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Décisions

CA Lyon, 3e ch. A, 3 octobre 2024, n° 19/03429

LYON

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Sun Cosmetics (SARL)

Défendeur :

Maldonn (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Gonzalez

Conseillers :

Mme Le Gall, Mme Jullien

Avocats :

Me Bron, Me Seigle, Me Souilah

T. com. Lyon, du 8 août 2019, n° 2017j40…

8 août 2019

EXPOSÉ DU LITIGE

La Sarl Maldonn', créée en 2004 et dont le nom commercial est « Sun Institute », a pour activité le commerce de gros inter-entreprises et au détail de matériels et produits dans le domaine de la beauté et notamment des préparations cosmétiques pour le bronzage, maquillage, meubles de maquillages et lotions bronzantes par brumisateur. Elle commercialise notamment un « Kit Sun Institute » composé d'une machine « Diffuseur de bien-être » et d'une lotion bronzante pulvérisée par micro-brumisation « Soin Bonne Mine ».

Elle a employé pendant quatre ans M. [E] [C] en qualité de téléprospecteur, télé-vendeur puis commercial terrain. Il a été licencié le 17 janvier 2013.

La Sarl Sun Cosmetics a été créée par M. [C] en 2014. Elle a développé son activité dans le secteur du commerce de gros, parfumerie et de produits de beauté.

Par acte du 24 février 2017, la société Maldonn' et M. [F] [P], son dirigeant, ont assigné la société Sun Cosmetics et M. [C] devant le tribunal de commerce de Lyon sur le fondement de la concurrence déloyale et du parasitisme afin d'être indemnisés de leur préjudice.

Par jugement contradictoire du 18 avril 2019, le tribunal de commerce de Lyon a :

- retenu sa compétence,

- dit irrecevable l'action de M. [P] pour défaut d'intérêt à agir et a déclaré ce denier irrecevables en ses demandes,

- rejeté la demande de M. [C] d'être mis hors de cause,

- dit qu'il n'y a pas lieu d'écarter du débat les attestations produites en pièces adverses n°8, 9, 32, 35, 36, 41, 42, 43, 47 et 48,

- dit que la production de la lettre de licenciement et de l'attestation Pôle emploi ne constitue pas une déloyauté procédurale,

- dit recevables à titre de preuve la lettre de licenciement et l'attestation Pôle emploi,

- rejeté la demande de surseoir à statuer dans l'attente de l'ouverture d'une enquête préliminaire du parquet au regard des faits reprochés par la société Sun Cosmetics,

- rejeté la demande de production forcée des grands livres, des bilans et des comptes de résultat de la société pour les exercices 2014, 2015 et 2016 formée par la société Sun Cosmetics et de M. [C],

- rejeté la demande de production forcée du registre des entrées et de sortie du personnel formée par la société Cosmetics et de M. [C],

- rejeté l'ensemble des autres demandes de la société Sun Cosmetics et M. [C],

- dit que la société Sun Cosmetics et M. [C] sont coupables d'interventions fautives sur le marché constitutif de concurrence déloyale et de parasitisme,

- dit que les fautes de la société Sun Cosmetics et M. [C] ont engendré des préjudices matériels et financiers directs à la société Maldonn',

- condamné solidairement la société Sun Cosmetics et M. [C] à payer à la société Maldonn la somme de 347.700 euros de dommages-intérêts pour détournement de clientèle,

- débouté la société Maldonn du surplus de ses demandes indemnitaires,

- interdit à la société Sun Cosmetics et M. [C] :

d'utiliser l'argumentaire de vente et les termes développés par la société Maldonn,

de reprendre les machines de la société Maldonn et de les revendre,

de formuler des propos dénigrants à l'égard de la société Maldonn et/ou de M. [P] et des produits commercialisés,

le tout sous peine de devoir verser la somme de 10.000 euros par infractions constatées,

- ordonné la publication du jugement à intervenir aux frais solidaires de la société Sun Cosmetics et de M. [C] dans deux journaux ou revues au choix de la société Maldonn, ainsi que sur la page d'accueil du site internet de Maldonn nom,

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement,

- condamné solidairement la société Sun Cosmetics et M. [C] à payer à la société Maldonn la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné solidairement la société Sun Cosmetics et M. [C] aux entiers dépens de l'instance.

M. [C] et la société Sun Cosmetics ont interjeté appel par acte du 15 mai 2019 à l'encontre de la société Maldonn'. L'affaire a été enregistrée sous le n° RG 19/03429. M. [P] a interjeté appel par acte du 24 mai 2019 à l'encontre de M. [C] et de la société Sun Cosmetics. L'affaire a été enregistrée sous le n° RG 19/03627. Par ordonnance du 10 mars 2020, le conseiller chargé de la mise en état de la cour d'appel de Lyon a ordonné la jonction des procédures n° RG 19/03627 et n° RG 19/03429 sous le numéro 19/03429.

Par jugement du 8 août 2019, le tribunal de commerce de Lyon a ouvert une procédure de sauvegarde au bénéfice de la société Sun Cosmetics. Par courrier du 26 septembre 2019, la société Maldonn a déclaré sa créance au passif de la société Sun Cosmetics. Par jugement du 1er décembre 2020, le tribunal de commerce de Lyon a adopté le plan de sauvegarde de la société Sun Cosmetics. Par jugement du 19 décembre 2019, le tribunal de commerce de Lyon a désigné la Selarlu [J], représentée par Me [W] [J], en qualité de mandataire judiciaire de la société Sun Cosmetics en lieu et place de Me [I].

***

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 24 mai 2021 fondées sur les articles 564 et 910-4 du code de procédure civile, les articles L. 223-22 et L. 622-22 et suivants du code de commerce et l'article 1240 du code civil, M. [C] et la société Sun Cosmetics demandent à la cour de, rejetant toutes demandes, fins, moyens et conclusions contraires :

- déclarer recevable et bien-fondé l'intervention de Me [I], ès-qualités de mandataire judiciaire de la société Sun Cosmetics,

Sur l'appel principal de M. [P] [RG n°19/034627],

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré irrecevable les demandes de M. [P],

dans tous les cas,

- débouter M. [P] de ses demandes irrecevables,

- subsidiairement, en cas de réformation sur ce point, débouter M. [P] de ses demandes infondées,

- condamner M. [P] à leur payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens d'instance,

Sur leur appel principal [RG n°19/03429],

- réformer le jugement déféré en ce qu'il a :

rejeté la demande de M. [C] d'être mis hors de cause,

rejeté l'ensemble de leurs autres demandes,

dit qu'ils sont coupables d'interventions fautives sur le marché constitutif de concurrence déloyale et de parasitisme,

dit que leurs fautes ont engendré des préjudices matériels et financiers directs à la société Maldonn nom commercial Sun Institute,

les a condamnés solidairement à payer à la société Maldonn la somme de 347.700 euros de dommages-intérêts pour détournement de clientèle,

les a interdits :

d'utiliser l'argumentaire de vente et les termes développés par la société Maldonn,

de reprendre les machines de la société Maldonn et de les revendre,

de formuler des propos dénigrants à l'égard de la société Maldonn et/ou de M. [P] et des produits commercialisés,

le tout sous peine de devoir verser la somme de 10.000 euros par infractions constatées,

ordonné la publication du jugement à intervenir à leurs frais solidaires dans deux journaux ou revues au choix de la société Maldonn, ainsi que sur la page d'accueil du site internet de Maldonn nom,

ordonné l'exécution provisoire du présent jugement,

les a condamnés solidairement à payer à la société Maldonn la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

les a condamnés solidairement aux entiers dépens de l'instance,

Statuant à nouveau de ces chefs,

1°/ à titre principal,

- débouter la société Maldonn et M. [P] de leurs demandes de condamnation de M. [C] en l'absence de commission par lui de fautes détachables de ses fonctions de gérant,

dans tous les cas,

- débouter la société Maldonn et M. [P] de leurs demandes de condamnation à leur égard en l'absence de concurrence déloyale, de préjudice et de lien de causalité,

- débouter la société Maldonn de toutes ses demandes et demandes incidentes,

- prononcer l'irrecevabilité et subsidiairement rejeter la demande nouvelle en cause d'appel, formulée pour la première fois aux termes des conclusions adverses n°3, de la société Maldonn qui sollicite leur condamnation solidaire à lui payer 200.000 euros de dommages-intérêts supplémentaires pour détournement de clientèle et perte de marge commerciale sur le chiffre d'affaires pour les exercices postérieurs ainsi que pour les infractions au jugement de première instance,

2°/ subsidiairement,

- si par extraordinaire la cour considérait que la société Maldonn démontre avoir subi un préjudice compte-tenu des faits qui leur sont reprochés, condamner la société Maldonn à indemniser le préjudice subi par la société Sun Cosmetics du fait du dénigrement à l'initiative de la société Maldonn au même montant et ordonner la compensation, fixer pour ce faire au besoin la créance de la société Maldonn au passif de la société Sun Cosmetics et rejeter en conséquence toute demande de condamnation pécuniaire en raison de la procédure de sauvegarde dont bénéficie la société Sun Cosmetics et de l'interdiction de paiement d'une créance antérieure,

- rejeter la demande de la société Maldonn et de M. [P] en ce que M. [C] ne pourrait pas se prévaloir des dispositions de l'article L.622-28 du code de commerce,

Dans tous les cas,

- condamner la société Maldonn à leur payer la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Maldonn aux entiers dépens d'instance.

***

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 20 mai 2021, la société Maldonn' et M. [P] demandent à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

rejeté la demande de M. [C] d'être mis hors de cause,

rejeté l'ensemble des autres demandes de la société Sun Cosmetics et M. [C],

dit que la société Sun Cosmetics et M. [C] sont coupables d'interventions fautives sur le marché constitutif de concurrence déloyale et de parasitisme,

dit que les fautes de la société Sun Cosmetics et M. [C] ont engendré des préjudices matériels et financiers directs à la société Maldonn nom commercial Sun Institute,

condamné solidairement la société Sun Cosmetics et M. [C] à payer à la société Maldonn la somme de 347.700 euros de dommages-intérêts pour détournement de clientèle,

interdit à la société Sun Cosmetics et M. [C] :

d'utiliser l'argumentaire de vente et les termes développés par la société Maldonn,

de reprendre les machines de la société Maldonn nomet de les revendre,

de formuler des propos dénigrants à l'égard de la société Maldonn et/ou de M. [P] et des produits commercialisés,

le tout sous peine de devoir verser la somme de 10.000 euros par infractions constatées,

ordonné la publication du jugement à intervenir aux frais solidaires de la société Sun Cosmetics et de M. [C] dans deux journaux ou revues au choix de la société Maldonn nom commercial Sun Institute, ainsi que sur la page d'accueil du site internet de Maldonn nom commercial Sun Institute,

condamné solidairement la société Sun Cosmetics et M. [C] à payer à la société Maldonn la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et les a solidairement condamnés aux entiers dépens de l'instance,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

dit irrecevable l'action de M. [P] pour défaut d'intérêt à agir, et déclaré ce dernier irrecevable en ses demandes,

débouté la société Maldonn du surplus de ses demandes indemnitaires,

Le réformant,

- déclarer M. [P] recevable en son action et ses demandes,

- juger que les fautes de la société Sun Cosmetics et M. [C] ont engendré des préjudices matériels et financiers directs très importants à la société Maldonn « Sun Institute » et à M. [P],

- condamner solidairement la société Sun Cosmetics et M. [C] à verser à M. [P] la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts en indemnisation des préjudices subis,

- condamner solidairement la société Sun Cosmetics et M. [C] à verser à la société Maldonn « Sun Institute » les sommes de :

152.300 euros de dommages-intérêts pour détournement de clientèle et perte de marge commerciale sur chiffre d'affaires de l'année 2013 à l'année 2015 (correspondant à la différence entre la demande initiale à hauteur de 500.000 euros et la somme allouée en première instance à hauteur de 347.700 euros),

200.000 euros de dommages-intérêts supplémentaires pour détournement de clientèle et perte de marge commerciale sur chiffre d'affaires pour les exercices postérieurs, ainsi que pour les infractions au jugement de première instance,

70.000 euros de dommages-intérêts pour perte du marché en Espagne,

300.000 euros de dommages-intérêts pour perte de marge commerciale sur chiffre d'affaires en Espagne,

200.000 euros de dommages-intérêts pour trouble commercial et appropriation fautive de son savoir-faire,

200.000 euros de dommages-intérêts pour les investissements qu'elle avait engagés et qui ont été détournés par le parasitisme de la société Sun Cosmetics et de M. [C],

100.000 euros de dommages-intérêts en réparation de l'atteinte à son image de marque et sa réputation,

- fixer la créance de la société Maldonn et de M. [P] au passif de la société Sun Cosmetics,

- ordonner la publication de l'arrêt à intervenir aux frais solidaires de la société Sun Cosmetics et de M. [C], sur le site internet de Sun Cosmetics,

- condamner M. [C] au paiement des sommes susvisées sans que celui-ci ne puisse se prévaloir des dispositions des articles L 622-28 et L 626-11 du code de commerce,

Pour le surplus,

- rejeter la demande formulée à titre subsidiaire par la société Sun Cosmetics,

- condamner solidairement la société Sun Cosmetics et M. [C] à verser à la société Maldonn et à M. [P] une indemnité supplémentaire de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les mêmes aux entiers dépens de la présente instance.

* * *

La procédure a été clôturée par ordonnance du 27 mai 2021, les débats étant fixés au 18 octobre 2023.

Il n'a pas été fait droit par le conseiller de la mise en état à une demande de réouverture des débats présentée par les appelants le 12 octobre 2023 en raison de faits nouveaux imputés aux intimés.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité des demandes de M. [P]

M. [C] et la société Sun Cosmetics font valoir que la recevabilité de l'action en responsabilité engagée par un associé à l'encontre d'un cocontractant de la société est subordonnée à l'allégation d'un préjudice personnel et distinct de celui qui pourrait être subi par la société elle-même, qu'aucune action en contrefaçon au titre de la marque Sun Institute n'a été engagée, de sorte que la qualité de M. [P] de propriétaire de cette marque est indifférente, qu'ils n'ont pas dénigré M. [P], ce qu'a jugé le conseil des prud'hommes de Lyon, à titre subsidiaire, que M. [P] ne justifie pas de sa demande de dommages-intérêts.

M. [P] réplique qu'il justifie bien de la qualité et d'un intérêt légitime à agir contre M. [C] et la société Sun Cosmetics en tant qu'associé fondateur unique de la société Maldonn' et propriétaire de la marque Sun Institute puisque les actes de dénigrement l'atteignent personnellement jusque dans son identité et qu'il a subi un préjudice moral et financier, que l'interdiction des propos de dénigrement à l'encontre de M. [P] atteste de son préjudice distinct et qu'il a fait l'objet de deux plaintes classées sans suite de la part de M. [C].

Sur ce,

En droit, le dirigeant de société est recevable à agir aux côtés de la société s'il peut se prévaloir d'un préjudice personnel distinct de celui de sa société.

En l'espèce, M. [P] se prévaut de plusieurs préjudices qu'il estime avoir personnellement subis du fait des actes reprochés à ses adversaires. Il dispose dès lors d'un intérêt à agir à l'encontre des appelants, cet intérêt à agir ne devant pas se confondre avec le bien fondé de ses prétentions qui sera évoqué infra dans le débat au fond.

En conséquence, le jugement est infirmé en ce qu'il a déclaré M. [P] irrecevable à agir.

Sur la demande préalable de mise hors de cause de M. [C]

M. [C] soutient qu'il n'a pas commis de faute séparable de ses fonctions de gérant ; que les actes accomplis avant l'immatriculation sont réputés avoir été souscrits dès l'origine par la société dans l'intérêt de son lancement. Il affirme qu'il n'a pas commis d'actes de concurrence déloyale avant la constitution de sa société, ni en sollicitant le laboratoire élaborant la lotion, ni en réglant ses factures, qu'il n'a pas commis de concurrence déloyale par la constitution de la société Sun Cosmetics, en l'absence de clause de non-concurrence alors que la clientèle des deux sociétés est distincte, ni après la constitution de sa société les faits puisque les faits allégués sont conformes à la pratique commerciale habituelle et ne sont pas détachables des fonctions de gérant. Il estime subsidiairement, devoir bénéficier en tant que coobligé judiciaire de l'exception de l'arrêt des poursuites issu de l'article L.622-28 alinéa 2 du code de commerce.

La société Maldonn' et M. [P] répliquent que M. [C] a, en tant que gérant et associé fondateur unique, personnellement commis des fautes intentionnelles d'une particulière gravité incompatibles avec l'exercice normal de ses fonctions et qui constituent des actes de concurrence déloyale de dénigrement, de copie du produit, de création d'une confusion et la revente des machines de la société Maldonn' d'occasion ; sa qualité de gérant n'a pas à être prise en compte et sa responsabilité personnelle est engagée, alors qu'il a commis ces fautes avant même la création de la société Sun Cosmetics, et dans une telle situation de 'coobligé délictuel', il n'y a pas lieu de protéger la personne physique condamnée solidairement avec le débiteur personne morale ; il ne partage pas la dette de la société Sun Cosmetics car il a individuellement été condamné au paiement de dommages et intérêts et il est débiteur adjoint.

Sur ce,

Les intimés évoquent dans leurs conclusions divers faits imputés personnellement à M. [C], notamment avant la création de sa société, et qui seraient distincts de ceux imputés à sa société.

Les faits qui lui sont personnellement reprochés seront examinés successivement en même temps que ceux reprochés à sa société dans le cadre du débat au fond de sorte qu'aucune mise hors de cause préalable ne peut intervenir contrairement à ce qui a été retenu en première instance.

Sur les actes de concurrence déloyale et de parasitisme

M. [C] et la société Sun Cosmetics soutiennent que :

- la charge de la preuve incombe à celui qui s'en prétend victime, ne repose pas sur une présomption de responsabilité et ne peut être établie par un faisceau de présomptions,

* sur la confusion, la 'reproduction' d'une lotion bronzante est licite, les lotions bronzantes ne sont protégées par aucun brevet ; la société Maldonn ne peut pas se prévaloir d'un savoir-faire spécifique ; la composition du produit de la société Sun Cosmetics est différente de sorte qu'il ne s'agit pas d'une copie,

- l'appellation 'soin bonne mine' n'est pas protégée ; nombre de produits s'appellent ainsi en totalité ou partiellement ; c'est un terme générique, banal et dépourvu d'originalité ; la qualité du référencement sur Google de la société Sun Cosmetics est indifférente,

- la machine de la société Maldonn est différente de la machine commercialisée par la société Sun Cosmetics, de sorte qu'aucune confusion n'a pu être organisée,

- sur la dénomination Sun Cosmetics et le nom commercial 'Sun Institute', il ne peut pas y avoir de confusion entre les termes 'institute' et 'cosmetics', surtout pour des clients professionnels ; ces termes sont banalement employés et différents ; l'usage des termes 'sun' et 'institute' dans les marques du secteur est très courant ; les factures et devis des deux sociétés sont établis au nom de leur société émettrice ; la société Maldonn n'a pas reproché dans une autre procédure à la société Sun Esthétique l'emploi des mots 'sun' et 'esthétique' ; aucune confusion sur les réseaux sociaux,

- les attestations de salariés de la société Maldonn évoquant une confusion par les clients lors d'échanges téléphoniques sont des preuves à soi-même, et s'agissant des documents commerciaux, les termes employés sont génériques et utilisés par l'ensemble des concurrents du secteur ; les slogans et graphismes sont différents ; de surcroît, une idée publicitaire n'est pas protégeable et M. [C], ancien salarié, peut utiliser les connaissances acquises lors de formations dispensées par son ancien employeur, sans déloyauté, surtout lorsque son contrat ne comportait aucune clause de non-concurrence,

- les techniques commerciales employées ne sont pas susceptibles d'entraîner une confusion dès lors qu'elles s'appliquent à l'ensemble des acteurs du marché ; les formules proposées sont différentes de celles de la société Maldonn,

- s'agissant du marché espagnol, aucune confusion n'a pu avoir lieu entre communication en français et une communication qui aurait été nécessairement en espagnol,

* sur le dénigrement, les attestations adverses produites pour les besoins de la cause et la retranscription d'une conversation téléphonique sont insuffisantes à l'établir, une procédure pénale les oppose aux attestants qui ne sont qu'une quantité négligeable des 7.000 clients de la société Maldonn ; le jugement du conseil de prud'hommes du 24 juin 2019 devenu définitif n'a pas été trompé par leur absence de caractère probant ; en outre, ils produisent des attestations contraires confirmant l'absence de dénigrement,

* sur la désorganisation :

- la société Maldonn ne justifie pas d'un détournement de clientèle alors que la preuve lui incombe ; elle refuse de produire ses documents comptables qui permettraient d'établir un détournement,

- ni la clientèle ni le personnel de la société Maldonn n'ont été détournés ; un seul client visité par M. [C] pour son ancien employeur est devenu client de la société Sun Cosmetics ; en ce sens ils produisent un constat d'huissier de comparaison des factures,

- la reprise des anciennes machines par le vendeur de matériel est une pratique commerciale habituelle qui ne peut pas être constitutive d'une désorganisation d'une entreprise concurrente ; de surcroît, seules 4 ventes isolées sont concernées,

- concernant l'attestation de Mme [N], ils rappellent qu'elle est en conflit avec la société Sun Cosmetics après avoir été son agent commercial,

* sur le parasitisme, la lotion commercialisée appliquée par brumisateur n'est pas constitutive d'un savoir-faire spécifique de la société Maldonn ; la formule de la lotion et les machines sont différentes ; il n'y a pas eu de désorganisation notamment par reprise de clientèle déjà prospectée par M. [C] pour son précédent employeur.

La société Maldonn' et M. [P] répliquent que :

* les appelants ont créé une confusion par la similitude de la dénomination sociale, du slogan, utilisant le même argumentaire commercial et les mêmes termes marketing précis et particuliers ; conscients de leurs fautes, ils ont modifié leurs documents publicitaires ensuite des procédures,

- l'absence de reproches envers une autre société, Sun Esthétique, s'explique par l'absence d'autres actes de concurrence déloyale,

- les appelants ont copié la formule de la lotion 'soin bonne mine', aux propriétés uniques nécessitant d'importants efforts de recherche et développement ; le même nom a été réemployé ; le caractère générique du nom est indifférent ; la façon de l'administrer est la-même ; le kit proposé est lui-même identique,

- la société Sun Cosmetics s'est même fait passer à plusieurs reprises pour la société Maldonn en profitant de sa notoriété pour obtenir des rendez-vous ou réaliser des ventes, témoignant de la volonté de créer une confusion,

- l'existence d'une confusion dans l'esprit de la clientèle est démontrée par les enregistrements téléphoniques produits suite à des appels spontanés ; la propagation de la confusion est aggravée par les sites d'emploi et les réseaux sociaux ; la qualité de professionnel des clients ne fait pas obstacle à leur confusion,

- l'absence de clause de non concurrence est indifférente car c'est la déloyauté qui est sanctionnée,

- le tribunal de commerce n'a pas caractérisé la concurrence déloyale par un 'faisceau de présomption de faute' mais une addition de faits qui isolément sont tous constitutifs de concurrence déloyale ; d'où un parfait mimétisme également constitutif d'une concurrence déloyale,

* sur le dénigrement, les attestations sont probantes et la cour d'appel n'est pas tenue par l'appréciation du conseil des prud'hommes ; les appelants ont dénigré la société Maldonn dans leurs arguments de vente, excédant largement les limites de la simple critique notamment par des mensonges auprès de clients et prospects ; ces dénigrements ont été réalisés dans l'unique but de porter atteinte aux produits développés par la société, son image de marque, sa réputation et pour détourner sa clientèle,

* la désorganisation, résulte des imitations des démarches et argumentaires commerciaux particuliers de la société Maldonn appropriés fautivement par M. [C] ; cette appropriation fautive est attestée par la marge brute de plus de 80% de la société Sun Cosmetics et son absence d'investissement ; M. [C] n'avait pas participé à l'élaboration des techniques de vente qu'il s'est approprié,

- les société Sun Cosmetics et M. [C] proposent de reprendre auprès des clients les machines de la société Maldonn ; M. [C] a ensuite revendu sur le site interne 'Le Bon Coin', sous une fausse identité, les machines reprises, ce qui caractérise entre autres agissements sa déloyauté commerciale ; or, la société Maldonn est opposée à toute commercialisation sur internet, pour préserver sa réputation,

- M. [C] admet avoir conservé et utilisé les fiches de son ancien employeur, ce qui est déloyal et fautif,

- ces agissements de confusion, dénigrement et parasitisme l'ont désorganisée en trompant et détournant des clients, faussant le jeu de la concurrence,

- malgré la condamnation en première instance et l'exécution provisoire, la société Sun Cosmetics et M. [C] n'ont pas cessé leurs agissement fautifs,

* sur le parasitisme, M. [C] a tiré profit de la notoriété de la société Maldonn pour créer une société avec une dénomination sociale similaire, M. [C] et la société Sun Cosmetics ont créé de nombreuses confusions dans l'esprit de la clientèle et des prospects ; ils se sont immiscés dans le sillage de la société Maldonn afin de tirer profit de ses efforts, notoriété, savoir-faire, recherches et développements, sans avoir à fournir aucun effort ou investissement ; M. [C] a tiré profit de son passage chez la société Maldonn pour copier la lotion vendue, l'argumentaire, les stratégies et techniques commerciales, et probablement copier le fichier client ; ces agissements sont constitutifs de parasitisme.

Sur ce,

L'article 1240 du code civil dispose que 'Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.'

Constituent notamment des actes de concurrence déloyale pouvant donner lieu à application de ces dispositions la confusion, le parasitisme, la désorganisation ou le dénigrement.

Il convient de reprendre successivement tous les griefs imputés aux appelants pour déterminer s'ils constituent de tels actes, étant rappelé que le principe est la liberté du commerce et de la libre concurrence mais que la recherche d'une clientèle ne peut cependant pas être à l'origine d'un comportement déloyal.

- la confusion entraînant un détournement de clientèle

En vertu du principe de la liberté du commerce et de la libre concurrence, il n'existe pas de droit privatif sur les clients et le démarchage est licite, sauf s'il est accompagné de procédés déloyaux. Notamment, le démarchage peut revêtir un caractère illicite lorsqu'un ancien salarié, sous couvert de la société concurrente créée par lui, utilise les travaux et l'expérience technique de son ancien employeur en reproduisant les produits presque à l'identique aux fins de s'approprier sa clientèle, s'il se présente faussement aux clients potentiels pour semer la confusion dans leur esprit ou lorsqu'il annonce de manière mensongère qu'un concurrent a cessé son activité ou a détourné ses produits.

De tels agissements déloyaux ne sont pas exonérés par l'absence de droits de propriété intellectuelle ni par l'absence de clause de non-concurrence dans le contrat de travail de l'ancien salarié de sorte que ces moyens sont d'ores et déjà inopérants, les prétentions de l'intimée devant être examinées au regard des dispositions de l'article 1240 du code civil.

Il est constant que la société Maldonn' créée en 2004 a pour nom commercial 'Sun Institute', seul nom utilisé dans la commercialisation des produits sur les différents supports publicitaires versés aux débats de sorte que cette société est connue de ses prospects sous ce nom commercial. Elle a notamment protégé ce nom commercial dans un litige avec une société Sun Esthétique qui l'utilisait.

M. [C] a dénommé sa société 'Sun Cosmetics', terme proche de celui utilisé par son ancienne société en ce qu'il utilise un premier terme similaire.

Ensuite, la pièce 29 de l'intimée qui est un bordereau de communication de pièces transmises par les appelants dans le cadre d'une procédure correctionnelle devant le tribunal de Lyon mentionne 'échanges de courriels entre le laboratoire Strand cosmetics Europe et M. [E] [C] au sujet d'un approvisionnement en lotions activatrices de bronzage et preuve que M. [C] souhaitait une copie du produit sun institute (contenant un activateur de mélanine)', ce qui établit sans ambiguïté la volonté de copier le produit développé par le concurrent. Il a été ensuite été demandé au laboratoire Alpol d'améliorer la formule initiale du produit pour qu'il soit identique (En texture, odeurs) à la formule du produit Sun Institute. Les écarts qui pourraient exister entre les produits dans leur composition ne réfutent pas cette volonté de copier.

Par ailleurs, les termes employés dans l'argumentaire de vente de Sun Cosmetics comportent les formules suivantes : 'soin bonne mine, les bienfaits du soleil sans les dangers, activateur de mélanine, respecte la pigmentation de votre peau, hâle naturel instantané, oubliez les teints orange d'un vulgaire auto-bronzant, apéro'sun' et 'formulé sous contrôle pharmaceutique, n'entame pas le capital solaire, principaux actifs d'origine végétale, sans parfum, sèche instantanément, sans parabènes'. En pièces 6.1 à 6.13, l'intimée démontre l'emploi de formules similaires dans les dépliants et autres supports publicitaires. Il n'est nullement prouvé par M. [C] qu'il serait à l'origine de telles formulations chez son employeur précédent. L'utilisation du soin est également la même via un appareil de brumisation.

Les références d'autres produits présents sur le marché données par les appelants ne confirment pas que ces caractéristiques susvisées puissent caractériser une catégorie de produits communs à la concurrence. L'affirmation selon laquelle l'intimée bénéficierait d'un bon référencement est sans offre de preuve et inopérante.

Les pièces 30bis et 30 ter démontrent l'utilisation d'une trame de téléprospection mise au point par sun institute et les pièces 7, 32 et 32bis révèlent la reprise d'arguments de vente comme 'l'apéro sun'.

Le procès-verbal de constat (p31) d'huissier que rien ne permet de qualifier de manoeuvre retrace 29 enregistrements d'appels entrants de clientes illustrant que des dernières ont acquis le matériel adverse en étant persuadées qu'il s'agissait de matériels Sun institute. Certaines ont confirmé par attestations.

Ceci établit, contrairement à ce qu'affirment les intimés, l'existence d'une équivoque entre les deux sociétés. Des enregistrements révèlent clairement que certaines clientes croyaient en l'existence d'une société unique, ou d'un groupe de sociétés.

Il est donc démontré que les clientes font l'amalgame entre les deux sociétés (pièces 33 et 34) et que d'autres contactent Sun institute pour se plaindre notamment de la qualité du matériel de Sun Cosmetics.

Les intimés produisent en pièce 18 une attestation du gérant de la société Aircom indiquant avoir été contacté en juin 2013 par un dénommé [B] [Y] se présentant comme un représentant d'une entreprise française aux fins de fabrication d'un modèle de compresseur très similaire à celui fabriqué pour Sun intitute, ce qu'il a refusé.

La modification par la société Sun Cosmetics de ses prospectus suite à la délivrance de l'assignation (p24-3 intimés) confirme la volonté de confusion.

Il résulte de tout ce qui précède que des actes positifs de concurrence déloyale sont établis par l'imitation de signes distinctifs et de l'argumentaire commercial et que la société Sun Cosmetics a effectivement créé par tous ses agissements une confusion dans l'esprit de la clientèle et des différents partenaires aux fins de détournement de la clientèle de l'intimée.

- le dénigrement

Le dénigrement consiste à jeter publiquement le discrédit sur une personne, un produit ou un service identifié ou identifiable par la clientèle, de manière distincte d'une critique admissible en ce qu'il émane d'un acteur économique, notamment lorsqu'il exerce sur un marché similaire, et qui cherche ainsi à bénéficier d'un avantage concurrentiel. Ce dénigrement peut prendre la forme de propos néfastes sur la qualité des produits, le rapport qualité-prix, leur caractère illicite.

Les intimés se prévalent de témoignages et notamment :

- de l'attestation de la responsable de la Sarl Institut Marine indiquant avoir été mécontente du produit de Sun Cosmetics,

- de l'attestation de Mme [H], esthéticienne, relatant le dénigrement de Sun Institute par M. [A] de Sun Cosmatics,

- de pièces révélant que le représentant de Sun Cosmetics a affirmé être une extension de Sun Institute, ou nié l'existence de cette dernière, ou lui a imputé de l'avoir copiée, ou a dénigré la qualité de ses produits, et enfin, a proposé une réduction du prix d'achat de son kit sur présentation d'une facture de son concurrent ou la reprise de la machine Sun Institute

Le fait que des témoins aient pu être parties civiles dans une instance correctionnelle pour des faits de tromperie ne rend pas ces témoignages qui donnent connaissance de faits, discutables.

La production par les appelants de se prévaloir d'un témoignage affirmant l'absence de propos dénigrants n'est pas de nature à remettre en cause les témoignages susvisés. Il en est de mêmes de messages négatifs sur Sun institute.

Les différentes pièces visées par les intimées dans leurs conclusions et notamment des attestations de clients révèlent donc sans ambiguïté que les représentants de Sun cosmetics ont effectivement dénigré les produits de leur concurrent.

- la désorganisation

Elle se caractérise par l'emploi de procédés ayant pour finalité ou effet de désorganiser l'entreprise concurrente.

En l'espèce, l'intimée met à nouveau en avant l'utilisation par Sun cosmetics des mêmes formulations, et du même argumentaire commercial, utilisés par elle depuis une quinzaine d'année, les reventes sur internet sous une fausse identité des machines de la concluante, la proposition de vente du matériel Sun Consmétics contre reprise de celui de Sun Institute avec remise commerciale alors qu'elle interdit une telle revente, d'où des taux de marge brute très élevés pour Sun Cosmetics et l'absence de frais d'investissement.

Il résulte de la pièce 31 (n° 5 et 6) que l'appelante a proposé à des clients la reprise de la machine Sun Institute pour vendre les siennes ; les pièces 37 à 40, 41 à 43 que rien ne permet de qualifier de douteuses établissent également la vente sur 'le bon coin' des machines récupérées, en usant notamment d'une fausse signature. Les pièces 64 et 64 bis confirment la persistance de ces pratiques. Il est relevé que les conditions générales de vente de l'intimée prohibent par ailleurs la revente de ses produits et matériels via internet.

Les fichiers clients présentés par l'appelante ne peuvent par contre emporter la conviction de la cour en raison des doutes planant sur leurs conditions d'établissement.

L'ensemble des pratiques susvisées constituent des agissements déloyaux entraînant la désorganisation de l'entreprise victime des agissements.

- les actes de parasitisme

Le parasitisme est défini par la jurisprudence comme l'ensemble des comportements par lesquels un agent économique s'immisce dans le sillage d'un autre afin de tirer profit de ses efforts et de son savoir-faire et/ou de sa notoriété sans engager lui-même de dépenses. Ces comportements relèvent le plus souvent de la copie servile d'un produit ou service et permet notamment de protéger des biens ne bénéficiant pas d'une protection au titre d'un droit de propriété industrielle.

L'action sur ce fondement implique de démontrer l'existence d'une valeur économique réelle (preuve notamment d'investissements).

En l'espèce, l'intimée, pour soutenir que M. [C] a tiré profit de sa notoriété, se prévaut de la dénomination sociale similaire, de la copie du soin bonne mine, de l'argumentaire téléphonique et commercial, de la stratégie, de l'absence d'investissement adverse.

Cependant, les pièces 6.4 et 24.1 visées expressément dans les conclusions d'intimée et constituées de dépliants sur le soin bonne mine sun institute sont insuffisante à caractériser cette valeur économique. Ces éléments sont insuffisants à caractériser les actes de parasitisme dénoncés qui se sont pas retenus, le jugement étant infirmé sur ce point.

Sur les préjudices de la société Maldonn' et de M. [P]

M. [C] et la société Sun Cosmetics font valoir que :

- la société Maldonn ne produit pas ses comptes, ni les pièces ayant permis à son expert-comptable d'attester, de sorte que l'attestation n'a pas de valeur probante ; concernant les seuls comptes publiés, le chiffre d'affaires de la société Maldonn a augmenté ; la société Maldonn ne justifie pas du préjudice allégué,

- il n'y a pas de lien de causalité entre le préjudice allégué et la prétendue faute de la société Sun Cosmetics ; la différence entre son chiffre d'affaires et la baisse de chiffre d'affaires invoquée par la société Maldonn est telle que la cause ne peut pas être la concurrence de la société Sun Cosmetics, mais la politique commerciale de la société Maldonn et de M. [P],

- le rapport non contradictoire et partial de M. [M] n'a pas de force probante, reposant sur des contradictions, suppositions répétées et faux éléments ; le rapport lui-même admet l'impossibilité d'être sérieux et précis sans la communication de la comptabilité de la société,

- l'absence de faute de leur part, de préjudice de la société Maldonn et de lien de causalité fait obstacle à la demande en réparation à hauteur de 152.300 euros pour détournement de clientèle et perte de marge commerciale sur chiffre d'affaires,

- l'absence de confusion fait obstacle à la demande en réparation pour perte de marché en Espagne, pour perte de marge commerciale sur chiffre d'affaires subi en Espagne pas plus que la marge commerciale ; ils sont étrangers au refus du partenaire local de signer un contrat de distribution,

- la réparation au titre du trouble commercial et appropriation fautive du savoir-faire, et la réparation pour le détournement des investissement engagés par parasitisme, doivent être rejetées en l'absence d'appropriation fautive ou de parasitisme,

- la demande de condamnation solidaire pour détournement de clientèle, perte de marge commerciale pour les exercices postérieurs et infractions au jugement de première instance est une demande nouvelle en cause d'appel donc irrecevable ; la demande est infondée ; enfin, le montant n'est pas justifié.

La société Maldonn' et M. [P] répliquent que :

- les faits de concurrence déloyale impliquent nécessairement l'existence d'un préjudice et d'un lien de causalité,

- la société Maldonn a subi un préjudice de perte de chiffre d'affaires pour la vente de ses kits, conséquence directe du détournement de clientèle, accentué par le dénigrement et la confusion suscitée auprès des clients faisant l'amalgame entre les deux sociétés, souvent déçus par la société Sun Cosmetics,

- le préjudice subi sur les ventes de réassort de la lotion n'est pas significatif,

- les comptes sont déposés de façon régulière, avec une déclaration de confidentialité compte tenu des vols et détournements d'informations subis; leur production n'est pas nécessaire ; l'attestation de l'expert-comptable est suffisante,

- l'augmentation globale de son chiffre d'affaires est due à la hausse des ventes de maquillage, de sorte qu'elle est indifférente quant au préjudice,

- le préjudice s'analyse par la perte constatée chez l'entreprise victime, mais également par le chiffre d'affaires réalisé par l'auteur des actes de concurrence déloyale ; les chiffres d'affaires réalisés par la société Sun Cosmetics sont bien plus importants que ce qui a été porté à la connaissance des tribunaux ; sa comptabilité comportant de graves anomalies relevées par le rapport de M. [M] ;

- la société Maldonn' a subi une perte de chance de réaliser son chiffre d'affaires,

- les agissements fautifs perdurent, et donc le préjudice de perte de chance de réaliser un chiffre d'affaires plus important ; le quantum de ce préjudice est évalué au regard du chiffre d'affaires de la société Sun Cosmetics pour les exercices postérieurs au 30 septembre 2016 ; en y ajoutant le temps perdu pour répondre aux clients mécontents, remotiver les commerciaux, et la violation des interdictions expressément formulées par le jugement du tribunal de commerce de Lyon du 18 avril 2019 ; cette demande ne peut pas être qualifiée de nouvelle en cause d'appel, puisqu'elle tend aux mêmes fins que celles soumises en première instance ; il est normal de prendre en considération les années postérieures à l'assignation, en particulier en cas de poursuite des agissements ; l'absence de sollicitation de dommages et intérêts 'à parfaire' est indifférente ; la demande relative aux infractions au jugement de première instance est une prétention destinée à faire juger une question née postérieurement aux premières conclusions,

- la société Maldonn a perdu l'opportunité de développer ses ventes sur le marché espagnol, ce qui est un préjudice réparable.

Sur ce,

La cour rappelle que le fait de retenir l'existence de faits de concurrence déloyale implique nécessairement l'existence d'un préjudice et d'un lien de causalité et l'obligation pour la présente cour de l'indemniser. Il y a donc lieu de procéder l' indemnisation des faits de concurrence déloyale retenus supra.

Tant la société Sun Cosmetics que M. [C] sont tenus à cette indemnisation. En effet, M. [C] qui a créé la société et choisi son nom proche de celui de son ancien employeur a personnellement commis certains actes comme des reventes de matériels adverses et n'a pas hésité, ce que démontrent les différents témoignages, à utiliser un faux nom auprès de ses potentiels clients. Par ses fautes personnelles, il a participé avec sa société à la création du préjudice indemnisable.

* le préjudice de la société Maldonn'

Il convient de reprendre successivement les différents préjudices allégués.

- 152.300 euros de dommages-intérêts pour détournement de clientèle et perte de marge commerciale sur chiffre d'affaires de l'année 2013 à l'année 2015 (correspondant à la différence entre la demande initiale à hauteur de 500.000 euros et la somme allouée en première instance à hauteur de 347.700 euros), ce qui revient en fait à réclamer un préjudice total de 500.000 euros.

L'intimée se réfère à ses pièces 44 à 48 pour l'établissement de son préjudice ainsi qu'à un rapport non contradictoire établi sur sa demande par M. [M], se rapportant à la situation de la société Sun cosmetics et opposable aux appelantes s'il est confirmé par d'autres pièces du dossier. La production d'une attestation comptable sur les chiffres d'affaires de la société Maldonn' entre 2013 et 2015 ainsi que les pièces comptables de la société appelante permettent de discuter ce rapport dès lors opposable.

La société Madonn' revendique la non-production de ses comptes et estime que l'attestation de son expert-comptable sur le chiffre d'affaires est suffisante pour établir la véracité des chiffres invoqués. Elle se contente par ailleurs d'affirmations sur le fait que sa perte de chiffre d'affaire sur les ventes des 'Kit Sun Intitute' serait la conséquence directe des détournements de clientèle et prospects.

Toutefois, l'attestation de l'expert-comptable avec qui elle est liée contractuellement est insuffisante à l'établir si elle n'est pas confortée par des documents comptables plus précis et, si ce tableau démontre concrètement une baisse du chiffre d'affaires, l'absence de tout élément comptable complémentaire ne permet nullement d'éclairer sur ces données chiffrées, et surtout, elle ne permet pas d'imputer la totalité de la baisse du chiffre d'affaires constaté aux agissements de concurrence déloyale de son adversaire. Il n'est pas non plus donné d'éléments utiles permettant d'évaluer la perte de marge.

Le rapport [M], pour sa part, commente les comptes clos du 30 septembre 2015 au 30 septembre 2018 de Sun cosmetics à partir des comptes d'exploitation en dehors de tout aspect contradictoire comme rappelé par l'expert. Il conclut à l'existence d' opérations anormales et irrégulières (compte courant débiteur, prélèvements de trésorerie, honoraires incohérents) et suggère que la gérance a volontairement dégradé le besoin en fonds de roulement à la seule fin d'assécher la trésorerie et de fausser la présentation de la solvabilité dont la réalisation de ventes sans factures correspondantes. Ce rapport s'appuie sur des pièces comptables mais en reste à des suppositions et n'est donc pas déterminant même si cependant, une minoration des comptes apparaît indiscutable en raison d'anomalies manifestes.

Malgré des éléments partiels, il est indéniable que les faits de concurrence déloyale retenus ci-dessus ont eu nécessairement des conséquences importantes sur l'activité de la société intimée.

Au vu des éléments recueillis, le préjudice lié à la perte de clientèle et de chiffre d'affaires est fixé à la somme de 150.000 euros, le montant fixé en première instance, tenant compte de manière erronée des seuls chiffres d'affaire apparaissant trop élevé au regard des justificatifs fournis.

- 200.000 euros de dommages intérêts supplémentaires pour les exercices postérieurs.

Les appelants opposent l'irrecevabilité de cette demande nouvelle qui est portée seulement dans les conclusions numéro 3 tandis que l'appelante estime que la sa demande n'est pas nouvelle puisqu'elle tend aux mêmes fins que celle soumise devant le tribunal de commerce, que par ailleurs, ce n'est qu'au milieu de l'année 2020, soit en cours de procédure, qu'elle a été informée des infractions au jugement de première instance suite aux informations de Mme [N].

Il n'importe pas que la demande initiale n'ait pas précisé 'à parfaire' pour faire valoir un préjudice supplémentaire. Par contre la demande supplémentaire a effectivement été présentée pour la première fois dans des conclusions numéro 3 de 2020 alors que le préjudice supplémentaire allégué porte sur les années à compter de l'année 2016 d'après le dispositif des conclusions de l'intimée et était connu lors des premières conclusions. Cette demande est dès lors irrecevable en application de l'article 910-4 du code de procédure civile.

- 70.000 euros de dommages-intérêts pour perte du marché en Espagne et 300.000 euros de dommages-intérêts pour perte de marge commerciale sur chiffre d'affaires en Espagne.

Ces deux préjudices sont examinés de manière globale.

La société Maldonn' soutient avoir perdu l'opportunité de développer ses ventes sur le marché espagnol en affirmant qu'elle avait trouvé un distributeur exclusif en Espagne pour une période de trois ans, lequel devait lui verser une somme de 70.000 euros en contrepartie de cette exclusivité lors de signature du contrat, que cependant, ce distributeur a refusé de signer l'accord commercial transmis après avoir découvert qu'un institut sis dans les Pyrénées orientales utilisait les mêmes termes que Sun Institute et un appareil Sun Cosmetics étrangement similaire, d'où la non signature du contrat et la perte de chance de réaliser un chiffre d'affaires.

Les pièces 45 et 45 bis se rapportent à un contrat de distribution exclusive signé par la société Maldonn' avec une société portugaise, et la pièce 42 est un courrier de la société espagnole Lipotherm indiquant avoir été intéressée par un tel contrat, avoir trouvé un financement de 70.000 euros mais avoir ensuite découvert avec déception dans deux instituts une marque étrangement similaire utilisant les mêmes termes et souvent au mot près sur son argumentaire commercial, qu'elle ne savait pas qui avait copié sur l'autre, qu'elle trouvait cela déroutant et ne donnait pas suite aux échanges.

Ces éléments caractérisent une perte de chance d'avoir signé le contrat avec la société de droit espagnol mais l'indemnisation de cette perte de chance ne peut être équivalente au montant du droit d'entrée du contrat et par ailleurs de même que la simple attestation de l'expert comptable de l'intimée indiquant un montant de 343.906 euros de chiffre d'affaires réalisé avec un client portugais sans rapport avec la présente espèce ne caractérise pas plus une telle perte de chance de gains pour ce montant.

En l'absence d'éléments supplémentaires sur l'état d'avancement réel des pourparlers entre les deux sociétés, cette perte de chance sera évaluée à 30.000 euros et le jugement est réformé en ce qu'il a rejeté ce préjudice.

- 200.000 euros de dommages-intérêts pour trouble commercial et appropriation fautive de son savoir-faire et 200.000 euros de dommages-intérêts pour les investissements engagés et qui ont été détournés par le parasitisme de la société Sun Cosmetics et de M. [C].

Le parasitisme n'a pas été retenu de sorte qu'il ne peut être fait droit à la demande à ce titre.

Les productions sont insuffisantes par ailleurs à établir un préjudice supplémentaire de celui indemnisé ci-dessus au titre de la perte commerciale pour trouble commercial. Les pièces 10 à 10 ter sont insuffisantes à établir la somme investie en recherches et investissements par la société maldonn' et le taux de marge et les comptes de la société sun cosmetics ne sont pas suffisamment déterminants pour caractériser un préjudice supplémentaire.

Le jugement est confirmé en ce qu'il a rejeté cette prétention.

- 100.000 euros de dommages-intérêts en réparation de l'atteinte à son image de marque et sa réputation

Ce préjudice est indéniable en ce qu'il est démontré par l'intimée, par ses productions et notamment par ses attestations, que ses adversaires l'ont dénigrée auprès de clients, ce qui caractérise une atteinte préjudiciable à son image de marque et à la réputation. Une somme de 20.000 euros indemnisera justement ce préjudice.

En raison de la procédure collective en cours, les créances retenues ci-dessus au bénéfice de la société Maldonn' seront fixées à l'encontre de la société Sun Cosmetics et les condamnations prononcées à l'encontre de M. [C].

* le préjudice personnel de M. [P]

M. [P] demande 10.000 euros à titre de dommages intérêts en faisant valoir qu'il a subi un préjudice personnel distinct de celui de sa société en qualité de fondateur unique de Sun institute et propriétaire de la marque au regard du temps investi dans le développement de sa société et la reconnaissance de la qualité de ses produits. Il relève que le tribunal de commerce a interdit à ses adversaires de tenir des propos dénigrants à son égard, ce qui établi un préjudice.

M. [P] ne se réfère à aucune pièce précise dans ses conclusions et son bordereau de pièces qui vise les pièces 44 à 48 comme 'préjudices de Sun Institute et de M. [P]' ne concerne nullement des préjudices subis par le dirigeant.

En conséquence, la demande de dommages intérêts de M. [P] est rejetée faute de justificatifs.

Sur la demande subsidiaire en paiement de dommages intérêts à l'encontre de la société Maldonn'

La société Sun cosmetics impute subsidiairement des actes de dénigrement préjudiciables à la société Maldonn' pour réclamer des dommages intérêts pour un préjudice évalué au même montant que la condamnation au bénéfice de son adversaire. Elle fait valoir que son adversaire a notamment publié de faux avis.

L'évaluation par l'appelante d'un tel préjudice, qui n'est pas développé dans les conclusions, qui est sollicité uniquement à titre subsidiaire et qui vise uniquement à réduire à néant les condamnations prononcées au profit de son adversaire est dénuée de ce fait de toute crédibilité. Cette demande est en conséquence rejetée.

Sur les condamnations en nature

M. [C] et la société Sun Cosmetics font valoir que s'agissant de la publication, l'absence de lien de causalité fait obstacle à cette condamnation qui est de surcroît disproportionnée eu égard aux chiffres d'affaires respectifs.

La société Maldonn' et M. [P] répliquent qu'afin de faire cesser totalement les actes de concurrence déloyale, il est nécessaire :

- d'interdire d'utiliser leur argumentaire de vente et les termes développés,

- d'interdire le rachat des machines de la société Maldonn et de les revendre,

- d'interdire de formuler des propos dénigrants à leur encontre et à l'encontre de leurs produits.

Sur ce,

Il est constant que les derniers documents publicitaires de Sun Cosmetics ne font pas l'objet de griefs. Il n'est donc pas nécessaire de maintenir une interdiction d'utilisation d'argumentaire de vente d'autant que la condamnation prononcée à ce titre par le premier juge est très imprécise.

L'interdiction de reprise des machines et leur revente n'est pas interdite en son principe, seules les manoeuvres l'accompagnant ayant été retenues contre les appelantes. Cette mesure ne peut être confirmée.

La formulation de propos dénigrants envers un concurrent est par principe interdite de sorte qu'il n'y a pas lieu d'en prononcer une interdiction spécifique.

La mesure de publicité n'apparaît pas non plus nécessaire, notamment au regard de la procédure collective.

Le jugement est en conséquence infirmé sur les condamnations en nature.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

M. [C] qui reste débiteur envers l'intimée supportera les dépens d'appel et versera à la société Maldonn' en cause d'appel la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Les condamnations de première instance sont confirmées.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant dans les limites de l'appel, sur les chefs contestés,

Déclare recevable l'intervention de Maître [I] en qualité de mandataire judiciaire de la société Sun Cosmetics.

Dit que la demande en paiement de la somme de 200.000 euros de dommages intérêts supplémentaires au titre du préjudice financier est irrecevable.

Infirme le jugement déféré en ce qu'il a :

- dit irrecevable l'action de M. [P] pour défaut d'intérêt à agir et déclaré ce denier irrecevable en ses demandes,

- retenu des actes de parasitisme,

- condamné solidairement la société Sun cosmetics et M. [C] à payer à la société Maldonn' la somme de 347.000 euros,

- débouté la société Maldonn' de ses demandes de dommages intérêts au titre d'un marché en Espagne,

- prononcé des mesures de réparation en nature sous astreinte.

Confirme le jugement déféré pour le surplus.

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Dit que l'action de M. [F] [P] est recevable mais déboute M. [F] [P] de sa demande en paiement de dommages intérêts.

Rejette les demandes au titre d'actes de parasitisme.

Fixe les créances de Sas Maldonn' à l'encontre de la société Sun Cosmetics comme suit :

- 150.000 euros en réparation du préjudice commercial,

- 30.000 euros au titre de la perte de chance d'avoir conclu un marché en Espagne,

- 20.000 euros à titre de dommages intérêts pour l'atteinte à son image de marque et à sa réputation.

Condamne M. [E] [C] à payer à la Sas Maldonn' les sommes suivantes, dans la limite des fixations précédentes :

- 150.000 euros en réparation du préjudice commercial,

- 30.000 euros au titre de la perte de chance d'avoir conclu un marché en Espagne,

- 20.000 euros à titre de dommages intérêts pour l'atteinte à son image de marque et à sa réputation.

Rejette le surplus des prétentions de la société Maldonn'.

Dit n'y avoir lieu à mesures de réparation en nature.

Condamne M. [E] [C] aux dépens d'appel et à payer à la Sas Maldonn' la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.