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Décisions

CA Montpellier, 4e ch. civ., 3 octobre 2024, n° 22/04186

MONTPELLIER

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Distribution Casino France (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Soubeyran

Conseillers :

M. Bruey, Mme Franco

Avocats :

Me Negre, Me Pepratx Negre, Me Abrial, Me Bobo

TJ Perpignan, du 28 juin 2022, n° 18/013…

28 juin 2022

FAITS ET PROCÉDURE

1- Le 6 juin 2005, M. [H] [P] a souscrit un engagement de caution personnelle et solidaire dans la limite de 12 000 € pour une durée de 30 ans au bénéfice de la SAS Distribution Casino France.

2- Le 21 juin 2005, M. [Z] [P] et son épouse Mme [G] [F] ont conclu un contrat de co-gérance avec la SAS Distribution Casino France afin de gérer un magasin de vente au détail situé à [Localité 5] dans le Var.

3- Le 7 avril 2011, les époux [P] [F] ont mis fin au précédent contrat et la SAS Distribution Casino France a confié à M. [Z] [P] la gérance de la supérette C 8446 située à [Localité 6].

4- Par courrier du 30 juin 2014 dont il est accusé réception par la société de Distribution Casino France le 16 juillet 2014, M.[Z] [P] l'a informée de son souhait de rompre le contrat de gérance.

5- Un différend relatif à l'inventaire est apparu.

6- Estimant que le compte général de dépôt de M. [Z] [P] présentait un solde débiteur de 18 704,82 €, la SAS Distribution Casino France a, par courriers recommandés avec avis de réception en date des 15 mai 2015 et 12 janvier 2016, mis en demeure en vain M. [H] [P], en sa qualité de caution, de lui payer la somme de 12 000 euros.

7- C'est dans ce contexte que par acte du 19 mars 2018, la SAS Distribution Casino France a fait assigner M. [H] [P] afin d'obtenir paiement.

8- Suivant jugement du 27 mars 2019, le tribunal de commerce de Saint Etienne, a condamné M. [Z] [P] à payer à la SAS Distribution Casino France la somme de 18 704,82 € en principal correspondant au solde débiteur de son compte général de dépôt.

9- Par jugement contradictoire du 28 juin 2022, le tribunal judiciaire de Perpignan a :

Rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par M. [H] [P] ;

Déclaré recevables mais mal-fondées l'action et les demandes de la SAS Distribution Casino France.

Débouté la SAS Distribution Casino France de l'intégralité de ses prétentions dirigées contre M. [H] [P] ;

Condamné la SAS Distribution Casino France prise en la personne de son représentant légal à payer à M. [H] [P] la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

10- Le 1er août 2022, la SAS Distribution Casino France a relevé appel de ce jugement.

PRÉTENTIONS

11- Par dernières conclusions remises par voie électronique le 10 juin 2024, la SAS Distribution Casino France demande en substance à la cour de :

Réformer le jugement entrepris en ce qu'il :

l'a déboutée de l'intégralité de ses prétentions dirigées contre M. [H] [P] aux fins notamment d'obtenir la condamnation de ce dernier au paiement de la somme de 12 000 €, outre intérêts de droit à compter du 28 avril 2015, date de la première mise en demeure, au titre du cautionnement ainsi que la capitalisation des intérêts et sa condamnation au paiement de la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,

l'a condamnée à payer à M. [H] [P] la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;

Le confirmer en revanche en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par M. [P] et a déclaré recevables l'action et les demandes de la SAS Distribution Casino France ;

Statuant à nouveau,

Débouter M. [P] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;

Condamner M. [P] à payer à la SAS Distribution Casino France la somme de :

12 000 € outre intérêts de droit à compter du 28 avril 2015, date de la première mise en demeure,

3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Ordonner la capitalisation des intérêts ;

Le condamner aux entiers dépens de l'instance, avec droit de recouvrement direct, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

12- Par dernières conclusions remises par voie électronique le 17 janvier 2023, M. [H] [P] demande en substance à la cour, à titre principal, de confirmer le jugement entrepris sur les points suivants :

Dire et juger que le cautionnement qu'il a signé le 06 juin 2005 ne pouvait pas garantir une dette contractée pour le contrat de gérance signé le 07 avril 2011.

Débouter la SAS Distribution Casino France de l'intégralité de ses prétentions dirigées contre M. [H] [P] le cautionnement ne pouvant être étendu au nouveau contrat souscrit le 07 avril 2011 par M. [Z] [P] ;

Réformer la décision entreprise en ce qu'elle a déclaré la SAS recevable en ses demandes à l'encontre de M. [P] ;

Dire et juger irrecevable la SAS sur des demandes se rattachant à la période antérieure au 19 mars 2018 et notamment relatives au premier contrat de gérance signé le 21 juin 2005 ;

Dire et juger que la prescription quinquennale étant acquise la fin de contrat de gérance du 21 juin 2005 ayant eu lieu par la signature du contrat du 07 avril 2011 ;

Subsidiairement, si la Cour réformait et jugeait que l'engagement de caution signé pour le contrat de gérance du 21 juin 2005 devait être étendu au deuxième contrat de gérance du 07 avril 2011,

Dire et juger qu'il n'est pas produit aucun inventaire contradictoire au jour de la fermeture de chacun des établissements et notamment pour le second établissement à [Localité 6], l'inventaire dont il est fait état étant de plus de 10 mois antérieur à la fin du contrat, l'inventaire étant d'octobre 2013 pour une fin d'exploitation en août 2014 ;

Débouter la SAS de ses demandes fins et conclusions plus amples ou contraires.

A titre infiniment subsidiaire,

Dire et juger que le montant des sommes pouvant éventuellement être mises à charge de M. [P] ne peut excéder la somme de 12 000 € contractuellement fixé ;

Constater que la SAS ne justifie pas de démarches ou d'une étude de solvabilité de M. [P] au moment de la signature de l'engagement.

Dire et juger que l'engagement de caution de M. [P] est manifestement disproportionné par rapport à la situation personnelle patrimoniale de la caution ;

Dire et juger que la SAS ne peut pas s'en prévaloir à l'encontre de M. [P].

Constater que la SAS n'a pas informé M. [P] des nouveaux contrats de gérance souscrits ni satisfait à l'information annuelle de la caution et doit de se fait être déchue des intérêts et frais à l'égard de M. [P] ;

En tout état de cause, débouter la SAS de toutes ses demandes fins et conclusions plus amples ou contraires, la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de l'avocat constitué sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile.

Condamner la SAS à payer à M. [H] [P] la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens de première instance et d'appel.

13- Vu l'ordonnance de clôture du 11 juin 2024.

14- Pour plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS :

- Sur la recevabilité de la demande

15- C'est à bon droit que le premier juge a déclaré recevable l'action en paiement de la société Distribution Casino France introduite le 19 mars 2018 à l'encontre de M. [H] [P] au visa des dispositions de l'article 2224 du code civil dès lors que ce n'est qu'à compter du 14 octobre 2013 date de l'inventaire ayant fait apparaître un solde débiteur du compte général de dépôt du débiteur principal M. [Z] [P] que la société a eu connaissance des faits sur lesquels elle fonde son action.

16- Dès lors le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

- Sur le bien-fondé de la demande :

17- Au soutien de son appel, la société Distribution Casino précise fonder sa demande à l'encontre de M. [H] [P] sur son engagement en qualité de caution daté du 6 juin 2015 considérant qu'en vertu de cet acte, l'intimé s'est engagé pour la somme plafonnée à 12 000 € sans qu'une limite au seul premier contrat de cogérance signée par les époux [P] n'ait été stipulée, ce contrat n'étant pas visé dans l'acte qui l'a engagé pour toutes les obligations des époux [P] et donc de M. [P] seul le cas échéant, au titre de contrats de gérance ou de co-gérance ultérieurs.

18- M. [H] [P] fait valoir qu'il résulte des dispositions du nouveau contrat de gérance du 7 avril 2011 que celui-ci a abrogé le contrat antérieur de sorte que le cautionnement qu'il a consenti à l'occasion de la signature du contrat de cogérance précédent ne pouvait être étendu à de nouveaux contrats dont il n'a au demeurant pas eu connaissance.

19- L'article 2292 du code civil dispose que « le cautionnement ne se présume point ; il doit être exprès et on ne peut pas l'étendre au-delà des limites dans laquelle il a été contracté.»

20- Aux termes de l'acte signé le 6 juin 2005, M. [H] [P] s'est porté « caution de M. [P] et Mme [P] de la somme de 12 000 euros » et s'est engagé « à rembourser au prêteur les sommes dues si M. et Mme [P] n'y satisfont pas eux-mêmes ».

21- Le 21 juin 2005, les époux [P] ont conclu avec la société Distribution Casino France un contrat de gérance d'un magasin dans le Vaucluse.

22- Suivant contrat du 7 avril 2011, M. [P] seul, a conclu un nouveau contrat de gérance portant sur magasin sis dans le département des Alpes-Maritimes.

23- Cette dernière convention dispose en son article 5-C :« Les conventions, contrats ou accords antérieurs, écrits ou verbaux, passés avec les sociétés du groupe Casino, filiales et sous-filiales, sont abrogés, les rapports des parties étant iniquement régis à partir de ce jour par le contrat de gérance mandataire non salarié susvisé et le présent avenant ».

24- Et en son article 5-A :« (...) Une copie du contrat de mandat sera délivrée ...à la personne se portant caution des obligations souscrites par le ou les titulaires du contrat de gérance mandataire non salarié de façon à lui permettre de mesurer l'étendue et la portée de ses obligations ».

25- Il résulte de la rédaction de ces actes que M. [P] a entendu en 2005 s'engager à rembourser les sommes dues par M.et Mme [P] et non par un seul d'entre eux, les termes d'un engagement de caution devant s'interpréter strictement et que le contrat conclu le 7 avril 2011 a mis fin à la précédente convention conclue le 21 juin 2005 par les époux [P].

26- La société Casino n'allègue d'aucun nouvel acte d'engagement de M. [H] [P] au titre des dettes de M. [P] [Z] seul, ni même conformément aux dispositions sus-visées de la convention du 7 avril 2011, lui avoir délivré une copie de ce contrat.

27- Il ne peut dès lors être considéré par application des dispositions de l'article 2292 du code civil que l'engagement de caution pris le 6 juin 2005 par M. [H] [P] peut être étendu au nouveau contrat de gérance pris par M. [Z] [P] le 7 avril 2011 de sorte que le jugement déféré sera également confirmé en ce qu'il a débouté la société Distribution Casino France de ses demandes.

28- Partie perdante, la société Distribution Casino France sera condamnée aux dépens d'appel par application de l'article 696 du code de procédure civile dont distraction au profit du conseil de M. [P], Maître Bobo, avocat, par application de l'article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la société Distribution Casino France aux dépens d'appel par application de l'article 696 du code de procédure civile dont distraction au profit de Maître Bobo avocat.

Condamne la société Distribution Casino France à payer à M.[H] [P] la somme de 2500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.