans les prétendus désordres.
Elle fait valoir que le rapport d'expertise dont la SAS Ageclim se prévaut évalue le coût des réparations à 5 952 euros TTC et considère que la somme demandée par celle-ci est complètement déraisonnable et disproportionnée.
MOTIFS :
Sur l'existence d'un contrat de sous-traitance :
L'article 1710 du code civil 92E8D4A4066755F49EF67A000197B4F8 dispose : « Le louage d'ouvrage est un contrat par lequel l'une des parties s'engage à faire quelque chose pour l'autre, moyennant un prix convenu entre elles ».
L'article 1er de la loi n 75-1334 du 31 décembre 1975 84AFB2700233D3115D953633AC8E5104 énonce que la sous-traitance est l'opération par laquelle un entrepreneur confie par un sous-traité et sous sa responsabilité à une autre personne appelée sous-traitant tout ou partie de l'exécution d'un contrat d'entreprise ou du marché public conclu avec le maître d'ouvrage.
Aucune disposition législative ou réglementaire n'exige un écrit pour la conclusion du contrat de sous-traitance ni l'agrément du sous-traitant par le maître de l'ouvrage ( Cass., 3e Civ., 17 octobre 2019, pourvoi n° 17-31.611 D399D3334C5B30CAA765D0AE8C202F6A ). La preuve d'un contrat de sous-traitance liant les parties et celle de son contenu peut être rapportée par tout moyen, s'agissant d'un litige entre commerçants.
Le maître d'ouvrage a confié à la société Ageclim la fourniture et la réalisation des ouvrages suivants : frigorifères et accessoires de raccordement, réseau hydraulique, groupe de production d'eau glacée, panoplie hydraulique eau glacée, panoplie hydraulique récupération/dégivrage, armoire et alimentation électrique, raccordement au réseau existant et frigorifères supplémentaires. Ce contrat doit recevoir la qualification de contrat de louage d'ouvrage.
La société Ageclim produit un devis n° BR 19.07.003, daté du 9 juillet 2019 portant la référence « raccordement du groupe aux bouteilles chaud froid et alimentation 6 évaporateurs » et donc des prestations nécessaires à la bonne exécution du contrat d'entreprise conclu entre les sociétés [Adresse 3] et Ageclim, dont la description contractuelle a été précédemment rappelée.
La SARL SRN Service estime qu'il n'est pas possible de déterminer avec qui la société Ageclim a passé ce devis et qu'il s'agit manifestement de la [Adresse 3], mais il ne peut qu'être constaté que l'en-tête de ce devis mentionne le nom et les coordonnées de la SARL SRN Service et que le « client » y est désigné comme le groupe Estair, dont la société Ageclim fait partie ainsi que cela ressort de plusieurs pièces figurant à la procédure.
En outre, la société Ageclim a établi, le 10 juillet 2019, un bon de commande achat destiné à la SARL SRN Service, selon devis n°BR 19.07.003 et mentionnant comme lieu de livraison [Adresse 3].
Par ailleurs, dans une attestation produite par la société Ageclim, le gérant de la [Adresse 3] déclare : « Nous avons acheté à la société TFI-Ageclim une installation de production de froid avec utilisation d'eau glycolée pour le stockage de légumes en juin 2019, l'installation a eu lieu entre août et octobre 2019. Les travaux de canalisation inox ont été réalisés par une entreprise extérieure ».
Il en résulte donc qu'après avoir conclu un contrat d'entreprise avec la [Adresse 3] pour la réfrigération de deux hangars, la SAS Ageclim a confié une partie des travaux nécessaires à la SARL SRN Service, qui doit donc être tenue pour sous-traitant de celle-ci.
Sur la responsabilité du sous-traitant :
Le sous-traitant, lié par un contrat d'entreprise à l'entrepreneur principal, et redevable d'une simple responsabilité contractuelle, est tenu envers lui d'une obligation de résultat emportant présomption de faute et de causalité ( Cass., 3e Civ., 5 juin 2012, pourvoi n° 11-16.104 2C5216B10FAE74C84F527F9982C2FC66 ).
Pour justifier des manquements de son sous-traitant, la SAS Ageclim se prévaut d'un rapport d'expertise établi par l'expert désigné par son assureur responsabilité civile décennale.
Ce rapport ne peut être écarté des débats au seul motif qu'il a été établi unilatéralement et il convient, dès lors qu'il a été versé aux débats et a, ainsi, été soumis à la discussion contradictoire des parties, de déterminer si d'autres éléments de preuve viennent ou non en corroborer les termes.
L'auteur de ce rapport décrit le désordre en ces termes : « En accédant dans les deux cellules de stockage nous constatons les fuites de l'installation au droit des raccords union fournis par l'entreprise SRN ('). Nous constatons également que la cuve d'eau glycolée de 2 000 litres fournie par l'assuré pour compenser les fuites sur le réseau est quasi vide et nécessite une livraison supplémentaire de 1 000 litres le temps des réparations pour ne pas stopper le fonctionnement de l'installation ».
L'expert analyse ainsi les causes du sinistre : « Les fuites de l'installation proviennent de l'ensemble des raccords union fournis par l'entreprise SRN ne supportant pas la différence de température entre les phases de réfrigération avec une eau glycolée à - 8°C et les phases de dégivrage avec une eau à 50°C».
La SAS Ageclim produit un procès-verbal de constat établi par un huissier de justice le 19 octobre 2020. Son caractère non contradictoire ne saurait davantage le faire exclure des débats pour ce seul motif et il peut valablement compléter, le cas échéant, l'expertise extra-judiciaire précitée.
L'huissier de justice explique que la ferme des Hauts Villers dispose de deux zones de stockage réfrigérées aux fins de conservation des denrées alimentaires et qu'au droit de chaque moteur (trois par entrepôt), le sol est mouillé sur une surface d'environ trois mètres par deux.
Dans l'entrepôt A, il a relevé que des gouttes d'eau perlent sur les circuits et moteurs, que les gouttes sont de couleur rosée, la société Ageclim lui déclarant que les circuits de refroidissement sont alimentés par de l'eau glycolée, identifiable par sa couleur rose. Il ajoute que les réseaux en position verticale sont désaxés et que les raccords présentent des marques de soudure, certains ayant été colmatés avec du Téflon.
Dans l'entrepôt B, l'huissier de justice indique que des gouttes s'échappent à intervalle rapprochés du moteur gauche, que des gouttes d'eau de couleur rosée perlent sur les circuits et moteurs, que le coude en partie supérieure est entouré d'un manchon de givre de couleur rosée et qui est en train de fondre, provoquant un flux de gouttes à intervalles rapprochés. Il a encore constaté que les réseaux en position verticale sont désaxés.
Par plusieurs courriers adressés à la SARL SRN Service entre le 22 octobre 2019 et le 13 janvier 2020, la société Ageclim a dénoncé des fuites sur l'installation, mettant en cause les raccords union galvanisés sur les frigorifères et sollicitant son intervention.
Dans l'attestation déjà citée, le gérant de la [Adresse 3] indique : « Peu de temps après la mise en route de l'installation, des fuites d'eau glycolée sont apparues sur différents raccords et vannes inox. Cela provoque un dysfonctionnement de la production, voire l'arrêt total du groupe (') Nous avons demandé à la société TFI-Ageclim d'intervenir pour refaire les canalisations inox au plus vite. Un huissier s'est déplacé pour constater les fuites et les malfaçons ».
La réalité des fuites dénoncées par la société Ageclim est suffisamment établie par l'ensemble de ces éléments clairs et concordants. Ces fuites atteignent le réseau de raccordement dont la réalisation incombait à la société SRN Service en exécution du contrat de sous-traitance et caractérisent donc une exécution défaillante par celle-ci de ses obligations contractuelles.
La société Ageclim n'ayant pas la qualité de maître d'ouvrage, elle ne peut se prévaloir des dispositions des articles 1792 et 1792-6 du code civil 9379CF874F3124A04D0444C96E1E4FC0 4799CBF43D8AB9BA88E4AC5AA065A464 et il convient d'appliquer les articles 1217 et suivants propres à l'inexécution des contrats, dont elle invoque également certaines des dispositions.
L'article 1217 du code civil 17072883ABE026B8BB1EC951206BDACE dispose : « la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut :
- refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation ;
- poursuivre l'exécution forcée en nature de l'obligation ;
- obtenir une réduction du prix ;
- provoquer la résolution du contrat ;
- demander réparation des conséquences de l'inexécution.
Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s'y ajouter ».
Sur la demande d'exécution forcée en nature :
Il résulte de l'article 1222 du code civil 60662CEC43739D8DF05CA300C041787F qu'après mise en demeure, le créancier d'une obligation peut, dans un délai et à un coût raisonnable, faire exécuter lui-même l'obligation ou, sur autorisation préalable du juge, détruire ce qui a été fait en violation de celle-ci. Il peut demander au débiteur le remboursement des sommes engagées à cette fin.
Par lettre du 18 novembre 2020, faisant état de nombreuses fuites apparues au niveau des joints téflons sur le ballon de stockage, les vases d'expansion ainsi que les 6 frigorigènes, l'avocat de la SAS Ageclim a adressé à la SARL SRN Service un procès-verbal de constat d'huissier du 19 octobre 2020 faisant état de fuites et mis celle-ci en demeure de procéder aux travaux de remise en état qui s'imposent dans un délai d'un mois, l'informant qu'à défaut de satisfaire à cette remise en état dans ce délai, sa cliente reprendra toute liberté pour missionner une entreprise tierce afin d'y procéder aux frais de la société SRN Service.
Un accusé de réception du 20 novembre 2020, signé et portant le cachet de la SARL SRN Service est joint.
La SAS Ageclim demande le remboursement du coût de travaux qu'elle a fait réaliser par la société BPTEC, selon devis du 16 décembre 2020 et facture du 21 décembre 2020 au titre d'une « reprise réseau froid alimentation de 6 frigorigènes ' litige [Adresse 3] », pour un montant total TTC de 59 269.20 euros.
La mise en demeure du 20 novembre 2020, intervenue avant la réalisation des travaux, permettait donc à la société SRN Service de s'exécuter volontairement et celle-ci n'est donc pas fondée à soutenir l'absence de mise en demeure valable.
La SARL SRN Service fait observer que le rapport d'expertise extra-judiciaire produit par l'appelante évalue le montant total des dommages à la somme de 5 952 euros TTC, comprenant le remplacement des raccords union pour 3 600 euros TTC et la recharge en eau glycolée pour 2 352 euros TTC.
Dans un projet de protocole d'accord, que seule la SAS Ageclim a signé, il est indiqué que la réparation est évaluée entre les parties à 2 jours de travail, soit environ 3 000 euros HT (3 600 euros TTC), plus fourniture de fluide pour patienter jusqu'à la réparation soit 700 euros HT ou 840 euros TTC et que les frais engagés pour le bon fonctionnement de l'installation sont arrêtés à 2 400 euros HT pour la mise en service, 1 260 euros HT pour la fourniture de fluide, ce qui tend à confirmer l'évaluation faite par l'expert extra-judiciaire.
Selon le devis établi par la société BPTEC pour un prix correspondant à celui de la facture, les travaux que la société Ageclim a fait exécuter, et dont elle demande à présent le remboursement à la société SRN Service, consistent essentiellement dans la vidange du glycol, la dépose du calorifuge, la découpe de tubes sur des frigorifères, la création de piquages avec mise en place de vannes, la fabrication et la mise en place de tuyauteries en inox et la mise en place de vannes process sur l'aller-retour froid et le dégivrage, ainsi que la vérification de l'étanchéité.
Si la société BPTEC précise que pour des raisons de contrainte process froid et de façon à ce que le client (la [Adresse 3]) puisse continuer à produire du froid, l'intervention a dû être réalisée en plusieurs phases, il n'est pas justifié de l'écart entre l'évaluation du coût des travaux par l'expert extra-judiciaire et le montant de la facture de cette société, sauf à comprendre que les travaux ne sont pas identiques.
De fait, le gérant de la société BTPEC indique dans une attestation : « L'installation n'a pas été faite dans les règles de l'art. Le montage des raccords non étanche, les soudures non étanches, la tuyauterie montée en force avec des contre-pentes, les vannes montées dans des endroits où aucune maintenance ne pouvait être effectuée. Nous avons été obligés de démonter l'installation complète et de la refaire, cette installation ne pouvait pas fonctionner correctement. »
Or dans la mise en demeure du 18 novembre 2020, la SAS Ageclim faisait état de nombreuses fuites, mais non des défauts de l'installation relatés dans l'attestation précitée et elle ne démontre pas que la réparation des fuites imposait la réfection complète de l'installation plutôt que le simple remplacement des raccords union préconisé par l'expert extra-judiciaire.
En conséquence, la SAS Ageclim ne peut, sur le fondement de l'article 1222 du code civil, obtenir le paiement de la somme de 59 269.20 euros, qui correspond à des travaux qu'elle n'a pas mis son co-contractant en demeure de réaliser et il convient de limiter l'obligation de rembourser de la SARL SRN Service à la somme totale de 5 952 euros TTC nécessaire au remplacement des raccords union, identifiés comme la cause des fuites dont elle a demandé la réparation.
En conséquence, la SARL SRN Service doit être condamnée à payer à la SAS Ageclim la somme de 5 962 euros TTC, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 14 avril 2021, par application de l'article 1231-6 du code civil. Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il déboute cette dernière de ses demandes.
Sur la réparation du préjudice résultant de l'inexécution contractuelle :
L'article 1231-1 du code civil prévoit que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.
La SAS Ageclim demande la condamnation de la SARL SRN Service à lui payer le coût de son intervention pour la mise en service de l'installation après les travaux effectués par la société BPTEC, selon facture du 5 janvier 2021, de 14 880 euros TTC.
Cette facture correspond à la fourniture de glycol et à la remise en état de l'isolation notamment. Il convient de relever que la société BPTEC indiquait dans son devis que la phase calorifuge n'était pas incluse.
Le changement des raccords union nécessitait, à l'évidence, l'ouverture du circuit et donc une recharge en glycol après les travaux, ainsi qu'une nouvelle mise en service. Les prestations objet de la facture de la SAS Ageclim sont donc la conséquence des désordres imputables aux travaux compris dans la sphère contractuelle sous-traitée à la SARL SRN Service.
En conséquence, la SAS Ageclim est fondée à en demander le paiement à cette dernière et le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur la demande de la société SRN Service en paiement de factures :
L'article 1353 du code civil prévoit que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver et que, réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
La SARL SRN Service réclame le paiement de deux factures d'un total de 7 980 euros, en affirmant que la SAS Ageclim n'a pas réglé la totalité du marché de 79 000 euros, ce que cette dernière conteste en affirmant qu'il s'agit de travaux supplémentaires, que la SARL SRN Service ne prouve pas avoir réalisés.
La société Ageclim produit la liste comptable des virements qu'elle a émis, qui mentionnent deux versements au profit de la SARL SRN Service pour un montant total de 94 800 euros TTC (79 000 euros HT), soit celui du marché initial, qui a donné lieu à deux factures des 25 juillet et 30 octobre 2019.
Les deux factures dont la société SRN Service réclame le paiement sont datées du 29 novembre 2019. La première porte en référence la mention « Modification sur échangeur du groupe » et la seconde, « modification entre ballon 3 000 L et le groupe ».
La date de ces factures, postérieures à celles se rapportant au marché initial et l'emploi du terme « modification » démontrent que les prestations en cause ne correspondent pas aux travaux initiaux, mais à une nouvelle intervention de la société SRN Service sur l'installation déjà réalisée.
Il appartient dès lors à la société SRN Service de prouver l'existence de sa créance en justifiant de l'exécution de ces travaux, que la société Ageclim conteste.
A défaut de ce faire, sa demande doit être rejetée et le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur les autres demandes :
La SAS Ageclim ne rapporte pas la preuve de l'existence d'une faute de la SARL SRN Service qui aurait fait dégénérer en abus le droit dont celle-ci dispose de se défendre en justice. Elle sera donc déboutée de sa demande en paiement de dommages intérêts pour résistance abusive et le jugement sera complété de ce chef.
La SARL SRN Service, partie condamnée, doit supporter les dépens de première instance et d'appel. Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il met les dépens à la charge de la société Ageclim et condamne celle-ci à payer à la société SRN Service une indemnité pour frais irrépétibles, et cette dernière doit être déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
Il est équitable d'allouer à la SAS Ageclim la somme de 3 000 euros sur le fondement du texte précité.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement rendu le 11 janvier 2022 par le tribunal de commerce de Troyes en toutes ses dispositions contestées,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne la SARL SRN Service à payer à la SAS Ageclim la somme de 5 962 euros TTC, outre intérêts au taux légal à compter du 14 avril 2021,
Condamne la SARL SRN Service à payer à la SAS Ageclim la somme de 14 880 euros à titre de dommages intérêts,
Déboute la SARL SRN de sa demande en paiement au titre de factures,
Déboute la SAS Ageclim de sa demande en paiement de dommages intérêts pour résistance abusive,
Condamne la SARL SRN Service à payer à la SAS Ageclim la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute la SARL SRN Service de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SARL SRN Service aux dépens de première instance et d'appel.