Décisions
CA Versailles, ch. soc. 4-4, 2 octobre 2024, n° 22/02464
VERSAILLES
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
Chambre sociale 4-4
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 02 OCTOBRE 2024
N° RG 22/02464
N° Portalis DBV3-V-B7G-VLMO
AFFAIRE :
[N] [V]
C/
Société OTIS
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 juillet 2022 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de NANTERRE
Section : I
N° RG : F 19/01845
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Déborah PUSZET
Me Cyrille FRANCO
Copie numérique adressée à:
FRANCE TRAVAIL
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DEUX OCTOBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Madame [N] [W] épouse [V]
née le 5 juin 1971 à [Localité 4]
de nationalité française
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentant : Me Déborah PUSZET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C2271
APPELANTE
****************
Société OTIS SCS
N° SIRET : 542 107 800
[Adresse 5]
[Localité 2]
Représentant : Me Cyrille FRANCO de la SCP FROMONT BRIENS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0107
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 21 juin 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Laurent BABY, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Aurélie PRACHE, Présidente,
Monsieur Laurent BABY, Conseiller,
Madame Nathalie GAUTIER, Conseillère,
Greffier lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Mme [V] a été engagée par la société Portis, division de la société Otis, en qualité d'assistante, par contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 3 avril 2006.
Cette société est spécialisée dans la vente, l'installation et la maintenance de dispositifs de fermetures automatiques. L'effectif de la société était, au jour de la rupture, de plus de 10 salariés. Elle applique la convention collective nationale des industries métallurgiques de la région parisienne.
Au dernier état de la relation, Mme [V] exerçait les fonctions d'attachée commerciale.
Elle a fait l'objet d'un arrêt de travail pour maladie continu à compter du 6 mars 2018.
Par avis du 18 octobre 2018, le médecin du travail a déclaré Mme [V] inapte du fait de son état de santé faisant obstacle à tout reclassement dans un emploi.
Par lettre du 22 novembre 2018, Mme [V] a été convoquée à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement, fixé le 4 décembre 2018.
Mme [V] a été licenciée par lettre du 11 décembre 2018 pour inaptitude physique médicalement constatée et impossibilité de reclassement,dans les termes suivants :
« (') Nous faisons suite à l'avis d'inaptitude aux fonctions d'Attachée commerciale prononcé par le docteur [I] [B], médecin du travail, à l'issue d'un examen médical effectué en date du 18 octobre 2018.
Nous vous avons convoquée le 22 novembre 2018 à un entretien préalable prévu le 4 décembre 2018 auquel vous ne vous êtes pas présentée. Vous nous avez indiqué par mail du 3 décembre 2018 que vous ne vous présenteriez pas à cet entretien.
Nous vous rappelons que le médecin du travail a indiqué dans l'avis d'inaptitude physique que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.
Nous sommes donc contraints de procéder à votre licenciement en raison de votre inaptitude physique médicalement constatée. Celui-ci est applicable à compter de la notification de la présente lettre. Conformément aux dispositions légales, nous vous informons qu'aucune indemnité compensatrice de préavis n'est due dans le cadre de cette rupture.
Si votre contrat de travail comportait une clause de non-concurrence, nous vous dispensons expressément de l'application de cette clause. Il vous est donc permis de travailler pour toute entreprise de votre choix ou d'exercer toute activité de votre choix.
Bien entendu, dans ces conditions, l'indemnité compensatrice de non-concurrence ne vous est pas due.
Nous vous rappelons que postérieurement à la rupture de votre contrat de travail, vous conservez envers la société Otis une obligation de loyauté qui revêt différents aspects.
Cette obligation de loyauté vous interdit bien évidemment d'effectuer tout acte de concurrence déloyale, en particulier par des actes de dénigrement d'Otis. D'une manière générale, vous devrez veiller à ne nullement porter atteinte aux intérêts d'Otis.
De plus, nous vous rappelons qu'il est interdit de conserver, d'utiliser et de diffuser les informations qui vous ont été communiquées dans le cadre de votre activité professionnelle au sein d'Otis.
A cet égard, nous vous rappelons que les documents mis à la disposition de ses salariés par Otis dans l'exercice de leur activité professionnelle sont la propriété exclusive d'Otis et à ce titre ne sont dédiés qu'à un usage strictement interne.
De plus, vous êtes dans l'obligation de rendre tous les éléments en votre possession qu'Otis vous a délivré dans le cadre de votre travail (véhicule, clés, outils, documents...). Veuillez rapporter ces biens au plus vite à votre agence de rattachement ou contacter votre supérieur hiérarchique pour lui restituer.
Votre solde de tout compte, votre attestation pôle emploi ainsi que votre certificat de travail seront mis à votre disposition. (...) ».
Le 26 juillet 2019, Mme [V] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre aux fins de contester son licenciement et en paiement de diverses sommes de nature salariale et de nature indemnitaire.
Par jugement du 20 juillet 2022, le conseil de prud'hommes de Nanterre (section industrie), en sa formation de départage, a :
. dit le licenciement de Mme [V] sans cause réelle et sérieuse ;
. condamné la société Otis à verser à Mme [V] la somme de 16 597,36 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
. débouté Mme [V] de ses autres demandes indemnitaires ;
. rappelé que les créances salariales ainsi que la somme allouée à titre d'indemnité de licenciement produiront intérêts au taux légal à compter de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation et d'orientation, et que les créances indemnitaires produiront intérêts au taux légal à compter du présent jugement conformément aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil ;
. ordonné à la société Otis de remettre à Mme [V] une attestation Pôle Emploi récapitulative, un certificat de travail et des bulletins de paie conformes à la présente décision dans le mois de la notification du présent jugement ;
. dit n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte ;
. condamné la société Otis à verser à Mme [V] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;
. condamné la société Otis aux dépens ;
. ordonné la régularisation des cotisations sociales auprès des organismes sociaux ;
. débouté les parties de toute leurs demandes plus amples ou contraires ;
. rappelé que l'exécution provisoire est de droit.
Par déclaration adressée au greffe le 31 juillet 2022, Mme [V] a interjeté appel de ce jugement.
Une ordonnance de clôture a été prononcée le 21 mai 2024.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 20 mai 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles Mme [V] demande à la cour de :
. Confirmer le jugement rendu le 20 juillet 2022 par le Conseil de Prud'hommes de Nanterre en ce qu'il a condamné la société Otis à verser à Mme [V] les sommes suivantes :
. Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 16 597,36 euros,
. Article 700 CPC : 2.000 euros,
Statuant à nouveau,
. Infirmer partiellement le jugement rendu le 20 juillet 2022 par le Conseil de Prud'hommes de Nanterre en ce qu'il a débouté Mme [V] de ses demandes de :
. Dommages et intérêts en raison des irrégularités commises au cours de la procédure de licenciement : 2 074,67 euros euros,
. Indemnité compensatrice de préavis : 4 149,34 euros,
. Congés payés afférents : 414,93 euros,
. Dommages et intérêts pour harce'lement moral 12 448 euros.
. Condamner la Société Otis à verser à Mme [V] les sommes suivantes :
. Dommages et intérêts en raison des irrégularités commises au cours de la procédure de licenciement : 2 074,67 euros,
. Indemnité compensatrice de préavis : 4 149,34 euros,
. Congés payés afférents : 414,93 euros,
. Dommages et intérêts pour harcèlement moral : 12 448 euros,
. Article 700 CPC : 3 000 euros,
. Dépens,
. Ordonner à la Société Otis la remise d'une attestation France Travail récapitulative, d'un certificat de travail et de bulletins de paie conformes à la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par document,
. Assortir les condamnations de l'intérêt au taux légal à compter de la date de la saisine.
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 25 janvier 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la société Otis demande à la cour de :
. Réformer le jugement du Conseil de prud'hommes de Nanterre du 20 juillet 2022 en ce qu'il a :
. Jugé le licenciement de Mme [V] sans cause réelle et sérieuse ;
. Condamné la société Otis au versement de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civil ;
. Confirmer pour le surplus le jugement de première instance de Nanterre du 20 juillet 2022 en ce qu'il a débouté Mme [V] de ses demandes.
En conséquence :
. Débouter Mme [V] de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;
. Débouter Mme [V] de sa demande de dommages et intérêts et intérêts pour irrégularités de procédure ;
. Débouter Mme [V] de sa demande au titre de l'indemnité de préavis et congés payés afférents.
Y ajoutant :
. Condamner Mme [V] à 1 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
. Condamner Mme [V] aux entiers dépens.
MOTIFS
Sur le harcèlement moral
Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
En application de l'article L. 1154-1 dans sa version applicable à l'espèce, interprété à la lumière de la directive n° 2000/78/CE du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, lorsque survient un litige relatif à l'application de ce texte, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement et il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
En l'espèce, la salariée soumet à la cour les faits suivants :
. l'absence de réponses et des entraves à ses missions,
. l'appauvrissement de ses missions commerciales,
. des demandes de formation restées sans réponse,
. des objectifs irréalisables et des pressions,
. le retard dans le versement d'une prime,
. la dégradation de son état de santé.
Sur l'absence de réponses et les entraves aux missions de la salariée : Par sa pièce 10, la salariée établit avoir adressé à son supérieur hiérarchique, M. [H], courant septembre, octobre et novembre 2017 puis février 2018, plusieurs courriels qui ont été supprimés par leur destinataire sans avoir été lus.
La salariée montre également qu'elle n'a pas été destinataire :
. d'un courriel collectif du 16 novembre 2017 relatif à un « pot des bonnes nouvelles et déjeuner Belles victoires du Rush » ;
. d'un autre courriel collectif du 2 janvier 2018 relatif à un référencement de divers lots relatifs à des portes automatiques, attirant l'attention des destinataires sur le fait que deux prestataires étaient retenus pour ces lots (Otis et un concurrent) de sorte qu'il était recommandé de prendre rendez-vous rapidement avec le responsable de chaque groupement pour lui faire signer un contrat d'exclusivité.
La salariée expose enfin que M. [H] lui a demandé le vendredi 2 mars 2018 dans l'après-midi de répondre à un appel d'offres pour le mercredi 7 mars 2018 alors qu'elle avait posé ce jour là un jour de RTT, ce qui ne lui laissait que deux jours et demi pour répondre à cet appel d'offres de grande ampleur.
Sur ce point, la salariée verse aux débats ses pièces 14 et 15 correspondant :
. à un courriel qu'elle a adressé à M. [H] le 2 mars 2018 à 14h25 dans lequel elle lui indique prendre note qu'il lui a demandé « à l'instant » de répondre à un appel d'offres national, ce qui, selon elle, n'était pas dans ses attributions, lui fait savoir qu'elle ne connaît pas la charge de travail que suppose cet appel d'offres et lui fait part de son inquiétude en raison de du délai qui lui est imparti, fixé au 7 mars 2018, qu'elle juge « très court »,
. à la validation le 12 février 2018, par M. [O], de sa demande de RTT pour le mercredi 7 mars 2018 au matin,
. à une lettre adressée par la salariée le 6 mars 2018 à la responsable des ressources humaines dans laquelle elle se plaint, de façon générale, de ses conditions de travail et revient aussi, plus particulièrement, sur la mission que M. [H] lui a confiée le 2 mars en expliquant : « Pour finir, M. [H] m'a demandé très récemment d'assurer des missions qui dépassent mes capacités, dont l'une des deux dans un délai extrêmement court. Cette dernière a été très difficile à vivre pour moi et a engendré un énorme stress. Mon état de santé moral est très fragilisé et affecté ».
Ces éléments établissent la réalité du fait allégué.
Sur l'appauvrissement des missions commerciales : Il ressort de la notation de la salariée du 30 mars 2018 qu'elle a présenté un commentaire dans la rubrique consacrée aux « compétences techniques/fonctionnelles ». Après y avoir expliqué qu'elle a des compétences reconnues en matière d'appels d'offres publics, elle indique « Je trouve regrettable de m'avoir retiré progressivement toute la partie privée qui représentait toute la richesse de mon poste et par conséquent tout l'intérêt que je porte à ma mission chez Portis ». Loin de démentir ce commentaire, M. [H], son évaluateur, précise : « [la salariée] connaît bien l'environnement du parc et particulièrement les appels d'offres publics. Au sein de l'agence elle est la référence parc. »
La salariée dénonce aussi l'appauvrissement de ses missions commerciales dans sa lettre du 6 mars 2018 (déjà citée ' pièce 15) dans laquelle elle indique : « (') le personnel de la cellule développement a été réduit à ma seule personne et mon responsable a vidé, petit à petit, mon poste de sa substance en ne m'offrant en contrepartie aucune opportunité d'évolution à des postes de commercial ».
L'appauvrissement dénoncé par la salariée ressort aussi des évaluations de ses performances puisqu'en janvier 2018, elle écrivait, sans être contredite par son évaluateur : « aujourd'hui je réponds quasiment qu'aux AO publics. On ne me donne plus vraiment d'opportunité de répondre aux grosses consultations, type nouveau client, FM, grands comptes' Ce que je faisais énormément auparavant ».
Le fait présenté par la salariée est établi.
Sur « les demandes de formation restées sans réponse » : Les entretiens d'évaluation et de performance de la salariée font ressortir qu'elle a demandé un bilan de compétence en décembre 2017 auquel il n'a pas été donné de suites. Il n'est en revanche pas établi que la salariée ait demandé des formations.
Le fait présenté par la salariée est établi mais seulement en ce qui concerne sa demande d'organisation d'un bilan de compétence.
Sur les objectifs irréalisables et des pressions : La salariée soutient à juste titre qu'il lui a été assigné pour objectif, le 30 mars 2018 de réaliser « 2 AO/semaine ». Il n'est pas discuté que deux appels d'offres par semaine correspondent à quatre-vingt-huit appels d'offres par an. Or, il n'est pas discuté qu'en 2016 et en 2017, n'ont été publiés respectivement que soixante-sept et cinquante-sept appels d'offres.
Le caractère irréalisable des objectifs assignés à la salariée est donc établi, de même que la pression qui en résulte sur la salariée.
Sur le retard dans le versement d'une prime : Par sa pièce 11 (échanges de courriels entre août 2016 et janvier 2017), la salariée établit que ses « incentives » Q1, Q2 et Q4 de 2016 ont été versées avec retard.
Sur la dégradation de son état de santé : La salariée démontre la dégradation de son état de santé notamment par :
. la production de la lettre adressée le 11 janvier 2018 par le médecin du travail au médecin traitant de la salariée dont il ressort : « Je vois ce jour votre patiente qui relate une situation professionnelle très difficile avec répercussions sur son état de santé. Je l'adresse à une consultation de souffrance au travail et lui demande de vous voir pour un arrêt maladie (') »,
. la lettre adressée le 4 octobre 2018 au médecin du travail par la psychologue de la salariée dont il ressort que la salariée a été sujette à « un effondrement anxio-dépressif, une anticipation anxieuse à l'idée de retourner au travail, des troubles du sommeil, des ruminations constantes en lien avec le travail, une perte d'estime de soi, des crises d'angoisse et de panique, des douleurs au dos et à l'estomac » et que la psychologue redoute une « décompensation dépressive plus grave ou un événement somatique majeur » en cas de reprise du travail,
. les très nombreux avis d'arrêt de travail pour maladie accordés à la salariée en février 2018 puis de façon continue entre le 6 mars et le mois de novembre 2018,
. l'avis d'inaptitude du 18 octobre 2018 indiquant que l'état de santé de la salariée fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.
Les éléments de fait présentés par la salariée laissent supposer l'existence d'un harcèlement.
Ces faits ont eu pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail de la salariée susceptible d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Il incombe dès lors à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Certes, l'employeur voit une contradiction entre la volonté de la salariée d'évoluer dans son poste et le fait qu'elle a reproché à son supérieur de lui confier une mission importante le 2 mars 2018. Cependant, en accordant à la salariée un délai très court pour soumissionner à l'appel d'offres national qui lui était confié, son supérieur hiérarchique l'a placée dans une difficulté qu'il ne pouvait ignorer et de nature à mettre la salariée en situation d'échec. La contradiction soulevée, qui n'est qu'apparente, ne s'analyse en tout état de cause pas comme une justification objective étrangère à tout harcèlement moral.
Certes encore, l'employeur fait valoir que les reproches de l'employeur consécutivement aux mauvais résultats de la salariée expliquent son absence d'évolution professionnelle et entrent dans le cadre du pouvoir de direction de l'employeur.
Toutefois, la réalité des mauvais résultats de la salariée n'est pas démontrée.
Par ailleurs, l'employeur ne justifie pas des raisons pour lesquelles il supprimait les messages de la salariée sans les avoir lus, elle n'a pas été conviée en novembre 2017 aux pots organisés par le service (alors qu'il ressort de l'attestation de M. [C], ancien supérieur hiérarchique de la salariée, qu'il l'avait conviée au déjeuner de juillet 2017 ' pièce 24 de l'employeur), elle n'a pas été destinataire d'un courriel du 2 janvier 2018 intéressant les commerciaux, il n'a pas été donné de suite à sa demande relative à un bilan de compétence, ni, enfin, l'objectif de réaliser deux appels d'offres par semaine lui a été assigné alors qu'il s'avère impossible.
L'employeur, n'explique donc pas les faits par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral.
Il en résulte que le harcèlement moral est établi.
Par voie d'infirmation, il y a lieu de condamner l'employeur à réparer le préjudice qui en résulte et qu'il convient d'évaluer à 4 000 euros, somme au paiement de laquelle l'employeur sera condamné.
Sur le licenciement
Aux termes de l'article L. 1152-3 du code du travail, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.
En l'espèce, le harcèlement moral subi par la salariée a été retenu. Il constitue la cause de l'inaptitude de la salariée.
Le licenciement prononcé par l'employeur pour inaptitude est donc en principe nul.
Toutefois, la salariée ne sollicite pas la nullité du licenciement mais seulement la confirmation du jugement en ce qu'il dit sans cause réelle et sérieuse le licenciement et fixe à 16 957,36 euros l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Compte tenu de l'ancienneté de la salariée (12 ans et 8 mois), de son niveau de rémunération (2 074,67 euros bruts mensuels), de sa capacité à retrouver un nouvel emploi eu égard à son âge lors de la rupture (47 ans) et à son expérience professionnelle, mais compte tenu également de ce que la salariée ne justifie pas de sa situation postérieurement au licenciement, et ne justifie pas non plus de ses recherches d'emploi, le préjudice qui résulte, pour elle, de la perte injustifiée de son emploi a correctement été appréciée par les premiers juges.
Il conviendra donc de confirmer le jugement en ce qu'il dit sans cause réelle et sérieuse le licenciement et fixe à 16 957,36 euros l'indemnité subséquente.
En application de l'article L. 1235-4 du code du travail, dont les dispositions sont d'ordre public et sont donc dans les débats, il convient, ajoutant au jugement, d'ordonner d'office le remboursement par l'employeur aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées à la salariée du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage.
Sur l'indemnité compensatrice de préavis
A défaut de dispense de préavis, le salarié qui se trouve dans l'impossibilité d'exécuter le préavis en raison de son état de santé ne peut en principe prétendre au paiement d'une indemnité. Lorsque l'inexécution du préavis ne trouve pas son origine dans l'incapacité du salarié, mais est imputable à l'employeur, le salarié a droit à l'indemnité compensatrice de préavis prévue par l'article L. 1234-5 du code du travail.
En effet, il résulte de l'article L. 1234-1 du code du travail, qu'en cas d'inexécution par le salarié du préavis, l'employeur n'est tenu au paiement d'une indemnité compensatrice que lorsqu'il a unilatéralement décidé de dispenser le salarié d'exécuter sa prestation de travail ou lorsque cette inexécution lui est imputable. (Soc., 7 décembre 2022, pourvoi n° 21-16.000, publié)
Tel est le cas lorsque la rupture du contrat de travail est imputable à l'employeur en raison du manquement à son obligation de reclassement (Soc., 17 mai 2016, n°14-23.611). Aussi, lorsque le licenciement est nul, le salarié a droit à l'indemnité compensatrice de préavis, peu important les motifs de rupture (Soc., 5 juin 2001, Bull. civ. V, n° 211) et peu important au demeurant que ledit salarié soit dans l'impossibilité physique d'exécuter le préavis.
En outre, lorsque le juge constate que l'employeur avait commis à l'encontre du salarié des faits de harcèlement moral ayant entraîné son inaptitude, l'inexécution du préavis est imputable à l'employeur, et l'indemnité compensatrice de préavis est due (cf. Soc., 8 décembre 2015, n°14-15.299).
En l'espèce, il a été précédemment retenu que l'employeur avait commis à l'encontre du salarié des faits de harcèlement moral ayant entraîné son inaptitude, de sorte que l'inexécution du préavis était imputable à l'employeur.
Bien que la nullité du licenciement n'ait pas été sollicitée par la salariée, elle peut toutefois prétendre à l'indemnité compensatrice de préavis qu'elle revendique et aux congés payés afférents.
Il convient donc d'infirmer le jugement et, statuant à nouveau, de condamner l'employeur à payer à la salariée la somme de 4 139,34 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 413,93 euros au titre des congés payés afférents.
Sur l'indemnité pour procédure de licenciement irrégulière
La salariée se prévaut de l'article L. 1232-2 du code du travail et soutient que l'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre de convocation. Elle ajoute qu'au cas d'espèce, seuls 4 jours ouvrables lui ont été accordés.
En réplique, l'employeur conteste l'irrégularité soulevée exposant que la salariée a bénéficié d'un délai de 5 jours minimum pour préparer sa défense.
***
L'article L. 1232-2 du code du travail dispose que l'employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable.
La convocation est effectuée par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge. Cette lettre indique l'objet de la convocation.
L'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation.
Lorsque, après une convocation régulière, le salarié a demandé le report de l'entretien, aucun délai n'est imposé à l'employeur pour l'envoi d'une seconde convocation (Soc., 24 novembre 2010, n°09-66.616).
En l'espèce, par lettre du 6 novembre 2018, la salariée a été convoquée à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement, fixé le 15 novembre 2018.
La cour ignore quand cette lettre a été présentée à la salariée, mais celle-ci a écrit, le 14 novembre 2018, à l'employeur pour lui faire savoir que son état de santé l'empêchait de se rendre à l'entretien.
Si la salariée ne demandait alors pas expressément un report de l'entretien, il n'en demeure pas moins que par lettre du jeudi 22 novembre 2018, elle a de nouveau été convoquée à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement, fixé le mardi 4 décembre 2018. La lettre a été présentée à la salariée le mercredi 28 novembre 2018.
La salariée a écrit à l'employeur, par courriel, le 3 décembre 2018 pour lui faire savoir qu'elle ne serait pas présente à l'entretien pour raison de santé.
La salariée n'a pas bénéficié de cinq jours ouvrables pleins entre le 28 novembre 2018 et le 4 décembre 2018.
Toutefois, la salariée savait depuis au moins le 14 novembre 2018 que la procédure de licenciement avait été engagée.
Il en résulte que c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que l'irrégularité commise n'avait pas causé à la salariée de préjudice puisque, dans les faits, elle a bénéficié de près de deux semaines pour préparer sa défense.
Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il déboute la salariée de ce chef de demande.
Sur les intérêts
Les condamnations au paiement de sommes ayant une vocation indemnitaire seront assorties des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
Les condamnations au paiement des indemnités de rupture et des rappels de salaire produiront quant à elles intérêts au taux légal à compter de la réception, par l'employeur, de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes.
Sur la remise des documents
Il conviendra de donner injonction à l'employeur de remettre à la salariée un certificat de travail, une attestation France travail et un bulletin de salaire récapitulatif conformes à la présente décision, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette mesure d'une astreinte.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Succombant, l'employeur sera condamné aux dépens de la procédure d'appel.
Il conviendra de condamner l'employeur à payer à la salariée une indemnité de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ailleurs, le jugement sera confirmé en ce qu'il condamne l'employeur aux dépens et en ce qu'il le condamne à payer à la salariée une indemnité de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS:
Statuant publiquement et par arrêt contradictoire, la cour :
INFIRME le jugement, mais seulement en ce qu'il déboute Mme [V] de sa demande de dommages-intérêts au titre du harcèlement moral et de sa demande de rappel d'indemnité compensatrice de préavis, et congés payés afférents,
CONFIRME le jugement pour le surplus,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
CONDAMNE la société Otis à payer à Mme [V] les sommes suivantes :
. 4 000 euros de dommages-intérêts pour harcèlement moral, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
. 4 139,34 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 413,93 euros au titre des congés payés afférents, avec intérêts au taux légal à compter de la réception, par l'employeur, de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes,
ORDONNE le remboursement par la société Otis aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées à Mme [V] du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage en application de l'article L. 1235-4 du code du travail,
DONNE injonction à la société Otis de remettre à Mme [V] un certificat de travail, une attestation France travail et un bulletin de salaire récapitulatif conformes à la présente décision,
REJETTE la demande d'astreinte,
DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples, ou contraires,
CONDAMNE la société Otis à payer à Mme [V] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la société Otis aux dépens de la procédure d'appel.
. prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
. signé par Madame Aurélie Prache, Présidente et par Madame Dorothée Marcinek, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
Chambre sociale 4-4
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 02 OCTOBRE 2024
N° RG 22/02464
N° Portalis DBV3-V-B7G-VLMO
AFFAIRE :
[N] [V]
C/
Société OTIS
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 juillet 2022 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de NANTERRE
Section : I
N° RG : F 19/01845
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Déborah PUSZET
Me Cyrille FRANCO
Copie numérique adressée à:
FRANCE TRAVAIL
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DEUX OCTOBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Madame [N] [W] épouse [V]
née le 5 juin 1971 à [Localité 4]
de nationalité française
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentant : Me Déborah PUSZET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C2271
APPELANTE
****************
Société OTIS SCS
N° SIRET : 542 107 800
[Adresse 5]
[Localité 2]
Représentant : Me Cyrille FRANCO de la SCP FROMONT BRIENS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0107
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 21 juin 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Laurent BABY, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Aurélie PRACHE, Présidente,
Monsieur Laurent BABY, Conseiller,
Madame Nathalie GAUTIER, Conseillère,
Greffier lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Mme [V] a été engagée par la société Portis, division de la société Otis, en qualité d'assistante, par contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 3 avril 2006.
Cette société est spécialisée dans la vente, l'installation et la maintenance de dispositifs de fermetures automatiques. L'effectif de la société était, au jour de la rupture, de plus de 10 salariés. Elle applique la convention collective nationale des industries métallurgiques de la région parisienne.
Au dernier état de la relation, Mme [V] exerçait les fonctions d'attachée commerciale.
Elle a fait l'objet d'un arrêt de travail pour maladie continu à compter du 6 mars 2018.
Par avis du 18 octobre 2018, le médecin du travail a déclaré Mme [V] inapte du fait de son état de santé faisant obstacle à tout reclassement dans un emploi.
Par lettre du 22 novembre 2018, Mme [V] a été convoquée à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement, fixé le 4 décembre 2018.
Mme [V] a été licenciée par lettre du 11 décembre 2018 pour inaptitude physique médicalement constatée et impossibilité de reclassement,dans les termes suivants :
« (') Nous faisons suite à l'avis d'inaptitude aux fonctions d'Attachée commerciale prononcé par le docteur [I] [B], médecin du travail, à l'issue d'un examen médical effectué en date du 18 octobre 2018.
Nous vous avons convoquée le 22 novembre 2018 à un entretien préalable prévu le 4 décembre 2018 auquel vous ne vous êtes pas présentée. Vous nous avez indiqué par mail du 3 décembre 2018 que vous ne vous présenteriez pas à cet entretien.
Nous vous rappelons que le médecin du travail a indiqué dans l'avis d'inaptitude physique que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.
Nous sommes donc contraints de procéder à votre licenciement en raison de votre inaptitude physique médicalement constatée. Celui-ci est applicable à compter de la notification de la présente lettre. Conformément aux dispositions légales, nous vous informons qu'aucune indemnité compensatrice de préavis n'est due dans le cadre de cette rupture.
Si votre contrat de travail comportait une clause de non-concurrence, nous vous dispensons expressément de l'application de cette clause. Il vous est donc permis de travailler pour toute entreprise de votre choix ou d'exercer toute activité de votre choix.
Bien entendu, dans ces conditions, l'indemnité compensatrice de non-concurrence ne vous est pas due.
Nous vous rappelons que postérieurement à la rupture de votre contrat de travail, vous conservez envers la société Otis une obligation de loyauté qui revêt différents aspects.
Cette obligation de loyauté vous interdit bien évidemment d'effectuer tout acte de concurrence déloyale, en particulier par des actes de dénigrement d'Otis. D'une manière générale, vous devrez veiller à ne nullement porter atteinte aux intérêts d'Otis.
De plus, nous vous rappelons qu'il est interdit de conserver, d'utiliser et de diffuser les informations qui vous ont été communiquées dans le cadre de votre activité professionnelle au sein d'Otis.
A cet égard, nous vous rappelons que les documents mis à la disposition de ses salariés par Otis dans l'exercice de leur activité professionnelle sont la propriété exclusive d'Otis et à ce titre ne sont dédiés qu'à un usage strictement interne.
De plus, vous êtes dans l'obligation de rendre tous les éléments en votre possession qu'Otis vous a délivré dans le cadre de votre travail (véhicule, clés, outils, documents...). Veuillez rapporter ces biens au plus vite à votre agence de rattachement ou contacter votre supérieur hiérarchique pour lui restituer.
Votre solde de tout compte, votre attestation pôle emploi ainsi que votre certificat de travail seront mis à votre disposition. (...) ».
Le 26 juillet 2019, Mme [V] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre aux fins de contester son licenciement et en paiement de diverses sommes de nature salariale et de nature indemnitaire.
Par jugement du 20 juillet 2022, le conseil de prud'hommes de Nanterre (section industrie), en sa formation de départage, a :
. dit le licenciement de Mme [V] sans cause réelle et sérieuse ;
. condamné la société Otis à verser à Mme [V] la somme de 16 597,36 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
. débouté Mme [V] de ses autres demandes indemnitaires ;
. rappelé que les créances salariales ainsi que la somme allouée à titre d'indemnité de licenciement produiront intérêts au taux légal à compter de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation et d'orientation, et que les créances indemnitaires produiront intérêts au taux légal à compter du présent jugement conformément aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil ;
. ordonné à la société Otis de remettre à Mme [V] une attestation Pôle Emploi récapitulative, un certificat de travail et des bulletins de paie conformes à la présente décision dans le mois de la notification du présent jugement ;
. dit n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte ;
. condamné la société Otis à verser à Mme [V] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;
. condamné la société Otis aux dépens ;
. ordonné la régularisation des cotisations sociales auprès des organismes sociaux ;
. débouté les parties de toute leurs demandes plus amples ou contraires ;
. rappelé que l'exécution provisoire est de droit.
Par déclaration adressée au greffe le 31 juillet 2022, Mme [V] a interjeté appel de ce jugement.
Une ordonnance de clôture a été prononcée le 21 mai 2024.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 20 mai 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles Mme [V] demande à la cour de :
. Confirmer le jugement rendu le 20 juillet 2022 par le Conseil de Prud'hommes de Nanterre en ce qu'il a condamné la société Otis à verser à Mme [V] les sommes suivantes :
. Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 16 597,36 euros,
. Article 700 CPC : 2.000 euros,
Statuant à nouveau,
. Infirmer partiellement le jugement rendu le 20 juillet 2022 par le Conseil de Prud'hommes de Nanterre en ce qu'il a débouté Mme [V] de ses demandes de :
. Dommages et intérêts en raison des irrégularités commises au cours de la procédure de licenciement : 2 074,67 euros euros,
. Indemnité compensatrice de préavis : 4 149,34 euros,
. Congés payés afférents : 414,93 euros,
. Dommages et intérêts pour harce'lement moral 12 448 euros.
. Condamner la Société Otis à verser à Mme [V] les sommes suivantes :
. Dommages et intérêts en raison des irrégularités commises au cours de la procédure de licenciement : 2 074,67 euros,
. Indemnité compensatrice de préavis : 4 149,34 euros,
. Congés payés afférents : 414,93 euros,
. Dommages et intérêts pour harcèlement moral : 12 448 euros,
. Article 700 CPC : 3 000 euros,
. Dépens,
. Ordonner à la Société Otis la remise d'une attestation France Travail récapitulative, d'un certificat de travail et de bulletins de paie conformes à la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par document,
. Assortir les condamnations de l'intérêt au taux légal à compter de la date de la saisine.
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 25 janvier 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la société Otis demande à la cour de :
. Réformer le jugement du Conseil de prud'hommes de Nanterre du 20 juillet 2022 en ce qu'il a :
. Jugé le licenciement de Mme [V] sans cause réelle et sérieuse ;
. Condamné la société Otis au versement de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civil ;
. Confirmer pour le surplus le jugement de première instance de Nanterre du 20 juillet 2022 en ce qu'il a débouté Mme [V] de ses demandes.
En conséquence :
. Débouter Mme [V] de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;
. Débouter Mme [V] de sa demande de dommages et intérêts et intérêts pour irrégularités de procédure ;
. Débouter Mme [V] de sa demande au titre de l'indemnité de préavis et congés payés afférents.
Y ajoutant :
. Condamner Mme [V] à 1 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
. Condamner Mme [V] aux entiers dépens.
MOTIFS
Sur le harcèlement moral
Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
En application de l'article L. 1154-1 dans sa version applicable à l'espèce, interprété à la lumière de la directive n° 2000/78/CE du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, lorsque survient un litige relatif à l'application de ce texte, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement et il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
En l'espèce, la salariée soumet à la cour les faits suivants :
. l'absence de réponses et des entraves à ses missions,
. l'appauvrissement de ses missions commerciales,
. des demandes de formation restées sans réponse,
. des objectifs irréalisables et des pressions,
. le retard dans le versement d'une prime,
. la dégradation de son état de santé.
Sur l'absence de réponses et les entraves aux missions de la salariée : Par sa pièce 10, la salariée établit avoir adressé à son supérieur hiérarchique, M. [H], courant septembre, octobre et novembre 2017 puis février 2018, plusieurs courriels qui ont été supprimés par leur destinataire sans avoir été lus.
La salariée montre également qu'elle n'a pas été destinataire :
. d'un courriel collectif du 16 novembre 2017 relatif à un « pot des bonnes nouvelles et déjeuner Belles victoires du Rush » ;
. d'un autre courriel collectif du 2 janvier 2018 relatif à un référencement de divers lots relatifs à des portes automatiques, attirant l'attention des destinataires sur le fait que deux prestataires étaient retenus pour ces lots (Otis et un concurrent) de sorte qu'il était recommandé de prendre rendez-vous rapidement avec le responsable de chaque groupement pour lui faire signer un contrat d'exclusivité.
La salariée expose enfin que M. [H] lui a demandé le vendredi 2 mars 2018 dans l'après-midi de répondre à un appel d'offres pour le mercredi 7 mars 2018 alors qu'elle avait posé ce jour là un jour de RTT, ce qui ne lui laissait que deux jours et demi pour répondre à cet appel d'offres de grande ampleur.
Sur ce point, la salariée verse aux débats ses pièces 14 et 15 correspondant :
. à un courriel qu'elle a adressé à M. [H] le 2 mars 2018 à 14h25 dans lequel elle lui indique prendre note qu'il lui a demandé « à l'instant » de répondre à un appel d'offres national, ce qui, selon elle, n'était pas dans ses attributions, lui fait savoir qu'elle ne connaît pas la charge de travail que suppose cet appel d'offres et lui fait part de son inquiétude en raison de du délai qui lui est imparti, fixé au 7 mars 2018, qu'elle juge « très court »,
. à la validation le 12 février 2018, par M. [O], de sa demande de RTT pour le mercredi 7 mars 2018 au matin,
. à une lettre adressée par la salariée le 6 mars 2018 à la responsable des ressources humaines dans laquelle elle se plaint, de façon générale, de ses conditions de travail et revient aussi, plus particulièrement, sur la mission que M. [H] lui a confiée le 2 mars en expliquant : « Pour finir, M. [H] m'a demandé très récemment d'assurer des missions qui dépassent mes capacités, dont l'une des deux dans un délai extrêmement court. Cette dernière a été très difficile à vivre pour moi et a engendré un énorme stress. Mon état de santé moral est très fragilisé et affecté ».
Ces éléments établissent la réalité du fait allégué.
Sur l'appauvrissement des missions commerciales : Il ressort de la notation de la salariée du 30 mars 2018 qu'elle a présenté un commentaire dans la rubrique consacrée aux « compétences techniques/fonctionnelles ». Après y avoir expliqué qu'elle a des compétences reconnues en matière d'appels d'offres publics, elle indique « Je trouve regrettable de m'avoir retiré progressivement toute la partie privée qui représentait toute la richesse de mon poste et par conséquent tout l'intérêt que je porte à ma mission chez Portis ». Loin de démentir ce commentaire, M. [H], son évaluateur, précise : « [la salariée] connaît bien l'environnement du parc et particulièrement les appels d'offres publics. Au sein de l'agence elle est la référence parc. »
La salariée dénonce aussi l'appauvrissement de ses missions commerciales dans sa lettre du 6 mars 2018 (déjà citée ' pièce 15) dans laquelle elle indique : « (') le personnel de la cellule développement a été réduit à ma seule personne et mon responsable a vidé, petit à petit, mon poste de sa substance en ne m'offrant en contrepartie aucune opportunité d'évolution à des postes de commercial ».
L'appauvrissement dénoncé par la salariée ressort aussi des évaluations de ses performances puisqu'en janvier 2018, elle écrivait, sans être contredite par son évaluateur : « aujourd'hui je réponds quasiment qu'aux AO publics. On ne me donne plus vraiment d'opportunité de répondre aux grosses consultations, type nouveau client, FM, grands comptes' Ce que je faisais énormément auparavant ».
Le fait présenté par la salariée est établi.
Sur « les demandes de formation restées sans réponse » : Les entretiens d'évaluation et de performance de la salariée font ressortir qu'elle a demandé un bilan de compétence en décembre 2017 auquel il n'a pas été donné de suites. Il n'est en revanche pas établi que la salariée ait demandé des formations.
Le fait présenté par la salariée est établi mais seulement en ce qui concerne sa demande d'organisation d'un bilan de compétence.
Sur les objectifs irréalisables et des pressions : La salariée soutient à juste titre qu'il lui a été assigné pour objectif, le 30 mars 2018 de réaliser « 2 AO/semaine ». Il n'est pas discuté que deux appels d'offres par semaine correspondent à quatre-vingt-huit appels d'offres par an. Or, il n'est pas discuté qu'en 2016 et en 2017, n'ont été publiés respectivement que soixante-sept et cinquante-sept appels d'offres.
Le caractère irréalisable des objectifs assignés à la salariée est donc établi, de même que la pression qui en résulte sur la salariée.
Sur le retard dans le versement d'une prime : Par sa pièce 11 (échanges de courriels entre août 2016 et janvier 2017), la salariée établit que ses « incentives » Q1, Q2 et Q4 de 2016 ont été versées avec retard.
Sur la dégradation de son état de santé : La salariée démontre la dégradation de son état de santé notamment par :
. la production de la lettre adressée le 11 janvier 2018 par le médecin du travail au médecin traitant de la salariée dont il ressort : « Je vois ce jour votre patiente qui relate une situation professionnelle très difficile avec répercussions sur son état de santé. Je l'adresse à une consultation de souffrance au travail et lui demande de vous voir pour un arrêt maladie (') »,
. la lettre adressée le 4 octobre 2018 au médecin du travail par la psychologue de la salariée dont il ressort que la salariée a été sujette à « un effondrement anxio-dépressif, une anticipation anxieuse à l'idée de retourner au travail, des troubles du sommeil, des ruminations constantes en lien avec le travail, une perte d'estime de soi, des crises d'angoisse et de panique, des douleurs au dos et à l'estomac » et que la psychologue redoute une « décompensation dépressive plus grave ou un événement somatique majeur » en cas de reprise du travail,
. les très nombreux avis d'arrêt de travail pour maladie accordés à la salariée en février 2018 puis de façon continue entre le 6 mars et le mois de novembre 2018,
. l'avis d'inaptitude du 18 octobre 2018 indiquant que l'état de santé de la salariée fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.
Les éléments de fait présentés par la salariée laissent supposer l'existence d'un harcèlement.
Ces faits ont eu pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail de la salariée susceptible d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Il incombe dès lors à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Certes, l'employeur voit une contradiction entre la volonté de la salariée d'évoluer dans son poste et le fait qu'elle a reproché à son supérieur de lui confier une mission importante le 2 mars 2018. Cependant, en accordant à la salariée un délai très court pour soumissionner à l'appel d'offres national qui lui était confié, son supérieur hiérarchique l'a placée dans une difficulté qu'il ne pouvait ignorer et de nature à mettre la salariée en situation d'échec. La contradiction soulevée, qui n'est qu'apparente, ne s'analyse en tout état de cause pas comme une justification objective étrangère à tout harcèlement moral.
Certes encore, l'employeur fait valoir que les reproches de l'employeur consécutivement aux mauvais résultats de la salariée expliquent son absence d'évolution professionnelle et entrent dans le cadre du pouvoir de direction de l'employeur.
Toutefois, la réalité des mauvais résultats de la salariée n'est pas démontrée.
Par ailleurs, l'employeur ne justifie pas des raisons pour lesquelles il supprimait les messages de la salariée sans les avoir lus, elle n'a pas été conviée en novembre 2017 aux pots organisés par le service (alors qu'il ressort de l'attestation de M. [C], ancien supérieur hiérarchique de la salariée, qu'il l'avait conviée au déjeuner de juillet 2017 ' pièce 24 de l'employeur), elle n'a pas été destinataire d'un courriel du 2 janvier 2018 intéressant les commerciaux, il n'a pas été donné de suite à sa demande relative à un bilan de compétence, ni, enfin, l'objectif de réaliser deux appels d'offres par semaine lui a été assigné alors qu'il s'avère impossible.
L'employeur, n'explique donc pas les faits par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral.
Il en résulte que le harcèlement moral est établi.
Par voie d'infirmation, il y a lieu de condamner l'employeur à réparer le préjudice qui en résulte et qu'il convient d'évaluer à 4 000 euros, somme au paiement de laquelle l'employeur sera condamné.
Sur le licenciement
Aux termes de l'article L. 1152-3 du code du travail, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.
En l'espèce, le harcèlement moral subi par la salariée a été retenu. Il constitue la cause de l'inaptitude de la salariée.
Le licenciement prononcé par l'employeur pour inaptitude est donc en principe nul.
Toutefois, la salariée ne sollicite pas la nullité du licenciement mais seulement la confirmation du jugement en ce qu'il dit sans cause réelle et sérieuse le licenciement et fixe à 16 957,36 euros l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Compte tenu de l'ancienneté de la salariée (12 ans et 8 mois), de son niveau de rémunération (2 074,67 euros bruts mensuels), de sa capacité à retrouver un nouvel emploi eu égard à son âge lors de la rupture (47 ans) et à son expérience professionnelle, mais compte tenu également de ce que la salariée ne justifie pas de sa situation postérieurement au licenciement, et ne justifie pas non plus de ses recherches d'emploi, le préjudice qui résulte, pour elle, de la perte injustifiée de son emploi a correctement été appréciée par les premiers juges.
Il conviendra donc de confirmer le jugement en ce qu'il dit sans cause réelle et sérieuse le licenciement et fixe à 16 957,36 euros l'indemnité subséquente.
En application de l'article L. 1235-4 du code du travail, dont les dispositions sont d'ordre public et sont donc dans les débats, il convient, ajoutant au jugement, d'ordonner d'office le remboursement par l'employeur aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées à la salariée du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage.
Sur l'indemnité compensatrice de préavis
A défaut de dispense de préavis, le salarié qui se trouve dans l'impossibilité d'exécuter le préavis en raison de son état de santé ne peut en principe prétendre au paiement d'une indemnité. Lorsque l'inexécution du préavis ne trouve pas son origine dans l'incapacité du salarié, mais est imputable à l'employeur, le salarié a droit à l'indemnité compensatrice de préavis prévue par l'article L. 1234-5 du code du travail.
En effet, il résulte de l'article L. 1234-1 du code du travail, qu'en cas d'inexécution par le salarié du préavis, l'employeur n'est tenu au paiement d'une indemnité compensatrice que lorsqu'il a unilatéralement décidé de dispenser le salarié d'exécuter sa prestation de travail ou lorsque cette inexécution lui est imputable. (Soc., 7 décembre 2022, pourvoi n° 21-16.000, publié)
Tel est le cas lorsque la rupture du contrat de travail est imputable à l'employeur en raison du manquement à son obligation de reclassement (Soc., 17 mai 2016, n°14-23.611). Aussi, lorsque le licenciement est nul, le salarié a droit à l'indemnité compensatrice de préavis, peu important les motifs de rupture (Soc., 5 juin 2001, Bull. civ. V, n° 211) et peu important au demeurant que ledit salarié soit dans l'impossibilité physique d'exécuter le préavis.
En outre, lorsque le juge constate que l'employeur avait commis à l'encontre du salarié des faits de harcèlement moral ayant entraîné son inaptitude, l'inexécution du préavis est imputable à l'employeur, et l'indemnité compensatrice de préavis est due (cf. Soc., 8 décembre 2015, n°14-15.299).
En l'espèce, il a été précédemment retenu que l'employeur avait commis à l'encontre du salarié des faits de harcèlement moral ayant entraîné son inaptitude, de sorte que l'inexécution du préavis était imputable à l'employeur.
Bien que la nullité du licenciement n'ait pas été sollicitée par la salariée, elle peut toutefois prétendre à l'indemnité compensatrice de préavis qu'elle revendique et aux congés payés afférents.
Il convient donc d'infirmer le jugement et, statuant à nouveau, de condamner l'employeur à payer à la salariée la somme de 4 139,34 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 413,93 euros au titre des congés payés afférents.
Sur l'indemnité pour procédure de licenciement irrégulière
La salariée se prévaut de l'article L. 1232-2 du code du travail et soutient que l'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre de convocation. Elle ajoute qu'au cas d'espèce, seuls 4 jours ouvrables lui ont été accordés.
En réplique, l'employeur conteste l'irrégularité soulevée exposant que la salariée a bénéficié d'un délai de 5 jours minimum pour préparer sa défense.
***
L'article L. 1232-2 du code du travail dispose que l'employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable.
La convocation est effectuée par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge. Cette lettre indique l'objet de la convocation.
L'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation.
Lorsque, après une convocation régulière, le salarié a demandé le report de l'entretien, aucun délai n'est imposé à l'employeur pour l'envoi d'une seconde convocation (Soc., 24 novembre 2010, n°09-66.616).
En l'espèce, par lettre du 6 novembre 2018, la salariée a été convoquée à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement, fixé le 15 novembre 2018.
La cour ignore quand cette lettre a été présentée à la salariée, mais celle-ci a écrit, le 14 novembre 2018, à l'employeur pour lui faire savoir que son état de santé l'empêchait de se rendre à l'entretien.
Si la salariée ne demandait alors pas expressément un report de l'entretien, il n'en demeure pas moins que par lettre du jeudi 22 novembre 2018, elle a de nouveau été convoquée à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement, fixé le mardi 4 décembre 2018. La lettre a été présentée à la salariée le mercredi 28 novembre 2018.
La salariée a écrit à l'employeur, par courriel, le 3 décembre 2018 pour lui faire savoir qu'elle ne serait pas présente à l'entretien pour raison de santé.
La salariée n'a pas bénéficié de cinq jours ouvrables pleins entre le 28 novembre 2018 et le 4 décembre 2018.
Toutefois, la salariée savait depuis au moins le 14 novembre 2018 que la procédure de licenciement avait été engagée.
Il en résulte que c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que l'irrégularité commise n'avait pas causé à la salariée de préjudice puisque, dans les faits, elle a bénéficié de près de deux semaines pour préparer sa défense.
Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il déboute la salariée de ce chef de demande.
Sur les intérêts
Les condamnations au paiement de sommes ayant une vocation indemnitaire seront assorties des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
Les condamnations au paiement des indemnités de rupture et des rappels de salaire produiront quant à elles intérêts au taux légal à compter de la réception, par l'employeur, de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes.
Sur la remise des documents
Il conviendra de donner injonction à l'employeur de remettre à la salariée un certificat de travail, une attestation France travail et un bulletin de salaire récapitulatif conformes à la présente décision, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette mesure d'une astreinte.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Succombant, l'employeur sera condamné aux dépens de la procédure d'appel.
Il conviendra de condamner l'employeur à payer à la salariée une indemnité de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ailleurs, le jugement sera confirmé en ce qu'il condamne l'employeur aux dépens et en ce qu'il le condamne à payer à la salariée une indemnité de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS:
Statuant publiquement et par arrêt contradictoire, la cour :
INFIRME le jugement, mais seulement en ce qu'il déboute Mme [V] de sa demande de dommages-intérêts au titre du harcèlement moral et de sa demande de rappel d'indemnité compensatrice de préavis, et congés payés afférents,
CONFIRME le jugement pour le surplus,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
CONDAMNE la société Otis à payer à Mme [V] les sommes suivantes :
. 4 000 euros de dommages-intérêts pour harcèlement moral, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
. 4 139,34 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 413,93 euros au titre des congés payés afférents, avec intérêts au taux légal à compter de la réception, par l'employeur, de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes,
ORDONNE le remboursement par la société Otis aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées à Mme [V] du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage en application de l'article L. 1235-4 du code du travail,
DONNE injonction à la société Otis de remettre à Mme [V] un certificat de travail, une attestation France travail et un bulletin de salaire récapitulatif conformes à la présente décision,
REJETTE la demande d'astreinte,
DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples, ou contraires,
CONDAMNE la société Otis à payer à Mme [V] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la société Otis aux dépens de la procédure d'appel.
. prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
. signé par Madame Aurélie Prache, Présidente et par Madame Dorothée Marcinek, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente