Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 2 octobre 2024, n° 22/14165

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Dalex 11 (Sasu)

Défendeur :

Shiva Groupe (SASU)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Bodard-Hermant

Vice-président :

Mme Brun-Lallemand

Conseiller :

Mme Dallery

Avocats :

Me Autier, Me de Saint-Pol, Me Le Meliner, Me Delay Peuch, Me Le Hec

T. com. Paris, 16e ch., du 1er juill. 20…

1 juillet 2022

EXPOSÉ DU LITIGE

La société Shiva Groupe exploite un réseau de franchise de services à la personne (ménage et repassage, garde d'enfant) sous enseigne Shiva, lequel repose sur un système de mandats :

- Le franchisé est mandaté, d'une part, par les familles clientes pour la pré-sélection et la présentation de l'intervenant à domicile, la réalisation des tâches administratives liées à l'emploi du salarié employé de maison et le versement pour le compte des particuliers employeurs de la rémunération due, et d'autre part, par le personnel de maison pour collecter les salaires qui lui sont dus ;

- Le franchisé mandate irrévocablement le franchiseur pour payer pour le compte du client du franchisé les salaires dus au personnel de maison ; établir les bulletins de paye ; collecter auprès du particulier employeur les salaires dus aux personnels de maison ; collecter les cotisations sociales dues à l'URSSAF et les reverser aux organismes sociaux ; établir la facture du client du franchisé ; le franchiseur étant l'unique dépositaire des sommes dues aux personnels de maison et aux organismes sociaux.

La société Dalex 11 a contracté avec Shiva Groupe au travers deux contrats de franchise, le premier signé le 26 aout 2013 poursuivant l'exploitation de l'agence d'[Localité 7], le second signé le 5 mars 2015 pour exploiter une agence située dans le [Localité 2].

Les factures clients ont toutes été dressées au taux de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) réduit prévu à l'article 279 du code général des impôts (soit 10 %).

Le 19 décembre 2019, Dalex 11, qui avait cédé ses deux fonds de commerce Shiva les 27 septembre et 23 octobre précédents, a reçu une proposition de rectification de l'administration fiscale indiquant que, pour la période du 1er septembre 2015 au 31 aout 2016, elle était redevable de la somme de 18 931 €, car elle aurait dû soumettre ses prestations au taux normal de TVA (soit 20 %) dès le début de son activité. Le 28 janvier 2020, elle a mis Shiva Groupe en demeure de lui verser sous huitaine la somme sollicitée. Elle lui a également demandé de s'engager à garantir toutes les sommes qui pourraient être réclamé ultérieurement par l'administration fiscale.

Le 28 février 2020, la société Dalex 11 a reçu un courrier de l'administration fiscale indiquant que pour la période du 1er septembre 2015 au 31 août 2019, le rappel de taxe s'élevait à la somme de 100 590 €. Le 11 juin 2020, Dalex 11 a transmis ce courrier à Shiva Groupe en la mettant en demeure de lui verser l'intégralité de la somme réclamée par l'administration fiscale.

Le 29 juin 2020, la société Shiva Groupe a, par mail, contesté toute responsabilité, en faisant valoir que son rôle s'était borné à respecter son obligation d'information et qu'elle n'avait pas à garantir la continuité ou la modification d'une législation ou d'une doctrine administrative. Selon elle, le choix du taux de TVA, particulièrement après la note adressée le 14 novembre 2018 aux franchisés en lien avec le contrôle TVA subi par certains, a été fait sous la seule responsabilité de Dalex 11.

Dalex 11 s'est, à réception d'un avis de mise en recouvrement, acquittée de la somme réclamée puis a saisi le tribunal administratif de Paris pour voir prononcer la décharge de ces rappels de TVA.

Par acte du 13 avril 2021, Dalex 11 a assigné Shiva Groupe devant le tribunal de commerce de Paris pour obtenir le paiement de diverses sommes au titre des manquements à son obligation d'assistance, des frais non contractuels perçus et du préjudice moral, ainsi que pour que Shiva Groupe soit condamnée à la garantir de toutes les sommes que Dalex 11 pourrait être condamnée à verser à l'administration fiscale du fait des redressements dus à l'application d'un taux de TVA minoré dans le cadre de son activité de franchisée.

Par jugement du 1er juillet 2022, le tribunal de commerce de Paris a :

- Débouté la société Dalex 11 de toutes ses demandes ;

- Condamné la société Dalex 11 à payer à la société Shiva Groupe la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Débouté la société Shiva Groupe pour le surplus ;

- Condamné la société Dalex 11 au paiement des dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 70,86 € dont 11,60 € de TVA.

Dalex 11 a interjeté appel de ce jugement, par déclaration reçue au greffe de la Cour le 26 juillet 2022.

Par jugement du 5 mars 2024, le tribunal administratif de Paris n'a pas retenu l'analyse de l'administration selon laquelle la société Dalex 11 ne réalise pas directement les prestations de ménage proposées, ne salarie pas les travailleurs placés chez les particuliers employeurs, ses tâches étant essentiellement administratives. Considérant qu'elle devait être regardée comme effectuant des prestations de service d'entretien de la maison et de travaux ménagers entrant dans le champ d'application du taux réduit de la TVA, la juridiction a en conséquence déchargé la société Dalex des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mise à sa charge pour la période du 1er septembre 2015 au 31 décembre 2019.

Dalex 11 demande à la Cour, aux termes de ses conclusions n°5, transmises par RPVA le 18 mars 2024, de :

Vu les contrats de franchise conclus,

Vu les articles 1134 (ancien), 1103 et 1240 du code civil,

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Déclarer la société Dalex 11 recevable et bien fondée en toutes ses demandes, fins et conclusions ;

Réformer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- Débouté la société Dalex 11 de toutes ses demandes et particulièrement aux fins de condamner Shiva Groupe à la garantir de toutes les sommes qu'elle pourrait être condamnée à verser à l'administration fiscale du fait de redressements dus à l'application d'un taux de TVA à 10 % dans le cadre de son activité de franchisée Shiva ; condamner Shiva Groupe à lui verser la somme de 44 812,36 € au titre des frais non contractuels perçus ; condamner Shiva Groupe à lui payer la somme de 10 000 € au titre des manquements à son obligation d'assistance ; condamner Shiva Groupe à lui payer 20 000 € en réparation de son préjudice moral ; condamner Shiva Groupe à lui payer la somme de 15 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné la société Dalex 11 à payer à la société Shiva Groupe la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et au paiement des dépens ;

Statuant à nouveau,

* Déclarer la société Dalex 11 recevable et bien fondée en toutes ses demandes ;

* Rejeter l'intégralité des demandes de la société Shiva Groupe ;

Condamner la société Shiva Groupe à garantir la société Dalex 11 de toutes les sommes qu'elle pourrait être condamnée à verser à l'administration fiscale du fait de redressements dus à l'application d'un taux de TVA à 10 % dans le cadre de son activité de franchisée Shiva ;

* Condamner la société Shiva Groupe à verser à la société Dalex 11 la somme de 36233,81 € au titre des frais non-contractuels perçus ;

* Condamner la société Shiva Groupe à verser à la société Dalex 11 la somme de 20 000 € au titre du préjudice moral subi du fait de ses agissements ;

* Condamner la société Shiva Groupe au paiement d'une indemnité de 15 000 € au profit de la société Dalex 11 au titre de l'article 700 du code de procédure civile, relative à la procédure de première instance ;

* Condamner la société Shiva Groupe au paiement d'une indemnité de 15 000 € au profit de la société Dalex 11 au titre de l'article 700 du code de procédure civile, relative à la procédure d'appel.

La société Shiva Groupe demande à la Cour, aux termes de ses conclusions n°4, transmises par RPVA le 19 mars 2024, de :

Vu les articles 1134, 1231-2 et 1989 du code civil,

* Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

* En conséquence, débouter la société Dalex 11 de toutes ses demandes ;

* Condamner la société Dalex 11 à payer à la société Shiva Groupe 25 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

* Condamner la société Dalex 11 au paiement des entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 19 mars 2024.

La Cour renvoie à la décision entreprise et aux conclusions susvisées pour un exposé détaillé du litige et des prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

Sur les obligations respectives des parties s'agissant du taux de TVA à appliquer

Moyens des parties

La société Dalex 11 soutient, tout d'abord, que l'article 5 du contrat de franchise indique que le savoir-faire de l'enseigne est composé d'un savoir-faire relatif à la gestion (notamment des modes, procédures et normes de commercialisation spécifiques aux services Shiva et de l'établissement des paies des intervenants, de l'administration individuelle des agences et des services administratifs centraux), ainsi qu'un savoir-faire relatif à la logistique et à l'existence d'un double mandat validé en conformité avec la législation en vigueur.

Elle considère que le modèle économique mis en place par Shiva Groupe fait partie intégrante du savoir-faire, étant entendu par ailleurs que la société Shiva Groupe a prétendu, dans la plaquette de présentation du réseau et dans le « guide du franchisé » (pièces n°4 et 22), disposer de compétences particulières dans le domaine juridique et fiscal et qu'elle met en avant, sur son site internet et sur la page destinée à présenter la franchise à de futurs candidats, l'application du taux réduit de TVA (pièce n°18 : constat d'huissier du 15 janvier 2020 et pièce n°20 « la presse en parle »). Dalex 11 observe aussi que les courriers de l'administration fiscale des 19 décembre 2019 et 28 février 2020 (pièces n°10 et 11) comprennent des développements faisant état de ce qu'elle n'assure que la partie commerciale des missions de sorte que selon l'appelante, toutes les missions à caractère juridique et social sont nécessairement réalisées par le franchiseur Shiva Groupe.

Faisant valoir que Shiva Groupe se chargeait seule de la facturation, sur laquelle Dalex 11 n'avait absolument pas la main dès lors que la délégation, par contrat de mandat, des missions de facturation à Shiva Groupe est rendue obligatoire par le contrat de franchise, elle considère n'avoir eu d'autre possibilité que de suivre les choix de son franchiseur en ce qui concerne le taux de TVA applicable. Le système de double mandat permettait selon elle à Shiva Groupe de garder la main sur absolument toutes les opérations réalisées par Dalex 11. Elle ajoute que dans la mesure où les factures étaient établies directement par Shiva Groupe, elle n'aurait pas pu, quand bien même elle aurait souhaité le faire, appliquer une TVA à 20 %, car Shiva Groupe n'aurait selon elle jamais accepté l'application d'une TVA à taux normal, son modèle économique dépendant de ce dernier. Elle évoque plus spécifiquement un arrêt rendu par la cour administrative d'appel de Versailles du 15 décembre 2023 selon lequel les prestations d'entremise assurées en qualité d'intermédiaire agissant au nom et pour le compte d'autrui, ce que fait Dalex 11, ne figurent pas parmi les prestations de service d'aide à la personne bénéficiant du taux réduit de TVA et que la taxe applicable à cette prestation relève du taux normal de TVA. Elle déduit de l'ensemble que le franchiseur lui a imposé de commettre des manquements à la règlementation fiscale.

Delex 11 soutient enfin que si Shiva Groupe est sûre d'elle quant au taux de TVA applicable, elle n'a pas à craindre de donner sa garantie, laquelle ne sera jamais mobilisée. Elle fait valoir qu'en prenant une position inverse, elle reconnaît que son savoir-faire n'est pas éprouvé et qu'elle a par conséquent commis une faute engageant sa responsabilité.

Shiva Groupe répond, tout d'abord, qu'il n'a jamais été donné mandat à la société Shiva Groupe d'établir les déclarations fiscales de la société Dalex 11 et qu'elle ne fait que réaliser la liste de tâches limitativement confiées par l'article 8.6 du contrat à Shiva Groupe, telle que celle d'établir les factures. Observant que les pièces adverses versées aux débats sont anciennes (guide du franchisé non daté mais mentionnant le taux réduit antérieur, articles des Echos de 2012 à un moment où le débat sur la TVA n'existait pas'), elle soutient que dans un document envoyé le 14 novembre 2018 « Shiva News note spéciale » (pièce Dalex n°4) , lorsque certains franchisés ont interrogé Shiva Groupe sur le taux de TVA à appliquer, Shiva Groupe a rappelé qu'ils étaient des commerçants indépendants et qu'ils pouvaient se faire accompagner d'un expert-comptable, car ils étaient libres de leurs décisions de gestion, notamment s'agissant du taux de TVA à appliquer. Shiva Groupe leur a toutefois, avec compétence et transparence, fourni une présentation du droit applicable très circonstanciée sur ce que disait la loi, sur ce que disait l'administration fiscale au moment où la note a été transmise et sur ce qui avait été jugé jusqu'à la date de son envoi, en précisant à ses franchisés qu'il n'était pas impossible qu'un inspecteur des impôts prenne une position inverse, mais qu'il fallait alors « gérer cela au mieux de vos intérêts avec vos conseils ». Shiva Groupe ne conteste pas être tenue d'une obligation d'assistance et d'information du franchisé quant au taux de TVA, mais fait ainsi valoir qu'aucune faute ne peut lui être imputée sur ce point, si bien qu'elle n'a pas à garantir la société Dalex 11 de toutes les sommes qu'elle pourrait être condamnée à verser à l'administration fiscale du fait de redressements dus à l'application d'un taux de TVA à 10 % dans le cadre de son activité de franchisé Shiva.

Shiva Groupe soutient, ensuite, qu'en tant qu'entrepreneur indépendant, il appartenait à Dalex 11 de décider du taux de TVA qu'elle voulait appliquer et l'indiquer au franchiseur qui établissait les factures en respectant les ordres de son mandant, Shiva Groupe n'ayant pas à s'immiscer dans l'activité indépendante de Dalex 11 et dans ses choix fiscaux. Il relevait selon elle de la liberté de choix de Dalex 11 d'appliquer un taux minoré à 10 %, ce qui résultait de la jurisprudence en cours de formation, au risque d'un redressement ultérieur, ou de préférer appliquer un taux de 20 % pour éviter absolument tout risque tout en payant plus que nécessaire. Dalex 11, qui comme tout mandant peut donner des instructions à son mandataire, ne peut pas soutenir qu'elle n'aurait pas eu le choix, ce qui serait totalement contraire au régime du mandat. Shiva Groupe ajoute que certains franchisés ont d'ailleurs fait le choix d'appliquer un taux normal de TVA à 20 %, ce que le franchiseur a respecté immédiatement lors de l'établissement des factures, contrairement à ce que prétend l'appelante. Dalex 11 avait par ailleurs la possibilité, afin de lever tout doute, d'interroger la direction départementale des finances publiques dont elle dépendait, comme l'ont fait plusieurs franchisés (pièce Shiva n°23). Affirmer que le taux de 10 % de TVA conditionne la survie de son modèle lui parait hâtif et erroné dès lors que subsiste la réduction et crédit d'impôt de 50 %, qui demeurent très attractifs. De plus, le client final qui paierait plus de TVA dans l'hypothèse d'un taux à 20 % en récupérerait la moitié grâce à cet avantage fiscal de 50 %.

Shiva Groupe fait valoir, par ailleurs, qu'à supposer même qu'elle ait appliqué le taux de TVA minoré sans avoir reçu d'instruction de Dalex 11, elle n'a commis aucune faute, ainsi qu'il résulte des documents émanant de l'administration fiscale (pièces n°11 à 15 : instructions fiscales 3-C-06 de mai 2006 et 3-C-1-12 de février 2012, document d'instruction DGCIS n°1-2012 du 26 avril 2012, de la réponse à question écrite du 17 janvier 2014, rescrit fiscal) et de la décision du tribunal administratif de Strasbourg du 24 avril 2018 (pièce n°7) définitive suite à désistement du fisc. Elle se prévaut aussi de l'arrêt C-2/95 de la CJUE du 5 juin 1997 Sparekassernes Datacenter SDC. Elle ajoute qu'au surplus, il peut être observé qu'a posteriori, le taux réduit a été confirmé par les juges de première instance (pièces n°16 à 22 : jugements des tribunaux administratifs de Versailles du 10 mai 2022, de Melun du 23 novembre 2023, de Paris du 21 mars 2023 et du 5 octobre 2023), étant entendu que l'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 15 décembre 2023 cité par Dalex 11 refuse le bénéfice du taux de TVA réduit pour des motifs propres à l'espèce et est en tout hypothèse postérieur au jour de l'acte prétendument fautif allégué.

Shiva Groupe soutient, enfin, que dès lors que le tribunal administratif de Paris a déchargé Dalex 11 en droits et intérêts des rappels de taxes qui avaient été opérés par l'administration, il n'y a en l'état plus aucun préjudice. Ce n'est qu'au terme d'un recours de l'administration fiscale de cette décision que le préjudice de Dalex 11 pourrait exister, il est pour l'instant hypothétique.

Réponse de la Cour

Il ressort des pièces versées que Shiva Groupe promeut sa franchise en faisant valoir :

- dans le document « devenir chef d'entreprise' vous y pensez souvent ' » que le marché des services à la personne en général, et celui de l'entretien de la maison en particulier est particulièrement porteur en raison de l'éclatement de la structure familiale, la multiplication des couples ci-actifs, l'allongement de la durée de la vie et l'envie et le besoin de déléguer, étant observé que les associations se concentrent sur l'aide sociale et que l'environnement économique et fiscal est favorable en raison de la réduction et du crédit d'impôt, de la TVA à taux réduit, et du chèque emploi service universel ;

- dans sa plaquette de présentation, que les points forts de la franchise Shiva sont un le savoir-faire dans le discours et le process, la formation complète de plusieurs semaines, l'accompagnement dès la signature du DIP, l'animation par une équipe dédiée, le soutien d'experts du marketing, de la communication et de tous les services centraux et un back office performant pour gérer l'administratif.

Le guide fourni ses franchisés traite ainsi de l'étude de marché à effectuer, de la construction du projet, de l'implantation de l'agence, de son équipement, de son aménagement, et des mesures à prendre pendant les travaux et l'ouverture.

Il ressort notamment de ces éléments, ainsi que des dispositions de l'article 5 du contrat de franchise qui en constituent le cadre, et qui décrivent tout à la fois un savoir-faire d'exploitation (marketing, gestion, logistique, méthodes de sélection des intervenants et assistance de ces dernier et des familles) et d'aide à l'exploitation, que le suivi par le franchiseur de la règlementation fiscale et de son application aux services à la personne rendus par les franchisés fait partie, parmi d'autres, de ses obligations.

En ce domaine la Cour retient, après le tribunal et à l'issue des débats à hauteur d'appel :

- que la question du taux réduit de TVA faisait l'objet d'une attention suivie du franchiseur,

- que Shiva avait appelé l'attention de ses franchisés, par une note circulaire du 14 novembre 2018, sur les tentatives menées par un nombre limité de centre des impôts d'interpréter plus rigoureusement les textes, pour l'exercice du métier de prestataire de services à la personne en mode mandataire, en refusant le taux réduit de TVA.

Y ajoutant, la Cour constate :

- que la « note spéciale Shiva news » du 14 novembre 2018 exclusivement consacrée au taux TVA comprend différentes rubriques (Quelle est l'activité de Shiva ' Avec quoi il ne faut pas confondre notre activité ' Que dit la loi ' Que dit l'administration fiscale ' Que dit la jurisprudence ' Que dit le ministre du budget '), lesquelles sont synthétiques mais assez substantielles et circonstanciées.

- que cette note est par ailleurs précédée du paragraphe suivant : « Tout d'abord, nous tenons à vous rappeler que vous êtes des entrepreneurs et des chefs d'entreprises indépendants. Vous êtes libres de vos décisions de gestion et vous pouvez vous faire accompagner par les comptables et les conseils juridiques de votre choix. Les métiers de Shiva sont très encadrés et les réglementations multiples (exclusivité d'activité, déclaration DIRECCTE, obligations déclaratives, etc). Nous bénéficions d'un cadre favorable mais contraignant et parfois mal appréhendé par les autorités. La vérification de la comptabilité est un moment normal mais anxiogène de la vie du chef d'entreprise. Vous pouvez utilement vous faire accompagner pour adopter la meilleure stratégie et prendre les bonnes décisions. En tant que franchiseur, nous ne pouvons pas nous substituer à votre responsabilité mais nous pouvons vous faire partager notre expérience et les informations les plus pertinentes pour défendre vos positions. »

- que cette note se termine par : « Nous tenions, en tant que franchiseur à partager avec vous ces éléments pour vous aider, vous et vos conseils, dans vos démarches fiscales en matière de TVA. La fiscalité est néanmoins une matière vivante et sujette, comme vous le voyez, à interprétation de la part des inspecteurs fiscaux et/ou des tribunaux. Par ailleurs, les spécificités et l'historique de vos entreprises peuvent conduire un inspecteur des impôts à prendre positon dans un sens ou dans l'autre. Il vous appartient de gérer cela au mieux de vos intérêts avec vos conseils ».

Il se déduit de l'ensemble que s'il revenait à Shiva Groupe d'établir les factures, et si elle était tenue de respecter son obligation d'assistance et d'information du franchisé quant au taux de TVA à retenir, il appartenait à Dalex 11 de procéder aux déclarations de TVA et, pour ce faire, il lui revenait de décider du taux de TVA qu'elle voulait voir appliqué, au vu d'éléments qui ont au cas présent été portés par le franchiseur à sa connaissance de manière effective, et après s'être au besoin renseignée plus avant après de conseils.

Dalex 11 échoue par ailleurs à démontrer que Shiva Groupe aurait imposé à sa franchisée d'appliquer le taux de TVA réduit, alors que la charge de la preuve de cette allégation lui revient.

Le jugement est en conséquence confirmé en ce qu'il a dit qu'aucune faute ne peut être retenue en cette matière à l'encontre de Shiva Groupe, et en ce qu'il a en conséquence rejeté la demande de voir condamner le franchiseur à garantir la société Dalex 11 de toutes les sommes qu'elle pourrait être condamnée à verser à l'administration fiscale du fait de redressements dus à l'application d'un taux de TVA à 10 % dans le cadre de son activité de franchisée.

Sur le manquement allégué de Shiva Groupe à son obligation d'assistance et à son obligation d'information

Moyens des parties

Dalex 11 soutient que les articles 7.5, 7.6 et 7.7 des contrats de franchise traitent de l'assistance due au franchisé, celle-ci devant être effective en particulier concernant le recrutement (article 7.5) et l'informatique (article 7.6), mais surtout, dans une vision plus globale de ce devoir du franchiseur, être permanente (article 7.7). Or elle considère avoir été rapidement livrée à elle-même, notamment face aux dysfonctionnements extrêmement récurrents du logiciel obligatoire. Elle fait aussi valoir que Shiva Groupe a ouvert des agences dans [Localité 8] et en Essonne sans en informer sa franchisée Dalex 11, alors que le franchiseur est d'une obligation d'information. Elle sollicite la somme de 10 000 € en réparation de ces manquements.

Shiva Groupe répond, tout d'abord, qu'assister son franchisé ne signifie pas régler absolument toutes les difficultés que peut rencontrer le franchisé dans l'exercice de son commerce indépendant. Elle observe que Dalex 11 affirme avoir reçu 3 demandes de renseignements d'internautes entre le 28 juin 2018 et le 4 octobre 2018 et indique sans le prouver qu'il s'agirait de doublons, ce qui ne constitue, en tout état de cause, aucunement des « dysfonctionnements extrêmement récurrents du logiciel obligatoire », d'autant que Dalex 11 ne produit aucun prétendu doublon postérieur à octobre 2018 de sorte qu'il est clair que ce problème minime a été réglé.

Shiva Groupe observe, ensuite, que l'obligation d'assistance ne concerne pas la protection du franchisé contre la concurrence d'autant plus que le Shiva Groupe n'a promis aucune exclusivité à Dalex 11 dans le [Localité 1] et à [Localité 9] qui se trouve à une vingtaine de kilomètres d'[Localité 7].

Réponse de la Cour

Il convient de constater que les seules pièces versées par Dalex 11 au soutien de ses allégations sont trois mails qu'elle a envoyés le 28 juin 2018, le 24 juillet 2018 et le 5 octobre 2018 (pièces n°9). Ils ont pour objet « demande internet doublon » et sont constitué d'une capture d'écran mentionnant l'identité d'un prospect, sans contenir plus d'explication dans le corps du message.

Il s'ensuit qu'aucun manquement aux obligations d'information et d'assistance du franchiseur n'est démontré.

Sur la demande de remboursement de frais supplémentaires facturés

Moyens des parties

Dalex 11 fait valoir qu'il appartient aux parties de s'assurer que toutes les obligations qu'elles souhaitent imposer à leur cocontractant figurent dans le contrat et que Shiva Groupe ne pouvait dès lors la contraindre à engager des frais supplémentaires imprévus. Or tout au long de l'exécution des contrats, il lui a été facturé des frais Google AdWords (pour une somme cumulée de 19 630,69 €), des « frais informatique Shiva » (15 215 €), ainsi que des « frais de gestion mandat SEPA » (1 776 €) et des « frais de gestion encaissement par virement » (212,81 €), postes ne figurent dans les contrats de franchise ni au titre des frais d'exploitation, ni à celui des frais relatifs aux prestations particulières ou encore des frais de publicité. Dalex 11 ajoute ignorer à quoi certains montants facturés tout au long de la relation contractuelle correspondaient réellement et soutient que ces frais ont été source d'insécurité pour la trésorerie de la société Dalex 11 qui a dû s'acquitter chaque mois de frais parfaitement imprévisibles.

Elle précise que la demande de restitution n'est pas prescrite au jour de l'assignation en date du 13 avril 2021, dès lors que le remboursement demandé concerne des factures postérieures au 13 avril 2016, à hauteur de 36 233,81 €.

Shiva Groupe répond que l'article 9.4 du contrat prévoyait une liste de prestations financières expressément précisées, mais qu'il était mentionné « barème applicable à la date de signature du contrat et sous réserves de modifications » dont font notamment partie les « frais de gestion encaissement par virement », les « frais de gestion mandat SEPA » et les frais Google AdWords. Elle ajoute que Dalex 11 ne s'est jamais plainte de frais injustifiés et avait manifestement accepté ces frais. L'action de Dalex 11 constitue une action en répétition de l'indu et il appartient donc au demandeur de prouver que le paiement qu'il a effectué portait sur des sommes indues, ce qu'elle ne fait pas.

Shiva Groupe précise aussi que trois des factures versées (pièces Dalex n°7 et 8) concernent des prestations pour tout ou parties antérieures au 13 avril 2016, et que pour les factures 30173 et 30167, la date de naissance des créances est celle du contrat qui les a fait naitre ou de la commande qui en a été faite, de sorte que toute réclamation est prescrite pour ces sommes.

Réponse de la Cour

C'est à raison que le tribunal, après avoir constaté la prescription de certaines demandes, a estimé que la facturation des frais AdWords dont Shiva est elle-même facturée par Google correspond à une évolution de la structure du marché de la publicité postérieure à la date de la signature des contrats, que Dalex s'est acquitté durant toute leur exécution de frais sans jamais formuler de remarques, et qui lui ont apporté un réel flux de clientèle pendant plusieurs années. Il se déduit de l'ensemble que les parties avaient, sans signer d'avenant écrit, convenu de ces frais.

Le jugement est confirmé.

Sur les autres demandes

Dalex 11 ne démontre pas avoir subi un préjudice moral pouvant donner lieu à réparation. Le jugement attaqué, qui a rejeté la demande, est confirmé.

Il est également confirmé en ses dispositions sur les frais irrépétibles et les dépens.

Succombant en son appel, la société Dalex 11, dont la demande au titre des frais irrépétibles sera rejetée, sera condamné à supporter les entiers dépens d'appel ainsi qu'à payer à la société Shiva Groupe la somme de 8 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions soumises à la cour ;

Y ajoutant,

Rejette la demande de la société Dalex 11 au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Condamne la société Dalex 11 à verser à la société Shiva Groupe la somme de 8 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Dalex 11 à supporter les entiers dépens d'appel.