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Décisions

CA Versailles, ch. civ. 1-4 copropriete, 2 octobre 2024, n° 22/00874

VERSAILLES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

FB & MB (SARL)

Défendeur :

U, Y, R C

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Trarieux

Conseillers :

Mme Romi, Mme Moulin-Zys

Avocats :

Me Koerfer, Me Marechal, Me Lafon, Me Lescure

TJ Nanterre, du 3 janv. 2022, n° 19/0601…

3 janvier 2022

FAITS & PROCÉDURE

La copropriété « [Adresse 4] », sise [Adresse 2], comprend seize bâtiments dans un parc paysagé de trois hectares, dont dix bâtiments d'habitation représentant 292 lots, dont le budget annuel moyen est 800 000 euros. M. [U] [C] a été syndic bénévole du syndicat des copropriétaires, ainsi que président du conseil syndical, de 1992 à 2010 soit pendant 18 ans.

L'assemblée générale des copropriétaires du 18 juin 2012 a donné pouvoir au nouveau syndic, le cabinet ALLIANCE Immobilier, pour engager une procédure en référé expertise.

C'est dans ce contexte que le syndicat des copropriétaires a sollicité du juge des référés une expertise comptable et de gestion ordonnée par décision judiciaire du 25 juin 2013.

Par acte d'huissier du 13 janvier 2014, le syndicat des copropriétaires a assigné M. [C] devant le Tribunal de grande instance de Nanterre aux fins de voir engager sa responsabilité contractuelle en sa qualité d'ancien syndic.

Par acte d'huissier du 19 décembre 2014, M. [C] a assigné en intervention forcée la SA AXA France IARD, assureur en responsabilité civile au titre de la police multirisque immeuble collectif, devant le Tribunal de grande instance de Nanterre aux fins de la voir garantir les condamnations qui seraient mises à sa charge à raison de fautes commises dans le cadre de ses fonctions de syndic bénévole exercées durant les exercices 2008 à 2010 et d'ordonner la jonction avec la procédure initiale.

Une ordonnance de jonction a été rendue par le juge de la mise en état le 26 mars 2015.

Le rapport d'expertise judiciaire portant sur la comptabilité et la gestion, ordonné en 2013, a été rendu le 22 novembre 2018.

Devant le premier juge du fond : le syndicat des copropriétaires reprochait à M. [C] sa mauvaise foi et son absence de mise à disposition de la justice, une méthodologie illégale sur la tenue de comptabilité (irrégularités des écritures comptables, principes de base de comptabilité non respectés, irrégularités sur les appels de provision sur opérations courantes et enregistrement des écritures, irrégularités sur les appels de provision sur opérations de travaux, irrégularité sur les travaux engagés et leur financement, inadéquation entre appels de fonds, avances et trésorerie), des actes sans autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires, tout ceci lui ayant causé un préjudice total de 1 316 141,23 euros.

Par jugement du 3 janvier 2022, le Tribunal judiciaire de Nanterre, statuant par décision contradictoire en premier ressort, a :

- Procédé à la réinscription de l'instance au rôle,

- Donné acte au nouveau syndic, la société CITYA Belvia [Localité 5], de son intervention volontaire,

- Débouté le syndicat des copropriétaires de l'ensemble de ses demandes,

- Condamné le syndicat des copropriétaires à payer à M. [C] et à la société AXA France IARD la somme de 2 000 euros chacun en vertu de l'article 700 du code de procédure civile,

- Débouté les parties de toutes demandes plus amples ou contraires,

- Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du présent jugement,

- Condamné le syndicat des copropriétaires aux dépens de l'instance comprenant les frais d'expertise, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Le syndicat des copropriétaires a relevé appel de ce jugement par déclaration du 14 février 2022.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Vu les conclusions notifiées le 15 mai 2024, par lesquelles le syndicat des copropriétaires, appelant, invite la Cour à :

- juger que M. [C] a commis des fautes dans l'exécution de son contrat de mandat les liant et tenant à, notamment :

- l'absence de mise à disposition de la justice des éléments comptables et mauvaise foi,

- la méthodologie illégale concernant la tenue de la comptabilité,

- le contenu irrégulier des écritures fournies, de telle sorte que les principes basiques de la comptabilité en compte copropriété n'ont pas été respectés,

- les appels de provisions sur opérations courantes et enregistrements des écritures, les appels de provisions sur opérations de travaux, les avances, la méthode utilisée en ce qui concerne les charges et les provisions, les travaux et leur financement, les réserves, l'adéquation entre les appels de fonds, les avances et la trésorerie,

- Juger que les fautes commises par M. [C] dans l'exécution de son contrat de mandat lui ont occasionné des préjudices dûment établis ;

- Juger que ces préjudices représentent un montant total de 1 316 141,23 euros ventilé comme suit :

- surcoût des frais générés par la mise sous administration judiciaire : 23 568,00 euros;

- surcoût des honoraires ALLIANCE Immobilier : 7 355,40 euros ;

- non-représentation de fonds entre le solde de trésorerie à hauteur de 528 487,94 euros et le montant des provisions de 758 666 euros + les avances de trésorerie à hauteur de 114 528,85 euros : différentiel de 344 706,91 euros ;

- fonds du syndicat utilisés sur parties privatives : 20 426 euros ;

- dévalorisation du patrimoine et mise en danger des copropriétaires et des tiers :

50 000 euros ;

- obstruction par M. [C] : 40 000 euros

- remboursement du salaire de Mme [E] : 90 000 euros

- dommages et intérêts pour perte de chance de produire entre les mains du garant

financier : 50 000 euros ;

- remboursement des sommes perçues dans le dossier SMB mais non visées

dans la comptabilité du syndicat : 92 552 euros ;

- enfin, ensemble des travaux effectués sans jamais avoir été autorisés : 597 532,62 euros ;

- Condamner M. [C] à l'indemniser à hauteur de 1 316 141,23 euros ;

- Condamner M. [C] à servir une indemnité de 49 692,26 euros au visa de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance ;

- Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir, et la prononcer en deniers ou

quittance afin de prendre en considération les sommes servies à raison de l'exécution

provisoire de la décision de première instance.

Vu les conclusions notifiées le 1er août 2022, par lesquelles M. [C], intimé, invite la Cour à :

- Confirmer le jugement du Tribunal judiciaire de Nanterre du 3 janvier 2022 en toutes ses dispositions ;

- Débouter le syndicat des copropriétaires de toutes ses demandes, fins et prétentions ;

- Condamner le syndicat des copropriétaires à lui verser la somme de 8 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Le condamner en outre au entiers dépens d'instance dont distraction au profit de Maître Lafon, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par ordonnance d'incident du 5 juillet 2023, le conseiller de la mise en état de la Cour d'Appel de Versailles a rejeté les demandes de M. [C], qui tendaient principalement à voir prononcer la caducité ou la nullité de l'appel, l'a condamné aux dépens de l'incident ainsi qu'à payer une amende civile de 6 000 euros, ainsi qu'une indemnité de procédure de 5 000 euros au syndicat des copropriétaires. Par arrêt en date du 17 janvier 2024, la Cour a confirmé cette ordonnance sur déféré.

La procédure devant la Cour a été clôturée le 25 juin 2024.

SUR CE,

La Cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits de la procédure, des moyens échangés et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.

En application de l'article 954 alinéa 2 du code de procédure civile, la Cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions.

A titre préliminaire:

Les demandes tendant à voir la Cour 'dire', 'juger', 'donner acte', 'déclarer', 'constater' et 'recevoir' telles que figurant dans le dispositif des conclusions des parties, ne constituent pas des prétentions au sens des articles 4 et 954 du code de procédure civile en tant qu'elles ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert, ces demandes n'étant de manière générale que la redite des moyens invoqués, et non des chefs de décision devant figurer dans le dispositif de l'arrêt.

Il n'y sera dès lors pas statué, sauf exception au regard de leur pertinence au sens des textes susvisés.

Sur l'action en responsabilité contractuelle contre M. [C], ancien syndic bénévole entre 1992 et 2010, afin d'indemnisation de plusieurs chefs de préjudice pour un total de 1 316 141,23 euros au titre des exercices 2008 à 2010

En droit

Aux termes de l'article 17 alinéa 1 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, les décisions du syndicat des copropriétaires sont prises en assemblée générale des copropriétaires, leur exécution est confiée à un syndic placé éventuellement sous le contrôle d'un conseil syndical.

L'article 18 de la même loi prévoit que le syndic est notamment chargé d'assurer l'exécution des dispositions du règlement de copropriété et des délibérations de l'assemblée générale et d'administrer l'immeuble.

Le fondement juridique de la responsabilité du syndic envers le syndicat des copropriétaires est l'article 1992 du code civil, lequel dispose que le mandataire répond non seulement du dol, mais encore des fautes qu'il commet dans sa gestion. La responsabilité du syndic à l'égard du syndicat des copropriétaires ne peut être engagée que sur le fondement d'une faute dans l'exercice de son mandat et engageant sa responsabilité délictuelle, qui ne se confond pas avec la commission d'erreurs, ni même avec la négligence, ainsi que l'a jugé la Cour de Cassation, le juge devant rechercher si des éléments sérieux supplémentaires sont établis, comme par exemple la collusion frauduleuse (3e Civ. 29 nov 2018, n°17-27.766).

L'article 1992 ajoute de plus que ' ... la responsabilité relative aux fautes est appliquée moins rigoureusement à celui dont le mandat est gratuit qu'à celui qui reçoit un salaire.' Cette dernière disposition concerne l'appréciation de la faute ainsi que l'a jugé la Cour de Cassation (1ère Civ. 4 jan 1980, n°78-14.291).

L'article 9 du code de procédure civile fait peser sur chacune des parties, la charge de la preuve des faits et éléments nécessaires au succès de sa prétention. Enfin, l'indemnisation peut être prononcée à la condition que soit établie la preuve d'un préjudice réel et certain dans le cadre d'une telle responsabilité fautive.

En l'espèce

Il convient d'analyser chacun des préjudices invoqués par le syndicat des copropriétaires afin de déterminer l'existence d'une faute contractuelle de nature à engager la responsabilité de M. [C] au titre de sa gestion pendant les exercices 2008-2010, voire, à entrer ensuite le cas échéant en voie d'indemnisation.

A) Sur le surcoût des frais générés par la mise sous administration judiciaire pour un montant évalué à 23 568,00 euros

Le syndicat des copropriétaires reproche à M. [C] d'avoir engendré des frais de mise sous administration judiciaire d'octobre 2010 à novembre 2011 et réclame de ce chef de préjudice, la somme de 23 568 euros. Le Tribunal a cité un extrait du rapport d'expertise judiciaire, d'où il ressort que '54 copropriétaires qui ne parvenaient pas à obtenir communication des pièces comptables avaient entamé une action au début des années 2000 et que le coût de la procédure soit 23 037,20 euros avait été supporté par le syndicat au terme d'une délibération de l'assemblée générale du 18 juin 2012. Ces frais, même si les tribunaux n'ont pas donné gain de cause aux demandeurs, étaient déjà générés par une absence de transparence dans les opérations comptables'. et a souligné que l'expert judiciaire a chiffré ce poste de préjudice par une ventilation des sommes représentant les honoraires de base du syndic, ceux de Maître [D] en 2010 et 2011, des frais administratifs et des vacations.

Le Tribunal a rejeté cette demande indemnitaire en retenant qu'il n'était pas établi de faute sur le fondement de l'article 1992 du code civil, et conséquemment aucun préjudice financier. En effet le Tribunal a relevé que les frais de procédure engagés pour la désignation de l'administrateur Maître [D], ont été supportés par un copropriétaire qui n'en aurait pas demandé le remboursement au syndicat.

En appel, le syndicat des copropriétaires par la mention au bas de la page n° 19 qui 'sollicite l'entérinement du rapport d'expertise sur ce point', doit être regardé comme contestant l'appréciation du Tribunal qui n'a pas retenu de faute contractuelle de M. [C].

La Cour observe toutefois que par cette argumentation sommaire (en 5 lignes) dépourvue de tout élément de preuve nouveau, l'appelant n'étaye pas davantage sa thèse qu'en première instance et donc, ne prouve pas l'existence d'un lien de causalité entre le défaut de communication des éléments comptables, et la demande relative aux frais consécutifs à la mise sous administration judiciaire du syndicat de copropriétaires. La décision y relative n'a d'ailleurs pas été produite.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

B) Sur le surcoût des honoraires du syndic ALLIANCE Immobilier pour 7 355,40 euros

Le rapport d'expertise précise que le coût d'ALLIANCE Immobilier pour six mois s'élève à 30 542,32 euros alors que le coût pour une période identique, à savoir les honoraires de Maître [D], est de 23 568 euros, l'expert précisant que « les frais générés par les difficultés de compréhension de la comptabilité sont beaucoup plus élevés que ce seul différentiel ».

Le Tribunal, après avoir pris en compte ce surplus d'honoraires que l'expert explique par 'les difficultés de compréhension de la comptabilité', a souligné que le tableau de la page 54 du rapport d'expertise, fait apparaître une ligne « Vacations Alliance Immobilier 2011 : 7 355,40 euros », sans expliquer ni le fondement de ce poste de préjudice ni le mode de calcul.

Le Tribunal a conclu qu'aucune faute contractuelle ne pouvait être reprochée à M. [C], sur le fondement de l'article 1992 du code civil.

En appel, le syndicat des copropriétaires qui 'sollicite l'entérinement du rapport d'expertise', doit être regardé comme contestant l'appréciation du Tribunal qui n'a pas retenu de faute contractuelle de la part de l'ancien syndic.

Au vu de l'état de la comptabilité et des pratiques de gestion de la copropriété sous l'égide de M. [C], particulièrement pendant la période 2008-2010 en cause, la Cour considère qu'une faute contractuelle peut lui être reprochée sur le fondement de l'article 1992 du code civil. Toutefois, le rapport de l'expert ne permet pas de déterminer le quantum de ce préjudice particulier.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

C) Sur la non représentation de fonds entre le solde de trésorerie à hauteur de 528 487,94 euros et le montant des provisions de 758 666 euros + l'avance permanente de trésorerie de 114 528,85 euros, donnant un différentiel de 344 706,91 euros

Sur ce chef de préjudice, l'expert a retenu la responsabilité fautive de M. [C], en précisant ' la comptabilité de la copropriété a été tenue en faisant abstraction des règles obligatoires au niveau de la législation de la copropriété (...) qu'il existe une confusion entre le comptabilité concernant les charges et la constitution de provisions [de sorte que, notamment] la gestion des travaux est totalement opaque', le Grand Livre est « inexploitable» et comporte de très nombreuses écritures passées au 31 décembre.

Toutefois, le Tribunal a débouté le syndicat des copropriétaires de ses demandes, en retenant qu'il n'avait pas justifié de la réalité et du quantum de son préjudice.

En appel le syndicat des copropriétaires reprend les mêmes éléments que devant le Tribunal en insistant sur l'absence de justifications probantes.

La Cour relève que, sur ce chef de préjudice, si les conclusions de l'expert ne permettent pas de justifier de l'intégralité du quantum de 344 706,91 euros, il ressort très clairement du rapport d'expertise, qu'une avance de trésorerie permanente existait, renouvelée chaque année, ce qui était supposé assurer à la copropriété une relative sécurité financière permettant de pallier les imprévus.

Toutefois en page 41, l'expert relève des montants insuffisants relatifs aux disponibilités, non justifiés et affectant directement la trésorerie, causant le préjudice en cause. Ainsi le poste 'chèques à l'encaissement' pour un montant exorbitant de 468 978,34 euros en 2009, dont aucune justification n'a été présentée à l'expert, tandis que le compte de liquidités 'CCP principal' où ces chèques devraient être encaissés, connaît son plus bas niveau depuis 2003, avec un solde de 33 470,42 euros alors qu'il était de 111 461,59 euros l'année précédente en 2008. S'agissant de la somme des actifs pour la totalité de l'année, elle est de 528 487,94 euros en 2009 alors qu'en 2008 elle était de 740 997,20 euros, sans qu'aucun défaut de paiement majeur ne soit intervenu ni même, ne soit allégué en défense, et sans aucun début de justification probante de la part de M. [C].

Cela révèle la disparition inexpliquée de 212 509 euros d'actifs appartenant à la copropriété en une seule année.

Dans ces conditions, ces erreurs majeures de saisie, ces négligences menant à des défauts de justificatifs pour ce montant très important, et ces défauts de justification des comptes et des sommes, doivent être regardés comme des fautes graves de gestion, imputables à M. [C].

De plus, l'expert judiciaire a également pointé des éléments très précis attestant de la réalité et du quantum d'une seconde partie de ce préjudice, à hauteur de 12 778,92 euros correspondant à la somme des trois chèques reproduits en page 44 du rapport, émis et signés entre le 20 et le 25 juin 2008 par M. [C], lui ayant permis de retirer de la banque cette somme de 12 778,92 euros en espèces. Si M. [C] allègue que ces espèces auraient été remises à des entreprises, l'expert relève qu'aucune facturation ad hoc ne permet d'en justifier et ajoute dans son rapport 'On peut alors douter de la sincérité de toutes les écritures puisqu'il n'y a pas les factures en pièces justificatives'. Ces derniers agissements constituent des actes anormaux de gestion commis au moins à trois reprises et ont causé à la copropriété un préjudice de ce montant.

Il suit de tout ce qui précède, que les fautes graves de gestion révélant la disparition inexpliquée de 212 509 euros d'actifs appartenant à la copropriété en une seule année, imputables à M. [C] ainsi que ses actes anormaux de gestion concernant les retraits d'espèces sans contrepartie, commis au moins trois fois, ont causé à la copropriété un préjudice dont le montant est de (212 509 euros + 12 778,92 euros) soit 225 287, 92 euros.

M. [C] sera condamné à indemniser le syndicat des copropriétaires à hauteur de la somme de 225 287, 92 euros au titre de ce chef de préjudice.

Le jugement sera infirmé sur ce point.

D) Sur les fonds du syndicat utilisés sur parties privatives pour 20 426 euros

En appel, le syndicat des copropriétaires présente une argumentation sommaire dépourvue d'élément de preuve nouveau, n'étaye pas davantage sa thèse qu'en première instance et donc, ne prouve pas l'existence d'une faute contractuelle de M. [C] au sens de l'article 1992 du code civil.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

E) Sur l'indemnisation au titre de la dévalorisation du patrimoine et une mise en danger des copropriétaires et des tiers pour 50 000 euros

En appel, le syndicat des copropriétaires présente une argumentation sommaire dépourvue d'élément de preuve nouveau en se bornant à faire valoir que 'Il n'est pourtant pas contestable que l'existence d'une procédure aussi longue et aussi lourde n'est pas sans impacter la valorisation des appartements. Tout un chacun ne pouvant qu'être inquiet de la gestion pendant toutes les années « [C] ».'

Dans ces conditions, le syndicat des copropriétaires, qui d'ailleurs ne fait pas état, ni même n'allègue, que des ventes de lots auraient échoué pour des motifs tenant aux pratiques de gestion de la copropriété, ou encore que des lots auraient été vendus à vil prix, ne prouve pas la réalité ni le quantum du préjudice allégué.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

F) Sur la demande indemnitaire résultant de l'obstruction de M. [C] pour 40 000 euros

Le Tribunal a retenu de la lecture du rapport d'expertise, qu'il existe un réel questionnement sur l'endroit où se trouvent les archives, que certaines pièces ont été produites à l'appui de la défense, alors qu'elles auraient été transmises à l'administrateur judiciaire, et que l'expert fait observer que « ni Maître [D] ni Monsieur [C] ne peuvent me fournir d'archives indiquant que toutes les pièces auraient été transmises au cabinet ALLIANCE IMMOBILIER ce que ce dernier réfute » et qu'il en va de même s'agissant de sa demande « en juillet 2015 à la banque postale des duplicatas du compte pour la période 1er janvier 2009 au 31 décembre 2010 » qui est restée sans réponse.

Le premier juge en a conclu qu'à défaut d'élément susceptible d'établir une faute de M. [C], le syndicat des copropriétaires devait être débouté de sa demande.

En appel, le syndicat des copropriétaires n'apporte aucun élément nouveau ni aucune pièce probante permettant d'établir un tel comportement d'obstruction assorti d'un réel caractère de gravité et d'intensité. Ainsi, le jugement sera confirmé sur ce point.

G) Sur la demande de remboursement du salaire indu de Mme [E] pour 90 000 euros

Mme [E] a travaillé pour la copropriété depuis le 10 novembre 1998 jusqu'au 30 juin 2011, c'est-à-dire successivement sous la direction de M. [C] puis jusqu'au 8 avril 2011 sous celle de Maître [D], administrateur provisoire et ensuite celle du nouveau syndic ALLIANCE Immobilier, jusqu'au 30 juin 2011, sans que sa présence ait jamais été validée en assemblée générale, et le nouveau syndic fait valoir de plus que son office « s'est avéré tout à la fois inutile et même nuisible pour la comptabilité de la copropriété. »

En appel, le syndicat des copropriétaires ajoute que Mme [E] a été employée dans des conditions illégales caractérisées notamment par un cumul emploi-retraite qui s'est effectué sous la direction de M. [C].

La Cour relève que l'expert, en page 52, souligne l'engagement de la responsabilité fautive de M. [C] quant à ce chef de préjudice, au titre de l'acte anormal de gestion commis au regard de l'interdiction du cumul emploi-retraite qui s'appliquait à Mme [E] à compter de 2006 et jusqu'en 2011, sous l'autorité de M. [C]. L'expert précise en page 11 du rapport : 'l'absence de rémunération en qualité de salarié [de Mme [E]] à compter de 2007 (...) justifiée par l'impossibilité légale de cumuler un salaire et une pension de retraite. C'est par la production d'une note de vacation comptabilité- secrétariat sous un statut qui n'a pas été défini juridiquement et qui semble difficile à définir puisqu'il existe un délai de carence, que le syndicat aurait rémunéré Mme [E] (...) en 2006 le poste salaire a subi une augmentation du fait des indemnités conventionnelles versées à Mme [E] (...) Cette collaboration n'a pas fait l'objet, à ma connaissance, ni d'une décision d'assemblée, ni d'une décision du conseil syndical (...) ». L'expert ajoute en page 29 qu'en analysant les écritures de reddition des charges pour 2008, qui sont saisies en date du 21/12/2009 'On voit apparaître dans les frais du conseil syndical des vacations pour Mme [E] pour 11 685,32 euros'.

Il suit de tout ce qui précède, que M. [C] ne pouvait ignorer que l'emploi de Mme [E], irrégulier pour n'avoir jamais été validé en assemblée générale, était de plus illégal comme présentant un cumul emploi-retraite à compter de 2006. M. [C], alors syndic en même temps que Président du conseil syndical, n'a toutefois pris aucune mesure de nature à faire cesser cette irrégularité ni cette illégalité, ce qui constitue des actes anormaux de gestion qui ont perduré pendant plusieurs années alors qu'il gérait les affaires de cette copropriété.

Dans ces conditions, le préjudice causé par ces actes anormaux de gestion, est constitué par le tenue irrégulière de la comptabilité dressée à raison de cette salariée placée sous l'autorité et la direction de M. [C], confortant et facilitant l'exercice d'une gestion dont l'opacité et l'absence totale de rigueur et de traçabilité sont mises en lumière par le rapport d'expertise (qui a nécessité pas moins de 5 années de travail) et dont les conséquences négatives, qui ont mené à la quasi-paralysie du fonctionnement de la copropriété, se font encore ressentir à la date où la Cour statue.

Il en sera fait une juste indemnisation en condamnant M. [C] à verser au syndicat des copropriétaires une somme de 30 000 euros au titre de ce chef de préjudice.

H) Sur la perte de chance de produire entre les mains du garant financier, pour 50 000 euros

Le Tribunal a rejeté cette demande en retenant que ce préjudice n'était pas établi, non plus que le lien de causalité avec une faute alléguée et qu'au surplus « le syndicat des copropriétaires ne précise pas au titre de quelle(s) années(s) il n'a pu effectuer de déclaration de créances auprès du garant financier en relevant qu'aucune demande de garantie n'a été élevée pour ces années-là. ».

En appel, le syndicat des copropriétaires complète son argumentation en faisant valoir qu'il ne lui a pas été possible de souscrire une telle garantie financière, couvrant le solde de trésorerie à lui restituer en cas de défaillance du syndic, car il était impossible de fournir les documents indispensables à la vérification du solde de trésorerie, dont il fournit la liste en appel. Il s'agit de la situation de trésorerie, du Grand Livre et de la balance de copropriété, des relevés bancaires et des états de rapprochement bancaire.

La Cour constate qu'il ressort du rapport d'expertise que ces documents, qui étaient soit non fiables soit inexistants, ne pouvaient manifestement pas être valablement transmis à cette fin, ce qui est imputable aux carences fautives de gestion de M. [C], réitérées année après année. L'expert judiciaire souligne à ce sujet que les archives demeurent introuvables.

La perte de chance est dès lors établie.

Dans ces conditions, le préjudice causé par ces carences fautives réitérées de M. [C] est d'autant plus avéré que le présent arrêt statue également, ci-dessus, sur la disparition inexpliquée et injustifiée, en l'espace d'une seule année, d'une partie très importante de la trésorerie de la copropriété, préjudice dont le montant est supérieur à 200 000 euros. Il en sera fait une juste indemnisation en condamnant M. [C] à verser au syndicat de copropriété une somme de 15 000 euros.

I) Sur le remboursement des sommes perçues par la société SBM mais non comptabilisées dans la comptabilité du syndicat pour 92 552 euros

L'expert judiciaire explique en page 45 ' un marché avait été passé avec la société SBM pour la rénovation des halls d'entrée (...) cette société a eu un différend avec le syndicat et n'a pas terminé le chantier. (...) Cela avait été exposé lors de l'assemblée de 2002. (...) la société SBM a été condamnée par la Cour d'Appel le 23 octobre 2006, à indemniser le syndicat à hauteur de 92 552,00 euros. Je ne sais pas sur quel compte ces sommes ont été versées et surtout à quel poste comptable elles ont été affectées car sur les documents communiqués aux copropriétaires, fin 2005, fin 2006 et fin 2008, je n'en ai pas vu trace'.

Le Tribunal a rejeté cette demande en retenant que le syndicat des copropriétaires ne versait aux débats ni l'arrêt de la Cour d'appel de Paris objet de la condamnation, ni les actes de signification et d'exécution de ladite procédure. Le premier juge a constaté qu'en l'état du dossier, ce préjudice n'était pas établi.

En appel le syndicat des copropriétaires se borne à mentionner une seule phrase 'Le Tribunal estime que le préjudice n'a pas été démontré.'

Dans ces conditions, le jugement sera confirmé sur ce point.

J) Sur les travaux effectués sans autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires pour une somme totale de 597 532,62 euros

Pour débouter le syndicat des copropriétaires de cette demande, le Tribunal, après avoir rappelé que selon l'article 18 de la loi de 1965, le syndic peut 'en cas d'urgence, faire procéder de sa propre initiative à l'exécution de tous travaux' et que selon l'article 37 du décret du 17 mars 1967, dans un tel cas, le syndic 'en informe les copropriétaires et convoque immédiatement une assemblée générale', a retenu que le syndicat des copropriétaires n'avait pas rapporté la preuve d'une faute commise par M. [C] pendant son mandat de syndic entre 1992 et 2010, en s'abstenant de produire une description précise des travaux litigieux qui auraient été effectués sans vote d'une délibération d'assemblée générale.

En appel, le syndicat des copropriétaires reprend les mêmes arguments, sans pièce nouvelle permettant d'étayer sa thèse.

La Cour observe que le rapport d'expertise relève que des travaux ont été exécutés quasiment chaque année mais il est impossible de lister les travaux réalisés et surtout de pouvoir indiquer leur coût exact, qu'ils ont été financés par les appels du budget prévisionnel réalisés chaque année et non pas par appels spécifiques contrairement aux dispositions de l'article 14.2 de la loi de 1965, et que certaines années des sommes qui avaient été appelées en «provisions » ont été réinjectées en trésorerie pour pouvoir réaliser lesdits travaux, mais sans qu'il soit possible d'en déterminer le quantum.

Dans ces conditions, le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Le sens du présent arrêt conduit à infirmer le jugement sur les dépens et l'application qui a été faite de l'article 700 du code de procédure civile et ainsi à condamner M. [C], au titre de la première instance, à verser au syndicat des copropriétaires la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise.

En appel, le syndicat des copropriétaires demande à la Cour de condamner M. [C] à lui verser 49 692,26 euros au visa de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens de l'instance.

M. [C], partie perdante, doit être condamné aux dépens d'appel ainsi qu'à payer au syndicat la somme supplémentaire de 4 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Sur l'exécution provisoire et la demande de condamnation en deniers ou quittance

M. [C] demande à la Cour d'ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir et la prononcer en deniers ou quittance afin de prendre en considération les sommes servies à raison de l'exécution provisoire de la décision de première instance.

Le Tribunal ayant débouté le demandeur de l'ensemble de ses prétentions, M. [C] n'a rien réglé à l'appelant ; il n'y a donc pas lieu de prononcer de condamnation en deniers ou quittance.

Le présent arrêt étant rendu contradictoirement et en dernier ressort, la voie de l'appel comme celle de l'opposition est fermée aux parties si bien qu'aucune voie de recours à effet suspensif ne pouvant être engagée ; la demande d'exécution provisoire est inutile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement,

- Infirme le jugement du 3 janvier 2022 du Tribunal judiciaire de Nanterre en tant qu'il a : - Débouté le syndicat des copropriétaires « [Adresse 4] », de l'ensemble de ses demandes,

- Condamné le syndicat des copropriétaires « [Adresse 4] », sis [Adresse 2], à payer à M. [U] [C] et à la société AXA France IARD la somme de 2 000 euros chacun en vertu de l'article 700 du code de procédure civile,

- Débouté les parties de toutes demandes plus amples ou contraires,

- Condamné le syndicat des copropriétaires « [Adresse 4] », sis [Adresse 2], aux dépens de l'instance comprenant les frais d'expertise, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Statuant de nouveau des chefs infirmés

- Condamne M. [U] [C] à verser au syndicat des copropriétaires « [Adresse 4] », sis [Adresse 2], pris en la personne de son syndic, la Sarl FB & MB, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège, les sommes suivantes, à titre de juste indemnisation :

- une somme de 225 287, 92 euros au titre du préjudice de non-représentation injustifiée de fonds concernant la trésorerie de la copropriété ;

- une somme de 30 000 euros au titre du remboursement des salaires indus de Mme [E] ;

- une somme de 15 000 euros au titre des dommages et intérêts relatifs au préjudice de perte de chance de produire entre les mains du garant financier ;

- Rejette les autres demandes indemnitaires formées par le syndicat des copropriétaires « [Adresse 4] », sis [Adresse 2], pris en la personne de son syndic, la Sarl FB & MB, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège,

- Condamne M. [C], au titre de la première instance, à verser au syndicat des copropriétaires « [Adresse 4] », sis [Adresse 2], pris en la personne de son syndic, la Sarl FB & MB, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège, la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens comprenant les frais d'expertise,

- Rejette la demande tendant à ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir et à prononcer les condamnations en deniers ou quittance,

Y ajoutant

- Condamne M. [C], au titre de l'appel, à verser au syndicat des copropriétaires « [Adresse 4] », sis [Adresse 2], pris en la personne de son syndic, la Sarl FB & MB, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège, la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,

- Rejette toute autre demande.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Raphaël TRARIEUX, Président et par Madame Kalliopi CAPO-CHICHI, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.