CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 3 octobre 2024, n° 21/00916
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Mylink Logistics (SAS)
Défendeur :
Bansard International (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Renard
Conseillers :
Mme Soudry, Mme Ranoux-Julien
Avocats :
Me Pelit-Jumel, Me Brun, Me Meynard, Me Marie
EXPOSÉ DU LITIGE
La société Bansard International (ci-après société Bansard) a une activité de transports routiers, de mandataire et de commissionnaire en douane, de courtage en transport, d'entreposage et de stockage transit toutes marchandises, de commissionnaire de transport.
La société Easysent, est spécialisée dans les activités de réception, de stockage, de conditionnement, de contrôle et d'expédition de marchandises, de préparation de commandes, de distribution, de plateforme logistique, de tous services de logistique internationale, de commissionnaire de transport et de tous services qui s'y rapportent.
Le 2 décembre 2015, la société Easysent a demandé l'ouverture d'un compte client auprès de la société Bansard au titre d'un flux de marchandises importées de Chine et destinées à être acheminées vers des entrepôts de la société Amazon.
Le 6 janvier 2016, la société Bansard a obtenu des douanes l'autorisation d'utiliser la procédure dite de Delta X (procédure informatisée réservée aux flux importants de messagerie en fret express) pour procéder aux opérations de dédouanement.
Le 18 mai 2016, la société Bansard a sous-loué à la société Easysent des locaux à usage d'entrepôt à compter du 1er mai 2016 jusqu'au 13 mai 2018.
A la fin de l'année 2017, les services des douanes ont décidé d'opérer un contrôle sur les opérations traitées en Delta X par la société Bansard.
Au mois janvier 2018, l'administration des douanes a saisi des colis, entre les mains de la société Bansard, au motif que les exportateurs avaient renseigné des valeurs en douane trop faibles.
A la suite de ce contrôle, la société Bansard a sollicité de la part de la société Easysent une caution bancaire ainsi que la désignation d'un représentant fiscal par courriels des 4 et 5 avril 2018.
Le 6 avril 2018, la société Easysent a transmis à la société Bansard un mandat de représentation en douanes daté du 1er mars 2018 de la part de la société Gem Fully.
Les autorités douanières ont procédé à de nouveaux contrôles de la société Bansard International et de la société Easysent.
Par ordonnance du 19 avril 2018, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Créteil a rendu, en application de l'article 64 du code des douanes, une ordonnance autorisant des agents de l'administration des douanes à procéder à une visite et des saisies dans des locaux et dépendances, à usage professionnel ou privé, occupés par l'agence Bansard International situés à Aulnay-sous-Bois et Tremblay-en-France, dans l'entrepôt de stockage et de manutention mis à la disposition de la société Easysent par la société Bansard, et dans les locaux et dépendances de la société Easysent situés à Tremblay-en-France, afin de rechercher la preuve du délit d'importation sans déclaration de marchandises prohibées.
Les opérations de visite et de saisie se sont déroulées le 26 avril 2018.
Pendant le mois d'avril 2018, la société Bansard a réclamé à la société Easysent le paiement des opérations réalisées en mars 2018 et arrivées à échéance.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 14 mai 2018, la société Bansard a mis en demeure la société Easysent de lui payer la somme de 201 643,13 euros dans un délai de cinq jours.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 28 mai 2018, la société Easysent a répondu qu'elle n'était pas redevable de la plupart des sommes dont le paiement lui était réclamé et que leur débiteur était la société Gem Fully.
La société Bansard a cessé d'intervenir dans la gestion de ce flux de marchandises provenant de Chine.
Par acte du 29 mai 2018, la société Bansard a assigné en référé la société Easysent devant le président du tribunal de commerce de Bobigny afin d'obtenir la condamnation provisionnelle de la société Easysent à lui payer une somme de 204 097, 98 euros en principal, outre les intérêts de retard et les pénalités de recouvrement.
Par ordonnance du 10 juillet 2018, le président du tribunal de commerce de Bobigny a condamné la société Easysent à payer à titre de provision à la société Bansard la somme de 201 645,13 euros avec des pénalités de retard, et 600 euros au titre des pénalités de recouvrement.
Par arrêt du 4 octobre 2018, la cour d'appel de Paris a jugé qu'il n'y avait pas lieu à référé et a infirmé l'ordonnance du 10 juillet 2018.
Par acte du 20 septembre 2018, la société Bansard a assigné la société Easysent devant le tribunal de commerce de Bobigny en paiement de la somme de 243 371, 30 euros, outre les pénalités de retard et de recouvrement.
Par jugement du 22 décembre 2020, le tribunal de commerce de Bobigny a :
- Condamné la société Easysent à payer à la société Bansard la somme de 210 894,38 euros avec des pénalités de retard calculées au taux BCE plus dix points de pourcentage sur le montant de chaque facture à compter de leur date d'exigibilité et jusqu'à leur complet paiement,
- Condamné la société Easysent à payer à la société Bansard la somme de 680 euros au titre des pénalités de recouvrement (correspondant à 17 factures),
- Condamné la société Easysent à payer à la société Bansard la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- Ordonné l'exécution provisoire sans constitution de garantie,
- Condamné la société Easysent aux dépens.
Par déclaration du 11 janvier 2021, la société Easysent a interjeté appel du jugement en ce qu'il a :
- Condamné la société Easysent à payer à la société Bansard les sommes de :
' 210 894,38 euros avec des pénalités de retard calculées au taux BCE plus dix points de pourcentage sur le montant de chaque facture à compter de leur date d'exigibilité et jusqu'à leur complet paiement,
' 680 euros au titre des pénalités de recouvrement,
' 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- Ordonné l'exécution provisoire sans constitution de garantie,
- Condamné la société Easysent aux entiers dépens,
- Débouté la société Easysent de ses demandes.
Par ordonnance du 19 octobre 2022, le premier président de la cour d'appel de Paris a notamment :
- Annulé en toutes ses dispositions l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Créteil en date du 19 avril 2018,
- Annulé les opérations de visite domiciliaire et de saisie autorisées par l'ordonnance du 19 avril 2018,
- Ordonné la restitution à la société Easysent des pièces saisies lors de la visite domiciliaire du 26 avril 2018 telles qu'elles ressortent de l'inventaire des éléments saisis,
- Ordonné la destruction de toute copie sous quelque forme que ce soit des documents dont la saisie est annulée.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par ses dernières conclusions notifiées le 30 avril 2024, la société Mylink Logistics (ci-après Mylink), anciennement dénommée Easysent, demande, au visa des articles 18, 19, 77 du code des douanes de l'union, 396 al 1 du code des douanes, et 1240, 1342-1 et 1353 al 1 du code civil, de :
- Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Et, statuant à nouveau :
A titre principal :
- Donner acte à la société Mylink, anciennement la société Easysent, de sa nouvelle dénomination sociale constatée par procès-verbal des décisions de l'associé unique du 17 juillet 2023 ;
- Juger qu'il n'existait aucune relation contractuelle entre la société Bansard et la société Easysent ;
- Juger que les exportateurs chinois et l'importateur Gem Fully étaient les seuls redevables des factures afférentes aux droits de douanes et aux prestations de la société Bansard ;
- En conséquence, débouter la société Bansard de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
A titre subsidiaire :
- Juger que la société Bansard ne justifie pas de la réalité de la créance dont elle demande paiement ;
- En conséquence, débouter la société Bansard de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
A titre reconventionnel :
- Juger que la société Bansard a manqué à ses obligations de conseil auprès des expéditeurs chinois et provoqué de manière fautive l'arrêt des relations commerciales avec ces derniers ;
- Condamner la société Bansard à verser la somme de 200 000 euros à la société Mylink, anciennement la société Easysent, en réparation de la perte de clientèle et de l'atteinte à sa réputation de ce fait ;
En tout état de cause,
- Condamner la société Bansard à payer à la société Mylink, anciennement la société Easysent, la somme de 25 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la société Bansard aux entiers dépens de l'instance.
Par ses dernières conclusions notifiées le 22 avril 2024, la société Bansard demande, au visa des articles 1101, 1103, 1104, 1113, 1193, 1329 et 1330 du code civil, de :
- Confirmer le jugement rendu le 22 décembre 2020 rendu par le tribunal de commerce de Bobigny en ce qu'il a :
Condamné la société Easysent à payer à la société Bansard la somme de 210 894,38 euros avec des pénalités de retard calculées au taux BCE plus dix points de pourcentage sur le montant de chaque facture à compter de leur date d'exigibilité et jusqu'à leur complet paiement,
Condamné la société Easysent à payer à la société Bansard la somme de 680 euros au titre de l'indemnité de recouvrement,
Condamné la société Easysent à payer à la société Bansard la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamné la société Easysent aux dépens,
- Condamner la société Mylink à payer à la société Bansard la somme complémentaire de 32 476,92 euros avec des pénalités de retard calculées au taux BCE plus dix points de pourcentage sur le montant de chaque facture à compter de leur date d'exigibilité et jusqu'à leur complet paiement,
- Condamner la société Mylink à payer à la société Bansard la somme complémentaire de 280 euros au titre de l'indemnité de recouvrement,
En tout état de cause
- Débouter la société Mylink de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- Condamner la société Mylink à payer à la société Bansard la somme complémentaire de 28 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
- Condamner la société Mylink aux entiers dépens conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 16 mai 2024.
La cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
Sur la demande en paiement de la société Bansard
La société Bansard revendique le paiement d'une somme totale de 243.371,30 euros décomposée comme suit :
- 136.936.00 euros correspondant à des droits et TVA avancés dont 112.520,00 euros pour des importations de la société Gem Fully et 24.416,00 euros pour des importations d'autres sociétés,
- 58.594,87 euros de prestations de transfert des marchandises de Charles de Gaulle à [Adresse 4] sous douanes,
- 31.223,94 euros de formalités de dédouanement,
- 21.015,43 euros de prise en charge et réception des marchandises à [Adresse 4],
- 10.104 euros de loyers et assurances pour les mois d'avril et mai 2018,
- 671,37 euros de magasinage et débours payés aux compagnies,
Sous déduction d'avoirs d'un montant de 15.174,08 euros décomposé comme suit :
- 0,08 euros pour « perte sur ajustement »,
- 84,48 euros correspondant à un avoir émis le 25 avril 2018,
- 12.375,00 euros correspondant à un avoir émis le 28 mai 2018 correspondant au dépôt de garantie versé à la société Bansard par la société Easysent en vertu de la convention de sous location du 18 mai 2016 ; avoir émis dans le cadre du règlement des loyers d'avril et mai 2018, objet de la facture n°491853 du 18 avril 2018,
- 2.714,52 euros correspondant à un avoir émis le 28 mai 2018 par la société Bansard dans le cadre du règlement des loyers d'avril et mai 2018, objet de la facture n°491853 du 18 avril 2018.
Sur l'existence d'une relation contractuelle entre les sociétés Bansard et Easysent
A l'appui de sa demande en paiement, la société Bansard affirme que :
- La société Easysent est un commissionnaire de transport ; que n'ayant pas la qualité de représentant en douane enregistré (anciennement commissionnaire en douane), elle est entrée en relation contractuelle avec elle afin qu'elle réalise les formalités douanières pour le compte de ses clients chinois ;
- La société Easysent a reçu mandat de ses clients chinois de réaliser les formalités douanières d'importation en France, la société Easysent ayant sous-traité celles-ci à la société Bansard ;
- Le mandat entre la société Bansard et la société Easysent doit être apprécié au regard des règles du droit civil et non au regard des règles douanières et se prouve par tout moyen ;
- Elle a accompli les formalités sous les seules instructions de la société Easysent, agissant pour le compte de ses clients, et que son unique contractant et donneur d'ordre est donc la société Easysent ;
- Depuis le début de leurs relations, la société Easysent s'est acquittée d'une somme de 5 980 667 euros auprès d'elle ;
- Le mandat signé entre la société Gem Fully et la société Bansard ne modifie pas les relations contractuelles entre les sociétés Easysent et Bansard ;
- La société Gem Fully n'a jamais donné d'ordre de dédouanement à la société Bansard ;
- Si en tant que représentant en douane, elle dispose d'une action directe à l'encontre de l'importateur réel en remboursement des droits et taxes, la société Easysent demeure débitrice à son égard.
- Outre les opérations de dédouanement, elle a exécuté des prestations de transport, des déclarations de TVA, de stockage'dont elle revendique le paiement ;
- La société Easysent étant son seul donneur d'ordre, elle est redevable de l'ensemble des prestations accomplies selon ses instructions, tant pour le compte de la société Gem Fully que pour celui d'autres sociétés.
La société Easysent soutient que :
- Elle n'était pas contractuellement liée à la société Bansard ;
- La société Bansard est partie à un contrat de mandat, uniquement avec les expéditeurs chinois et la société Gem Fully, et qu'elle-même n'est intervenue qu'en qualité d'intermédiaire et de facilitateur entre les expéditeurs chinois et la société Bansard ;
- Elle était elle-même liée aux expéditeurs chinois par un contrat avec la mission de stocker les colis provenant de l'étranger, après dédouanement, dans des locaux qui lui étaient loués par la société Bansard et de mandater des transporteurs pour acheminer les colis vers un entrepôt de la société Amazon en France ou en Europe ;
- Le mandat de représentation en douane dont se prévaut la société Bansard n'a servi qu'à une seule opération en 2016 et n'est aucunement en cause dans les opérations dont le paiement est réclamé ;
- La société Bansard ne justifie pas d'un mandat écrit qu'elle lui aurait confié alors même que la réglementation douanière impose un tel mandat ;
- La société Bansard a ainsi sollicité en 2017 la transmission d'un tel mandat qui lui a finalement été délivré par la société Gem Fully ;
- Le fait qu'elle ait payé les factures émises par la société Bansard au titre des opérations de marchandises pour lesquelles elle n'était que prestataire logistique, afin de fluidifier les flux de marchandises, n'équivaut pas à un engagement de payer toute facture pour le compte des clients communs ;
- En sa qualité de déclarant, il revenait à la société Bansard d'effectuer la déclaration en douane et de s'acquitter du paiement des droits de douane, sans pouvoir se décharger de sa responsabilité sur elle, simple intermédiaire entre les expéditeurs chinois et leur mandataire la société Bansard ;
- Elle n'était ni déclarante, ni destinataire ou importateur des marchandises, et n'est donc pas débitrice de la dette douanière ;
- La société Easysent n'a jamais été donneur d'ordre de la société Bansard, les informations et instructions de dédouanement étant directement adressées par les clients de cette dernière ;
- Une fois les prestations de dédouanement et de transit des marchandises effectuées, les exportateurs et importateurs sont seuls débiteurs des factures de la société Bansard.
Il sera rappelé qu'en vertu de l'article 86 du code des douanes, dans sa rédaction applicable jusqu'au 5 décembre 2020, les marchandises importées ou exportées devaient être déclarées en détail par leurs détenteurs ou par les personnes ou services ayant obtenu l'agrément de commissionnaire en douane ou l'autorisation de dédouaner dans les conditions prévues par les articles 87 et suivants du code des douanes.
La mission du commissionnaire en douane est d'accomplir, dans le cadre de la représentation directe, c'est-à-dire au nom et pour le compte de son client, ou dans le cadre de la représentation indirecte, c'est-à-dire en son nom, mais pour le compte de son client, des formalités douanières.
Depuis le 1er mai 2016, et l'entrée en vigueur du code des douanes de l'Union, les termes de représentant en douane enregistré doivent remplacer ceux de commissionnaire en douane dans le code des douanes.
L'article 170 du code des douanes de l'Union dispose que :
« 1. Sans préjudice de l'article 167, paragraphe 1, une déclaration en douane peut être déposée par toute personne qui est en mesure de fournir toutes les informations nécessaires pour permettre l'application des dispositions régissant le régime douanier pour lequel les marchandises sont déclarées. Cette personne est également en mesure de présenter ou de faire présenter les marchandises en question en douane.
Cependant, lorsque l'acceptation d'une déclaration en douane entraîne des obligations particulières pour une personne déterminée, cette déclaration est déposée par cette personne ou par son représentant.
2. Le déclarant est établi sur le territoire douanier de l'Union. (') »
Au sens de l'article 5 du code des douanes de l'Union, on entend par « Représentant en douane » : « toute personne désignée par une autre personne pour accomplir auprès des autorités douanières des actes ou des formalités prévus par la législation douanière ».
Selon l'article 18 du même code, la représentation peut être directe, si le représentant agit au nom et pour le compte d'autrui, ou indirecte, s'il agit en son nom propre, mais pour le compte d'autrui.
Depuis le 1er mai 2016, toute personne enregistrée en tant que représentant en douane peut effectuer les formalités et actes douaniers en représentation directe ou indirecte. À titre transitoire, les commissionnaires en douane agréés ont « automatiquement » la qualité de représentant en douane enregistré.
L'article 19 du code des douanes de l'Union prévoit que :
« 1. Lorsqu'il traite avec les autorités douanières, le représentant en douane déclare agir pour le compte de la personne représentée et précise s'il s'agit d'une représentation directe ou indirecte.
Les personnes qui ne déclarent pas qu'elles agissent en tant que représentant en douane ou qui déclarent agir en tant que représentant en douane sans y être habilitées sont réputées agir en leur nom propre et pour leur propre compte.
2. Les autorités douanières peuvent exiger des personnes déclarant agir en tant que représentant en douane la preuve de leur habilitation par la personne représentée.
Dans des cas spécifiques, les autorités douanières n'exigent pas une telle preuve.
3. Les autorités douanières n'exigent pas d'une personne agissant en tant que représentant en douane qui accomplit des actes ou des formalités régulièrement qu'elle fournisse à chaque occasion la preuve de son habilitation, pour autant que cette personne soit en mesure de fournir une telle preuve à la demande des autorités douanières. »
L'article 5 de l'arrêté du 13 avril 2016 prévoit, pour la mise en 'uvre du 2 de l'article 19 du code des douanes de l'Union, que la preuve de l'habilitation par la personne représentée est une preuve écrite qui peut être électronique.
La représentation en douane concerne le dépôt de la déclaration en détail, mais aussi l'accomplissement de tous les actes et formalités prévus par la réglementation douanière (et le paiement des droits et taxes ou la représentation au contentieux).
Les rapports juridiques du commissionnaire en douane (ou du représentant en douane) et de son donneur d'ordre sont régis par les règles communes au mandat des articles 1984 et suivants du code civil.
Le mandat de représentation en douane emporte certaines conséquences pour le représentant à l'égard des douanes et doit être écrit.
Le représentant en douane enregistré peut exécuter sa mission sur instruction directe de son client, l'entreprise qui importe la marchandise, mais il peut agir sur instructions d'un intermédiaire, notamment d'un commissionnaire de transport chargé de l'ensemble des opérations de transport et de douane.
Cette substitution d'intervenants peut être nécessaire lorsque l'entreprise de commission de transport, à qui le client a confié son trafic et qui s'est engagée à traiter l'ensemble des opérations de bout en bout de la chaîne de transport, n'a pas la qualité de représentant en douane.
Dans ce cas, le commissionnaire de transport donne mandat à un représentant en douanes d'effectuer certaines opérations et notamment les opérations en douane. Un tel mandat doit être distingué du mandat de représentation en douane et n'est pas nécessairement écrit. En cas de substitution d'intervenants, le paiement des droits et taxe se fait en deux temps : le client importateur paye le commissionnaire de transport et le représentant en douane facture les droits et taxes et ses honoraires d'intervention à son donneur d'ordre direct. Dans ces conditions, la substitution d'intervenants se fait en dehors de toute intervention ou connaissance préalable de l'importateur qui ne connait l'intervention du représentant en douane qu'en recevant le document douanier justificatif.
En l'espèce, il ressort des pièces versées aux débats que la société Easysent a pris contact, à la fin d'année 2015, avec la société Bansard, commissionnaire en douane, pour l'ouverture d'un compte client dans le cadre d'un flux de marchandises « BtoB » pour lequel elle devait procéder au dédouanement des marchandises ; que par courriel du 27 mars 2017, la société Bansard a adressé au dirigeant de la société Easysent de nouvelles propositions tarifaires ; que le volume d'affaires entre les deux sociétés s'est élevé à 2.950.860 euros en 2016 et 1.573.420 euros en 2017, que l'extrait de compte tiers au 1er juin 2018 fait apparaître de nombreux paiements effectués par la société Easysent à la société Bansard au titre de factures périodiques et notamment une facture n°491503 du 28 mars 2018 pour un montant de 29.796 euros correspondant à des droits de douane et de la TVA ; que lors d'une audition le 26 octobre 2017 par les services des douanes, M. [T] disposant d'une procuration du président de la société Easysent, a indiqué : « Nous sommes commissionnaires de transport, c'est-à-dire organisateurs de transport. Pour l'instant, nous ne travaillons qu'avec la Chine. Nous organisons le transport depuis la Chine jusqu'à la livraison finale en Europe. Nous n'avons pas de véhicule et de moyens. Nous mettons bout à bout les prestataires : compagnies aériennes d'abord, transitaire ensuite (nous ne travaillons qu'avec Bansard comme transitaire), Bansard gère la prestation de [6] jusqu'à [Adresse 4] puis nous reprenons le relais jusqu'à la destination finale. (') C'est Bansard qui acquitte les droits et taxes, Bansard nous refacture à l'identique et nous refacturons nos clients (l'expéditeur en Chine) à l'identique. (') Il n'a pas de contrat. Il y a un tarif mis en place par Bansard qui est accepté par Easysent. Les conditions générales font foi. » ; que dans un courriel du 1er juin 2018, le dirigeant de la société Easysent n'a pas contesté être redevable de la dette figurant au compte client de la société Bansard et a indiqué à celle-ci « Arrêtez de parler de l'argent ! Nous n'avons jamais dit qu'on ne payer pas votre facture mais à les échéances comme prévu, le jour que vous arrête avec nous et le blocage des marchandises, nous sommes à jour sans retard de paiement » (sic) ; que la société Bansard n'avait aucun rapport avec les expéditeurs chinois et que la société Easysent était seule en relation avec eux ; que la société Easysent refacturait à ces clients, les prestations effectuées par la société Bansard, les droits de douanes, la TVA et le transport des derniers kilomètres.
Ces éléments démontrent l'existence d'un contrat de mandat liant la société Bansard et la société Easysent par lequel cette dernière l'a chargée de procéder au dédouanement de marchandises, de payer les droits de douanes et la TVA, de transférer les marchandises entre l'aéroport [6] et [Adresse 4], de prendre en charge et réceptionner les marchandises à [Adresse 4], d'effectuer des opérations de magasinage, de payer des droits aux compagnies aériennes'ainsi que cela ressort des conditions tarifaires proposées par courriel du 27 mars 2017 et acceptées par la société Easysent ainsi que l'a reconnu M. [T]. Ainsi la société Easysent, commissionnaire de transport s'étant engagée à l'égard de ses clients exportateurs, à organiser le transport des marchandises de bout en bout, a sous-traité à la société Bansard l'accomplissement des opérations en douanes.
Il sera relevé que la société Easysent, qui minimise son intervention, a refusé de produire les contrats la liant à ses clients importateurs ainsi que les factures qu'elle a établies, ce qui aurait permis de connaître avec précision ses obligations contractuelles.
Ainsi qu'il a été rappelé ci-dessus, le contrat de mandat liant la société Easysent et la société Bansard, par lequel la première a sous-traité à la seconde l'accomplissement des formalités douanières pour ses clients exportateurs, est distinct des mandats de représentation en douane liant la société Bansard aux exportateurs de marchandises, et notamment du mandat de représentation en douane signé le 1er mars 2018 par la société Gem Fully, en ce qu'ils n'emportent pas les mêmes obligations (à l'égard des douanes ainsi qu'entre les parties).
Ainsi la société Easysent ne saurait invoquer le fait qu'elle n'est pas l'importateur ou l'exportateur réel pour écarter une action de la société Bansard contre elle, au motif que le professionnel de la douane devrait agir contre cet importateur ou exportateur réel. En effet, dès lors que le donneur d'ordre de la société Bansard, commissionnaire en douane, est bien la société Easysent, commissionnaire de transport, celle-ci peut être actionnée en premier.
Sur la créance
La société Bansard affirme verser au débat les éléments justifiant de la réalité de ses prestations réalisées à la demande de la société Easysent. Elle fait valoir que par courriel du 1er juin 2018, le président de la société Easysent a accepté le principe et le quantum des factures litigieuses adressées et que ce courriel vaut reconnaissance de dette.
La société Mylink réplique que la société Bansard ne justifie pas de l'exécution effective des prestations en lien avec les factures litigieuses. Elle fait valoir que les déclarations en douane produites par la société Bansard ne peuvent justifier de la réalisation des prestations.
L'article 1999 du code civil pose le principe du remboursement par le mandant des avances et frais exposés par le mandataire dans le cadre de la mission qui lui a été confiée.
En outre, il résulte de ce qui précède que la société Easysent a confié à la société Bansard la réalisation de certaines prestations pour lesquelles un prix a été convenu.
En l'espèce, la société Bansard produit en pièce 35 un tableau recensant les 24 factures dont elle réclame le paiement :
- 5 factures n°491842, 492355,492357, 492844 et 492848 entre le 16 avril 2018 et le 28 mai 2018 correspondant à l'avance de droits et TVA ;
- 6 factures n°538812, 539226, 539384, 539688, 540273 et 540848 entre le 9 avril 2018 et le 4 juin 2018 correspondant à des frais de transfert [6] via [Adresse 4] sous douane ;
- 3 factures n°491844, 492851 et 493090 entre le 16 avril 2018 et le 7 juin 2018 correspondant à des formalités de dédouanement ;
- 5 factures n°491843, 492356, 492358, 493091 et 492859 entre le 16 avril 2018 et le 28 mai 2018 correspondant à la prise en charge et la réception des marchandises à [Adresse 4] ;
- 1 facture n°491853 du 18 avril 2018 correspondant aux loyers des mois d'avril et mai et l'assurance 2018 pour le local sous-loué par la société Bansard à la société Easysent ;
- 4 factures n°538907, 539074,540548 et 540577 correspondant à des prestations de magasinage et des débours payés aux compagnies aériennes.
Il sera relevé que ces factures sont très détaillées et mentionnent les références des transports, leur date, le nombre de colis ainsi que les tarifs appliqués qui correspondent à ceux acceptés par la société Easysent. Il sera souligné qu'en ce qui concerne les avances de droits et TVA, la société Bansard produit chacune des déclarations d'importation, des tableaux Excell récapitulant pour chaque facture les droits et TVA appliqués ainsi qu'un tableau recensant le numéro de déclaration simplifiée et le montant des droits appliqués.
Il résulte de ces éléments que la créance est établie et il convient de faire droit à la demande en paiement de la société Bansard pour un montant total de 243.371,53 euros.
Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il condamné la société Easysent à payer à la société Bansard les sommes de :
' 210 894,38 euros avec des pénalités de retard calculées au taux BCE plus dix points de pourcentage sur le montant de chaque facture à compter de leur date d'exigibilité et jusqu'à leur complet paiement,
' 680 euros au titre des pénalités de recouvrement
Il sera observé que les premiers juges n'ont fait droit à la demande en paiement de la société Bansard que partiellement, à hauteur de 210.894,38 euros, en retenant dans leurs calculs un relevé client du 17 octobre 2018 qui faisait apparaître un solde débiteur de 234.771.53 euros et en rejetant la demande en paiement au titre de 7 factures (n°493091, 492850, 492851, 540548, 540577, 540848 et 493090) représentant un total de 23.877,15 euros.
Toutefois le relevé du 17 octobre 2018 tient compte d'une somme de 8.600 euros, figurant au crédit, perçue dans le cadre d'une saisie attribution qui a été remise en cause par l'arrêt rendu le 4 octobre 2018 par la cour d'appel de Paris. Dès lors, il y a lieu de réintégrer cette somme de 8.600 euros dans le solde dû, de sorte qu'il convient de faire droit à la demande en paiement de la société Bansard d'une somme supplémentaire de 32 476,92 euros (23.877,15 euros +8600 euros) dans le cadre de son appel incident.
Les premiers juges n'ayant pas rejeté, dans le dispositif du jugement, la demande complémentaire en paiement de la société Bansard à concurrence de 32.476,92 euros, la cour statuera sur ce point.
La société Mylink sera en conséquence condamnée à payer à la société Bansard la somme complémentaire de 32 476,92 euros avec des intérêts de retard calculés au taux BCE plus dix points de pourcentage sur le montant de chaque facture à compter de leur date d'exigibilité et jusqu'à leur complet paiement, outre une somme complémentaire de 280 euros (40 euros x 7 factures) au titre de l'indemnité de recouvrement.
Sur la demande reconventionnelle en dommages et intérêts
La société Mylink revendique l'engagement de la responsabilité de la société Bansard en se prévalant de l'inexécution par celle-ci de ses obligations à l'égard des expéditeurs chinois, ses mandants. Elle lui reproche d'avoir évincé les expéditeurs chinois en exerçant une rétention injustifiée de leurs marchandises et en exigeant de sa part des garanties et des paiements à la suite du contrôle douanier. Elle explique avoir de ce fait subi un préjudice dès lors qu'elle a perdu la clientèle des expéditeurs chinois ainsi qu'une atteinte à sa réputation. Elle ajoute que la société Bansard était débitrice d'une obligation de conseil envers ses mandants chinois et aurait dû les alerter des incohérences relevées.
La société Bansard réplique que compte tenu de leurs relations de nature contractuelle, la société Easysent ne peut pas agir à son encontre sur le fondement délictuel. Elle affirme que la société Easysent ne peut pas lui reprocher un défaut de conseil et de surveillance dans le contrôle des milliers d'opérations traitées alors qu'elle a admis qu'elle procédait elle-même au renseignement du logiciel permettant le dédouanement des marchandises. Elle relève qu'aucune faute n'est démontrée à son encontre.
Il ressort de ce qui précède que les sociétés Bansard et Easysent étaient liées par un contrat de mandat. En outre, il ne peut pas être reproché à la société Bansard d'avoir mis fin au flux de marchandises en provenance de Chine ou encore retenu des marchandises alors qu'il est démontré qu'elle n'était pas payée de ses frais et honoraires. Il n'est pas davantage établi que la société Bansard aurait dû relever les incohérences dans les déclarations effectuées ayant donné lieu à un contrôle douanier et ainsi manqué à son devoir de conseil. Il sera à cet égard relevé que la société Easysent ne rapporte la preuve d'aucune incohérence dans les déclarations effectuées par la société Bansard, qu'aucune infraction douanière n'a été constatée et que les flux de marchandises portaient sur des milliers d'opérations.
La demande de dommages et intérêts de la société Mylink sera donc rejetée, étant relevé que le jugement l'a rejetée uniquement dans ses motifs.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
La société Mylink succombe à l'instance. Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles seront confirmées. La société Mylink supportera les dépens d'appel et sera condamnée à payer à la société Bansard une somme supplémentaire de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. La demande qu'elle a formée de ce chef sera rejetée.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Confirme le jugement ;
Y ajoutant,
Condamne la société Mylink Logistics à payer à la société Bansard International la somme complémentaire de 32 476,92 euros avec intérêts de retard calculées au taux BCE plus dix points de pourcentage sur le montant de chaque facture à compter de leur date d'exigibilité et jusqu'à leur complet paiement ;
Condamne la société Mylink Logistics à payer à la société Bansard International une somme complémentaire de 280 euros au titre de l'indemnité de recouvrement ;
Rejette la demande de dommages et intérêts de la société Mylink Logistics ;
Condamne la société Mylink Logistics à payer à la société Bansard International une somme supplémentaire de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejette la demande de la société Mylink Logistics au titre des frais irrépétibles ;
Condamne la société Mylink Logistics aux dépens qui pourront être recouvrés selon les modalités de l'article 699 du code de procédure civile.